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19/03/2024 | FRANCE | N°20/04852

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 20/04852


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 02
N° RG 20/04852 - N° Portalis DBZS-W-B7E-UWBW


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDERESSES :

S.C.P. d’architecture HACCART & WADOUX, prise en la personne de ses gérants
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, en sa qualité d’assureur de la SCP HACCART et WADOUX
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES :>
Société MAAF ASSURANCES, en sa qualité d’assureur de la société CG ELEC (titulaire du lot électricité, aujourd’hui liquidée judiciairem...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 20/04852 - N° Portalis DBZS-W-B7E-UWBW

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSES :

S.C.P. d’architecture HACCART & WADOUX, prise en la personne de ses gérants
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS, en sa qualité d’assureur de la SCP HACCART et WADOUX
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Julien NEVEUX, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES :

Société MAAF ASSURANCES, en sa qualité d’assureur de la société CG ELEC (titulaire du lot électricité, aujourd’hui liquidée judiciairement)
Chaban
[Localité 8]
représentée par Me Marie-christine DUTAT, avocat au barreau de LILLE

Compagnie ALLIANZ, en sa qualité d’assureur de la société MALYSSE (en cours de liquidation judiciaire)
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Me Charles-antoine PAGE, avocat au barreau de LILLE

Société SOCOTEC
Les Quadrants [Localité 11], [Adresse 4]
[Localité 11]
représentée par Me François-xavier LAGARDE, avocat au barreau de LILLE

S.A. AXA FRANCE IARD, en sa qualité d’assureur de la société SOCOTEC
[Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Me François-xavier LAGARDE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Anne-Sophie SIEVERS, Juge, statuant en qualité de Juge Unique, en application de l’article R 212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire,

GREFFIER

Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 08 Décembre 2023 ;

A l’audience publique du 23 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024, et signé par Anne-Sophie SIEVERS, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La société Vilogia a fait construire 16 maisons individuelles à usage locatif en confiant la maîtrise d'œuvre à la SCP Haccart & Wadoux, désormais SARL HAWA, assurée auprès de la société Mutuelle des Architectes Français.

La société Socotec, assurée auprès de la société Axa France IARD, était chargée du contrôle technique des opérations.

Les différents lots ont été attribués à plusieurs sociétés : la société CG Elec, désormais radiée et assurée auprès de la société Maaf Assurances, était en charge du lot électricité et VMC tandis que la société Malysse, désormais en cours de liquidation judiciaire et assurée auprès des compagnies Covea Risks et Allianz, était titulaire du lot menuiseries extérieures.

Après réception des travaux en date du 10 septembre 2007, la société Vilogia s'est plainte de différents désordres et des déclarations de sinistre ont été effectuées auprès de l'assureur dommages-ouvrage Sagena (désormais SMA SA) qui a dénié sa garantie en se prévalant de l'absence de désordre de nature décennale.

La société Vilogia a alors assigné en référé l'assureur dommages-ouvrage, les constructeurs et leurs assureurs. Par ordonnance du 13 décembre 2011, le juge des référés a confié une expertise judiciaire à M. [S] [V], qui a rendu son rapport le 15 novembre 2013.

La société Vilogia a obtenu par jugement du tribunal de commerce de Lille du 3 septembre 2014, confirmé par la cour d'appel de Douai dans un arrêt du 5 novembre 2015 la condamnation de la compagnie Sagena à lui payer la somme de 78 198 euros TTC avec intérêts au double du taux de l'intérêt au taux légal à compter du 6 juin 2011.

Par actes signifiés le 4 novembre 2016, la SMA venant aux droits de la société Sagena a assigné la SCP Haccart & Wadoux et la MAF devant le tribunal de grande instance de Lille afin d'obtenir leur condamnation à la garantir des sommes versées à la société Vilogia au titre des condamnations prononcées à son encontre par la cour d'appel de Douai dans son arrêt du 15 novembre 2013.

La SCP Haccart & Wadoux et la société MAF ont assigné par actes signifiés les 28 et 29 novembre 2017 la société Maaf Assurances en sa qualité d'assureur de la société CG Elec, la société Allianz en sa qualité d'assureur de la société Malysse et la société Socotec et son assureur Axa France IARD aux fins de garantie de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge au profit de la SMA. L'instance a été enrôlée sous le numéro RG 18/1354.

Par jugement du 8 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Lille a débouté la SMA de ses demandes à l'encontre de la SCP Haccart & Wadoux et la société MAF.

La SMA ayant interjeté appel de cette décision, un sursis à statuer a été ordonné dans l'instance RG 18/1354 dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Douai.

Celle-ci, par arrêt du 4 juin 2020, a infirmé le jugement du 8 janvier 2019 et a condamné la société HAWA et la MAF à payer à la société SMA la somme de 73 082,24 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2016, outre 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et la charge des entiers dépens.

L'instance RG 18/1354 a alors été réinscrite le 30 juillet 2020 sous le numéro RG 20/4852.

Le juge de la mise en état a invité les parties comparantes à justifier de la signification de leurs écritures par message du 22 septembre 2023 et a réitéré cette invitation à l'encontre de la société Maaf Assurances par message du 13 octobre 2023.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 30 mars 2023 par RPVA et signifiées le 6 octobre 2023 à la société Allianz, la société HAWA et la MAF demandent au tribunal de :
-condamner la compagnie Maaf, la compagnie Allianz, la société Socotec et la compagnie Axa in solidum à garantir la SARL HAWA d’une part et la MAF d’autre part, des condamnations mises à leur charge au profit de la compagnie SMA SA par décision de la cour d’appel de Douai du 4 juin 2020, et ce à titre principal au titre de son action subrogatoire et à titre subsidiaire au visa de l’article 1382 ancien du code civil devenu 1240 nouveau du même code (action récursoire), soit la somme de 73 082,24 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 16, outre 4000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi que les dépens ;
-plus subsidiairement, s’il devait être estimé que les concluantes doivent diviser leur recours, déterminer les proportions de responsabilité selon le partage suivant : 70 % pour la Maaf, 20% pour Allianz, et 10 % pour Socotec et Axa ;
-plus subsidiairement encore si le tribunal de céans devait estimer qu’une part de responsabilité devait rester à la charge de l’architecte, dire et juger que cette part de responsabilité ne pourrait être que minime et résiduelle et fixée à 5% ;
-condamner in solidum la Maaf, la compagnie Allianz, la société Socotec et la compagnie Axa à verser à la SARL HAWA et à son assureur la MAF, à chacune, une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner in solidum la Maaf, la compagnie Allianz, la société Socotec et la compagnie Axa aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 23 mai 2023 par RPVA et signifiées le 9 octobre 2023 à la société Allianz IARD, les sociétés Socotec et Axa France IARD demandent au tribunal de :

-débouter la société HAWA et la MAF de l’ensemble de leurs demandes,
-débouter la compagnie Maaf de l’ensemble des demandes qu’elle formule à l’encontre de la société Socotec et la compagnie Axa,
En tant que de besoin,
-condamner in solidum les Compagnies Allianz et Maaf à garantir la société Socotec Constructions et Axa de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
-condamner in solidum la société HAWA et la MAF ou toute autre partie succombante à verser aux sociétés Socotec et Axa la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-les condamner aux entiers frais et dépens de l’instance

Par conclusions récapitulatives notifiées le 31 mars 2023 par RPVA et non signifiées à la partie défaillante malgré un message du juge de la mise en état, la société Maaf Assurances demande au tribunal de :

A titre principal :
-dire et juger que les demandes formulées à l’encontre de la Maaf sont prescrites,
-les rejeter,
-eu égard aux frais irrépétibles que la Maaf aura dû engager pour y défendre, frais qu’il serait inéquitable de lui laisser intégralement supporter, condamner la MAF et la SARL HAWA à leur verser une somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la MAF et la SARL HAWA aux entiers dépens,
A titre subsidiaire :
-condamner les sociétés Allianz, Socotec et Axa à garantir la Maaf de la majeure partie des condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais.

La société Allianz n'a constitué qu'après l'ordonnance de clôture et n'a donc pas notifié de conclusions recevables.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 8 décembre 2023. Après débats à l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire

Bien que la société Allianz ait constitué avocat le 8 janvier 2024, un mois après l'ordonnance de clôture, et que cette constitution tardive ne soit pas une cause de révocation de l'ordonnance de clôture, le tribunal relève qu'elle n'a pu faire valoir de défense. Par conséquent le tribunal ne fera droit aux demandes formées à son encontre par les sociétés HAWA, MAF, Socotec et Axa que dans la mesure où il les estimera régulières, recevables et bien fondées.

Par ailleurs, la société Maaf Assurances n'ayant jamais signifié de conclusions à la société Allianz, le tribunal ne pourra fonder sa décision sur les moyens, explications et documents invoqués ou produits par la société Maaf Assurances s'agissant de ses demandes à l'encontre de la société Allianz.

I. Sur la demande d'irrecevabilité

Les sociétés Maaf Assurances, Socotec et Axa France IARD concluent à la prescription de l'action de la société HAWA et la société MAF, exposant que les recours entre intervenants à l'acte de construire sont soumis à un délai de prescription de droit commun qui commence à courir à la date à laquelle le coobligé a été assigné en référé-expertise, en l'occurrence courant 2011.

En réponse, la société HAWA et la société MAF concluent que le point de départ de ce délai est en réalité au jour de l'assignation au fond, à savoir le 4 novembre 2016.

*

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 19 juin 2008 dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il s'ensuit que le constructeur ou l'assureur coobligé dispose d'un délai de prescription de cinq ans pour engager un recours envers les autres constructeurs et leurs assureurs, à compter de la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce recours. Or l'assignation en référé-expertise vise précisément à vérifier la réalité des désordres allégués et le cas échéant à déterminer leurs causes, leur ampleur et leur imputabilité. Par conséquent, le simple fait de recevoir une assignation en référé-expertise ne permet pas à un constructeur ou un assureur d'en déduire qu'il sera en mesure d'exercer un recours contre les autres intervenants à l'acte de construire. C'est donc l'assignation au fond qui constitue le point de départ du délai quinquennal évoqué.

En l'espèce, la société HAWA et la société MAF n'ont été assignées au fond que le 4 novembre 2016 et ont assigné en garantie les défenderesses par actes signifiés les 28 et 29 novembre 2017, si bien que leur action n'est pas prescrite.

Leur action sera donc déclarée recevable.

II. Sur les demandes principales de la société HAWA et la société MAF

La société HAWA et la société MAF se prévalent à titre principal de l'article 1792 du code civil dans le cadre d'une action subrogatoire et à titre subsidiaire de la responsabilité délictuelle des défenderesses.

Les sociétés Socotec et Axa France IARD soulignent que les demanderesses ne peuvent se prévaloir d’une quelconque subrogation, font valoir qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société Socotec s’agissant des ponts thermiques, cause principale du désordre. A propos du problème de ventilation, elles exposent que la mission du contrôleur technique, contrairement à ce qu’affirme l’expert judiciaire, ne consistait pas à émettre de grief sur le tracé des gaines de ventilation ou le branchement des extracteurs d’air ni à vérifier les erreurs ponctuelles d’exécution, et qu’il n’est pas démontré que les essais de fonctionnement n’auraient pas été réalisés dans des conditions conformes.

Elles font valoir à titre subsidiaire que sur le quantum payé par la société HAWA et la société MAF, 28 840 euros correspondent à des travaux visant à mettre fin aux condensations qui ne sont pas un désordre et ne sont pas imputables au contrôleur technique et 40 216 euros HT correspondent à des erreurs ponctuelles de la société CG Elec et de la société Malysse sur la VMC et d’un défaut de contrôle de la société Hawa, dans le suivi du chantier, l’architecte ayant aussi commis une faute dans la conception et la configuration du principe général de VMC.

La société Maaf considère quant à elle que son assurée CG Elec a toujours respecté les plans d’organisation du logement et qu’il appartenait au contrôleur technique de vérifier le fonctionnement des installations de ventilation et à l’architecte de fournir les plans et études.

*

Comme le font observer les sociétés Socotec et Axa France IARD, le constructeur qui indemnise le maître de l'ouvrage sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil n'est pas subrogé dans les droits de celui-ci. Il s'ensuit que ce recours ne peut s'exercer qu'à proportion des fautes respectives des constructeurs et non contre les constructeurs in solidum.

En l'espèce, la société HAWA, architecte, avait bien la qualité de constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et la société MAF n'intervient qu'en sa qualité d'assureur de la société HAWA.

Aux termes du rapport d'expertise, des traces fongiques importantes ont été constatées sous les plafonds des étages de 8 des 11 maisons individuelles construites.

L’expert judiciaire attribue ces désordres à deux causes, d'une part la condensation sur les parois, d'autre part la mauvaise évacuation de l'air.

S'agissant de la condensation sur les parois, elle est liée à un pont thermique linéique au deuxième étage (étage des chambres, placards et salles de bain) au droit de l'acrotère de la toiture-terrasse, qui n'est pas isolé. L'expert judiciaire considère sur ce point qu'aucune faute n'est imputable aux concepteurs et réalisateurs du projet, soulignant que la configuration réalisée est conforme aux réglementations techniques et au DTU en vigueur à l'époque et qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de prévoir un budget supérieur s'il souhaitait une meilleure performance thermique.

A propos des défauts de la ventilation, le rapport d'expertise a constaté que les gaines sont très nettement obstruées et que l'intérieur des bouches est encrassé. L’expert relève que certaines bouches d'évacuation sont mal positionnées, comme dans la salle de bain, en nombre parfois insuffisant comme dans le séjour, parfois dotées d'un débit insuffisant ou mêmes non fonctionnelles comme dans les WC. Il ajoute que les extracteurs sont parfois trop éloignés des bouches, comme dans la salle de bain, peuvent servir à plusieurs bouches en violation de l'avis technique et que les gaines ont un tracé contraint, en conduit flexible, alors qu'il est préconisé un tracé fluide avec des gaines en acier galvanisé.

La réalité de la condensation et des problèmes de ventilation n’est pas contestée, pas plus que leur rôle dans l’apparition des taches de moisissure.

Les parties ne fournissent aucun document contractuel permettant de vérifier l’objet exact de leur mission. Cependant, à l’exception de la société Socotec, elles ne remettent pas en cause la répartition des missions.

Il est donc acquis que la société HAWA, qui avait une mission de maîtrise d’œuvre complète, avait pourtant laissé le nombre, le débit et la position des bouches d’aération hygroréglables « à définir par le lot ». Il est également établi que c’était à la société CG-Elec, en charge du lot n°11 « électricité VMC » de faire la note de calcul pour définir tous les éléments du système de VMC, tandis que la société Malysse, en charge du lot menuiserie extérieures, avait la mission de fournir et poser, dans les ouvrages des menuiseries ou les coffres de volets roulants, les bouches hygroréglables selon les indications de la société CG-Elec.

Par ailleurs, la société Socotec reconnaît qu’elle était notamment tenue à une mission relative à la solidité des ouvrages et éléments d’équipement indissociables, qui impliquent la VMC. A ce titre et selon le cahier 71 qu’elle produit elle-même pour définir sa mission, elle devait au stade de la conception procéder à l’examen des dispositions techniques des devis descriptifs, plans et autres documents se rapportant aux ouvrages soumis à son contrôle, puis donner un avis sur les documents techniques fournis par l’entreprise qui ont permis à celle-ci de dimensionner les installations et d’établir les plans d’exécution. Au stade du chantier, elle devait aussi examiner lors de ses visites les ouvrages et équipements concernés par la mission et donner son avis au maître de l’ouvrage.

Il en résulte que la société CG Elec a commis une faute en ne faisant pas viser d’études sur les VMC, en réalisant des gaines inadaptées, en plaçant des VMC en nombre insuffisant et à des emplacements inadéquats, ou avec un débit insuffisant. La part d’imputabilité apparaît ainsi prépondérante.

L’architecte, tenu à une mission de maîtrise d’œuvre complète et donc de visites hebdomadaires, a quant à lui commis une faute en n’exigeant pas de viser les propositions de la société CG-Elec au sujet de la VMC et en n’observant pas à tout le moins le mauvais emplacement et le nombre insuffisant des VMC, visible même lors de simples visites. Sa responsabilité à ce titre sera évaluée à 15% du dommage.

La société Socotec a également été fautive compte tenu de l’absence de vérification des propositions de la société CG-Elec et de l’absence de remarques sur le mauvais emplacement et le nombre insuffisant des VMC dont elle pouvait également se rendre compte à l’occasion de simples visites. Sa responsabilité sera également évaluée à 10% du dommage.

La société Malysse a commis un manquement aux bonnes pratiques en posant des bouches d’aération sans réclamer le plan que la société CG-Elec aurait dû lui fournir après approbation du contrôleur technique et visa de l’architecte.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que la société CG Elec est responsable à 70 % des traces d’humidité, la société HAWA à hauteur de 15%, la société Socotec à hauteur de 10% et la société Malysse à hauteur de 5%.

Bien qu’aucune de ces sociétés ne soit responsable de la condensation observée, les parties ne démontrent pas avoir critiqué le quantum des travaux au stade de l’expertise judiciaire, et l’expert judiciaire a jugé nécessaire de procéder à une nouvelle isolation de la toiture pour mettre fin aux traces de moisissure.

Par conséquent, la société Maaf, qui ne dénie pas sa garantie à la société CG Elec, sera condamnée à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 51 157,57 euros correspondant à 70 % de la somme de 73 082,24 euros. La société Socotec et son assureur Axa France IARD seront condamnés in solidum à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 7 308,22 euros et la société Allianz, assureur de la société Malysse, à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 3 654,11 euros.

S’agissant d’une indemnité, les intérêts commenceront à courir à compter de la présente décision conformément à l’article 1231-7 du code civil.

II. Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société Maaf Assurances, qui succombe principalement à l’audience, sera condamnée aux entiers dépens.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il n’apparaît pas inéquitable, au regard de la qualité des parties et du fait que chacune est co-responsable ou l’assureur du co-responsable du dommage, de rejeter les demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à disposition au greffe et en premier ressort :

DECLARE RECEVABLE la demande de la société HAWA et la société MAF,

CONDAMNE la société Maaf Assurances en sa qualité d’assureur de la société CG Elec à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 51 157,57 euros,

CONDAMNE in solidum la société Socotec et la société Axa France IARD à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 7 308,22 euros,

CONDAMNE la société Allianz en sa qualité d’assureur de la société Malysse à payer à la société HAWA et la société MAF la somme de 3 654,11 euros,

DIT que les intérêts au taux légal courront à compter de la présente décision,

CONDAMNE la société Maaf Assurances aux dépens,

REJETTE les demandes au titre des frais irrépétibles.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
Dominique BALAVOINEAnne-Sophie SIEVERS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 20/04852
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;20.04852 ?
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