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15/03/2024 | FRANCE | N°23/00023

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Expropriations, 15 mars 2024, 23/00023


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Expropriations
N° RG [Cadastre 14]/00023 - N° Portalis DBZS-W-B7H-X2Y3


JUGEMENT DU 15 MARS 2024



DEMANDEUR :

L’ ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE HAUTS-DE-FRANCE, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 25]
représentée par Me Juliette DELGORGUE, avocat au barreau de LILLE




DÉFENDEURS, tous non comparants :

Mme [W] [T] veuve [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE


M. [R] [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

Mme [L] [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

Mme [S] [T] épouse [K] demeurant [Adresse 36]...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Expropriations
N° RG [Cadastre 14]/00023 - N° Portalis DBZS-W-B7H-X2Y3

JUGEMENT DU 15 MARS 2024

DEMANDEUR :

L’ ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DE HAUTS-DE-FRANCE, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 25]
représentée par Me Juliette DELGORGUE, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDEURS, tous non comparants :

Mme [W] [T] veuve [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

M. [R] [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

Mme [L] [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

Mme [S] [T] épouse [K] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

M. [C] [T] demeurant [Adresse 36] - ALGERIE

Mme [M] [T] épouse [P] demeurant [Adresse 35] - ALGERIE

Mme [U] [T] épouse [P] demeurant [Adresse 31] - ALGERIE

En présence de Madame [N] [V], commissaire du gouvernement par délégation du directeur régional des Finances publiques

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Aurélie VERON, Vice-présidente au Tribunal Judiciaire de Lille, juge titulaire de l’expropriation du département du Nord, désignée par ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Douai, à compter du 1er septembre 2021, en conformité des dispositions des articles L. 311-5 et R. 211-2 du code de l’expropriation, assistée de Isabelle LASSELIN, greffier, secrétaire de la juridiction.

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Février 2024, après avoir entendu :

Me Delgorgue
Mme [V]

date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 15 Mars 2024.

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe le 15 Mars 2024

EXPOSE DU LITIGE

Un projet de renouvellement urbain du quartier « [Adresse 33] » a été conçu dans le cadre du NPNRU.

Par arrêté du 9 novembre 2022, le préfet du Nord a prescrit l’ouverture d’une enquête préalable à la déclaration d’utilité publique du projet et d'une enquête parcellaire.

Par arrêté préfectoral du [Cadastre 14] février 2023, le projet de renouvellement urbain de la Porte du Hainaut sur le quartier « [Adresse 33] » à [Localité 32] a été déclaré d'utilité publique.

Les parcelles cadastrées BH[Cadastre 2], BH [Cadastre 7] et BH[Cadastre 8] sises [Adresse 10] à [Localité 32] et appartenant à la succession non réglée de [O] [T] sont concernées par le projet.

Le service des Domaines a évalué le bien le 30 mai 2023 à 70 000 euros, outre une indemnité de remploi de 8 200 euros.

Par arrêté préfectoral du 10 juillet 2023, les parcelles concernées par le projet ont été déclarées immédiatement cessibles au profit de l'Etablissement public foncier des Hauts de France.

Les parcelles cadastrées BH[Cadastre 2], BH [Cadastre 7] et BH[Cadastre 8] dépendent de la succession non réglée de [O] [T], décédé le 1er octobre 2005 laissant pour héritiers, son épouse, [W] [T], elle-même décédée le 30 juillet 2023, et ses enfants, M. [R] [T], Mme [L] [T], Mme [S] [T], M. [C] [T], Mme [M] [T] et Mme [U] [T].

L'Etablissement public foncier des Hauts de France a adressé son mémoire valant offre aux propriétaires lesquels résident tous en Algérie, selon les modalités suivantes :
à [W] [T] par lettre recommandée avec avis de réception du 9 août 2023 (avis de réception mention décédé)à M. [R] [T] par lettre recommandée avec avis de réception (avis de réception signé le 7 septembre 2023)à Mme [L] [T] par lettre recommandée avec avis de réception (avis de réception signé le 7 septembre 2023)à Mme [S] [T] par lettre recommandée avec avis de réception (avis de réception signé le 7 septembre 2023),à M. [C] [T] par lettre recommandée avec avis de réception (avis de réception signé le 7 septembre 2023),à Mme [M] [T] par lettre recommandée avec avis de réception (avis de réception signé le 7 septembre 2023)à Mme [U] [T] par lettre recommandée avec avis de réception du 9 août 2023 (envoi retiré le 29 août 2023).
Les propriétaires n’ayant pas répondu, l'Etablissement public foncier des Hauts de France a saisi le juge de l'expropriation, par mémoire reçu au greffe le 12 décembre 2023 et a maintenu son offre d'une indemnité totale de 78 200 euros se décomposant de la manière suivante :
70 000 euros au titre de l'indemnité principale8 200 euros au titre de l'indemnité de remploi.
L'autorité expropriante fait valoir que l'immeuble est dans un état de délabrement avancé et que d'après les termes de comparaison cités, le prix moyen pour ce type de bien est de 342€/m², alors qu'elle propose 360€/m².

Dans ses conclusions enregistrées au greffe le [Cadastre 14] janvier 2024, Mme le commissaire du gouvernement indique que le prix proposé de 360 €/m² lui paraît satisfactoire.

La visite des lieux s’est déroulée le 8 février 2024, en présence du représentant de l'Etablissement public foncier des Hauts de France et de son conseil et de Mme le commissaire du gouvernement, mais en l’absence des héritiers du propriétaire défunt.

Les propriétaires n'ont pas constitué avocat.

L'affaire a pu être utilement retenue à l'audience du 9 février 2024, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 15 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort des articles L321-1, L322-1 et L322-2 du code de l’expropriation pour cause de l'utilité publique que :
- les indemnités allouées par la juridiction de l’expropriation doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ;
- la consistance du bien s’apprécie à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ;
l’estimation du bien s’effectue à la date de la décision de première instance, sauf à prendre en considération l’usage effectif du bien, les critères de qualification et les possibilités de construction à la date de référence.
I- Sur l'indemnité principale d'expropriation

1/ Sur la consistance du bien

Les parcelles servent d'assises à un immeuble et comportent en front à rue un grand parking. Les parcelles cadastrées BH [Cadastre 2], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] sont d'une contenance respectives de 115 m², 128 m² et 319 m².

Il s'agit d'une construction en briques avec couverture tuiles. L'immeuble est érigé en R1. Il était initialement à usage mixte avec un fonds de commerce en rez-de-chaussée. Le bien est actuellement vacant et non entretenu. Ses accès sont condamnés.

Le bien n'a pu être visité.

D'après les éléments communiqués par Mme le commissaire du gouvernement et correspondant à une visite en 2019, le bien pouvait à l'époque être décrit de la manière suivante :
[Adresse 11] :Au rez-de-chaussée, un local commercial, ancien café se composant d'une entrée, et de quatre pièces d'environ 10 m² avec point d'eau, douche, WC, une cave et un escalier effondré
Au 1er étage, une série de neuf pièces, avec point d'eau, en enfilade, de part et d'autre du couloir ;
[Adresse 9] :Au rez-de-chaussée, quatre salles dont une avec plafond en simples tôles, un studio avec coin douche
Au 1er étage, trois pièces
grenier, jardin, garages, places de stationnement en façade.

L'immeuble apparaît dans un état de délabrement avancé, considéré comme insalubre.

Sur la base des données cadastrales, la surface utile pondérée peut être fixée à 194 m².

Le bien est classé en zone UA au PLUi : centre ville où est favorisé la mixité des fonctions. Secteur voies bruyantes.

2/ Sur la date de référence

Aux termes de l'article L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.
Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L. 322-3 à L. 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L. 121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n°2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.
Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.
Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l²'immeuble.

En application de cet article, la date de référence est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

Les parties ne s'expliquent pas sur la date de référence.

3/ Sur la méthode à appliquer

Le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

La méthode privilégiée de détermination du prix est celle de la comparaison par rapport aux transactions les plus représentatives du marché. Pour fixer les indemnités dues pour l'expropriation, la juridiction tient ainsi compte des offres, des demandes, des cessions de toute nature intervenues dans le même secteur géographique pour des biens comparables ainsi que de la situation des biens au regard des règles d'urbanisme.

La méthode par comparaison autorise la prise en compte de mutations de terrains d'un zonage équivalent, intervenues dans une période récente dans un secteur géographique comparable

La méthode par comparaison implique de retenir des biens situés dans une même zone soumise aux mêmes contraintes ou avantages en termes d'urbanisme, de taille comparable, situés dans un secteur géographique proche du bien à estimer, de nature analogue, et selon des évaluations effectuées à une date proche de la décision de première instance.

Les parties représentées s'accordent sur l'application de la méthode par comparaison.

4/ Sur l’estimation du bien

Les termes de comparaison cités par l'Etablissement public foncier des Hauts de France sont les suivants :


Réf. enregt
Ref. Cadastrales
Commune
Adresse
Date mutation
Année
constr.
Surface
terrain
Surface utile totale
Prix total
Prix/m²
(surf. Utile)
1
5924P03 2021P04345
[Cadastre 12]//AL/[Cadastre 24]
[Localité 32]
[Adresse 4]
21/05/2021
1875
107
187
40 000
214,00
2
5924P03 2021P08797
[Cadastre 12]//AZ/[Cadastre 6]
[Localité 32]
[Adresse 23]
05/11/2021
1912
152
157
57 500
366,00
3
5924P03 2023P04460
[Cadastre 12]//AP/[Cadastre 15], [Cadastre 16]
[Localité 32]
[Adresse 5]
01/03/2023
1870
392
183
58 600
320,00
4
5924P03 2022P16825
[Cadastre 18]//AB/[Cadastre 14], [Cadastre 20], [Cadastre 13]
[Localité 34]
[Adresse 21]
12/12/2022
1900
1477
262
110 000
420,00
5
5924P03 2022P00331
[Cadastre 18]//AI/[Cadastre 17]//
[Localité 34]
[Adresse 28]
31/12/2021
1900
194
219
75 000
342,00
6

[Cadastre 26]//AH/[Cadastre 19]
[Localité 37]
[Adresse 1]
27/10/2020
1860
1450
236
92 000
390,00

Le commissaire du gouvernement cite les termes de comparaison suivants :


Réf. enregt
Ref. Cadastrales
Commune
Adresse
Date mutation
Année
constr.
Surface
terrain
Surface utile totale
Prix total
Prix/m²
(surf. Utile)
7
5924P03 2021P08409
[Cadastre 12]//BD/[Cadastre 30]//
[Localité 32]
[Adresse 22]
21/10/2021
1950
296
230
41 000
178,26
8
5924P03 2021P08646
[Cadastre 12]//BD/[Cadastre 29], [Cadastre 3]
[Localité 32]
[Adresse 27]
25/10/2021
1950
337
220
42 500
193,18
Immeuble à rénover totalement

Tous les termes de comparaison cités sont des cessions et acquisitions récentes d'habitations similaires, situées dans un même secteur géographique, et avec la même période de construction.

Le prix moyen de ces termes est de 302,93 €/m²P, avec une fourchette s'étalant de 178 €/m² à 420€/m².

Les termes cités par le commissaire du gouvernement, avec des prix nettement plus bas, inférieurs à 200€/m²P sont plus proches de l'état du bien à évaluer, s'agissant d'immeubles à rénover totalement.

Compte tenu de ces éléments, le prix proposé par l'autorité expropriante, de 360€/m²P, apparaît supérieur à la valeur de marché et satisfactoire.

En conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité principale de dépossession revenant aux propriétaires doit être fixée à 70 000 euros.

II- Sur l'indemnité de remploi

Aux termes de l'article R. 322-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'indemnité de remploi est calculée compte tenu des frais de tous ordres normalement exposés pour l'acquisition de biens de même nature moyennant un prix égal au montant de l'indemnité principale. Sont également pris en compte dans le calcul du montant de l'indemnité les avantages fiscaux dont les expropriés sont appelés à bénéficier lors de l'acquisition de biens de remplacement.
Toutefois, il ne peut être prévu de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique.

L'indemnité de remploi est destinée à couvrir de manière forfaitaire les frais de tous ordres qui seraient exposés par les expropriés pour acquérir un bien similaire.

Il convient de fixer l'indemnité de remploi de la manière suivante :
- 8 000 euros x 25 % = 2 000 euros
- 62 000 euros x 10 % = 6 200 euros
= 8 200 euros.

III- Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la nature du litige, les dépens resteront à la charge de l'Etablissement public foncier des Hauts de France.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'expropriation du Nord, statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,

FIXE l’indemnité de dépossession revenant à la succession non réglée de [O] [T], pour les parcelles cadastrée BH[Cadastre 2], BH, [Cadastre 7] et BH [Cadastre 8] sises [Adresse 10] à [Localité 32] à 78 200 euros se décomposant ainsi:
indemnité principale : 70 000 euros indemnité de remploi : 8 200 euros ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etablissement public foncier des Hauts de France.

Le GreffierLe juge de l'expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 23/00023
Date de la décision : 15/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-15;23.00023 ?
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