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18/03/2024 | FRANCE | N°22/02814

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 18 mars 2024, 22/02814


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
Chambre 04
N° RG 22/02814 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WBZB
JUGEMENT DU 18 MARS 2024
DEMANDEURS :

Mme [I] [H] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [U] [W],
[Adresse 1]
[Localité 10]
représenté par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

Mme [Z] [W]
[Adresse 3]
[Localité 18]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [V] [W]
[Adresse 6]
[Localité 14]>représenté par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [L] [W]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Me José...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
Chambre 04
N° RG 22/02814 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WBZB
JUGEMENT DU 18 MARS 2024
DEMANDEURS :

Mme [I] [H] épouse [W]
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [U] [W],
[Adresse 1]
[Localité 10]
représenté par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

Mme [Z] [W]
[Adresse 3]
[Localité 18]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [V] [W]
[Adresse 6]
[Localité 14]
représenté par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

M. [L] [W]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

Mme [X] [W] épouse [S]
[Adresse 5]
[Localité 18]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

Mme [J] [O] épouse [P]
[Adresse 9]
[Localité 10]
représentée par Me Joséphine QUANDALLE-BERNARD, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEURS :

LA S.A. MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 13]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

LA SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 13]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCES MALADIE DE [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 10]
défaillant

M. [G] [K]
[Adresse 12]
[Localité 11]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 Mai 2023.

A l’audience publique du 08 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 18 Mars 2024.

Leslie JODEAU, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 18 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 janvier 2017, Mme [I] [W], alors piéton, a été percutée par le véhicule conduit par M. [G] [K], assuré auprès de la compagnie d'assurance MMA.

Elle a été prise en charge par les services de secours et transportée aux urgences du CHRU de [Localité 10] où elle est restée hospitalisée jusqu'au 14 février 2017.

Le bilan initial faisait état d'une fracture de l'aileron sacré non déplacée ainsi que de la branche ilio pubienne droite nécessitant simplement un traitement fonctionnel. Il était également retrouvé une fracture du plateau tibial latéral avec enfoncement du genou droit, fracture traitée chirurgicalement par ostéosynthèse réalisée 6 février 2017.

A sa sortie de l'hôpital, Mme [I] [W] a été transférée à l'hôpital [17] à [Localité 10] en service de rééducation.

Le 2 juillet 2019, Mme [I] [W] et M. [U] [W], son fils, ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille lequel a, par ordonnance du 8 octobre 2019, ordonné une expertise médicale de Mme [I] [W] confiée au Dr [B] [A], condamné solidairement M. [G] [K], la SA MMA IARD et la société MMA IARD Assurances Mutuelles à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice outre la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme devant être versée aux consorts [W].

L'expert a déposé son rapport le 19 décembre 2020 et a conclu à la consolidation de l'état de Mme [I] [W] à la date du 31 janvier 2019.

Au vu de cette expertise, les MMA ont adressé le 29 juin 2021 à Mme [I] [W] une offre d'indemnisation définitive à hauteur de 146.462 euros, soit, après déduction de la provision déjà versée, la somme de 136.462 euros.

N'acceptant pas cette proposition d'indemnisation, suivant exploit délivré les 5, 6, 7 avril 2022, Mme [I] [H] épouse [W], M. [U] [W], Mme [Z] [W], M. [V] [W], M. [L] [W], Mme [X] [W] épouse [S], Mme [J] [O] épouse [P], ci-après les consorts [W], ont fait assigner M. [G] [K], la SA MMA IARD, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 10], ci-après la CPAM, devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation de leurs préjudices tels que résultant de l'accident du 31 janvier 2017.

Bien que régulièrement assignés, M. [G] [K] et la CPAM n'ont pas constitué avocat.

Les parties ont fait notifier leurs dernières conclusions par voie électronique le 2 mai 2023 pour les consorts [W] et le 13 avril 2023 pour les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD.

La clôture des débats est intervenue le 24 mai 2023, et l’affaire fixée à l’audience du 8 janvier 2024.

****

Aux termes de leurs dernières écritures, les consorts [W] demandent au tribunal de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,
Vu l'article 1343-2 du code civil,
Vu les articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,

évaluer le préjudice de Mme [I] [W] de la manière suivante :
Poste de préjudice
Montant
Quote part à la charge du responsable 100%
Part revenant à la victime
Solde revenant à la CPAM

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

DSA
63.200,51 €
63.200,51 €
107,91 €
63.092,60 €
FD
18.817,76 €
18.817,76 €
18.817,76 €
0,00 €
PGPA
14.887,53 €
14.887,53 €
14.887,53 €
0,00 €
PSU
0,00 €
0,00 €
0,00 €
0,00 €
Total
96.905,80 €
96.905,80 €
33.813,20 €
63.092,60 €

Préjudices patrimoniaux après consolidation

DSF
9.965,86 €
9.965,86 €
450,00 €
9.515,86 €
PGPF
57.260 €
57.260 €
57.260 €
0,00 €
IP
7.000 €
7.000 €
7.000 €
0,00 €
FVA
0,00 €
0,00 €
0,00 €
0,00 €
FLA
0,00 €
0,00 €
0,00 €
0,00 €
TP
184.685,93 €
184.685,93 €
184.685,93 €
0,00 €
Total
258.911,79 €
258.911,79 €
249.395,93 €
9.515,86 €
Total préjudices patrimoniaux
355.817,59 €
355.817,59 €
283.209,13 €
9.515,86 €

Préjudices extra patrimoniaux avant consolidation

DFT
8.992,50 €
8.992,50 €
8.992,50 €
0,00 €
SE
20.000 €
20.000 €
20.000 €
0,00 €
PET
6.000 €
6.000 €
6.000 €
0,00 €

Total
34.992,50 €
34.992,50 €
34.992,50 €
0,00 €

Préjudices extra patrimoniaux après consolidation

DFP
39.100 €
39.100 €
39.100 €
0,00 €
PEP
6.000 €
6.000 €
6.000 €
0,00 €
PA
10.000 €
10.000 €
10.000 €
0,00 €
PS
0,00 €
0,00 €
0,00 €
0,00 €
PPE
10.000 €
10.000 €
10.000 €
0,00 €
Total
65.100 €
65.100 €
65.100 €
0,00 €
Total préjudices extra patrimoniaux
130.200 €
100.092,50 €
100.092,50 €
0,00 €
TOTAL
486.017,59 €
455.910,09 €
383.301,63 €
72.608,46 €

condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 373.301,83 euros (383.301,63 euros – 10.000 euros de provision) au bénéfice de Mme [I] [W],condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 1.466,01 euros au bénéficie de M. [U] [W] au titre de ses frais kilométriques,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 5.610 euros au bénéfice de M. [U] [W] au titre de ses pertes de revenus,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 15.000 euros au bénéfice de M. [U] [W] au titre de son préjudice d'affection,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 5.000 euros au bénéfice de M. [U] [W] au titre des troubles dans les conditions d'existence,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 7.000 euros au bénéfice de M. [L] [W] au titre de son préjudice d'affection,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 7.000 euros au bénéfice de Mme [X] [W] épouse [S] au titre de son préjudice d'affection,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 7.000 euros au bénéfice de M. [V] [W] au titre de son préjudice d'affection,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 1.575,26 euros au bénéfice de M. [V] [W] au titre de ses frais divers,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 7.000 euros au bénéfice de Mme [Z] [W] au titre de son préjudice d'affection,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 5.000 euros au bénéfice de Mme [J] [O] épouse [P] au titre de son préjudice d'affection,
ordonner la capitalisation des intérêts pour l'ensemble des condamnations,dire le jugement à intervenir opposable à la CPAM de [Localité 10],prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir à hauteur de la totalité des condamnations à venir,condamner la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles au paiement des intérêts au double du taux légal à compter du 30 septembre 2017 sur la totalité des indemnités allouées aux victimes sans déduction des provisions versées et des créances des organismes sociaux jusqu'au jour où la décision à intervenir deviendra définitive,condamner la SA MMA IARD, la SA MMA IARD Assurances Mutuelles et M. [G] [K], in solidum, au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des frais et dépens.
Aux termes de leurs dernières écritures, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent au tribunal de :

fixer l'indemnisation du préjudice corporel de Mme [I] [W] de la manière suivante :* dépenses de santé actuelles : 102 euros
* frais divers : 900 euros
* tierce personne avant consolidation : 11.693 euros
* tierce personne post consolidation : 111.026,025 euros
* déficit fonctionnel temporaire : 7.493,75 euros
* souffrances endurées : 10.000 euros
* préjudice esthétique temporaire : 2.000 euros
* déficit fonctionnel permanent : 36.800 euros
* préjudice esthétique permanent : 3.000 euros

déduire la provision de 10.000 euros versée à Mme [I] [W] de l'indemnité qui sera allouée,leur donner acte qu'elles offrent d'indemniser le préjudice d'affection de M. [U] [W] à hauteur de 5.000 euros,leur donner acte qu'elles offrent d'indemniser le préjudice d'affection de M. [L] [W], Mme [Z] [W], M. [V] [W], Mme [X] [W] à hauteur de 2.000 euros,ramener à de plus justes proportion la somme susceptible de lui revenir au titre de l'article 700 du code de procédure civile,débouter Mme [I] [W] et ses enfants du surplus de leurs demandes.
Pour l’exposé des moyens respectifs des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du jugement

La CPAM et M. [G] [K] n'ayant pas constitué avocat et la décision étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire, conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.

Sur le droit à indemnisation

Le fondement légal de la demande, la loi n°85-577 du 5 juillet 1985, qui n’institue pas un régime de responsabilité mais un régime d’indemnisation basé sur l’implication d’un véhicule terrestre à moteur, n’est pas contesté, un véhicule assuré par les MMA étant impliqué dans l'accident.

Le principe du droit à indemnisation intégrale de Mme [I] [W] n’est pas davantage contesté.

En conséquence, Mme [I] [W] a droit à indemnisation de l’entier dommage que lui a causé l’accident. De la même manière, M. [U] [W], Mme [Z] [W], M. [V] [W], M. [L] [W], Mme [X] [W] épouse [S], Mme [J] [O] épouse [P], ses enfants, ont droit à indemnisation de leurs préjudices en leur qualité de victimes indirectes.

Sur l’indemnisation du préjudice de la victime directe

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.
Par ailleurs, la juridiction est tenue, si la victime le demande, d'évaluer le préjudice à la date de sa décision, ce dont il résulte qu'elle a l'obligation de faire application du coefficient d'érosion monétaire lorsque la victime le sollicite. En l'espèce, il conviendra donc d'appliquer le barème proposé par la victime (pièce 54) dès lors qu'il n'est pas contesté en défense.

Ceci étant rappelé, le préjudice de la victime sera liquidé sur la base des conclusions du Dr [B] [A] expert judiciaire ayant déposé son rapport le 19 décembre 2020, étant relevé que Mme [I] [W] était âgée de 65 ans à la date de sa consolidation, d’une part.

Et, d’autre part, que pour les calculs de capitalisation, il sera retenu le barème de capitalisation de la gazette du palais publié le 31 octobre 2022, au taux d'actualisation de référence à 0%, et non de -1% tel que réclamé, s’agissant de la table de calcul la plus appropriée au principe de la réparation intégrale du préjudice au regard de l’érosion monétaire et des tables de mortalité.

Les données de l'expertise judiciaire

Lors de l'accident, Mme [I] [W] a été projetée à plusieurs mètres du véhicule après l'impact. Elle a présenté des douleurs au niveau du membre inférieur droit, une perte de connaissance initiale d'une durée non déterminée et deux plaies au niveau du visage.

Elle a été transportée aux urgences du CHRU de [Localité 10] où le body scanner a mis en évidence une fracture verticale de la partie supérieure de l'aileron sacré droit associée à une fracture de la branche ilio-pubienne droite. Un traitement orthopédique avec décharge a été mis en place pour ces fractures.

Un bilan radiographique a en outre mis en évidence une fracture du plateau tibial externe droit ayant nécessité, le 6 février 2017, une intervention chirurgicale pour ostéosynthèse de cette fracture du plateau tibial externe droit et suture méniscale externe.

Mme [I] [W] est restée hospitalisée au CHRU de [Localité 10] jusqu'au 14 février 2017, date à laquelle elle a intégré l'hôpital [17] en service de soins de suite et de rééducation post-opératoire.

A sa sortie de l'hôpital le 21 juin 2017, Mme [I] [W] se déplaçait à l'aide de deux cannes anglaises.

Lors d'une consultation de contrôle le 11 avril 2018, le Dr [F] [T] relève que Mme [I] [W] présente des douleurs chroniques sur le compartiment fémoro-tibial externe qui sont invalidantes puisque le périmètre de marche sans douleur est limité à 10 minutes.

Une consultation au service de rééducation neurologique et cérébro-lésion est réalisée le 16 mai 2018 à l'hôpital [17]. Le Dr [N] évoque des difficultés à la fois d'ordre orthopédique mais également d'ordre neurologique liées à un syndrome de stress post-traumatique qui continue de pénaliser Mme [I] [W]. Un traitement par ATHYMIL lui est prescrit afin d'essayer d'améliorer l'état de stress post-traumatique.

Un bilan neuro-psychologique est réalisé le 4 décembre 2018 qui retrouve une fatigabilité qui apparaît au bout de 30 minutes. Le bilan a mis en évidence un profil cognitif impacté par des troubles intentionnels et exécutifs. Un suivi neuro-psychologique a été proposé. Lors de la réunion d'expertise du 16 octobre 2020, Mme [I] [W] a indiqué être toujours suivie par un psychologue régulièrement et par un psychiatre, même si ce suivi a été interrompu du fait du départ en retraite de son praticien habituel. Elle devait reprendre rendez-vous avec un autre psychiatre.

Lors de la réunion d'expertise, Mme [I] [W] s'est plaint de douleurs au genou droit persistantes, estimées à 6/10, de l'impossibilité de monter normalement les escaliers, qu'elle ne monte que le soir pour se coucher et descend le matin, d'un engourdissement de son membre inférieur droit (possiblement en rapport avec ses problèmes de dos antérieurs), de difficultés à rester debout plus de 10 minutes, d'une perte d'autonomie alors qu'avant l'accident elle marchait 1 à 2 heurs par jour, en raison de son diabète, de l'impossibilité de prendre le bus pour se rendre chez ses amies, de la persistance de cauchemars et de conduites d'évitement.

L'expert a relevé, au niveau du genou droit, un flessum de 10° et un déficit de flexion de 30° avec une franche laxité frontale, ainsi qu'une palpation douloureuse de la rotule.

S'agissant de l'état antérieur, l'expert a retenu une opération d'une hernie discale en 2001 et un diabète.

L'expert a retenu comme étant imputables à l'accident les lésions suivantes :
une lésion de l'arcade sourcilière droiteun traumatisme crânien avec perte de connaissance initialeune fracture du genou droit au plateau tibial externe, opéréeune fracture des branches ilio pubiennes droitesune fracture du sacrumun syndrome de stress post-traumatique.
La consolidation de l'état de Mme [I] [W] a été fixée au 31 janvier 2019, soit à deux ans de l'accident, en raison de l'évolution du syndrome de stress post-traumatique.

L'expert a précisé qu'en raison de la fracture du plateau tibial externe nettement enfoncée, et de la réduction imparfaite obtenue, il était probable que Mme [I] [W] soit sujette au développement d'une gonarthrose pouvant être traitée, le cas échéant, par la réalisation d'une prothèse totale du genou droit.

La créance de la CPAM de [Localité 16] [Localité 18]

Pour mémoire, les débours définitifs de la CPAM de [Localité 16] [Localité 18] s’élèvent à la somme de 72.608,46 euros, selon notification définitive du 27 août 2021, décomposée de la manière suivante (pièce 40) :
- frais hospitaliers : 58.494 euros
- frais médicaux : 4.227,74 euros
- frais d’appareillage : 370,86 euros
- frais futurs occasionnels : 9.515,86 euros.

Les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Mme [I] [W] sollicite la somme de 107,91 euros au titre des dépenses de santé restées à charge, après application du coefficient d'érosion monétaire.

Les défenderesses acceptent de prendre en charge la somme de 102 euros à laquelle elles n'appliquent pas le coefficient d'érosion monétaire.

Sur ce, il est justifié de factures de téléphone et télévision lors de l'hospitalisation au CHRU de [Localité 10] en 2017 pour des montants de 54 euros et 48 euros (pièce 38) qui ne font pas l'objet de contestation.

Ainsi qu'indiqué, il est justifié d'appliquer le coefficient d'érosion monétaire de 2017.

Il revient donc à la victime, au titre des dépenses de santé actuelles, la somme réclamée de :
107,91 euros

Les frais divers

Il s’agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d’expertise, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

* les frais de médecin conseil

Mme [I] [W] sollicite la somme totale de 1.668,76 euros au titre des frais d'assistance du Dr [C] majorés du coefficient d'érosion monétaire.

Les défenderesses s'opposent à la prise en charge de la somme de 720 euros réclamée par le Dr [C] à la suite de son examen du 17 octobre 2017 au motif que cet examen a été réalisé à la demande de Mme [I] [W] elle-même, en dehors de tout cadre amiable ou judiciaire. Elles acceptent uniquement de prendre en charge la facture de 900 euros.

Sur ce, il est justifié de deux factures du Dr [C], l'une du 15 octobre 2020 d'un montant de 900 euros pour l'assistance à expertise judiciaire du Dr [B] [A] qui n'est pas contestée en défense (pièce 42), l'autre du 17 octobre 2017 d'un montant de 720 euros au titre de la réalisation d'une expertise à la demande de Mme [I] [W] (pièces 24 et 52).

Il convient de rappeler qu'en application du principe de la réparation intégrale, la victime doit être indemnisée de chacun des préjudices ayant résulté du fait dommageable.

Or, Mme [I] [W] justifie parfaitement des frais de médecin-conseil qu'elle a été contrainte de régler par suite de l'accident dont elle a été victime et qui étaient nécessaires à l'appréciation de son entier préjudice comme ayant permis de préparer les opérations d'expertise judiciaire, puis de l'assister lors de la réunion d'expertise du Dr [B] [A].

La somme de 1.620 euros est donc due, somme à laquelle il convient d'appliquer le coefficient d'érosion monétaire tel que sollicité en fonction des dates d'engagement de la dépense. Il sera donc fait droit à la demande.

* L’assistance par tierce personne

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les frais de garde d’enfants, les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale.

En l’espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 17.149 euros sur la base d'un taux horaire de 22 euros.

Les défenderesses proposent de verser la somme de 11.693 euros sur la base d'un taux horaire de 15 euros.

L'expert a évalué le besoin d'assistance par tierce personne temporaire comme suit :
du 21 juin au 1er août 2017 : 2h30 par jour pour les actes de la vie quotidienne à savoir la toilette, l'habillage, les déplacementsdu 2 août 2017 au 11 avril 2018 : 1h30 par jourdu 12 avril 2018 au 31 janvier 2019 : 1h par jour.
Cette évaluation n'est pas contestée par les parties seul étant discuté le coût horaire de la tierce personne.

Sur ce point, il sera rappelé que l’indemnité allouée au titre de l’assistance par tierce personne ne saurait être réduite en cas d’assistance par un proche de la famille de la victime ni subordonnée à la production de factures acquittées.

Ainsi, eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 22 euros tel que sollicité.

Dès lors, le préjudice subi par Mme [I] [W] peut être évalué comme suit:
du 21 juin au 1er août 2017 : 42 jours x 2h30 x 22 € = 2.310 €du 2 août 2017 au 11 avril 2018 : 253 jours x 1h30 x 22 € = 8.349 €du 12 avril 2018 au 31 janvier 2019 : 295 jours x 1h x 22 € = 6.490 €soit au total la somme de 17.149 euros réclamée.

Par conséquent, il convient d’allouer à Mme [I] [W], au titre des frais divers, la somme de (1.668,76 + 17.149) :
18.817,76 euros

Les pertes de gains professionnels actuels

Il s’agit du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est à dire des pertes de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu’à la date de consolidation.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 14.887,53 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels. Elle fait valoir qu'avant l'accident, elle avait entrepris des démarches afin de devenir assistante familiale, démarches qui ont dû être stoppées en raison de l'accident.

Elle indique qu'elle avait été mise en retraite pour invalidité en raison de ses problèmes de dos antérieurs mais qu'elle était parfaitement autonome avant l'accident puisqu'elle effectuait ses déplacements seule. Elle estime avoir subi, du fait de l'accident, une perte de chance, qu'elle évalue à 70%, d'exercer la profession d'assistante familiale jusqu'à ses 70 ans. Elle calcule sa perte de chance sur la base d'un revenu annuel net de 19.632 euros pour l'accueil de deux enfants.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande. Elles rappellent que Mme [I] [W] était âgée de 63 ans au moment de l'accident et qu'elle était en retraite depuis 2001 après avoir été placée en invalidité de son poste d'agent d'entretien de la mairie de [Localité 10]. Elles font valoir qu'aucun début de preuve du projet de devenir assistante familiale n'est communiqué et qu'en tout état de cause, ce projet était irréalisable compte tenu de son âge et de ses antécédents. Enfin, elles indiquent que rien ne prouve un lien quelconque entre l'abandon de ce projet et l'accident.

Sur ce, il est justifié de ce que Mme [I] [W] a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 18 octobre 2001 alors qu'elle travaillait comme agent d'entretien à la Mairie de [Localité 10] (pièce 65). Elle avait 48 ans. Cette invalidité a été décidée en raison de ses problèmes de dos.

Contrairement à ce qu'indiquent les défenderesses, Mme [I] [W] démontre qu'elle avait le projet, avant l'accident, de devenir assistante familiale. En effet, elle a consulté son médecin traitant le 3 mars 2016 lequel a indiqué que son état de santé ne contre indiquait pas le travail d'assistante familiale (pièce 32).

En outre, elle s'était rendue la veille de l'accident à une réunion d'information auprès du Pôle PMI Santé (pièce 26).

Pour devenir assistante familiale, un agrément doit être obtenu lequel est délivré sous certaines conditions, à savoir :
avoir la nationalité française, être citoyen de l'EEE ou avoir un titre de séjour valide autorisant l'exercice d'une activité professionnellene pas avoir été condamné pour des faits en relation avec des enfantspasser un examen médical assurant que l'état de santé du candidat permet d'accueillir des enfantsprésenter des conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis (physique, intellectuel et affectif).
L'agrément est délivré par les services du département pour une durée de cinq ans.

Après obtention de l'agrément, l'assistant familial doit être recruté par les services du département après avoir effectué une démarche de demande d'emploi. Le Pôle Accueil Familial vérifie alors si les conditions générales de recrutement sont remplies et transmet les dossiers de candidature aux Service d'Accueil Familial de domiciliation afin qu'il évalue la candidature dans un délai maximum de quatre mois. L'évaluation repose sur des entretiens individuels au Service d'Accueil Familial et à domicile avec les différents membres du foyer (pièce 39).

Si avant l'accident, il peut être considéré que Mme [I] [W] était recevable à demander son agrément, et ce malgré son âge, eu égard aux difficultés de recrutement dans ce secteur et à l'âge moyen des assistantes familiales qui s'élève à 54,5 ans, et malgré son état antérieur, lequel ne contre indiquait pas l'exercice du métier d'assistante familiale, ainsi que l'avait attesté son médecin traitant le 3 mars 2016, encore faut-il établir que l'accident est de manière certaine à l'origine d'une perte de chance d'obtenir l'agrément, de se faire recruter et de se voir confier deux enfants de manière continue.

La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, dont le caractère certain doit être établi. Sa réparation ne peut être écartée que s'il peut être tenu pour certain que l'accident n'a pas eu de conséquence sur une telle disparition.

Pour justifier de ce que l'accident est à l'origine de l'échec du projet, Mme [I] [W] se fonde notamment sur une phrase du rapport d'expertise qui indique « sur l'incidence professionnelle : Madame [W] était bien dans une démarche pour reprendre une activité d'assistante maternelle, et ce malgré son âge et ses antécédents. C'est l'accident qui a stoppé cette démarche ». Cette affirmation ne repose sur aucun constat médical et ne fait en réalité que refléter les propos de Mme [I] [W] laquelle a effectivement renoncé à son projet après l'accident. Or, plus avant dans le rapport, l'expert indique « Madame [W] est retraitée, elle avait ambition de reprendre une activité d'assistante maternelle [en réalité familiale], ce même à son âge, les conséquences de l'accident ne rendent pas plus difficile la réalisation des gestes en rapport avec cette profession ». Ce dont le tribunal comprend que les blessures subies par Mme [I] [W] suite à l'accident, et les séquelles qu'elle conserve tant au plan physique que psychologique, n'entravaient pas la possibilité d'exercer le métier d'assistante familiale. D'ailleurs, elle ne verse au débat aucun certificat médical duquel il résulterait que son état de santé ne lui permettrait pas d'exercer ce métier de sorte qu'il ne peut être tenu pour certain que l'accident l'a privée d'une chance de percevoir les revenus d'une assistante familiale.

Dans ces conditions, la demande au titre de la perte de gains professionnels actuels sera rejetée.

Les préjudices patrimoniaux permanents

Les dépenses de santé futures

Il s'agit des frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie...), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 450 euros au titre des dépenses de santé futures correspondant à 10 séances de rééducation au prix unitaire de 45 euros non pris en charge par la sécurité sociale.

Les défenderesses ne se sont pas prononcées sur cette demande.

Suite à un dire de la demanderesse adressé à l'expert, celui-ci indique que Mme [I] [W] peut justifier d'une prise en charge neuropsychologique pour une année du fait de la persistance de ses troubles, « même si l'on peut noter qu'elle déclare à l'expertise ne pas avoir eu d'effet positif de sa prise en charge jusqu'à maintenant ».

Dans une note additionnelle à son rapport d'expertise amiable, le Dr [C] préconise également, au titre des frais post-consolidation, une prise en charge neuro-psychologique, à raison de 20 séances.

Le principe de ce suivi n'a pas été contesté par les défenderesses devant l'expert ni dans le cadre de la présente instance. Il convient donc de retenir, comme sollicité, au titre des dépenses de santé futures, 10 séances en neuro-psychologie.

La demanderesse justifie d'un coût par séance de 45 euros, non pris en charge par la sécurité sociale.

Il sera donc fait droit à la demande et alloué à Mme [I] [W], au titre des dépenses de santé futures, la somme de :
450 euros

L’assistance par tierce personne

Il s’agit d’indemniser la victime du coût lié l’embauche d’une tierce personne l’assistant dans les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Ces dépenses visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 184.685,93 euros au titre de l'assistance par tierce personne définitive sur la base d'un taux horaire de 22 euros.

Les défenderesses proposent de verser la somme de 111.026,025 euros sur la base d'un taux horaire de 15 euros.

L'expert judiciaire a retenu un besoin d'assistance par tierce personne définitive de 5h30 par semaine pour les actes de la vie quotidienne.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Ainsi qu'indiqué plus haut, il convient de retenir un taux horaire de 22 euros.

* L’assistance tierce personne échue

Entre le lendemain de la date de consolidation et le jour où il est statué, l’assistance à tierce personne s’élève à :
(1873 jours/7) x 22 € x 5h30 = 32.376,14 € auquel il convient d’ajouter la majoration pour congés payés de 10%, soit 35.613,75 €.

* L’assistance tierce personne à échoir

Pour l’avenir, les besoins d’assistance par tierce personne peuvent être évalués annuellement à 7.139 € [soit 59 semaines incluant les congés payés x 22 € x 5h30]. Mme [I] [W] étant âgée de 70 ans au jour où il est statué, les besoins en assistance par tierce personne seront capitalisés comme suit :

7.139 € x 18,579 euro rente viager = 132.635,48 €

En conséquence, il sera alloué à Mme [I] [W], au titre de la tierce personne définitive, la somme de (35.613,75 + 132.635,48) :
168.249,23 euros

La perte de gains professionnels future

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

Il est constant que l’auteur d’un fait dommageable est tenu d’en réparer toutes les conséquences sans que l’on puisse exiger de la victime qu’elle limite son préjudice en acceptant des conditions de travail radicalement différentes de celles qui étaient les siennes avant l’accident.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 57.260 euros au titre de la perte de gains professionnels future considérant qu'elle a perdu une chance, évaluée à 70%, d'exercer l'activité d'assistante familiale entre le 1er février 2019 (lendemain de la consolidation) et le 1er avril 2023, veille de ses 70 ans, date à laquelle elle aurait certainement arrêté de travailler. En réponse aux moyens opposés en défense, elle soutient qu'il est évident qu'elle aurait obtenu l'agrément de la part du département pour exercer la profession d'assistante familiale dès lors qu'elle en remplissait les conditions. Elle ajoute que la formation d'assistante familiale est dispensée postérieurement à la délivrance de l'agrément, dans les deux mois qui précèdent l'accueil du premier enfant, et qu'elle n'a donc aucune incidence sur la délivrance de celui-ci. Elle indique qu'elle aurait pu accueillir deux enfants puisqu'elle dispose de quatre chambres dont deux sont libres. Enfin, elle fait valoir que son état de santé antérieur (problèmes de dos) n'était pas un frein à l'exercice de cette profession puisque son médecin l'avait déclarée apte à l'exercer et qu'elle peut choisir l'âge des enfants dont elle voulait s'occuper et donc choisir des enfants plus autonomes qui n'auraient pas impliqué des tâches qui sollicitent le dos. Elle ajoute que son âge n'était pas de nature à l'empêcher de réaliser ce projet alors qu'elle était autonome et très active avant l'accident.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande faisant valoir qu'aucun élément ne permet d'établir que Mme [I] [W] avait vocation à réussir sa formation d'assistante familiale, à s'occuper de deux enfants et à percevoir un salaire mensuel de 1.636 euros net. Elles rappellent qu'elle était à la retraite depuis 2001 en raison de sa pathologie lombaire et considèrent que le projet de devenir assistante familiale était irréalisable en raison de son âge et de ses antécédents.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que l'accident est à l'origine d'une perte de chance directe et certaine d'obtenir un agrément pour devenir assistante familiale, de se faire recruter comme tel, de sa voir confier deux enfants et de percevoir les revenus de cette activité, la demande au titre de la perte de gains professionnels future sera rejetée.

L’incidence professionnelle

Ce poste d’indemnisation a pour objet d’indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 7.000 euros au titre de l'incidence professionnelle faisant valoir qu'elle a dû, en raison de l'accident, renoncer à son projet de devenir assistante familiale. Elle retient une perte de chance de 70% d'exercer cette profession jusqu'à ses 70 ans, soit durant 5 ans et 2 mois.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande faisant valoir que rien n'indique que l'activité d'assistante familiale était compatible avec son état antérieur et qu'elle aurait validé sa formation et obtenu son agrément. Elles ajoutent que rien ne prouve un lien quelconque entre l'abandon de ce prétendu projet et l'accident.

Sur ce, il n'est pas démontré que la renonciation au projet est directement imputable à l'accident de sorte que la demande sera rejetée.

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 8.992,50 euros sur la base d'une indemnité journalière de 30 euros par jour afin de tenir compte de sa longue hospitalisation mais également de son préjudice d'agrément temporaire.

Les défenderesses proposent de verser la somme de 7.493,75 euros sur la base d'une indemnité journalière de 25 euros.

L’expert judiciaire a retenu un déficit fonctionnel temporaire décomposé de la manière suivante:
DFT total du 31 janvier 2017 au 21 juin 2017, soit durant 142 jours, du fait des hospitalisations au CHRU de [Localité 10] puis à l'hôpital [17],DFT partiel de 50% du 22 juin 2017 au 1er août 2017, soit durant 41 jours, période au cours de laquelle Mme [I] [W] poursuit sa kinésithérapie et marche au domicile avec deux cannes anglaises,DFT partiel de 25% du 1er août 2017 au 31 janvier 2019 (et non 2018 comme indiqué par erreur dans le rapport d'expertise, ce sur quoi les parties s'accordent), soit durant 549 jours, période au cours de laquelle Mme [I] [W] poursuit sa rééducation avec une canne et est suivie pour son stress post traumatique.
Cette évaluation n'est pas contestée par les parties, seul étant discuté le montant de l'indemnité journalière à retenir.

Le préjudice d'agrément temporaire est indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire à condition que la victime démontre que, durant la période traumatique, elle n'a pas été en mesure de poursuivre une activité spécifique sportive ou de loisirs ou que cette pratique a été limitée. Mme [I] [W] indique n'avoir pas été en mesure de poursuivre ses cours de couture puisqu'elle s'y rendait à pied avant l'accident ce qu'elle n'était plus en mesure de faire, la marche étant difficile. Elle produit une attestation de Mme [E] [Y] qui indique qu'elle participait avec Mme [I] [W] aux cours de couture du centre social [15] tous les jeudis de 9h à 12h entre 2015 et 2017, cours auxquelles cette dernière a cessé de se rendre suite à l'accident (pièce 80). Il convient de rappeler que suite à l'accident, Mme [I] [W] a été hospitalisée pendant presque cinq mois et qu'ensuite, jusqu'à la consolidation, la marche n'a pu se faire qu'à l'aide de cannes. Ces éléments suffisent à établir qu'avant l'accident, Mme [I] [W] pratiquait une activité spécifique de loisirs, la couture, qu'elle a dû interrompre n'étant plus en capacité de se déplacer à pied jusqu'au centre social. L'existence d'un préjudice d'agrément temporaire est donc démontrée.

Dès lors, afin de tenir compte de ce préjudice d'agrément temporaire mais également de la longue période d'hospitalisation, il convient de retenir une indemnité journalière de 29 euros.

Sur ce, les troubles dans les conditions d’existence peuvent être évalués comme suit :
DFT total : 142 jours x 29 € = 4.118 eurosDFT partiel de 50% : 41 jours x 29 € x 50% = 594,50 eurosDFT partiel de 25% : 549 jours x 29 € x 25% = 3.980,25 eurossoit la somme totale de 8.692,75 euros.

En conséquence, il convient d’allouer à la victime, au titre du déficit fonctionnel temporaire, la somme de :
8.692,75 euros

Les souffrances endurées

Il s’agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre. 

Mme [I] [W] sollicite la somme de 20.000 euros au titre des souffrances endurées rappelant qu'elle a subi 142 jours d'hospitalisation et de rééducation, d'importantes douleurs au genou et tibia droit mais également un important stress post-traumatique.

Les défenderesses proposent de verser la somme de 10.000 euros.

L'expert judiciaire a chiffré à 3,5 sur une échelle de 7 les souffrances endurées afin de tenir compte de l'accident initial, de la fracture du bassin et de la fracture du genou droit mais également des conséquences neuro-psychologiques en découlant.

Il convient de rappeler que Mme [I] [W] a dû être hospitalisée pendant plus de cinq mois suite à l'accident en raison de sa fracture du genou et de la rééducation qu'elle a impliquée. Elle s'est déplacée pendant plusieurs mois avec une canne et a développé des difficultés d'ordre neurologique liées à un syndrome de stress post-traumatique.

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer à la victime, au titre des souffrances endurées, la somme de :
15.000 euros

Le préjudice esthétique temporaire

Il s’agit de l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation.

En l’espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 6.000 euros tandis qu'il est proposé en défense la somme de 2.000 euros.

L'expert a chiffré à 3 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique temporaire du fait des déplacements de Mme [I] [W] en fauteuil roulant puis à l'aide de de cannes anglaises mais également de ses cicatrices. Il a été relevé une cicatrice fine de 5 cm sur le bord antéro externe du genou droit (cicatrice opératoire), deux cicatrices centimétriques des voies d'abord arthroscopiques et une légère rougeur sur l'arcade sourcilière droite (plaie initiale).

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer à la victime, au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de :
3.000 euros

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Il s’agit du préjudice résultant de la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours. Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes. Ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

En l’espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 39.100 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Aux termes de leur dispositif, qui seul lie le tribunal, les défenderesses offrent de verser la somme de 36.800 euros.

L'expert a fixé à 23% le déficit fonctionnel permanent conservé par Mme [I] [W] en tenant compte du « déficit de flexion d'une trentaine de degrés du genou droit, de l'instabilité sur le plan frontal, des conséquences du traumatisme en terme de stress post traumatique et des conséquences sur les douleurs du bassin post fracturaires ».

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Née le [Date naissance 7] 1953, Mme [I] [W] était âgée de 65 ans à la date de la consolidation.

Il convient donc de lui allouer, au titre du déficit fonctionnel permanent, la somme de :
38.000 euros

Le préjudice esthétique permanent

Il s’agit du préjudice lié aux éléments de nature à altérer définitivement l’apparence physique de la victime.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 6.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent tandis que les défenderesses offrent la somme de 3.000 euros.

L'expert a chiffré à 2 sur une échelle de 7 le préjudice esthétique permanent du fait de la persistance d'une boiterie à la marche et des cicatrices qui ont été décrites plus haut. Lors de l'examen, l'expert a relevé que Mme [I] [W] marchait avec une boiterie d'esquive et que la marche était lente, ce qui est particulièrement visible aux yeux des tiers.

Compte tenu de ces éléments , il convient de lui allouer, au titre du préjudice esthétique permanent, la somme de :
4 000 euros

Le préjudice d’agrément

Ce poste vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs, suffisamment spécifique pour ne pas avoir déjà été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent, lequel répare déjà les atteintes aux joies usuelles de la vie quotidienne incluant les loisirs communs.

La simple limitation d'une pratique sportive ou de loisirs antérieure constitue également un préjudice d'agrément indemnisable.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément faisant valoir qu'elle a dû stopper ses cours de couture.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande faute pour la victime de démontrer la pratique régulière d'une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Ainsi qu'il a été dit au titre du déficit fonctionnel temporaire, Mme [I] [W] justifie qu'elle suivait régulièrement avant l'accident des cours de couture auxquels elle n'a plus été en mesure de se rendre en raison de ses difficultés à la marche imputables à l'accident, indiquant qu'elle s'y rendait à pied n'étant pas titulaire du permis. Ces éléments caractérisent l'existence d'un préjudice d'agrément qui a d'ailleurs été retenu par l'expert.

Compte tenu de ces éléments, il sera alloué à Mme [I] [W], au titre du préjudice d'agrément, la somme de :
3.000 euros
Le préjudice permanent exceptionnel

Les préjudices permanents exceptionnels sont des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou les attentats.

En l'espèce, Mme [I] [W] sollicite la somme de 10.000 euros au motif que, de confession musulmane, d'une part elle ne peut plus se rendre à pied à la mosquée pour prier, d'autre part et surtout, elle ne peut plus se mettre à genou ou se prosterner lors de la prière compte tenu de ses séquelles.

Les défenderesses s'opposent à cette demande indiquant que si Mme [I] [W] ne peut plus se rendre seule à la mosquée, elle peut toujours y être emmenée par l'un de ses enfants.

Sur ce, les défenderesses n'ont pas contesté l'argument principal soulevé par Mme [I] [W], à savoir qu'elle est dans l'incapacité, du fait des séquelles de l'accident, de réaliser la prière dans la position rituelle musulmane, ce qui doit être effectivement retenu dès lors qu'il est acquis qu'elle conserve un déficit de flexion d'une trentaine de degrés de son genou droit qui rend impossible ou à tout le moins douloureuse la position à genou.

En outre, du fait de ses difficultés à la marche, elle ne peut plus se rendre à pied à la mosquée comme elle le faisait avant l'accident.

Il est ainsi démontré l'existence d'un préjudice permanent exceptionnel qui est distinct du déficit fonctionnel permanent déjà indemnisé.

En l'absence de tout élément de preuve de l'intensité de la pratique religieuse, une somme de 3.000 euros sera allouée à Mme [I] [W] à ce titre.

Dès lors, il convient d'allouer à la victime, au titre du préjudice permanent exceptionnel, la somme de :
3.000 euros
****

Les sommes allouées à la victime seront versées sous déduction des provisions d’ores et déjà versées par l’assureur, à savoir 10.000 euros.

Seront condamnés in solidum le responsable de l'accident, M. [G] [K], et son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.

Sur l'indemnisation des victimes indirectes

Sur le préjudice d'affection

Le préjudice d'affection indemnise le préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, mais justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il convient d’inclure à ce titre le retentissement pathologique objectivé que la perception du handicap de la victime a pu entraîner chez certains proches.

Il doit être indemnisé même s’il n’a pas un caractère exceptionnel. Son montant est fixé en fonction de l’importance du dommage corporel de la victime directe et sa réparation implique l’existence d’une relation affective réelle avec le blessé.

M. [U] [W], fils de Mme [I] [W], sollicite à ce titre la somme de 15.000 euros faisant valoir qu'il vit au domicile de sa mère et qu'il a été constamment présent auprès d'elle suite à l'accident pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne. Il indique avoir été très inquiet pour sa mère et très touché de voir la diminution de son état suite à l'accident.

Mme [Z] [W], M. [L] [W], M. [V] [W] et Mme [X] [W], les enfants de Mme [I] [W] sollicitent chacun la somme de 7.000 euros au titre de leur préjudice d'affection.

Mme [J] [O], dont Mme [I] [W] a été désignée tutrice lorsqu'elle avait 10 ans, sollicite la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice d'affection.

Les défenderesses proposent de verser 5.000 euros à M. [U] [W], 2.000 euros à chacun des enfants, Mme [Z] [W], M. [L] [W], M. [V] [W] et Mme [X] [W]. Elles s'opposent à la demande de Mme [J] [O] faute de preuve de ce que Mme [I] [W] était sa tutrice et de preuve du lien affectif les unissant.

Sur ce, il n'est pas contesté que M. [U] [W] vit au domicile de sa mère et qu'il a ainsi été exposé quotidiennement à la souffrance et aux blessures de celle-ci suite à l'accident. Il n'est pas davantage contesté qu'il a été à ses côtés lors de l'hospitalisation et qu'il l'a aidée quotidiennement et continue à l'aider dans les actes de la vie courante.

Ces éléments justifient de lui allouer la somme de 7.000 euros.

S'agissant de Mme [Z] [W], M. [L] [W], M. [V] [W] et Mme [X] [W], les enfants de Mme [I] [W], il est incontestable que, bien que ne vivant pas au domicile, ils ont subi un préjudice d'affection au vu de la souffrance et des blessures de leur mère. Il est ainsi justifié de leur allouer chacun la somme de 4.000 euros.

S'agissant de Mme [J] [O], il est justifié de ce que, par jugement du juge des tutelles mineurs du 20 décembre 1991, Mme [I] [W] a été désignée tutrice de sa nièce alors âgée de 11 ans (pièce 60). Dans son attestation, Mme [J] [O] évoque Mme [I] [W] comme étant sa « seconde mère ». Elle fait part de sa vive émotion suite à l'accident dont sa tante a été victime. Ces éléments suffisent à établir le lien d'affection unissant Mme [J] [O] à Mme [I] [W] et l'existence d'un préjudice d'affection qui sera indemnisé à hauteur de 3.000 euros.

Sur le préjudice financier de M. [U] [W]

* les frais kilométriques

M. [U] [W] sollicite la somme de 1.466,01 euros au titre de ses frais kilométriques (1.381,61 euros) et des frais de parking (84,40 euros) pour accompagner sa mère à ses différents rendez-vous médicaux.

Les défenderesses ne contestent pas cette demande sous réserve des justificatifs produits.

Les justificatifs étant versés aux débats (pièces 23 et 70), il convient de faire droit à la demande.

* la perte de chance de débuter une activité professionnelle en avril 2017

M. [U] [W] sollicite la somme de 5.610 euros au titre de sa perte de revenus faisant valoir qu'au moment de l'accident, il voulait changer de carrière pour devenir chauffeur de VTC. Il précise qu'il a obtenu sa carte professionnelle le 16 janvier 2017 mais qu'en raison de l'accident, il a dû décaler la création de sa société en août 2017 et débuter son activité le 23 octobre 2017 alors qu'il avait prévu de le faire dès le 16 avril 2017. Il estime avoir perdu une chance de démarrer son activité professionnelle en avril 2017, perte de chance qu'il estime à 60%. Il sollicite donc une perte de revenu de 6 mois et 7 jours sur la base de 1.500 euros par mois.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande au motif que M. [U] [W] ne démontre pas avoir obtenu sa carte professionnelle et ne verse aucun élément comptable de nature à démontrer qu'il percevrait 1.500 euros par mois.

Sur ce, M. [U] [W] justifie de ce qu'il a passé l'examen de conducteur de voiture de transport avec chauffeur le 2 août 2016, examen qu'il a obtenu. Il s'est ainsi vu délivrer sa carte de conducteur de voiture de transport avec chauffeur par le préfet de [Localité 10] le 16 janvier 2017, soit quelques jours avant l'accident de sa mère (pièces 41 et 58).

Il est établi que M. [U] [W] a crée sa société FTVTC le 1er août 2017 (pièce 46) mais les pièces versées aux débats ne permettent pas d'établir qu'il n'aurait démarré son activité que le 23 octobre 2017.

Par ailleurs, rien ne permet de dire, comme il le fait, que sa société aurait dû démarrer trois mois après l'obtention de sa carte professionnelle et surtout que l'accident de sa mère serait à l'origine d'un décalage de la création de la société et du commencement de l'activité. En effet, en avril 2017, date à laquelle il aurait, selon ses dires, dû commencer son activité, sa mère était encore hospitalisée. Il n'est pas contesté qu'il se rendait régulièrement à son chevet. Néanmoins, il n'est pas établi qu'il restait auprès d'elle un temps tel qu'il ne pouvait par ailleurs pas débuter son activité professionnelle. De la même manière, lorsque sa mère est revenue au domicile, s'il n'est pas contesté qu'il a assumé l'aide humaine dont elle avait besoin, rien ne permet de considérer que cela l'aurait empêché de démarrer son activité professionnelle. D'ailleurs, il admet avoir pu commencer son exercice professionnel en octobre 2017 alors qu'à cette époque, sa mère avait encore besoin de 1h30 d'assistance par jour.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'accident dont a été victime sa mère est à l'origine d'une perte de chance pour M. [U] [W] d'obtenir des revenus à compter d'avril 2017. La demande sera rejetée.

Sur les troubles dans les conditions d'existence de M. [U] [W]

Il s'agit d'indemniser les troubles dans les conditions d'existence dont sont victimes les proches justifiant d'une communauté de vie effective et affective avec la victime directe pendant sa survie handicapée.

M. [U] [W] sollicite la somme de 5.000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence faisant valoir qu'il a dû renoncer à ses activités personnelles afin d'aider sa mère au quotidien. Il rappelle qu'il lui a rendu visite régulièrement lors de son hospitalisation et qu'au retour au domicile, il s'est occupé d'elle en qualité de tierce personne, ce qu'il continue à faire à raison de 5h30 par semaine. En réponse aux moyens soulevés en défense, il indique que ce préjudice est distinct de l'assistance par tierce personne lequel correspond à l'atteinte économique subie par le blessé. Il ajoute que ce préjudice peut être indemnisé même si la victime n'est pas atteinte d'un grave handicap.

Les défenderesses concluent au rejet de la demande faisant valoir que l'aide apportée à sa mère est indemnisée au titre de la tierce personne et que les séquelles de celle-ci ne constituent pas un handicap grave.

Contrairement ce qu'indiquent les défenderesses, ce poste de préjudice ne se confond pas avec l'assistance par tierce personne mais a vocation à indemniser l'altération des conditions d'existence des proches en raison du handicap de la victime.

Il n'est pas contesté que M. [U] [W] vivait au domicile de sa mère et y vit toujours et que son quotidien a été modifié pour s'occuper de sa mère durant ses mois d'hospitalisation et à son retour au domicile. Si son handicap n'est pas majeur, il n'en demeure pas moins qu'une assistance par tierce personne a été nécessaire à son retour d'hospitalisation et l'est toujours à raison de 5h30 par semaine. Ceci établit un trouble dans les conditions d'existence de M. [U] [W]. Toutefois, en l'absence de tout élément permettant d'établir l'intensité de cette perturbation, l'indemnisation sera réduite à la somme de 1.000 euros.

Sur les frais divers de M. [V] [W]

M. [V] [W] sollicite la somme de 1.575,26 euros au titre de ses frais de déplacement (285,90 euros pour les frais de péage et de train et 1.289,36 euros pour les frais kilométriques) expliquant avoir effectué à plusieurs reprises des déplacements entre le 95, où il réside, et le Nord pour rendre visite à sa mère.

Les défenderesses ne s'opposent pas à la demande sous réserve des justificatifs produits.

Les justificatifs ayant été versés aux débats (pièces 45, 51 et 76), il sera fait droit à la demande.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation annuelle des intérêts, de droit lorsqu’elle est sollicitée, sera accordée à compter de la présente décision sur l'ensemble des condamnations.

Sur le doublement de l’intérêt légal

Aux termes de l'article 1231-7 du Code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

Néanmoins, l’article L.211-13 du Code des assurances dispose que lorsque l’offre d'indemnité formulée par l'assureur n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L.211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.

A cet égard, il est constant qu’est assimilée à l’absence d’offre celle qui est incomplète comme ne comprenant pas tous les éléments indemnisables du préjudice au sens de l'article R.211-40, ou celle qui revêt un caractère dérisoire.

L’article L.211-9 du même code impose, en effet, à l’assureur de responsabilité civile, lorsque la responsabilité n’est pas contestée et lorsque le dommage est entièrement quantifié, de faire une offre d’indemnité à la victime dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. Dans les autres hypothèses, l’assureur doit dans le même délai donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Il est également prévu qu’une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident, cette offre pouvant avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. Dans cette dernière hypothèse, l’offre définitive doit être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

En cas de décès de la victime directe, l'assureur est tenu de présenter à ses héritiers, dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice et ce, sans que les héritiers aient à solliciter une indemnisation. L'article R.211-30 du Code des assurances prévoit, néanmoins, qu'en cas de décès de la victime directe plus d'un mois après l'accident, le délai de huit mois pour présenter une offre est prorogé du temps écoulé entre la date de l'accident et le jour du décès, diminué d'un mois.

S'agissant, en revanche, des victimes par ricochet, le délai dans lequel l'offre définitive d'indemnisation de l'assureur doit être faite court à compter de la demande d'indemnisation émise par lesdites victimes indirectes.

En l’espèce, les consorts [W] sollicitent la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal à compter du 30 septembre 2017 jusqu'au jour à la décision à intervenir deviendra définitive et sur la totalité des sommes allouées, sans déduction des provisions.

S'agissant de l'offre d'indemnisation des préjudices subis par la victime directe

Sur l’absence d’offre d’indemnisation dans les délais prévus

Il est acquis que l'assureur n'a pas présenté d'offre provisionnelle dans le délai de 8 mois, soit avant le 31 septembre 2017, l'état de Mme [I] [W] n'étant à cette époque pas consolidé.

Pour en justifier, les défenderesses invoquent l'article R211-31 du code des assurances qui prévoit une suspension du délai prévu au premier alinéa de l'article L211-9 du code des assurances.
Ainsi, si l'assureur n'a reçu aucune réponse ou une réponse incomplète dans un délai de six semaines suivant la présentation de la correspondance par laquelle il demande à la victime les informations prévues par les articles R211-37 et R211-38, le délai de huit mois est suspendu à compter de l'expiration du délai de six semaines et jusqu'à réception des renseignements demandés.

Les défenderesses soutiennent avoir adressé le 25 août 2017, par lettre simple et recommandée, à Mme [I] [W] un questionnaire corporel auquel elle n'aurait pas répondu. Force est de constater qu'elles ne justifient pas de l'envoi de ce courrier, que Mme [I] [W] conteste avoir reçu, et que le simple courrier de rappel du 14 mars 2018, dans lequel il est évoqué celui du 25 août 2017, ne suffit pas à établir la preuve de l'envoi.

Aucune suspension du délai n'est donc intervenue et il est acquis que le délai de 8 mois pour présenter une offre provisionnelle n'a pas été respecté.

L'assureur a proposé à Mme [I] [W], le 26 septembre 2018, le versement d'une provision de 3.000 euros ce qui ne peut être assimilé à une offre provisionnelle.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que le rapport du Dr [B] [A] a été communiqué aux parties le 22 décembre 2020 de sorte que l'assureur disposait d'un délai jusqu'au 22 mai 2021 pour présenter une offre définitive d'indemnisation, la consolidation étant acquise. Or, l'offre n'a été formulée que le 29 juin 2021, soit hors délai, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

La sanction du doublement de l'intérêt légal est donc encourue.

Sur le point de départ et d’arrivée des intérêts au double du taux légal et sur l’assiette du doublement de l’intérêt légal

Le premier délai n'ayant pas été respecté, la sanction commencera à courir à compter du 1er octobre 2017.

Il a été offert à Mme [I] [W] une somme globale de 146.462 euros. Eu égard aux sommes allouées par la présente décision, à hauteur de 262.317,65 euros, il doit être considéré que cette offre est manifestement insuffisante. La sanction sera donc appliquée jusqu'au jour où la présente décision deviendra définitive.

Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal

En cas d’offre d’indemnisation de l’assureur, l’assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l’assureur, de sorte que la sanction prévue à l’article L.211-13 du Code des assurances a pour assiette l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées. En l’absence d’offre ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’assiette des intérêts majorés porte sur les sommes allouées par le juge avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

Le doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera sur les sommes allouées par le présent jugement, en ce compris la créance de la CPAM et avant déduction de la provision de 10.000 euros, soit la somme de 334.926,11 euros (262.317,65 + 72.608,46).

S'agissant des victimes par ricochet

En l'espèce, si la formulation du dispositif des conclusions des demandeurs pouvait laisser planer un doute à ce sujet, force est néanmoins de constater que le doublement du taux légal des intérêts n'est pas soutenu par les consorts [W] s'agissant des victimes par ricochet, seuls des moyens relatifs à l'offre d'indemnité formulée auprès de Mme [I] [W] ayant été développés en ce sens.

Sur la demande de jugement commun et opposable

La demande est dépourvue d'intérêt dès lors que la CPAM de [Localité 10] est partie à l'instance et que le jugement lui est réputé contradictoire.

Sur l'exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 :

“ Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.”

Il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit le jugement par l’effet de ce décret, ni de déroger à ce principe.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. [...]”.

M. [G] [K], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles, qui succombent, supporteront in solidum la charge des dépens.

L’équité commande d’allouer à Mme [I] [W] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne in solidum M. [G] [K], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [I] [W] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 31 janvier 2017 :
- 18.817,76 euros au titre des frais divers
- 107,91 euros au titre des dépenses de santé actuelles
- 450 euros au titre des dépenses de santé futures
- 168.249,23 euros au titre de l’assistance par tierce personne définitive
- 8.692,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 15.000 euros au titre des souffrances endurées
- 3.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 38.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 4.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 3.000 euros au titre du préjudice d'agrément
- 3.000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel

Dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction de la provision déjà versée,

Déboute Mme [I] [W] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuelle et future et au titre de l'incidence professionnelle,

Condamne in solidum la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [I] [W] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 334.926,11 euros à compter du 1er octobre 2017 et jusqu’au jour où la présente décision deviendra définitive,

Fixe la créance de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 10] à la somme de 72.608,46 euros,

Condamne in solidum M. [G] [K], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à verser les sommes suivantes :
à M. [U] [W] : 7.000 euros au titre de son préjudice d'affection,à M. [U] [W] : 1.000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existenceà M. [U] [W] : 1.466,01 euros au titre de ses frais de déplacementà M. [V] [W] : 4.000 euros au titre de son préjudice d'affectionà M. [V] [W] : 1.575,26 euros au titre de ses frais de déplacementà M. [L] [W] : 4.000 euros au titre de son préjudice d'affectionà Mme [X] [W] épouse [S] : 4.000 euros au titre de son préjudice d'affectionà Mme [Z] [W] : 4.000 euros au titre de son préjudice d'affectionà Mme [J] [O] épouse [P] : 3.000 euros au titre de son préjudice d'affection
Ordonne la capitalisation des intérêts dus à Mme [I] [W], M. [U] [W], Mme [Z] [W], M. [V] [W], M. [L] [W], Mme [X] [W] épouse [S], Mme [J] [O] épouse [P], par année entière,

Déboute M. [U] [W] de sa demande au titre de la perte de chance de percevoir des revenus à compter d'avril 2017,

Condamne in solidum M. [G] [K], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens,

Condamne in solidum M. [G] [K], la SA MMA IARD et la SA MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à Mme [I] [W] la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/02814
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.02814 ?
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