La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2024 | FRANCE | N°23/01865

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 23/01865


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/01865 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W5RY


JUGEMENT DU 14 MARS 2024



DEMANDEUR :

ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD SA (ACM IARD SA), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [S] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Pré

sidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :

Vu l’ordonnanc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/01865 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W5RY

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

ASSURANCES CREDIT MUTUEL IARD SA (ACM IARD SA), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [S] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 Avril 2023.

A l’audience publique du 11 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement daté du 26 mai 2021, le tribunal correctionnel de Lille (non-communiqué au bordereau) a, notamment :

- déclaré Monsieur [S] [I] coupable de recel de vol d'un véhicule automobile Peugeot 508 immatriculé [Immatriculation 5] au préjudice de Monsieur [H] [T] ainsi que de défaut de maîtrise, faits commis le 11 mars 2017 ;
- déclaré recevables les constitutions de parties civiles de la société KEOLIS et de la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD (ci-après ''la société ACM IARD''),
- déclaré Monsieur [I] responsable du préjudice subi par la société KEOLIS,
- condamné Monsieur [I] à payer à la société KELOS la somme de 208.563,88 euros en réparation du préjudice matériel pour tous les faits commis à son encontre, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- condamné la société ACM IARD à garantir la condamnation de Monsieur [I] au paiement des dommages et intérêts dus à la société KEOLIS.

Monsieur [I] a formé appel principal uniquement des dispositions civiles de ce jugement, la société ACM IARD en ayant formé appel incident.

Suivant arrêt en date du 16 juin 2022, la cour d'Appel de DOUAI a :

- confirmé le jugement correctionnel prémentionné en toutes ses dispositions civiles, sauf en ce qu'il a, notamment :
- déclaré recevable la constitution de partie civile de la société ACM IARD,
- condamné la société ACM IARD à garantir la condamnation de Monsieur [I] au paiement des dommages et intérêts dus à la société KEOLIS,
- et se prononçant à nouveau des chefs infirmés, a notamment déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la société ACM IARD, la cour ayant observé que ladite société n'était l'assureur ni des prévenus, ni d'une victime valablement constituée partie civile (Monsieur [T] n'ayant pas choisi d'exercer son action en réparation devant le juge pénal).

Selon exploit délivré le 24 février 2023, la S.A. ACM IARD a fait assigner Monsieur [S] [I] aux fins de le voir condamner, au visa des articles L.121-12 et L.211-1 du Code des assurances et 1346-1 du Code civil, à lui payer les sommes suivantes :

- 13.117,16 euros avec intérêts à compter du 10 mai 2017, date de son avance,
- 208.563,88 euros avec intérêts à compter du 14 juin 2022,
- 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation en tous les dépens.

Il est renvoyé à l'assignation pour l'exposé des moyens, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Monsieur [S] [I], bien qu'assigné par remise à domicile, n’a pas constitué avocat.

La clôture est intervenue le 26 avril 2023 par ordonnance du même jour et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 11 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est rappelé qu’en application de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l’action subrogatoire de l’assureur

Aux termes des articles 1346 et suivants du Code civil, la subrogation est légale ou conventionnelle.

Elle a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.

La subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse.

En l'espèce, les ACM entendent exercer recours subrogatoire s'agissant non seulement de l'indemnité d'assurance versée au titre d'une garantie vol à Monsieur [H] [T], propriétaire du véhicule détruit à l'occasion des faits commis par Monsieur [I], mais également de la somme versée à la société KEOLIS, tiers au contrat, à hauteur de 208.853,88 euros en vertu des dispositions de l'article L.211-1 du Code des assurances.

Sur le recours subrogatoire relatif à l'indemnité d'assurance versée à M. [T]

En application de l’article L.121-12 alinéa 1er du Code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Pour que son action contre le tiers responsable soit recevable sur le fondement de la subrogation légale prévue par l'article L.121-12 précité, l’assureur doit faire la preuve qu’il a payé l’indemnité d’assurance au profit de son assuré mais également qu’il y était tenu en application du contrat d’assurance et de ses stipulations particulières.

En l’espèce, il ressort de l'arrêt rendu par la cour d'Appel de Douai le 16 juin 2022 que Monsieur [S] [I] était le conducteur du véhicule automobile Peugeot 508 qui avait été volé entre le 16 et 17 février 2017 à [Localité 6] lorsqu'il a perdu le contrôle du véhicule, l'avant de ce dernier s'étant encastré dans un dôme surplombant la station de métro [Localité 8] à [Localité 7].

Cet arrêt a confirmé les dispositions pénales, au demeurant non-critiquées, du jugement du tribunal correctionnel de Lille daté du 26 mai 2021, lequel avait notamment déclaré coupable Monsieur [I] des chefs de recel de vol du véhicule Peugeot 508 immatriculé [Immatriculation 5] au préjudice de Monsieur [H] [T] ainsi que de défaut de maîtrise, faits commis le 11 mars 2017.

Il s'ensuit que la responsabilité de Monsieur [S] [I] est engagée à l'égard de Monsieur [T], dans la mesure où, en sa qualité de conducteur du véhicule, il est à l'origine des dommages causés à ce dernier.

Sur ce, la S.A. ACM IARD entend faire valoir être subrogée dans les droits et actions de son assuré, Monsieur [T], du fait du règlement au profit de ce dernier de la somme de 13.117,16 euros à titre d'indemnisation, somme qu'elle décompose ainsi :

- valeur du véhicule : 12.500 euros,
- frais de dépannage / gardiennage de l'épave : 617,16 euros.

Au soutien de sa demande, l'assureur verse aux débats les seuls éléments suivants :

- un formulaire de réponse à proposition d'indemnisation en perte totale adressée par lui le 05 avril 2017 à M. [H] [T] indiquant que la valeur de remplacement du véhicule est évaluée à 12.500 euros et sollicitant le positionnement de M. [T] quant à sa volonté de lui céder le véhicule ou, au contraire, de le conserver (pièce n°1) ;
- une ''demande de remboursement'' à lui adressée par la S.A.R.L. PIECES AUTO WATTEL à hauteur de 617,16 euros, faisant état de frais de dépannage et de frais de gardiennage du véhicule Peugeot 508 immatriculé [Immatriculation 5] indiqué comme appartenant à M. [H] [T] (pièce n°2) ;
- une déclaration de cession du véhicule Peugeot 508 immatriculé [Immatriculation 5] signée à son profit par M. [H] [T] le 1er mars 2017 (pièce n°3) ;
- un courrier par lui adressé à M. [T] le 10 mai 2017 aux termes duquel il l'informe qu'à la suite du sinistre du 17 février 2017, un règlement d'un montant de 12.050 euros va être effectué, correspondant à la valeur du véhicule fixée à 12.500 euros, franchise d'un montant de 450 euros déduite (pièce n°5).

Il n'est, en revanche, produit à la cause aucun justificatif du versement effectif de ces sommes à Monsieur [T].

De surcroît, il doit être observé, s'agissant du montant réclamé, que rien ne permet de justifier des bases sur lesquelles la valeur du véhicule ainsi retenue a été fixée. Par ailleurs, l'assureur n'explique pas pour quelle raison il ne déduit pas de la somme réclamée le montant de la franchise qu'il indiquait, au courrier daté du 10 mai 2017 précité, devoir opposer à Monsieur [T] et il n'est pas davantage justifié de la valeur du montant perçu par l'assureur au titre du montant de l'épave du véhicule manifestement cédé à son profit par Monsieur [T] le 1er mars 2017, tandis que ces sommes sont susceptibles de venir en déduction de la somme réclamée.

Surtout, la S.A. ACM IARD ne verse aux débats ni les conditions générales ni les conditions particulières du contrat d'assurance automobile sur la base duquel elle soutient avoir indemnisé Monsieur [T], privant de ce seul fait la présente juridiction de vérifier l'existence d'un tel contrat et, le cas échéant, les garanties souscrites et les modalités d'indemnisation.

Dans ces conditions, faute pour la S.A. ACM IARD de démontrer avoir indemnisé son assuré en vertu d’un contrat d’assurance prévoyant l’indemnisation du dommage subi et, par conséquent, de rapporter la preuve de la réunion des conditions d’application de l’article L.121-12 précité, sa demande doit être purement et simplement rejetée.

Sur le recours subrogatoire relatif aux sommes versées à la société KEOLIS

Aux termes de l'article L.211-1 du Code des assurances, toute personne physique ou toute personne morale autre que l’État, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.

Les contrats d'assurance couvrant cette responsabilité doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance. Toutefois, en cas de vol d'un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol.

L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

En l'espèce, la S.A. ACM IARD fait valoir que la société KEOLIS, propriétaire de la station de métro endommagée, l'a appelée en cause au procès pénal en sa qualité d'assureur du véhicule instrument du dommage et que, tenue de l'indemnisation en application des dispositions susvisées, elle a, suite à un accord régularisé avec KEOLIS, réglé à cette dernière la somme de 208.853,88 euros en réparation de son préjudice matériel. Elle verse aux débats la quittance subrogatoire qui lui a, par suite, été remise par la S.A. KEOLIS le 14 janvier 2022 (pièce n°4).

Toutefois, ainsi qu'il a été précédemment relevé, faute pour elle de produire à la cause la police d'assurance dont elle se prévaut, notamment les conditions particulières du contrat d'assurance, force est de constater qu'il n'est pas démontré que la société demanderesse garantissait, au moment des faits, la responsabilité civile des personnes ayant la garde ou la conduite du véhicule Peugeot 508 objet des dommages subis par la société KEOLIS.

La demande sera pareillement rejetée de ce chef.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, la S.A. ACM IARD, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

Le sort des frais irrépétibles étant intimement lié à celui des dépens, en application de l'article 700 précité, sa demande de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Déboute la S.A. ACM IARD de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne la S.A. ACM IARD aux entiers dépens ;

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/01865
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.01865 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award