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14/03/2024 | FRANCE | N°23/02299

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 23/02299


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/02299 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W5NK

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

M. [R] [B]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

M. [Y] [B]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

M. [I] [B]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.S. LUXE IMMO, prise en la personn

e de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
défaillant


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: G...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/02299 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W5NK

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

M. [R] [B]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

M. [Y] [B]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

M. [I] [B]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Stéphane BESSONNET, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A.S. LUXE IMMO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 Avril 2023.

A l’audience publique du 11 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 06 décembre 2021, la S.A.S. LUXE IMMO s'est portée acquéreuse d'une maison à usage d'habitation et des fonds et terrain en dépendant, sis [Adresse 1]) appartenant à Messieurs [R], [Y] et [I] [B], moyennant le prix principal de 215.000 euros et sans condition suspensive relative à l'obtention d'un financement.

La réitération par acte authentique devait intervenir au plus tard le 29 avril 2022.

Suivant exploit en date du 1er juillet 2022 remis à domicile, il a été fait sommation à la société LUXE IMMO d'avoir à comparaître devant notaire le 13 juillet 2022 aux fins de réitération de la vente par acte authentique.

Le 13 juillet 2022, constatant l'absence de présentation de la société acquéreuse au rendez-vous fixé le jour-même aux fins de réitération de l'acte de vente, Maître [Y] [F] a, avec la participation de Maître [U] [M], notaire assistant la société LUXE IMMO, dressé procès-verbal de carence.

Suivant lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 décembre 2022 et retournée signée le 30 décembre 2022, les consorts [B] ont, par l'intermédiaire de leur conseil, mis en demeure la S.A.S. LUXE IMMO d’avoir à leur régler la clause pénale d’un montant de 21.500 euros prévue à l'acte sous seing privé de vente.

Cette mise en demeure étant demeurée infructueuse, les consorts [B] ont, suivant exploit délivré le 08 mars 2023, fait assigner la S.A.S. LUXE IMMO devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir ce dernier :

- condamner la société LUXE IMMO à leur payer :
- la somme de 21.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise ne demeure du 29 décembre 2022 ;
- à chacun, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens, en ce compris les frais de sommation du 1er juillet 2022 ;
- ne pas écarter l'exécution provisoire.

Il est renvoyé à l'assignation susvisée pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Assignée par remise à domicile, la S.A.S. LUXE IMMO n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure est intervenue le 26 avril 2023, suivant ordonnance du même jour, et l'audience de plaidoiries a été fixée au 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’en application de l'article 472 du Code de procédure civile, "si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée".

Sur la demande en paiement de la clause pénale

L’article 1231-5 du Code civil prévoit que “lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a provoqué au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure”.

Il résulte de cet article que les parties peuvent insérer à leur contrat une clause pénale prévoyant de manière anticipée le montant forfaitaire des dommages et intérêts dus par une partie en cas d’inexécution contractuelle. Cette clause survit à la résolution amiable du contrat. Le juge peut en modifier le montant s’il le juge dérisoire ou excessif par rapport au préjudice réellement subi par la partie non défaillante.

En l’espèce, les consorts [B] sollicitent l’application de la clause pénale prévue à l'acte sous-seing privé de vente du 06 décembre 2021 et ainsi rédigée : 

« STIPULATION DE PENALITE
Au cas où, toutes les conditions relatives à 'l'exécution des présentes seraient remplies, et dans l'hypothèse où l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique ne satisfaisant pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de VINGT ET UN MILLE CINQ CENTS EUROS (21 500,00 EUR) à titre de dommages-intérêt, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du Code civil.
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il peut également la diminuer si l'engagement a été exécuté en partie.
Sauf inexécution définitive, la peine n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. [...] » (pièce n°2 demandeurs, page 10).

Sur ce, il ressort dudit compromis de vente que la société LUXE IMMO avait expressément déclaré effectuer l'acquisition sans recourir à aucun prêt pour le paiement, en tout ou partie, du prix de l'acquisition, de sorte que la vente a été conclue sans condition suspensive d'obtention d'un financement (pièce n°2, page 10). Aucune autre condition suspensive particulière n'avait, au demeurant, été stipulée au contrat.

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de carence dressé par le notaire instrumentaire que les conditions suspensives de droit commun stipulées à l'acte sous seing privé de vente (absence d'exercice du droit de préemption ; absence de révélation de servitude ou de vice aux titres de propriété antérieurs, pièces d'urbanisme ou autres ; justification d'une origine de propriété régulière depuis au moins trente ans ; l'état hypothécaire ne révélant pas de saisies ou inscriptions dont le solde des créances inscrites augmenté du coût des radiations à effectuer serait supérieur au prix disponible) ont toutes été réalisées et les pièces nécessaires à la constatation authentique de cette réalisation obtenues (pièce n°7). Le courrier daté du 20 janvier 2022 par lequel la Métropole Européenne de Lille a renoncé à exercer son droit de préemption sur le bien est, au demeurant, versé aux débats (pièce n°4).

La vente était donc parfaite.

Or, il est constant que la signature de l'acte authentique n'a jamais eu lieu, la société acquéreuse ne s'étant pas présentée au rendez-vous fixé par le notaire et ce, malgré sommation d'avoir à comparaître (pièces n°6 et 7).

Par suite, la S.A.S. LUXE IMMO, qui n'a pas constitué avocat à l'instance, ne démontre ni allègue aucun motif légitime à son refus de poursuivre la vente, de sorte qu'elle doit être considérée comme étant responsable d'une rétractation fautive de son consentement à la vente, ouvrant droit à application de la clause pénale stipulée à l'acte sous seing-privé.

Pour le surplus, si la clause pénale a pour objet de contraindre les parties à l’exécution du contrat, elle a aussi pour objet de réparer les conséquences dommageables de l’absence de réitération devant notaire de l'acte sous seing-privé de vente. En prévoyant cette clause pénale, les parties ont entendu évaluer forfaitairement et à l’avance, l’indemnité à laquelle donnerait lieu l’inexécution de l’obligation contractée, sans qu’il y ait lieu de démontrer un préjudice spécifique, le dédommagement étant forfaitairement convenu par les parties.

Dans le cas d'espèce, le montant de la peine forfaitairement prévue, lequel représente 10% du prix principal, n’apparaît pas manifestement excessif, notamment au regard de la durée d'immobilisation du bien, et ne justifie pas qu’il soit fait d'office usage de la faculté de modération prévue à l’article 1231-5, alinéa 2 précité.

En conséquence de quoi, la S.A.S. LUXE IMMO sera condamnée à verser aux consorts [B] la somme de 21.500 euros à titre de clause pénale.

En application de l'article 1231-6 du Code civil, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2022, date de signature de l'avis de réception de la lettre recommandée de mise en demeure (pièce n°8).

Sur les demandes accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, la S.A.S. LUXE IMMO, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de la présente instance.

L’équité commande, en outre, qu’il soit fait application des dispositions de l’article précité au profit des consorts [B] qui ont été contraints d’exposer des frais irrépétibles non-compris dans les dépens de l'instance pour faire valoir leurs droits en Justice. Il leur sera accordé, à ce titre, la somme de 600 euros chacun, ce montant tenant compte du coût de la sommation d'avoir à comparaître adressée à la société défenderesse le 1er juillet 2022 (pièce n°6), lesdits frais relevant des frais irrépétibles et non des dépens de l'instance.

Enfin, il n’y a lieu ni d’ordonner l’exécution provisoire, laquelle assortit déjà le jugement par l’effet de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur depuis le 1er janvier 2020 dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, ni de déroger à ce principe, en l'absence, de surcroît, de demande en ce sens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO à verser à Messieurs [R], [Y] et [I] [B] la somme de 21.500 euros au titre de la clause pénale insérée à l'acte sous seing privé de vente en date du 06 décembre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2022 ;

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO à verser à Messieurs [R], [Y] et [I] [B] la somme de 600 euros chacun au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S. LUXE IMMO aux entiers dépens de la présente instance ;

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/02299
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.02299 ?
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