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14/03/2024 | FRANCE | N°23/00068

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 23/00068


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/00068 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WZJB


JUGEMENT DU 14 MARS 2024



DEMANDEUR :

Mme [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Patrick DELBAR, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [B] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Guillaume BELIART, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJ

ON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 Mai 2023.

A l’audience publique du 11 janvier ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/00068 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WZJB

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

Mme [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Patrick DELBAR, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [B] [L]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Guillaume BELIART, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 Mai 2023.

A l’audience publique du 11 janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 07 février 2019, Madame [W] [X] a acquis auprès de Monsieur [B] [L] un véhicule de marque RENAULT modèle Megane immatriculé [Immatriculation 5] et pour la première fois le 13 février 2012, affichant 103.740 kilomètres au compteur et ce, moyennant le prix de 6.500 euros.

Madame [W] [X] se plaignant de l'apparition soudaine d'un bruit avec arrêt moteur du véhicule ayant nécessité son remorquage jusqu'à son domicile le 21 juillet 2019, sa protection juridique a mandaté le Cabinet CRUZ EXPERTISE aux fins d'expertise amiable du véhicule.

L'expertise s'est tenue le 03 décembre 2019 en la présence de Monsieur [L] et le rapport d'expertise amiable a été déposé le jour même.

Sur la base de ce rapport, Madame [W] [X] a, par acte d’huissier de Justice en date du 1er septembre 2020, assigné Monsieur [B] [L] devant le tribunal judiciaire de LILLE afin, à titre principal, d’obtenir l'annulation de la vente du véhicule.

Monsieur [B] [L] a constitué avocat le 26 octobre 2020.

Madame [X] a élevé un incident le 20 avril 2021 et le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 07 juillet 2021, rejeté sa demande d'expertise judiciaire.

Suite à une mesure de radiation ordonnée le 17 novembre 2021 pour défaut de diligence en demande, l'affaire a été réinscrite au rôle des affaires en cours et la clôture des débats est intervenue le 24 mai 2023, par ordonnance du même jour, avec fixation de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 11 janvier 2024.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, Madame [W] [X] demande au tribunal, au visa de l'article 1641 du Code civil, de :

- prononcer l’annulation de la vente relative au véhicule MEGANE RENAULT immatriculé [Immatriculation 5] en date du 7 février 2019 entre elle et Monsieur [L],
- condamner Monsieur [L] [B] à lui payer la somme de 6.500 € au titre du remboursement du prix de vente et 4.000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance, ainsi qu’au paiement de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 07 février 2023, Monsieur [B] [L] demande au tribunal, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, 146 et 700 du Code de procédure civile, de :

- débouter Madame [X] de l’ensemble de ses demandes,
- condamner Madame [X] au paiement de 2.000 euros au titre des dispositions du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives susvisées pour l'exposé des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’application de la garantie au titre des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avait connus ».

L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

En matière de vente de véhicules d’occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l'article 1641 du Code civil, l'acheteur devant s'attendre en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf, ce qui explique qu’un véhicule d’occasion subisse une décote importante avec le temps et le kilométrage.

En l'espèce, à titre liminaire, il doit être observé que l’erreur de terminologie commise par la demanderesse qui sollicite l'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors que la sanction d’une telle erreur réside dans la résolution du contrat, ne prête pas à conséquence dès lors que l’une et l’autre emportent anéantissement rétroactif du contrat.

Ceci étant précisé, pour établir l'existence de vices cachés, Madame [X] verse principalement aux débats le rapport déposé par suite de l'expertise amiable réalisée, en la présence du défendeur, par le cabinet CRUZ EXPERTISE, le 03 décembre 2019 (pièce n°1).

Aux termes de ce rapport, il est relevé que le véhicule, qui affiche 110.514 kilomètres au compteur, présente un carter supérieur plastique de distribution relevé et cassé, une présence importante de poussière de courroie de distribution dans l'enceinte de la distribution et surtout, une courroie de distribution fortement réduite sur sa largeur, celle-ci étant sortie de son logement. L'expert amiable précise que cette détérioration de la courroie de distribution a engendré la désynchronisation entre la partie supérieure et inférieur du moteur, désynchronisation ayant elle-même généré le contact des pistons avec les soupapes et, par suite, la détérioration du moteur.

Bien que les conclusions de l'expert amiable n'apportent aucune précision quant aux causes exactes de survenance de cette détérioration de la courroie de distribution dont il estime que le véhicule est affecté (défectuosité du kit, usure normale, utilisation anormale du véhicule, accident, défaut d'entretien, pose ou réparations non-effectuées dans les règles de l'art etc.), l'expert estime que les désordres sont antérieurs à la vente, compte tenu de la présence importante de poussière dans l'enceinte de la distribution.

L'expert indique, enfin, que le véhicule est immobilisé, sans autre précision. Le montant des réparations n'a, cependant, pas été chiffré.

En considération des contestations adverses, il convient de rappeler que le tribunal ne peut fonder sa décision uniquement sur un rapport d’expertise amiable, même établi contradictoirement, et doit rechercher si ce rapport est corroboré par d'autres éléments de preuve objectifs.

A cet égard, outre l'expertise amiable, la demanderesse verse aux débats, à l'appui de ses prétentions :


- une fiche d'entretien ne portant pas mention du véhicule concerné (ni immatriculation, ni modèle du véhicule) et faisant état, au 30 mars 2018, alors que le véhicule affichait un kilométrage de 88.600 km, d'une révision générale du véhicule, avec entretien, contrôle et vidange et cochant les cases ''huile'', ''circuit de refroidissement'', ''ave-glace'', ''plaquettes de freins'', ''courroie de distribution'', sans que la signification de cette mention manuscrite (éléments contrôlés ? éléments à corriger/remplacer ? éléments corrigés / remplacés ?) ne soit connue (pièce n°18) ;
- un procès-verbal de contrôle technique réalisé avant la vente litigieuse et daté du 11 avril 2018 (soit de 10 mois avant la transaction), alors que le véhicule litigieux affichait 88.680 kilomètres au compteur, lequel ne fait état que de défauts à corriger sans obligation de contre-visite, à savoir : usure irrégulière des pneumatiques AVG et AVD et usure prononcée / détérioration des plaquettes de frein ARD et ARG (pièce n°12) ;
- une facture datée du 27 juin 2018 au nom de M. [L] relative à l'achat d'un jeu de quatre plaquettes de frein arrière pour un montant de 21,91 euros (pièce n°22) ;
- une facture d'entretien et de révision du véhicule datée du 19 novembre 2018 alors que le véhicule affichait 101.087 kilomètres au compteur, faisant notamment état du changement des filtres à huile, à air, à gazole et habitacle (pièce n°23) ;
- une fiche d'entretien datée du même jour et relative au véhicule litigieux, ne mentionnant que des éléments en bon état (pièce n°24) ;
- une facture datée du 30 juin 2017 éditée par la société DISCOUNT AUTO CENTER au nom de Monsieur [S] [G], ancien propriétaire du véhicule, faisant notamment état de l'achat d'un kit distribution et d'une courroie d'accessoire (pièce n°4).

Ces éléments ne sont, néanmoins, pas de nature à conforter l'existence des désordres relevés par l'expert amiable non plus que leur antériorité à la transaction litigieuse.

A cet égard, il est intéressant de relever que le procès-verbal de contrôle technique réalisé quelques heures avant la transaction le 07 février 2019 – lequel n'est pas versé aux débats par les parties mais ressort néanmoins du rapport d'expertise amiable – ne faisait état que de défaillances mineures, à savoir une mauvaise orientation horizontale d'un feu de brouillard à l'avant droit et gauche, une protection défectueuse AVD et AVG des amortisseurs et une anomalie du dispositif antipollution, sans dysfonctionnement important (pièce n°1.3 demanderesse).

En tout état de cause, force est d'observer qu'alors qu'elle soutient que le véhicule litigieux a subi une panne dès le mois de juillet 2019 ayant nécessité son remorquage, Madame [X] ne verse aux débats aucun autre élément que l'expertise amiable réalisée dix mois après l'acquisition et après avoir parcouru 6.774 kilomètres susceptible de justifier d'une telle panne. Aucun autre avis professionnel (tel que devis de réparations, justificatif de recherche de panne, nouveau contrôle technique) n'est produit à la cause.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la demanderesse défaille à rapporter la preuve que le véhicule objet du litige présente un vice réunissant les conditions fixées par les dispositions précitées pour ouvrir droit à garantie.

Madame [X] sera, en conséquence, déboutée de sa demande principale, ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, Madame [X], qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En revanche, l'équité commande de la condamner à verser à Monsieur [L], qui a été contraint d'engager des frais irrépétibles pour faire valoir sa défense en Justice, la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déboute Madame [W] [X] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Madame [W] [X] à verser à Monsieur [B] [L] la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame [W] [X] aux entiers dépens de la présente instance ;

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/00068
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.00068 ?
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