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18/03/2024 | FRANCE | N°24/00035

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Jcp, 18 mars 2024, 24/00035


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 7]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 24/00035 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X4PB

N° de Minute : 24/00188

JUGEMENT

DU : 18 Mars 2024





[C] [E]
[D] [G] épouse [E]


C/

[O] [B] [F]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 18 Mars 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


M. [C] [E], demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]

représenté par Me Gilles MATON, avocat au Barreau de LILLE<

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Mme [D] [G] épouse [E], demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]

assistée par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE

ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [O] [B] [F], demeurant [Adresse 4] - [Adresse 3] - [Local...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 7]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 24/00035 - N° Portalis DBZS-W-B7I-X4PB

N° de Minute : 24/00188

JUGEMENT

DU : 18 Mars 2024

[C] [E]
[D] [G] épouse [E]

C/

[O] [B] [F]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 18 Mars 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

M. [C] [E], demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]

représenté par Me Gilles MATON, avocat au Barreau de LILLE

Mme [D] [G] épouse [E], demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]

assistée par Me Gilles MATON, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [O] [B] [F], demeurant [Adresse 4] - [Adresse 3] - [Localité 9]

représenté par Me Christophe WERQUIN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 15 Janvier 2024

Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 18 Mars 2024, date indiquée à l'issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assisté(e) de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG : 24/00035 – Page - SD
EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 1er juillet 2005, la société civile immobilière (SCI) TBA2 a conclu avec Monsieur [O] [B] [F] un contrat de location portant sur un local à usage d’habitation situé au [Adresse 6] à [Localité 9] pour une durée de 3 ans, tacitement reconductible, pour un loyer mensuel de 550 euros, outre la somme de 30 euros de provision sur charges.

La SCI TBA2 a cédé l’appartement susvisé à la société à responsabilité limitée (SARL) JIMYS IMMO le 25 octobre 2017. A son tour, la SARL JIMYS IMMO a, par acte authentique du 8 mars 2023, cédé l’appartement à Monsieur [C] [E] et à Madame [D] [E] née [G].

Par acte d’huissier signifié le 17 juillet 2023, Monsieur [E] et Madame [E] ont assigné en référé Monsieur [O] [B] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de validation du congé aux fins de vente et de condamnation du locataire à quitter les lieux sous astreinte.

Par ordonnance du 11 décembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a renvoyé l’affaire à l’audience du 15 janvier 2024 pour qu’il soit statué au fond, estimant que le demandeur ne caractérisait pas de trouble manifestement illicite justifiant une mesure de référé.

A l’audience du 15 janvier 2024, Madame [E] a comparu, assistée de son conseil, qui représentait également Monsieur [E]. Monsieur [E] et Madame [E] demandent au tribunal de :

Valider le congé aux fins de vente signifié le 4 février 2021 à Monsieur [O] [B] [F] pour l’appartement situé au [Adresse 5] à [Localité 9] ;
Déclarer que Monsieur [O] [B] [F] occupe l’appartement sans droit ni tire depuis le 1er juillet 2023 ;
Enjoindre à Monsieur [O] [B] [F] de libérer l’appartement sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du 16e jour suivant la signification du jugement à intervenir pour une durée de deux mois ;
Se réserver la liquidation de l’astreinte ;
Condamner Monsieur [O] [B] [F] à verser aux demandeurs le premier de chaque mois et jusqu’à libération effective des lieux une indemnité d’occupation mensuelle de 667,30 euros indexable sur l’indice du coût de la construction avec l’indice du premier trimestre 2023 comme indice de base ;
Condamner Monsieur [O] [B] [F] aux dépens ainsi qu’au versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [E] et Madame [E] soutiennent que le 4 février 2021, un congé aux fins de vente à été signifié par la SARL JIMYS IMMO à Monsieur [O] [B] [F] et que le bail ayant été conclu le 1er juillet 2005 pour une période de 3 ans tacitement reconduite à chaque échéance et pour la dernière fois avant le congé le 1er juillet 2020, le congé signifié le 4 février 2021 prenait effet le 30 juin 2023.
Au visa des articles 10, 11, 11-1, 13 et 15 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989, les demandeurs font valoir que le congé est régulier. Ils soutiennent que la durée du bail est déterminée par la qualité des parties lors de l’entrée dans les lieux par le preneur et que par conséquent lors de la conclusion du bail, sa durée était de 3 ans, jusqu’à la reconduction tacite du bail intervenue le 30 juin 2020, postérieurement à l’acquisition du logement par la SARL JIMYS IMMO le 25 octobre 2017. Les demandeurs confirment que lors de la reconduction tacite du 30 juin 2020, le bailleur étant une personne morale à l’exclusion des sociétés civiles immobilières constituées entre parents, le bail a été renouvelé pour une durée de 6 années, prenant donc fin le 30 juin 2026. Néanmoins, les demandeurs font valoir que le preneur a renoncé tacitement au renouvellement du bail pour une durée de 6 ans, Monsieur [O] [B] [F] ayant, postérieurement au renouvellement du bail, indiqué qu’il effectuait des démarches pour trouver un nouveau logement. Les demandeurs soutiennent que Monsieur [O] [B] [F] ayant renoncé au renouvellement de 6 ans du bail, le contrat prenait fin au terme de l’échéance des 3 ans, soit le 30 juin 2023, et que Monsieur [O] [B] [F] occupe donc le logement sans droit ni titre.
Monsieur [E] et Madame [E] répliquent au moyen tiré de la nullité du congé fondé sur le fait que l’adresse visée est inexistante que le numéro [Adresse 6] à [Localité 9] auquel a été signifié le congé a été supprimé par la ville de [Localité 9] du fait de sa fusion avec le numéro [Adresse 4], mais que la publicité foncière continue d’utiliser le numéro [Adresse 6], et que le preneur ne peut donc se prévaloir de l’inexistence du numéro [Adresse 6].
Au visa des articles L.131-1 et L.131-2 du code des procédures civiles d’exécution, les demandeurs sollicitent que soit prononcée une astreinte pour assurer l’exécution de l’expulsion, soulignant que Monsieur [O] [B] [F] ne justifie d’aucune démarche de relogement, aurait refusé des propositions de logement, et qu’il dispose de ressources suffisantes pour obtenir un nouveau logement.
Par application de l’article 1240 du code civil ils demandent d’être indemnisés pour l’occupation de leur bien immobilier.
Monsieur [O] [B] [F], représenté par son conseil, demande à titre principal l’annulation du congé délivré le 4 février 2021, et à titre subsidiaire que les demandeurs soient déboutés de leur demande d’astreinte. En tout état de cause, il sollicite que Monsieur [E] et Madame [E] soient condamnés aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [O] [B] [F] fait valoir que le numéro [Adresse 6] à [Localité 9] n’existe plus et que par conséquent le congé délivré à cette adresse est nul. Il explique en outre que la date visée par le congé n’a pas été correctement déterminée, et que Monsieur [O] [B] [F] ne pouvait renoncer à une option dont il n’avait pas connaissance.
A titre subsidiaire, il fait valoir que l’astreinte n’est pas proportionnée à la demande et que Monsieur [O] [B] [F] justifie de démarches de relogement.
L’affaire a été mise en délibéré au 18 mars 2024.
MOTIFS
I. Sur la demande d’expulsion et ses conséquences
- Sur la durée du bail
Il ressort de la lecture conjointe des articles 10 et 13 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 que le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l'article 13, les sociétés civiles immobilières constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus, et à 6 ans pour les bailleurs personnes morales. L’article 10 dispose que si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé. En cas de reconduction tacite, la durée du contrat reconduit est de 3 ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, et de 6 ans pour les bailleurs personnes morales.
En l’espèce, il ressort du contrat de location conclu le 1er juillet 2005 entre la SCI TBA2 et Monsieur [O] [B] [F] (pièces n°1 et 21 des demandeurs) que le contrat prenait effet le 1er juillet 2005 pour une durée de 3 ans et que, « à défaut de renouvellement ou de congé motivé donné dans les conditions de forme et de délai présentés ci-avant, le contrat parvenu à son terme sera reconduit aux conditions antérieures pour une durée de 3 ans pour un bailleur personne « physique » ou « société familiale » et pour une durée de 6 ans pour un bailleur « personne morale » ». Il ressort de l’extrait Kbis (pièce n°22 des demandeurs) de la SCI TBA2 et des statuts de cette dernière (pièce n°23 des demandeurs) qu’il s’agit d’une société familiale constituée exclusivement entre parents. Par conséquent, jusqu’à la cession de l’immeuble à la SARL JIMYS IMMO, le bailleur étant une société civile immobilière constituée exclusivement entre parents, le contrat de location a été, à défaut de congé délivré par les parties, renouvelé par tacite reconduction pour une durée de 3 ans, soit jusqu’au 30 juin 2020.
Par application des dispositions susvisées, lors de la tacite reconduction du contrat de location le 30 juin 2020 à la suite de l’acquisition de l’immeuble litigieux par la SARL JIMYS IMMO le 25 octobre 2017, le bailleur était une personne morale, et le changement de qualité du bailleur entraîne lors de la reconduction tacite une augmentation de la durée du bail. Par conséquent, le 1er juillet 2020, le contrat de location a été reconduit tacitement pour une durée de 6 ans, conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi du 6 juillet 1989.
Par conséquent, le contrat de location conclu le 1er juillet 2005 arrive à terme, après tacite reconduction du 1er juillet 2020, le 30 juin 2026.
- Sur la renonciation par le preneur de se prévaloir de l’irrégularité du congé
Le congé délivré le 4 février 2021 par huissier à la demande la SARL JIMYS IMMO à l’égard de Monsieur [O] [B] [F] (pièce n°6 des demandeurs) précise que le bail vient à expiration le 30 juin 2023 et que le bailleur donne congé pour la date du 30 juin 2023 aux fins de vente du bien loué en application de l’article 15 II de la loi du 6 juillet 1989.
L’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 énonce que ses dispositions sont d’ordre public. Il est constant qu’elles relèvent d’un ordre public de protection, auquel le bénéficiaire peut renoncer si cette renonciation intervient postérieurement à l’acquisition du droit, qu’elle est certaine et non équivoque ou résulte suffisamment des circonstances de la cause, et qu’elle est effectuée en connaissance du droit auquel le bénéficiaire entend renoncer.
En l’espèce, la tacite reconduction du bail pour une durée de 6 ans engage les deux parties. Néanmoins, le preneur peut renoncer à se prévaloir de l’irrégularité du congé délivré en violation des conditions de délai. Toutefois, il n’est pas établi que Monsieur [O] [B] [F] avait connaissance de la qualité de la SARL JIMYS IMMO, qui avait succédé à la SCI TBA2, et des conséquences du changement de qualité du bailleur sur la durée du bail et par conséquent sur la régularité du congé. Monsieur [O] [B] [F] a simplement, en s’engageant auprès du bailleur à chercher un nouveau logement, respecté les termes du congé, délivré par un professionnel assermenté, sans qu’il ne soit démontré qu’il avait connaissance du fait qu’il pouvait se prévaloir de l’irrégularité de la date de congé indiquée. Dès lors, ses démarches de recherche de logement ne valent pas renonciation certaine et non équivoque au bénéfice des dispositions de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et à se prévaloir de l’irrégularité du congé.
Les moyens tirés de la nullité du congé sont inopérants dans la mesure où le contrat de location prévoit, conformément à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, que le bailleur peut, en prévenant le locataire 6 mois au mois avant le terme du contrat, résilier le contrat par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte d’huissier. La signification d’un congé aux fins de vente, qu’elle soit régulière ou non, ne peut donc fonder une demande d’expulsion antérieurement au terme du contrat, fixée au 30 juin 2026.
Sur la demande d’expulsion et ses conséquencesMonsieur [O] [B] [F] occupe régulièrement le logement situé au [Adresse 5] à [Localité 9] au titre du contrat de location conclu le 1er juillet 2005 dont le terme est fixé au 30 juin 2026. La demande d’expulsion sera par conséquent rejetée, ainsi que les demandes subséquentes de paiement d’une indemnité d’occupation et d’astreinte.
II. Sur les autres demandes
- Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa version applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré postérieurement au 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

- Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Monsieur [E] et Madame [E] qui succombent seront condamnés aux entiers dépens.
- Sur les frais irrépétibles
En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
Condamnés aux dépens, les demandeurs seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE Monsieur [C] [E] et Madame [D] [E] née [G] de leur demande d’expulsion de Monsieur [O] [B] [F] du logement situé au [Adresse 5] à [Localité 9] ;
DEBOUTE en conséquence Monsieur [C] [E] et Madame [D] [E] née [G] de leur demande de condamnation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation et de leur demande d’astreinte ;
REJETTE la demande de Monsieur [C] [E] et Madame [D] [E] née [G] formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [C] [E] et Madame [D] [E] née [G] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Jcp
Numéro d'arrêt : 24/00035
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;24.00035 ?
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