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19/03/2024 | FRANCE | N°18/04837

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 02, 19 mars 2024, 18/04837


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 18/04837 - N° Portalis DBZS-W-B7C-SWMK


JUGEMENT DU 19 MARS 2024



DEMANDERESSES:

S.C.I. [Adresse 16], prise en la personne de son gérant
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

S.C.I. VIEUX [Localité 17], prise en la personne de son gérant
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSES:

S.C.I. SCI [Adresse 9]-[Adresse 10]
[Adress

e 13]
[Localité 5]
représentée par Me Dimitri DEREGNAUCOURT, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. MANUFOR FONDATIONS
[Adresse 4]
[Localité 7...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 02
N° RG 18/04837 - N° Portalis DBZS-W-B7C-SWMK

JUGEMENT DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSES:

S.C.I. [Adresse 16], prise en la personne de son gérant
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

S.C.I. VIEUX [Localité 17], prise en la personne de son gérant
[Adresse 12]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier BERNE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSES:

S.C.I. SCI [Adresse 9]-[Adresse 10]
[Adresse 13]
[Localité 5]
représentée par Me Dimitri DEREGNAUCOURT, avocat au barreau de LILLE

S.A.R.L. MANUFOR FONDATIONS
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Jean-philippe DEVEYER, avocat au barreau de LILLE, Me François VANDAMME, avocat au barreau de LILLE

Mme [B] [F]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE

S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 14]
représentée par Me Jean-philippe DEVEYER, avocat au barreau de LILLE

MAF Assurances, prise en la personne de son représentant légal, en sa qualité d’assureur de Mme [B] [F], architecte
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par Me Véronique DUCLOY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Claire MARCHALOT, Vice Présidente
Assesseur: Anne-Sophie SIEVERS, Juge
Assesseur: Maureen DE LA MALENE, Juge
Greffier: Dominique BALAVOINE, Greffier

DÉBATS

Vu l’ordonnance de clôture en date du 12 Janvier 2024.

A l’audience publique du 23 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 19 Mars 2024.

Vu l’article 804 du Code de procédure civile, Anne-Sophie SIEVERS, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 19 Mars 2024 par Claire MARCHALOT, Président, assistée de Dominique BALAVOINE, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

La SCI [Adresse 16] est propriétaire du rez-de-chaussée à usage commercial d'un immeuble situé au [Adresse 16] à [Localité 17].

La SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] est quant à elle devenue propriétaire courant 2012 des immeubles situés [Adresse 9] et [Adresse 11] à [Localité 17].

La SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] a entamé des travaux importants visant à réunir le rez-de-chaussée des immeubles situés aux numéros [Adresse 9] et [Adresse 10] pour créer une surface commerciale unique. Elle a confié la maîtrise d'œuvre à Mme [B] [F] par contrat du 23 juin 2011 et les fondations à la société Manufor Fondations et a fait réaliser le 14 mai 2013 un procès-verbal de constat préalable de l'état des immeubles par Me [A], huissier de justice. La société Covea Risks avait quant à elle la qualité d'assureur dommages-ouvrage.

Une mission d'étude de sol avait été réalisée au préalable par le bureau d'études Sols Etudes et Fondations (SEF), outre l'intervention du bureau d'études [Z] et une mission de contrôle confiée au contrôleur technique Preventec.

La SCI [Adresse 16] s'est plainte de multiples fissures dans son immeuble dans le courant de l'été 2013 et, le 4 septembre 2013, l'architecte a décidé de l'arrêt provisoire du chantier tandis que la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] a procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Covea Risks.

Les travaux ont repris en novembre 2013.

Par acte authentique du 22 janvier 2014, la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] a vendu la SCI Vieux [Localité 17], qui était déjà propriétaire des étages de l'immeuble situé au [Adresse 16], les étages situés aux [Adresse 9] et [Adresse 10] de la rue.

Le 12 mai 2014, Mme [F] a constaté une aggravation des dommages dans l’immeuble situé au [Adresse 16] à [Localité 17].

Par actes délivrés les 13 et 14 avril 2015, la SCI L’[Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] ont assigné la SIC [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Manufor Fondations et son assureur Axa France IARD, Mme [B] [F] et d’autres intervenants au chantier en référé.

Par ordonnance du 2 juin 2015, le juge des référés a confié une expertise judiciaire à M. [V] [T]. Les opérations d’expertise ont été étendue par ordonnance du 12 juin 2015 aux assureurs de divers intervenants et à des cabinets d’étude. M. [T] a déposé son rapport d’expertise définitif le 29 juin 2017.

Par actes signifiés le 20 juin 2018, la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] ont assigné la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Manufor Fondations, Mme [F], la société Axa France IARD et la MAF.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 17 novembre 2023 par RPVA, les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] demandent au tribunal, au visa des articles 651, 1382 et 1384 et suivants du code civil dans leur version applicable au litige, de :

-déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] formulées à l’encontre de la SCI Vieux [Localité 17], sur le fondement de l’article 70 du code de procédure civile,
-débouter la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Manufor Fondations, Mme [B] [F], la société Axa France IARD et la Mutuelle des Architectes Français de leurs demandes formulées à l’encontre de la SCI Vieux [Localité 17] et de la SCI [Adresse 16]
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F], la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16] les sommes suivantes :
- 6.609 euros au titre des frais de sécurisation et étaiement provisoires selon le détail suivant :
- 2.933 euros Facture Manufor : étaiement façade arrière bâtiment avant (côté rue)
- 2.180 euros Facture Decool : sécurisation façade arrière bâtiment avant (côté rue)
- 924 euros Facture Czapkowski : étaiement en cave
- 572 euros Sondage profondeur fondations : Czapkowski

-10.269 euros au titre des études préalables
-29.400 euros au titre des travaux d’injection de résine expansive dans le sous-sol (Uretek)
-17.699,52 euros au titre des frais d’installation de chantier (Coddeville)
-16.518,13 euros au titre des travaux de reprise du gros œuvre en cave (Coddeville)
-27.101,70 euros au titre des travaux de chaînage de façades (Coddeville)
- 24.240 euros au titre des travaux de réparation des façades (ETS Rodriguez)
-6.396,72 euros au titre du remplacement de 4 menuiseries endommagées ( Czapkowski : 1 881,31 euros + 4 515,41 euros)
- 21.102,00 euros au titre des frais de prestations annexes selon le détail suivant :
- 6.960 euros Bureau d’étude Structure (Flandre Etudes)
- 4.800 euros Architecte Maître d’œuvre ([J] [P])
- 7.560 euros Contrôle technique (Socotec)
-1.782 euros Coordinateur CSPS (Cobat)

-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16] la somme de 33.3333 euros (sic) au titre du trouble de jouissance (perte de 4 mois loyers du rez-de-chaussée commercial)
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI Vieux [Localité 17] la somme de 103.195 euros au titre du trouble de jouissance (perte de loyers des appartements n° 1, 3, 5 et 6)
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16] les sommes suivantes :
-18 886,99 euros au titre des honoraires de l’expert judiciaire, M. [S] [R],
-3 516,36 euros au titre des honoraires d’avocat exposés pour le suivi de la procédure d’expertise préventive,
-1 138,84 euros au titre des frais d’huissier lié à la significations et d’ordonnances dans le cadre de la procédure de référé expertise préventive.
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16], sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes
-22 569 euros au titre des honoraires d’avocats exposés,
-1 500 euros au titre des honoraires de l’expert M. [O],
-987,46 euros au titre des honoraires de Maître [D] qui a dressé les trois procès-verbaux de constat du 22/08/2013, du 03/09/2013 et du 12/03/2015,
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI Vieux [Localité 17], sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, les sommes suivantes :
-180 euros au titre des honoraires de Me [D] qui a dressé un procès-verbal de constat le 03/09/2013.
-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16] les entiers frais et dépens de l’instance de référés qui a donné lieu à l’ordonnance du 10 juillet 2015

-condamner in solidum la société Manufor Fondations, Mme [B] [F] et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Axa IARD et la MAF à payer à la SCI [Adresse 16] les entiers frais et dépens de l’instance au fond, en ce compris les frais d’expertise judiciaire de M. [T].
-rappeler qu’en application de l’article 514 du code de procédure la décision est assortie de l’exécution provisoire.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 23 mai 2019 par RPVA, la société Manufor Fondations demande au tribunal de :

-juger recevables et bien fondées les demandes de Manufor Fondations, et en conséquence :
A titre principal :
-juger que les demandes de SCI L’[Adresse 16] et SCI Vieux [Localité 17] sont mal fondées et irrecevables, et en conséquence ;
-les débouter de l’ensemble de leurs demandes ;
-juger que Manufor Fondations n’est pas responsable des désordres au [Adresse 16]
A titre subsidiaire, :
- si par impossible, le tribunal devait retenir une part de responsabilité de Manufor Fondations dans les désordres survenus au [Adresse 16], ramener les prétentions de SCI L’[Adresse 16] et SCI Vieux [Localité 17] à de plus justes proportions, à savoir les chiffrage et parts de responsabilité retenus dans le rapport d’expertise judiciaire [T], soit 50 % de la somme de 73 200 euros ;
-juger que SCI [Adresse 9]/[Adresse 10], Mme [B] [F], et la MAF en qualité d’assureur de Mme [B] [F] seront tenus in solidum de garantir et relever indemne Manufor Fondations de toute condamnation en principal, intérêts et frais, le tout assorti de l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution ;
En tout état de cause :
-juger n’y avoir lieu à aucune indemnisation au profit de la SCI Vieux [Localité 17], faute pour celle-ci de rapporter la preuve d’un préjudice qui lui serait propre et qui serait en lien de cause à effet avec l’opération de construction voisine ;
-rejeter les plus amples prétentions de la SCI L’[Adresse 16] et SCI Vieux [Localité 17] outre l’ensemble des demandes des autres défendeurs ;
-juger n’y avoir lieu à condamnation in solidum entre Manufor Fondations et les autres défendeurs en la cause.
-condamner solidairement les sociétés demanderesses et les autres défendeurs à verser à Manufor Fondations la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamner solidairement les sociétés demanderesses et les autres défendeurs aux entiers frais et dépens de l’instance, en ceux compris les frais de référé expertise judiciaire, avec distraction au profit de Me François Vandamme, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 4 septembre 2023 par RPVA, Mme [F] et la MAF demandent au tribunal de :

- juger la SCI L’[Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] purement et simplement irrecevables en tout cas mal fondées en leur action en responsabilité quasi délictuelle à l’encontre de Mme [B] [F].
-les en débouter.
-mettre purement et simplement hors de cause Mme [B] [F].
En tout état de cause,
-ramener les prétentions de la SCI L’[Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] à de notables proportions.
A ce titre, entériner purement et simplement le rapport d’expertise judiciaire s’agissant du quantum des préjudices qui pourrait être alloué à la SCI L’[Adresse 16].
-rejeter les plus amples prétentions de la SCI L’[Adresse 16].
-juger n’y avoir lieu à aucune indemnisation au profit de la SCI Vieux [Localité 17], faute pour celle-ci de rapporter la preuve d’un préjudice qui lui serait propre et qui serait en lien de cause à effet avec l’opération de construction voisine.
De la même manière,
-juger n’y avoir lieu à condamnation in solidum entre Mme [B] [F] et les autres défendeurs en la cause.
Et pour le cas où par extraordinaire une quelconque condamnation, même résiduelle, était néanmoins mise à la charge de Mme [B] [F],
-juger que la société Manufor Fondations et son assureur, Axa France IARD, seront tenus in solidum de garantir et relever indemne Mme [B] [F] et/ou la Mutuelle des Architectes Français de toute condamnation en principal, intérêts et frais, le tout assorti de l’exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution.
En tout état de cause,
-juger que les conditions et limites du contrat d'assurance souscrit par Mme [B] [F] auprès de la Mutuelle des Architectes Français sont opposables à l'ensemble des parties et notamment la franchise prévue à ce contrat.
Reconventionnellement,
-condamner tout succombant au paiement au profit de Mme [B] [F] d’une part et la Mutuelle des Architectes Français d’autre part, d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les frais et dépens, de référé, d’expertise et d’instance, avec distraction au profit de Me Véronique Ducloy, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 3 mai 2022 par RPVA, la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] demande au tribunal de :

A titre principal :
-juger qu’aucune faute n’a été commise par la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10],
-juger que la SCI L’[Adresse 16] est responsable à 50 % des dommages subis,
-condamner la société Manufor Fondations, la société Axa IARD en qualité d’assureur de la société Manufor, Mme [B] [F], et la MAF en qualité d’assureur de Mme [B] [F] à garantir de manière pleine et entière la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] de l’ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son égard à titre principal, accessoire, intérêts et frais ;
-débouter la société Manufor de sa demande de garantie formulée à l’encontre la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] ;
en tout état de cause :
-juger que les dommages et intérêts demandés sont excessifs et les ramener à de plus juste proportion, à savoir au chiffrage réalisé par M. [T], expert judiciaire,
-condamner solidairement la société Manufor Fondations, la société Axa IARD en qualité d’assureur de la société Manufor, Mme [B] [F], et la MAF en qualité d’assureur de Mme [B] [F] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la société Manufor Fondations, la société Axa IARD en qualité d’assureur de la société Manufor, Mme [B] [F], et la MAF en qualité d’assureur de Mme [B] [F] aux entiers frais et dépens,

Par conclusions récapitulatives notifiées le 6 janvier 2022 par RPVA, la société Axa France IARD demande au tribunal de :

-débouter la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17], ou toutes autres parties, de l’intégralité de leurs demandes formulées à l’encontre de la compagnie Axa France IARD ;
-condamner in solidum la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] à payer à la compagnie Axa France IARD une somme de 5000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-les condamner in solidum aux entiers dépens.


Subsidiairement,
-homologuer le rapport d’expertise judiciaire en ce qu’il a retenu une part de responsabilité à hauteur de 50 % à l’encontre la SCI [Adresse 16] et de la SCI Vieux [Localité 17] ;
-juger en conséquence que la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] conserveront à leur charge une part de 50 % de toutes sommes dont il est sollicité le règlement et qui pourraient être retenues par le tribunal.

En tout état de cause,
-ramener à de plus justes proportions les demandes formulées par la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] ;
-débouter la SCI [Adresse 16] et la SCI Vieux [Localité 17] de l’ensemble de leurs demandes formulées au titre des pertes de loyer, préjudices de jouissance ou frais annexes.
-condamner in solidum Mme [B] [F] et son assureur, la compagnie Mutuelle des Architectes Français (MAF), à garantir la compagnie Axa France IARD de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, frais et intérêts

Subsidiairement sur ce point,
-condamner Mme [B] [F] et son assureur, la compagnie Mutuelle des Architectes Français (MAF), à garantir la compagnie Axa France IARD pour une proportion qui ne saurait être inférieure à 60 % de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, frais et intérêts.

Par ailleurs,
-déduire des sommes pour lesquelles la compagnie Axa France IARD pourrait être tenue la somme de 1 506,59 euros, montant de la franchise contractuelle revalorisée fixée par la police souscrite par la société Manufor Fondations ;
-juger que cette franchise sera supportée par la société Manufor Fondations.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour un exposé complet des moyens.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 12 janvier 2024. Après débats à l’audience du 23 janvier 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, le tribunal observe que si Mme [F] et son assureur réclament que les demanderesses soient déclarées « purement et simplement irrecevables en tout cas mal fondées », aucune fin de non-recevoir n’est développée dans leurs écritures, alors même que conformément à l’article 753 du code de procédure civile dans sa version applicable aux instances introduites avant le 1er janvier 2020, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont évoqués dans la discussion.

En l’absence de toute fin de non-recevoir développée dans la discussion des conclusions, la demande des SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] sera déclarée recevable.

I. Sur les demandes principales des SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17]

A. Sur les responsabilités encourues

Les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] concluent à la responsabilité délictuelle de la société Manufor Fondations et de Mme [F] et de la théorie des troubles anormaux du voisinage à l'encontre de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10]. Elles se prévalent du rapport d'expertise pour affirmer que les dommages sont bien imputables aux travaux effectués par la société Manufor.

1. Sur la responsabilité de la société Manufor

Les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] estiment notamment que la société Manufor a commis une faute contractuelle qui engage sa responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers en employant des techniques inadaptées et en ne respectant pas les techniques prévues par le BET [Z] et le CCTP. Elle fait valoir l'imputabilité certaine des désordres aux travaux de la société Manufor compte tenu de la concomitance des désordres.

La société Manufor et son assureur Axa ne contestent pas véritablement une faute de l'entrepreneur mais contestent l'imputabilité des désordres aux travaux de la société Manufor, faisant état des travaux de destruction de la société Decool en juillet 2013 et du mauvais état antérieur de l'immeuble situé au [Adresse 16] caractéristique selon elles d'un mauvais entretien fautif des demanderesses.

*

Aux termes de l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au litige, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'inexécution contractuelle permet d'engager la responsabilité délictuelle de son auteur à l'égard d'un tiers si cette inexécution lui a causé un dommage.

a) Sur la faute de la société Manufor

La SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], Mme [F] et la société Manufor Fondations ont signé le 16 juillet 2013 un ordre de travaux aux termes duquel cette dernière était tenue d'effectuer à compter du jour même des travaux de reprise structurelle par micro-pieux et de renfort structurel jusqu’au 27 septembre 2013 inclus. Elles ont également signé un avenant n°1 au marché de travaux visant à réajuster le montant du marché de travaux pour tenir compte des adaptations liées au résultats de l'étude de sol complémentaire avec augmentation du nombre de micro pieux et de la profondeur d'implantation. En annexe du marché de travaux figurait un descriptif de la technique préconisée par [W] [Z], avec notamment des schémas explicatifs. La société Manufor ne conteste pas qu'en sa qualité de professionnel du bâtiment, elle avait l'obligation contractuelle d'accomplir des travaux dans les règles de l'art et adaptés aux contraintes du sol.

En l'espèce, le bureau d'études géotechniques SEF avait réalisé une étude géotechnique d'avant-projet de confortement qui soulignait que les fonds de cave de l'immeuble [Adresse 9]-[Adresse 10] étaient composés de remblais peu compacts, de nature et d'épaisseur très variables, et de dépôts d'origine alluvionnaires très médiocrement compacts. Compte tenu de ce sol très peu stable, des précautions particulières s'imposaient.

C'est pourquoi le dossier de consultation des entreprises (DCE) reprenant le descriptif du BET structures [W] [Z] prévoyait une longrine filante avec talonnettes de reprise sous les fondations du mur. De même, le cahier de charges des travaux publics indiquait qu'il convenait d'effectuer manuellement les fouilles en rigoles ou en trous, et de purger les points durs accidentels rencontrés avec comblement des excavations en sablon et renvoyait aux plans de fondations et études du BET de la société Manufor. Le DCE contenait les plans et dessins définissant l'ouvrage structurel établi par ce BET structures.

Or il ressort du dossier des ouvrages exécutés (DOE) que la société Manufor Constructions a employé une méthode différente, consistant à réaliser avec un marteau piqueur des empochements filants dans le mur mitoyen.

Par conséquent, en ne respectant pas les mesures recommandées par le DCE, la société Manufor a réalisé des travaux en violation des règles de l'art et a donc commis une inexécution contractuelle.

b) Sur le lien de causalité et le dommage allégué

Le rapport d'expertise judiciaire conclut après avoir interrogé les bureaux d'études sols et structures, Mme [F] et le bureau de contrôle que les travaux de reprise en sous-œuvre en limite de mitoyenneté ont entraîné des vibrations assez importantes du fait de l'utilisation de marteaux-piqueurs lors de la phase de démolition par la société Decool et lors de la réalisation des micro-pieux par la société Manufor Fondations.

-Sur le rôle des désordres antérieurs aux travaux

Il n'est pas contesté que l'immeuble de la SCI [Adresse 16] était affecté avant les travaux de fissures et signes de tassement, mais il convient de vérifier dans quelle mesure ces désordres étaient stabilisés comme l'affirme la SCI [Adresse 16].

Courant 2000, la SCI [Adresse 16] a fait réaliser des travaux d'aménagement consistant notamment à remplacer une verrière à deux pans par une verrière à quatre pans.

En 2009, M. [X] [E], expert judiciaire avait été désigné en référé dans une autre instance opposant la SCI propriétaire du [Adresse 18] à la SCI [Adresse 16], afin d'examiner l'état des immeubles avant le début des travaux envisagés au n°72.

M. [X] [E] avait conclu au bon état général de l'immeuble mais avait notamment relevé :

-sous verrière :
-sur le mur du fond à gauche, une fissure en escalier sous appui de la structure métallique de la verrière et une fissure presque parallèle démarrant sous une ancienne sablière ;
-sur le mur du fond à droite : une fissure sous appui de la structure métallique filante ;
-sur le mur de droite au-dessus d'une passerelle entre l'immeuble en front de rue et l'immeuble de fond de parcelle : une fissure néo-verticale depuis l'angle du redent jusqu'à mi-hauteur du mur.

-à tous les niveaux :
-une tendance des clefs de voûte à descendre,
-des fissures en façade sur la [Adresse 19], tant à droite qu'à gauche des cueillies verticales,

-dans la cave : des fissures de plusieurs centimètres sur les échiffres au pied d'escaliers, illustrant selon M. [E] un tassement sans datation possible mais non récent des infrastructures.

-au troisième niveau : une fissuration biaise à droite dans l'appareil maçonné avec un très léger déversement de la façade vers la rue et un mouvement de traction sur la pièce d'ancrage.

M. [E] en avait conclu une fragilité incontestable des structures et des tassements différentiels importants en raison des mouvements des fondations dans un sol particulièrement médiocre, ce qui n'est pas contesté.

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier établi par Me [H] [A] en date du 14 mai 2013 les éléments suivants :

-contrairement à 2009, aucun désordre à signaler en partie rue et rien de précisé à propos de la cave ;
-rien à signaler sur le mur en briques contigu au n°[Adresse 9] au niveau de la verrière,
-sous verrière, à l'aplomb des pièces de renfort mécaniques et pièces de bois (sur le mur qui correspond d'après la photographie du procès-verbal au « mur au fond à gauche » avec ancienne sablière de 2009), quatre fissures en diagonales et une déformation du mur similaire à un « ventre »,
-sous verrière au niveau du pignon en pierre, de nombreuses petites fissures superficielles,
-de petites fissures en mezzanine,
-une fissure importante à l'étage autour du conduit de cheminée et une fissure de la dalle béton,
-au dernier étage : une fissure en diagonale à droite de la fenêtre, un affaissement vers l'arrière, en partie centrale du plancher ainsi que dans le passage menant à la salle de bain, qui comporte aussi une grosse fissure sur le mur et le lambris ; des difficultés d'ouverture d'une fenêtre et d'une porte.

Compte tenu de la différence des désordres constatés en 2009 et le 14 mai 2013, qui démontrent qu'en quatre ans de nouvelles fissures étaient apparues notamment sur le mur en briques avec sablière et au dernier étage, le tribunal ne peut considérer que l'affaissement généralisé de l'immeuble était stabilisé depuis quinze ans comme l'affirment les demanderesses.

En revanche, rien dans les photographies ne permet de conclure à un défaut d'entretien particulier, notamment au rez-de-chaussée où l'évolution des fissures s'est faite de façon lente.

En outre, ces désordres sont sans commune mesure avec les désordres relevés par le procès-verbal de constat d'huissier de Me [N] [D], huissier de justice, dès le 22 août 2013, à savoir d'importantes fissurations suivant les joints de la pierre sur le mur en pierre sous verrière récemment rénové (et affecté en mai 2013 de fissures superficielles seulement). Le tribunal observe d'ailleurs que dès le 3 septembre 2013, Me [D] a constaté sur le même mur que ces fissures se sont généralisées de manière très importante, que des fissures naissantes le 22 août sont désormais beaucoup plus marquées, que le passage sous l'appui de fenêtre et la fenêtre du premier étage ont fait l'objet d'un étaiement et qu'en partie supérieure gauche de cet étaiement, il manque une pierre d'environ 20 cm, tombée du mur selon la locataire de la SCI [Adresse 16]. Le procès-verbal du 3 septembre 2013 indique aussi que les poutres s'affaissent, ce qui n'avait pas été relevé le 22 août 2013.

Il en résulte, compte tenu de la concomitance des travaux de la société Manufor Fondations, qui ne se sont arrêtés que le 4 septembre 2013 à la demande de l'architecte, qu'en raison de l'état des sols et comme l'ensemble des maisons du quartier, l'immeuble situé au [Adresse 16] connaissait un affaissement d'évolution relativement lente, et que cet état antérieur a été très brutalement aggravé par les travaux entrepris au n°[Adresse 9]-[Adresse 10]. Par conséquent, le tribunal ne peut retenir une quelconque faute de la SCI [Adresse 16] en lien avec l'aggravation brutale de l'affaissement.

-Sur le rôle allégué de la société Decool :

La société Manufor expose au visa du rapport d'expertise que la société Decool, chargée de la déconstruction d'une partie des installations intérieures, a aussi utilisé un marteau-piqueur avant elle, et que le 5 juillet 2013, lors de l'intervention de la société Decool, le compte-rendu de Preventec a relevé une fissuration importante en mur mitoyen, avant même le début des travaux de Manufor.

Cependant les comptes-rendus de visite de la société Preventec produits par la société Manufor Fondations ne permettent pas d'en déduire que la société Decool serait intervenue courant juillet 2013, et ne sont d'ailleurs pas diffusés à cette société.

Il ressort au contraire des procès-verbaux de suivi de chantier que la société Decool ne serait intervenue qu'à compter de février 2014, soit après l'apparition des désordres.

Par conséquent, le tribunal ne peut lui attribuer une quelconque responsabilité.

-Sur les autres éléments avancés par la société Axa France IARD :

C'est sans en justifier que l'assureur de la société Manufor Fondations affirme que les travaux de percement de la façade et de remplacement de la verrière ont fragilisé le mur de façade et les murs en retour ou que le plancher de l'étage aurait été particulièrement surchargé par le stockage de marchandise.

Le tribunal observe à cet égard que le remplacement d'une verrière à deux pans par une autre à quatre pans apparaît davantage de nature à mieux répartir la charge de la verrière sur l'ensemble des murs de la cour intérieure. Si l'expert judiciaire évoque la nécessaire réfection de la maçonnerie des caves en raison d'un mauvais entretien récurrent, il n'affirme pas que le mauvais état initial des caves serait un facteur déterminant de la brusque aggravation des fissures concomitante aux travaux de la société Manufor et n'inclut d'ailleurs pas ces travaux dans les postes de préjudice.

Le fait que les désordres aient encore évolué sur la façade arrière du [Adresse 16] alors que les travaux de la société Manufor étaient interrompus depuis plusieurs mois n'est pas non plus de nature à exclure la responsabilité de la société Manufor, l'expert judiciaire ayant conclu que ces travaux ont entraîné une modification des tassements anciens et ouvert des fissures aux endroits les plus sollicités.

Ce n'est d'ailleurs que tardivement que la société Manufor Fondation a fait valoir un éventuel rôle de la société Decool, après avoir reconnu sa propre responsabilité au stade de l'expertise extra-juridique contradictoire Sofrex du 21 janvier 2014, expert de la MAF (« l'entreprise Manufor a admis sa faute pleine et entière dans la survenance de ce sinistre. A la vue de ces dires, le cabinet Duthoit Cerutti a précisé qu'il ne rechercherait pas la responsabilité de votre assuré [F] »), de l'expertise extra-juridique contradictoire Duthoit Cerutti, expert de Covea Risks, en date du 13 janvier 2015 (« Dans cette affaire, la responsabilité des Etablissements Manufor est seule à retenir. En effet, c'est lors de la réalisation des travaux préparatoires à la réalisation des micro pieux que les désordres affectant les existants situés au [Adresse 9]/[Adresse 10] (ainsi que ceux affectant les avoisinants) sont apparus. Malgré plusieurs avertissements, les travaux se sont poursuivis et ce, sans prendre les précautions nécessaires. Il a été formellement établi que bon nombre de percements des voûtes en briques existantes l'ont été au marteau piqueur et non par carottage comme cela aurait dû l'être. Les importantes vibrations ont fragilisé l'ensemble des superstructures »).

Au regard de la concomitance entre les travaux de Manufor Fondations et l'aggravation brusque des fissures et affaissements, l'imputabilité de ces désordres aux travaux de la société Manufor réalisés en violation des règles de l'art apparaît établie.

Par conséquent, la société Manufor Fondations, assurée auprès de la société Axa France IARD, sera déclarée responsable des désordres survenus à compter d'août 2013 dans l'immeuble situé au [Adresse 16].

2. Sur la responsabilité de Mme [F], architecte

Les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] estiment que l'architecte a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne prenant pas suffisamment en compte les conséquences potentielles sur les ouvrages voisins, qu'elle a insuffisamment accompli ses missions « études préliminaires » et « projet de conception générale » et qu'elle a insuffisamment vérifié et suivi le chantier.

En réponse, Mme [F] et la MAF estiment au regard de l'effet relatif des contrats que les demanderesses ne sauraient se prévaloir d'une inexécution contractuelle de l'architecte à un contrat auquel elles ne sont pas parties. Elles font valoir que l'architecte n'est pas tenu à une présence constante sur le chantier, mais seulement à des visites hebdomadaires, que c'était au maître de l'ouvrage de commander une mission d'étude de projet G2 ou d'engager une procédure de référé préventif, que les plans d'exécution ont été réalisés par le bureau d'études de la société Manufor Fondations et ont été visés et validés par le bureau de contrôle, qui n'ont pas déconseillé les empochements. En effet ces empochements permettent une reprise complète des structures sans création de points durs ni saignée continue déstabilisant la maçonnerie ancienne et peuvent être réalisés manuellement.

a) Sur le manquement allégué aux obligations de conseil et d'information

Le tribunal rappelle que contrairement à ce qu'affirment Mme [F] et son assureur, la partie qui a commis une inexécution contractuelle engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des tiers si cette inexécution leur a causé un dommage.

En l'espèce, Mme [F] était tenue d'une mission complète de base, impliquant notamment l'établissement des dossiers de consultation des entrepreneurs mais également une obligation de conseil d'un professionnel du bâtiment à l'égard du maître de l'ouvrage.

Comme le font observer les demanderesses, le rapport du bureau d'études géotechniques SEF en date du 20 février 2012 indiquait de façon explicite que « la réalisation de confortements partiels est de nature, par création de points durs, à déplacer les désordres à terme. Ce point est, en particulier, à étudier vis-à-vis des constructions attenantes. En la matière la règle est la reprise de toutes les structures porteuses. […] Ce rapport devra être complété par une mission d'étude de projet (G2) ».

S'il n'est pas contesté que ce n'était pas à l'architecte de commander ou réaliser lui-même ce type d'études, mais au maître de l'ouvrage, Mme [F] ne démontre pas avoir conseillé au maître de l'ouvrage de faire réaliser cette mission d'étude de projet (G2) et de l'avoir averti des risques spécifiques.

Il convient donc de retenir une première inexécution contractuelle de l'architecte.

Par ailleurs, l'architecte ne démontre pas avoir conseillé au maître de l'ouvrage de réaliser une expertise préventive amiable ou judiciaire au lieu de se contenter d'un simple procès-verbal de constat d'huissier, impropre à déterminer les risques spécifiques des immeubles environnants et les méthodes les moins invasives.

b) Sur le manquement allégué s'agissant des missions « études préliminaires » et « projet de conception générale »

Les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] se prévalent à nouveau de l'absence de réalisation de la mission G2 et d'expertise préventive pour conclure à un manquement de Mme [F] dans la réalisation des missions « études préliminaires » et « conception générale du projet ».

Cependant, l'architecte ne pouvait être tenu contractuellement de réaliser en son nom propre ces mesures, qui ne pouvaient être décidées que par le maître de l'ouvrage. Par conséquent, cette inexécution alléguée ne peut être retenue.

c) Sur le manquement allégué à l'obligation de vérification et de suivi de chantier

L'architecte tenu à une mission de maîtrise d’œuvre complète est tenu de vérifier la réalisation des travaux, qui consiste non pas en une présence constante sur le chantier mais en des visites hebdomadaires.

En l'espèce, les travaux ont commencé à compter de mi-juillet 2013 et ont été interrompus à compter du 4 septembre 2013, de sorte que Mme [F] devait nécessairement s'apercevoir que la société Manufor Fondations réalisait les travaux selon une méthode radicalement différente de celle préconisée par le DCE et le CCTP, à savoir en réalisant au moyen d'un marteau piqueur des empochements filants dans la maçonnerie en brique du mur mitoyen pour y incruster les longrines, au lieu de mettre en place des longrines sous le mur après fouille manuelle. Or, alors qu'elle avait connaissance du DCE et du CCTP et des méthodologies préconisées, Mme [F] ne démontre pas avoir fait remarquer à la société Manufor Fondations l’absence de respect de ces méthodologies, ce qui constitue une inexécution contractuelle dans le suivi du chantier. Elle n'a d'ailleurs enjoint la société Manufor Fondations d'arrêter les travaux que le 4 septembre 2013.

Mme [F] affirme que la réalisation d'empochements ne serait pas contre-indiquée et qu'elle ne se trouvait pas sur place lorsque la société Manufor Fondations a employé un marteau-piqueur, seule cause des dommages selon l'architecte.

Cependant cette argumentation n'est pas de nature à écarter cette inexécution contractuelle et revient en réalité à contester le lien de causalité du défaut de surveillance avec le dommage survenu au [Adresse 16].

d) Sur le lien de causalité des inexécutions avec le dommage des SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17]

-Sur le lien de causalité entre le dommage et le manquement au devoir de conseil

Le fait que Mme [F] n'ait pas conseillé à la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] de faire réaliser une mission d'étude de projet G2 ou une expertise préventive est sans lien avec les désordres dès lors que le DCE et le CCTP proposaient des précautions adaptées pour éviter les désordres survenus au [Adresse 16]. C'est donc la décision de la société Manufor Fondations de ne pas respecter ces précautions pourtant clairement énoncées qui est la cause des désordres.

-Sur le lien de causalité entre le défaut de surveillance et le dommage

Comme déjà indiqué, Mme [F] et son assureur affirment que seul l'usage d'un marteau-piqueur, dont l'architecte ne pouvait s'apercevoir lors de visites ponctuelles, est à l'origine des désordres tandis que la mise en place de longrines et d'empochements ponctuels sur l'ensemble des fondations existantes serait au contraire bénéfique et permettrait d'éviter la création de points durs déstabilisant les autres fondations.

Les parties n'ont donné au tribunal aucune information sur la durée d'utilisation du marteau-piqueur, la question de la responsabilité de l'architecte n’ayant jamais été posée avant le dépôt du rapport d'expertise judiciaire. Les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] ne démontrent donc pas que l'architecte aurait pu s'apercevoir de l'usage du marteau-piqueur lors de ses visites hebdomadaires.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société Manufor Fondations n'a pas respecté les préconisations du DCE en réalisant des empochements et l'architecte ne prouve en aucun cas que les empochements ponctuels auraient en réalité été utiles et évité la création de points durs. Sur ce dernier point, le rapport d'expertise Flandres Etudes et le rapport judiciaire de M. [T] concluent au contraire que les confortements en sous-œuvre ont opéré une sorte de « blocage sur la mitoyenneté et entraîné une modification des tassements anciens du [Adresse 16] et ouvert des fissures aux endroits les plus sollicités, ce dont il découle qu'il y a bien eu création de points durs.

Cependant, il n'est pas démontré non plus que le choix même de réaliser des empochements, indépendamment de l'usage du marteau-piqueur, aurait joué un rôle actif dans la réalisation des dommages. Le tribunal observe sur ce point que même M. [O], expert mandaté par les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17], dans sa note non contradictoire et postérieure au rapport d'expertise, rappelle que ces empochements auraient pu être réalisés avec une carotteuse, ce qui aurait permis de diminuer les vibrations et la perte de matière.

Par conséquent, il ne sera pas retenu de lien de causalité entre les fautes de l'architecte et la réalisation des désordres.

3. Sur la responsabilité de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10]

Il se déduit de l'article 651 du code civil que tout propriétaire a l'obligation de ne pas causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Il en découle une responsabilité sans faute, le tribunal appréciant souverainement la mesure propre à faire cesser le trouble anormal de voisinage.

En l'espèce, le tribunal a déjà relevé que ce sont les travaux commandés par la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] qui sont à l'origine de la brusque aggravation des fissures et tassements préexistants au [Adresse 16].

Le tribunal a déjà également écarté les arguments relatifs à l'état antérieur de l'immeuble, considérant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux demanderesses.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la SCI [Adresse 16] a reçu l'interdiction d'accéder à son immeuble le 3 juillet 2014 et qu'elle a dû mettre en place à deux reprises un étayage du rez-de-chaussée de son bâtiment. L'interdiction d'accéder à l'immeuble visant toute personne, la SCI Vieux [Localité 17] a nécessairement été affectée également par ce trouble, qui ne peut qu'excéder les inconvénients normaux du voisinage.

Par conséquent, les demanderesses justifient bien que les conditions du trouble anormal de voisinage sont remplies.

4. Sur les préjudices

a) Sur les demandes de la SCI [Adresse 16] au titre des travaux de réparation des désordres

Conformément au principe de la réparation intégrale, la victime d'un préjudice doit être replacée aussi exactement que possible dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans appauvrissement ni enrichissement. Par conséquent, il n'y a pas à prendre en compte la vétusté de la chose endommagée lors de son remplacement mais le calcul des travaux de réparation ne doit pas aboutir à améliorer cette chose.

Par ailleurs, le tribunal n'est jamais tenu par l'avis de l'expert judiciaire.

Au titre de la réparation des désordres, l'expert judiciaire préconise le « braconnage » des baies avec investigation préalable sur les pierres non adhérentes, le moisage des linteaux et le confortement des étais ainsi qu'une reprise en sous-œuvre selon le devis de la société Uretek.

L'expert judiciaire propose de retenir les travaux de reprise par injection de résine de la société Uretek, une partie du devis de la société Edifi (longrine cave et maçonnerie,traitements des fissures des arcs de la cave, chaînages des murs de la cave et chaînage des façades) et du devis des Etablissements Rodriguez (réparation des façades) correspondant au confortement des fondations et façades arrières, pour un total de 73 200 euros. Il recommande de mettre la moitié à la charge de la SCI [Adresse 16] en raison de l'état supposément dégradé de son immeuble et l'autre moitié à la charge de la société Manufor Fondations et considère que les autres travaux des devis Edifi et Rodriguez relèvent en réalité de la simple réhabilitation du [Adresse 16].

En l'espèce, les SCI [Adresse 16] et Vieux [Localité 17] étaient propriétaires avant les travaux litigieux d'un immeuble en bon état général contrairement à ce qu'affirme l'expert judiciaire mais affecté, en raison de la nature même des sols, de tassements et fissures d'évolution lente.

Il convient donc d'examiner successivement les demandes de la SCI [Adresse 16], étant précisé que les défenderesses se fondent exclusivement sur le rapport d'expertise judiciaire pour contester ses prétentions.

-Sur les frais de sécurisation et d'étaiement provisoire :

Si l'expert a omis de se prononcer sur les frais de sécurisation et d'étaiement provisoires engagés par la SCI [Adresse 16] pour la façade arrière, ces frais réglés et attestés par plusieurs factures des sociétés Manufor, Decool et Czapkowski pour un total de 6 037 euros TTC étaient nécessaires pour éviter une dégradation plus importante de l'immeuble suite aux travaux de la société Manufor.

-Sur les études de sol :

S'agissant des factures d'études de sol, la SCI [Adresse 16], dans son dire n°1 du 12 août 2016 que le 2 juin 2016, l'expert judiciaire l'a autorisée à planifier et démarrer des travaux, et que la SCI [Adresse 15] a ainsi commandé des travaux de sondage du sol. Elle évoque les deux possibilités envisagées pour conforter le sous-sol et stabiliser le bâtiment, à savoir la réalisation de micro-pieux ou l'injection de résine.

L'expert judiciaire ne fait aucune mention de ces études de sol. Cependant, il a indiqué avoir « reçu des dires de plusieurs des parties, qui n'appellent pas de réponse de sa part ». En outre, il retient finalement le devis de reprise en sous-œuvre par micro-pieux de la société Uretek avec injection de résine expansive, jugeant le procédé « adapté et évalué correctement ».

Il convient donc d'indemniser les études de sol qui étaient nécessaires pour comparer les deux solutions et finalement privilégier l'injection de résine expansive. Par conséquent, la somme de 10 841 euros correspondant au total des factures de l'entreprise Czapkovski (sondage de la profondeur des fondations), de la société Fondasol (carottage dans la perspective d'une rénovation par micropieux) et de la société Géoméca (deux carottages pour l'hypothèse de l'injection de résine), sera retenue au titre du préjudice.

-Sur les frais de reprise en sous-œuvre par injection de résine :

Il n'est pas contesté qu'il convient de retenir le coût de reprise en sous-œuvre de la société Uretek par injection de résine. A cet égard, le tribunal corrige l'erreur de l'expert judiciaire qui avait fixé ce coût à 23 000 euros HT au lieu de 24 500 euros HT soit 29 400 TTC.

-Sur les factures de la société Coddeville :

Alors qu'il avait validé la technique de l'injection de résine l'expert judiciaire s'est ensuite appuyé sur le devis de reprise de bâtiment Edifi, qui comportait notamment des postes relatifs à la pose de micro-pieux. Cependant, la SCI [Adresse 16] ne démontre pas avoir adressé à l'expert judiciaire le devis de la société Coddeville et n'expose pas en quoi le changement de technique aurait une incidence sur les travaux de longrine, de maçonnerie et de chaînage. L'évaluation de l'expert de 35 700 euros HT soit 42 840 euros TTC sera donc retenue au lieu des 48 319,05 euros réclamés sur le fondement du devis de la société Coddeville.

Cette somme de 35 700 euros HT correspond à un cinquième seulement du devis Edifi d'un montant total de 199 182,19 euros HT qui prévoit d'autres travaux dont la SCI [Adresse 16] admet qu'ils ne sont pas imputables aux travaux de la société Manufor. Il convient donc de retenir également au titre du préjudice de la SCI [Adresse 16] un cinquième des travaux préparatoires du devis évalués à 10 690,88 euros HT soit 2 565 euros TTC compte tenu de la TVA à 20%.

-Sur la reprise des façades :

S'agissant de la reprise des façades, l'expert judiciaire l'avait évaluée à 14 500 euros en se fondant sur un devis n°20160339 de la société Rodriguez de décembre 2016 d'un montant de 15 470 euros HT pour des travaux de façade arrière au-dessus et en-dessous de la verrière. Il n'a donc pas été pris en compte le devis n°20160338 au titre de la restauration de la façade rue pour un montant de 4 730 euros HT – que la SCI [Adresse 16] ne démontre pas avoir produit.

Pour se prévaloir de désordres sur la façade rue, la SCI [Adresse 16] ne se fonde que sur un procès-verbal de constat d'huissier du 12 mars 2015 qui ne permet pas d'établir le lien de causalité entre les légères fissures apparues sur la façade rue et les travaux de la société Manufor.

Par conséquent, il convient de retenir le montant de 15 470 euros HT, soit 18 564 euros TTC selon les factures de la société Rodriguez.

-Sur la réfection des menuiseries :

Mme [F] a envoyé le 12 mai 2014 à M. [G], gérant de la SCI [Adresse 16], un courrier électronique où elle mentionnait une déformation de plus en plus importante des ouvrants des fenêtres du deuxième étage.

Cependant, rien dans le rapport d'expertise ne permet de conclure à la nécessité de changer ces fenêtres, les devis produits par la SCI [Adresse 16] concernant d'ailleurs des fenêtres du deuxième, troisième et quatrième étage et étant tous postérieurs au rapport d'expertise judiciaire, Mme [F] ayant d'ailleurs observé que toutes les fenêtres ont été remplacées dans le cadre de la rénovation de l'immeuble et que le devis initial n'a été scindé qu'à la demande de la SCI [Adresse 16].

Cette demande sera donc rejetée.

-Sur les frais de maîtrise d’œuvre, coordinateur SPS, contrôleur technique et autres frais accessoires :

Les factures produites par la SCI [Adresse 16] ont été écartées par l'expert judiciaire qui a considéré qu'elles ne correspondaient pas à des travaux de remise en état du bâtiment suite aux travaux de la société Manufor, mais à une réhabilitation de l'immeuble qui nécessitait des travaux d'entretien. Leur objet ne permet pas d'établir qu'elles correspondraient à des travaux directement en lien avec le dommage de la SCI [Adresse 16]. Il convient donc de rejeter les demandes à ce titre.

Le préjudice tenant à la réparation des désordres sera donc évalué à 110 247 euros TTC.

Enfin, aucune faute de la SCI [Adresse 16] n'ayant été retenue et aucune vétusté n'ayant à être prise en compte s'agissant des travaux visant à réparer strictement les désordres, il n'y a pas lieu de le diviser par deux comme le propose l'expert judiciaire.

b) Sur les demandes au titre du trouble de jouissance et de la perte de loyer

-Sur la demande de la SCI [Adresse 16] au titre de la perte de loyer commercial

La SCI [Adresse 16] expose que suite à la liquidation judiciaire de son locataire Comptoir de Famille le 26 juillet 2016, elle a trouvé rapidement un autre locataire pour un loyer annuel de 100 000 euros mais que le local commercial n'a pu être donné à bail à la société Jean Trogneux avant la fin des travaux qui ont duré de mars 2017 à fin mai 2017 et qu'elle a dû accorder de ce fait une franchise d'un mois à son locataire, soit une perte de quatre mois de loyer, à savoir 33 333 euros.

Cependant, ce préjudice ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance de percevoir des loyers pendant cette période. Or la lecture du bail commercial signé le 16 mai 2017 ne permet en aucun cas d'en déduire que la société Jean Trogneux aurait été prête à prendre possession des lieux dès mars 2017 comme la SCI [Adresse 16] le prétend. En outre, si une franchise d'un mois de loyer, relativement classique en la matière, est évoquée, elle est justifiée dans le bail commercial par la volonté de faciliter l'installation du preneur et de lui permettre de procéder à des travaux d'aménagement intérieur pour l'ouverture de son commerce.

Par conséquent, la perte des loyers alléguée n'est pas démontrée et n'est en tout état de cause pas en lien prouvé avec la nécessité de procéder à des travaux de réfection.

-Sur la demande de la SCI Vieux [Localité 17] au titre des pertes de loyers des appartements du [Adresse 16]

La SCI Vieux [Localité 17] expose qu'elle est propriétaire des étages des immeubles situés aux [Adresse 16], [Adresse 9] et [Adresse 10] et qu'elle a pu rénover rapidement les trois appartements des [Adresse 9] et [Adresse 10] avec un achèvement des travaux le 15 septembre 2015 et les mettre en location avec effet au 15 ou 17 septembre 2015 pour des loyers de 1510, 700 et 700 euros par mois, mais qu'en revanche, les travaux dans les étages du [Adresse 16] ont été complètement suspendus jusqu'à la fin des travaux de confortement du sol et du gros œuvre, si bien que deux ont été achevés en octobre 2017 et loués immédiatement pour 780 et 800 euros par mois et que les deux appartements n'ont été achevés qu'en janvier 2019 et loués dans les quinze jours.

Elle ne démontre cependant pas avoir soulevé ce point devant l'expert judiciaire, qui a pourtant rendu son rapport d'expertise largement après la fin des travaux des étages de n°[Adresse 9] et [Adresse 10].

En outre, comme le fait observer Mme [F], elle ne justifie pas de la date à laquelle elle a commandé les divers travaux de réfection des quatre appartements du [Adresse 16], ne justifie pas qu'elle ne pouvait les réaliser avant la fin des travaux de confortement ne donne aucune indication sur la nature des travaux qu'elle a effectués et n'établit donc pas le lien de causalité entre la différence entre l'achèvement des travaux aux [Adresse 16] et [Adresse 9]-[Adresse 10] et les fissures.

Il convient donc de rejeter cette demande.

c) Sur la demande de la SCI [Adresse 16] au titre des frais d'expertise préventive

La SCI [Adresse 16] expose qu'elle a été amenée à mettre en œuvre de façon urgente de lourds travaux de confortement du sous-sol et du bâtiment et que pour éviter de causer elle-même des dommages aux bâtiments existants, il lui a fallu mettre en œuvre une expertise préventive visant à constater l'état des immeubles voisins et apprécier la portée des travaux envisagés. Elle réclame le remboursement des honoraires de l'expert judiciaire M. [R] taxés à 18 686,99 euros, de ses honoraires d'avocat dans le cadre de cette expertise préventive à hauteur de 3 516,36 euros et des frais de significations à hauteur de 1 138,84 euros.

Dès lors que la SCI [Adresse 16] a été amenée à effectuer les travaux de reprise en sous-œuvre préconisés par l'expert judiciaire suite à l'inexécution contractuelle de la société Manufor, ces travaux risquaient de déstabiliser les immeubles environnants. Par conséquent, l'expertise préventive découle bien des travaux de la société Manufor.

Il convient donc d'intégrer ces sommes dans le préjudice de la SCI [Adresse 16], pour un montant de 23 342,19 euros.

Le préjudice total de la SCI [Adresse 16] est ainsi de 133 589,19 euros, tandis qu'aucun préjudice de la SCI Vieux [Localité 17] n'a été retenu.

5. Sur la demande de condamnation in solidum et les demandes à l'encontre des assureurs

Selon le principe de l'obligation in solidum, chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à la réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu à ce stade de tenir compte du partage de responsabilité.

Ce principe se distingue de la solidarité légale ou conventionnelle sur laquelle Mme [F] fonde son argumentation.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Si cette assurance n'est pas obligatoire, l'assureur peut lui opposer les franchises contractuelles.

En l'espèce, seules la société Manufor Fondations et la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] ont été déclarées responsables du dommage unique des demanderesses tenant dans l'aggravation brutale des fissures et affaissements de leur immeuble.

Par ailleurs, la société Manufor Fondations était assurée auprès de la société Axa France IARD au titre d'une assurance responsabilité civile.

Par conséquent, il convient de condamner in solidum la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Manufor Fondations et la société Axa France IARD à payer à la SCI [Adresse 16] la somme de 133 589,19 euros, sous réserve de la franchise contractuelle de la société Axa France IARD d'un montant de 1 506,59 euros et qui sera due par la société Manufor Fondations.

III. Sur la demande tendant à déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles de la SCI Vieux [Localité 17]

Les demanderesses font valoir l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] formulées à l’encontre de la SCI Vieux [Localité 17], sur le fondement de l’article 70 du code de procédure civile.

Cependant le tribunal ne peut que constater que la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] a abandonné toute demande reconventionnelle à l'encontre de la SCI Vieux [Localité 17].

N'étant plus saisi de cette demande, il n'a donc pas à statuer sur ce point dans le dispositif.

IV. Sur les appels en garantie

Pour rappel, la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] forme un appel en garantie contre les sociétés Manufor Fondations, Axa France IARD, MAF et contre Mme [F].

La société Manufor Fondations sollicite la garantie de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], de Mme [F] et de son assureur la MAF. La société Axa France IARD demande quant à elle la garantie de Mme [F] et de la MAF.

Enfin, Mme [F] et son assureur font un appel en garantie contre les sociétés Manufor Fondations et Axa France IARD.

Les co-responsables d'un dommage qui ont fait l'objet d'une condamnation in solidum peuvent exercer des recours entre eux à proportion de leurs facultés respectives.

N'ayant pas été condamnées, les appels en garantie de Mme [F] et de son assureur sont sans objet.

Il a déjà été jugé que la faute de la société Manufor Fondations, qui a délibérément ignoré les prescriptions du DCE et du CCTP et a employé un marteau-piqueur pour faire des travaux dans un mur mitoyen dans une zone particulièrement instable alors que la stabilité relative de chaque immeuble était étroitement dépendante de celle des immeubles voisins, était déterminante dans la survenue du dommage.

Le tribunal a également considéré que Mme [F] avait commis des fautes mais que le lien de causalité entre ces fautes et le dommage n'était pas démontré, si bien qu'elle ne pouvait être déclarée responsable.

Par ailleurs, aucune faute de la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] n'a été démontrée, étant rappelé qu'elle n'engage que sa responsabilité sans faute compte tenu de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Par conséquent, la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] sera entièrement garantie par la société Manufor Fondations et son assureur Axa France IARD des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le [Adresse 16] sous réserve de la franchise contractuelle de la société Axa France IARD d'un montant de 1 506,59 euros et qui sera due par la société Manufor Fondations.

La société Manufor Fondations et la société Axa France IARD seront quant à elles déboutées de leurs appels en garantie.

V. Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société Manufor Fondations et la société Axa France IARD seront condamnées in solidum aux dépens, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire de M. [T].

En revanche, les frais d'expertise judiciaire de M. [R] suite à la procédure de référé préventive ne constituent pas des dépens nécessaires à l’introduction de la présente instance et ont été en tout état de cause déjà indemnisés. La demande de condamnation au titre des dépens de l'instance en référé ayant donné lieu à l'ordonnance du 10 juillet 2015 sera donc rejetée.

L'article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

La SCI Vieux [Localité 17], qui n'a vu aucune de ses demandes prospérer, ne saurait prétendre à une quelconque indemnité à ce titre.

De même, Mme [F] ayant commis une faute, il n'apparaît pas inéquitable de rejeter sa demande au titre des frais irrépétibles.

En revanche, la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], qui n'a commis aucune faute, et la SCI [Adresse 16], victime principale, ont engagé des frais qui ne sauraient être laissés à leur charge.

Par conséquent, la société Manufor Fondations et la société Axa France IARD seront condamnées in solidum à payer la somme de 4 000 euros à la SCI [Adresse 16] et la somme de 2 000 euros à la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10].

Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile dans sa version applicable aux instances introduites avant le 1er janvier 2020, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

Compte tenu de l'ancienneté de la procédure, il y a lieu d'ordonner l'exécution provisoire pour moitié.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE in solidum la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10], la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD à payer à la SCI [Adresse 16] la somme de 133 589,19 euros, sous réserve de la franchise contractuelle de la société Axa France IARD d'un montant de 1 506,59 euros et qui sera due par la société Manufor Fondations,

DEBOUTE la SCI [Adresse 16] de ses demandes au titre de la perte des loyers commerciaux,

DEBOUTE la SCI Vieux [Localité 17] de ses demandes au titre de la perte des loyers d'habitation,

CONDAMNE in solidum la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD à garantir la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au profit de la SCI [Adresse 16], sous réserve de la franchise contractuelle de la société Axa France IARD d'un montant de 1 506,59 euros et qui sera due par la société Manufor Fondations,

DEBOUTE la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD de leurs appels en garantie,

CONDAMNE in solidum la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD aux entiers dépens, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire de M. [L] [T] (instance RG 15/515) mais non les frais d'expertise judiciaire de M. [S] [R] (instance RG15/518),

CONDAMNE in solidum la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD à payer à la SCI [Adresse 16] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE in solidum la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD à payer à la SCI [Adresse 9]-[Adresse 10] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

DEBOUTE la SCI Vieux [Localité 17], Mme [B] [F], son assureur la MAF, la société Manufor Fondations et son assureur la société Axa France IARD de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

ORDONNE l'exécution provisoire pour moitié.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

Dominique BALAVOINEClaire MARCHALOT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 02
Numéro d'arrêt : 18/04837
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;18.04837 ?
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