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18/03/2024 | FRANCE | N°22/05189

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 18 mars 2024, 22/05189


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/05189 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WKVI

JUGEMENT DU 18 MARS 2024


DEMANDEUR :

M. [T] [V]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Kamel ABBAS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A. ACM IARD, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU,

Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/05189 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WKVI

JUGEMENT DU 18 MARS 2024

DEMANDEUR :

M. [T] [V]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Kamel ABBAS, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A. ACM IARD, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 Avril 2023.

A l’audience publique du 08 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 18 Mars 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 18 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [V] est assuré auprès de la SA ACM IARD pour un véhicule Citroën C3 immatriculé [Immatriculation 5].

Il a déclaré le vol du véhicule survenu le 15 août 2021 à son assureur.

Invoquant l'article L561- 8 du code monétaire et financier, l'assureur a refusé de prendre en charge le sinistre au motif que M. [T] [V] ne justifiait pas de la provenance du numéraire ayant servi à financer l'achat du véhicule.

Après plusieurs échanges, l'assureur a maintenu sa position.

Suivant exploit délivré le 1er août 2022, M. [T] [V] a fait assigner la SA ACM IARD devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de mise en oeuvre de la garantie vol.

Les parties ont fait notifier leurs dernières écritures par voie électronique le 17 février 2023 pour M. [T] [V] et le 15 septembre 2022 pour la SA ACM IARD.

La clôture des débats est intervenue le 26 avril 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 janvier 2024.

****

Aux termes de ses dernières écritures, M. [T] [V] demande au tribunal de :

Vu les articles L561-8, L561-54 du code monétaire et financier,
Vu l'article 1134 du code civil,

à titre principal :* constater que la garantie vol est acquise,
* condamner la SA ACM IARD à lui payer la somme de 6.500 euros au titre de la garantie vol,
* condamner la SA ACM IARD à lui payer la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
en tout état de cause :* condamner la SA ACM IARD à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner la SA ACM IARD aux dépens,
* ordonner l'exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières écritures, la SA ACM IARD demande au tribunal de :

Vu l'article L113-2 du code des assurances,
Vu les articles L561-2 et L561-8 du code monétaire et financier,

débouter M. [T] [V] de ses demandes,condamner M. [T] [V] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à “constater” ne constitue pas une prétention en justice devant être tranchée par le tribunal mais simplement un exposé des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur le refus de garantie sur le fondement de la loi sur la lutte contre le blanchiment

La SA ACM IARD invoque les articles L561-2 et L561-8 du code monétaire et financier pour justifier son refus de garantie au motif que M. [T] [V] a réglé le prix d'achat du véhicule, soit 6.500 euros, en espèces.

L'article L561-2 du code monétaire et financier soumet les sociétés d'assurance aux obligations instaurées par les articles L561-3 à L561-44 du même code relatifs à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Selon l'article L561-8 I du même code, « lorsqu'une personne mentionnée à l'article L561-2 n'est pas en mesure de satisfaire aux obligations prévues à l'article L561-5 ou L561-5-1, elle n'exécute aucune opération, quelles qu'en soient les modalités, n'établit ni ne poursuit aucune relation d'affaires et peut transmettre la déclaration prévue à l'article L561-15 dans les conditions prévues par cet article ».

Si en application de ces dispositions, les compagnies d'assurance sont tenues de participer à la lutte contre le blanchiment des capitaux, les obligations auxquelles elles sont tenues s'entendent dans le cas d'opérations se présentant dans des conditions inhabituelles et ne paraissant pas avoir de justification économique, ce que ne constitue pas l'achat d'un véhicule d'occasion pour un prix de 6.500 euros.

En outre, la SA ACM IARD, qui ne produit pas les conditions générales du contrat d'assurance, n'établit pas que M. [T] [V] était tenu, en exécution du contrat, de justifier du paiement du véhicule et de l'origine des fonds ayant servi à son acquisition pour obtenir application des garanties prévues au contrat.

Le moyen sera donc écarté.

Sur l'application de la garantie vol

En application de l’article 1103 du code civil, dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.”

Selon l'article 1104 du code civil, « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

En application de ces dispositions, il incombe à l'assuré qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie à raison d'un sinistre, d'établir que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police.

En l'espèce, si la SA ACM IARD ne conteste pas que le véhicule Citroën C3 était bien assuré par elle, force est de constater que M. [T] [V] n'a pas jugé utile de verser au débat le contrat d'assurance dont il réclame l'exécution alors qu'il lui appartient de démontrer qu'il remplit les conditions pour bénéficier de la garantie vol. En effet, il se contente de verser aux débats sept pièces, la première étant une attestation manuscrite d'un dénommé M. [X] [C] qui indique lui avoir vendu le véhicule pour la somme de 6.500 euros remise en espèces, tandis que les autres pièces constituent les échanges de courriers entre son conseil et l'assureur sur la prise en charge du sinistre.

Dans ces conditions, M. [T] [V] ne peut qu'être débouté de sa demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable dès lors qu'un préjudice en résulte.

L'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste sa garantie en opposant des moyens sérieux, même si ses prétentions sont rejetées.

La résistance d'une des parties ne peut dégénérer en abus, susceptible d'engager sa responsabilité, que lorsqu'elle présente un caractère dolosif ou malveillant.

En l'espèce, M. [T] [V] n'articule ni en droit ni en fait sa demande d'indemnisation au titre de la résistance abusive se contentant de rappeler les différents courriers échangés entre son conseil et l'assureur. Il ne rapporte nullement la preuve de ce que le refus de garantie opposé par la SA ACM IARD aurait été dolosif ou malveillant, non plus que celle du préjudice qui serait prétendument résulté de la résistance alléguée. La demande sera donc rejetée.

Sur l'exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.”

Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

Succombant en l'instance, M. [T] [V] sera condamné aux dépens, ce qui entraîne rejet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter la demande formée par la SA ACM IARD au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Déboute M. [T] [V] de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre de la SA ACM IARD,

Condamne M. [T] [V] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/05189
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.05189 ?
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