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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02990

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 22/02990


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 22/02990 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WABV


JUGEMENT DU 14 MARS 2024



DEMANDEUR :

Mme [K], [Z], [I] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Mélanie O’BRIEN, avocat au barreau de VALENCIENNES

DEFENDEUR :

La SARL EUROPE CARS TRADING, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3] (BELGIQUE)
représentée par Me Mehdi ZIATT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAIL

LES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier


DEBATS :...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/02990 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WABV

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

Mme [K], [Z], [I] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Mélanie O’BRIEN, avocat au barreau de VALENCIENNES

DEFENDEUR :

La SARL EUROPE CARS TRADING, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3] (BELGIQUE)
représentée par Me Mehdi ZIATT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 02 Mai 2023.

A l’audience publique du 11 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 08 février 2021, Madame [K] [E] a acquis auprès de la SARL EUROPE CARS TRADING un véhicule de marque RENAULT modèle Megane immatriculé pour la première fois le 19 mai 2011, affichant 107.000 kilomètres au compteur et ce, moyennant le prix de 5.990 euros.

Madame [K] [E] se plaignant d'une panne du véhicule dès le lendemain et après avoir parcouru seulement deux kilomètres, sa protection juridique a mandaté le Cabinet IDEA NORD DE FRANCE EXPERTISES aux fins d'expertise amiable du véhicule.

L'examen du véhicule s'est tenu le 22 avril 2021 en la présence de Monsieur [F] [J], gérant de la société EUROPE CARS TRADING et le rapport d'expertise amiable a été déposé le 02 juin 2021.

Sur la base de ce rapport, Madame [K] [E] a, par l'intermédiaire de sa protection juridique, mis en demeure la société EUROPE CARS TRADING d'avoir à annuler la vente et prendre en charge les frais de gardiennage du véhicule et ce, suivant courrier daté du 08 juin 2021.

Les parties ont tenté une conciliation auprès d'un conciliateur de justice, en vain.

Par suite, Madame [E] a, par acte d’huissier de Justice en date du 07 avril 2022, assigné la SARL EUROPE CARS TRADING devant le tribunal judiciaire de LILLE afin, à titre principal, d’obtenir l'annulation de la vente du véhicule.

La SARL EUROPE CARS TRADING a constitué avocat le 25 mai 2022.

La clôture des débats est intervenue le 02 mai 2023, par ordonnance du même jour, avec fixation de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 11 janvier 2024.

Au terme de son assignation valant conclusions récapitulatives, Madame [K] [E] demande au tribunal, au visa des articles 1231 et suivants, 1641, 1644 et 1645 du Code civil, de :

- prononcer l'annulation de la vente du véhicule avec toutes ses conséquences de droit ;
- condamner la Société EUROPE CARS TRADING à lui payer la somme de 5.990 € en remboursement du prix du véhicule ;
- condamner la Société EUROPE CARS TRADING à lui payer en outre les sommes suivantes :
- 150 € au titre des frais de carte grise,
- 523,38€ au titre des cotisations d'assurance jusqu'au 8 mars 2022,
- 40,28€ par mois au titre des cotisations d'assurance à compter du 8 mars 2022 et jusqu'à reprise effective du véhicule par la Société EUROPE CARS TRADING,
- 10.020€ de frais de gardiennage arrêtés a la date du 17 janvier 2022,
- 25€ par jour au titre des frais de gardiennage a partir 18 janvier 2022, jusqu'à reprise effective du véhicule par la Société EUROPE CARS TRADING,
soit une somme totale de 16.683,38€ outre les cotisations d'assurance et les frais de gardiennage qui continuent à courir jusqu'à la reprise effective du véhicule par la Société EUROPE CARS TRADING ;
- dire et juger que la Société EUROPE CARS TRADING devra, à ses frais, reprendre possession du véhicule par tout moyen à sa convenance et ce, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et sous réserve du règlement des sommes dues ;
- dire et juger qu'à défaut de reprise du véhicule parla Société EUROPE CARS TRADING, elle pourra s'en débarrasser par quelque moyen qu'il estimera utile sans aucune indemnisation ni recours pour la Société EUROPE CARS TRADING ;
- condamner la Société EUROPE CARS TRADING à lui payer la somme de 1.500€ en réparation de son préjudice de jouissance ;
- condamner la Société EUROPE CARS TRADING à lui payer la somme de 1.500€ en réparation de son préjudice moral.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 mars 2023, la SARL EUROPE CARS TRADING demande au tribunal, au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, de :

- débouter Madame [K] [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- A titre subsidiaire : débouter Madame [K] [G] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires à l’endroit de la société EUROPE CARS TRADING,
- En tout état de cause :
- débouter Madame [K] [G] de ses prétentions fondées sur les dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner Madame [K] [G] à payer 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Madame [K] [G] aux entiers dépens.

Il est renvoyé à l'assignation et aux conclusions récapitulatives en défense susvisées pour l'exposé des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’une demande tendant à “dire et juger” ne constitue pas nécessairement une prétention au sens juridique du terme devant être tranchée par le tribunal. Ces demandes n'ont, par conséquent, le cas échéant pas été retenues en tant que telles mais seront étudiées en leur qualité de moyens des parties.

Sur l’application de la garantie au titre des vices cachés

Aux termes de l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’ils les avait connus ».

L’article 1642 de ce même code précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

En matière de vente de véhicules d’occasion, un vice d'une particulière gravité est exigé pour mettre en œuvre la garantie prévue à l'article 1641 du Code civil, l'acheteur devant s'attendre en raison même de l'usure dont il est averti, à un fonctionnement de qualité inférieure à celui d'un véhicule neuf, ce qui explique qu’un véhicule d’occasion subisse une décote importante avec le temps et le kilométrage.

En l'espèce, à titre liminaire, il doit être observé que l’erreur de terminologie commise par la demanderesse qui sollicite l'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors que la sanction d’une telle erreur réside dans la résolution du contrat, ne prête pas à conséquence dès lors que l’une et l’autre emportent anéantissement rétroactif du contrat.

Ceci étant précisé, pour établir l'existence de vices cachés, Madame [E] verse principalement aux débats le rapport déposé par suite de l'expertise amiable réalisée, en la présence de la société défenderesse, par le cabinet IDEA NORD DE FRANCE EXPERTISES, le 02 juin 2021 (pièce n°6).

Aux termes de ce rapport, il est relevé que le véhicule, qui affichait alors 107.885 kilomètres au compteur, présentait d'importantes projections d'huile dans le compartiment moteur, le joint de filtre à huile étant échappé de son logement, tandis que la tête du filtre à huile est anormalement bombée, le méplat supérieur étant manquant. L'expert amiable indique que l'origine des désordres moteur présentés par le véhicule est un grippage du clapet de pression de pompe à huile, en position de débit maximum, ayant engendré une surpression dans le circuit d'huile moteur avec, pour conséquence, le gonflement du filtre à huile puis le fait que le joint soit sorti de son logement.

L'expert indique que les travaux de remise en état nécessaires consistent en le replacement du filtre à huile, de la pompe à huile et des coussinets de bielle, le contrôle du turbocompresseur et le nettoyage du moteur, réparations qu'il chiffre à 1.315,37 euros T.T.C.

Les conclusions de l'expert amiable n'apportent, en revanche, aucune précision quant aux causes exactes de survenance de ce grippage du clapet de pression de pompe à huile (défectuosité de ladite pompe, usure normale, utilisation anormale du véhicule, accident, défaut d'entretien, pose ou réparations non-effectuées dans les règles de l'art etc.), non plus qu'il ne se prononce expressément sur le caractère antérieur à la vente des désordres ni sur la gravité de ces derniers.

En tout état de cause, en considération des contestations adverses, il convient de rappeler que le tribunal ne peut fonder sa décision uniquement sur un rapport d’expertise amiable, même établi contradictoirement, et doit rechercher si ce rapport est corroboré par d'autres éléments de preuve objectifs.

A cet égard, outre l'expertise amiable, la demanderesse verse aux débats, à l'appui de ses prétentions :

- une attestation de son beau-père, M. [L] [H], lequel atteste sur l'honneur que le jour de l'acquisition du véhicule, il a attendu avec elle la réparation du véhicule après une panne de batterie (pièce n°5) ;
- un courrier de mise en demeure adressé par l'intermédiaire de sa protection juridique à la société venderesse le 08 juin 2021, soit suite au dépôt du rapport d'expertise, par lequel elle dénonce que le véhicule est tombé en panne avec perte de liquide, gazoile et huile dès le lendemain de l'achat, alors qu'elle n'avait parcouru que 2 kilomètres, nécessitant son remorquage (pièce n°8) ;
- un devis (plus exactement une ''pré-estimation'') établi par le garage ASLOUN le 28 avril 2021 pour un montant de 1.315,37 euros T.T.C. au titre du remplacement du filtre à huile, de la pompe à huile et des coussinets de bielle, de la dépose-repose du turbocompresseur et de la purge de l'ensemble du circuit de liquide de refroidissement (pièce n°12) ;
- un devis (''pré-estimation'') établi par le garage ASLOUN le 17 janvier 2022 faisant état de frais de gardiennage du 18 février 2021 au 17 janvier 2022 (pièce n°7).

Ces éléments ne sont, néanmoins, pas de nature à conforter l'existence des désordres relevés par l'expert amiable.

Or, alors qu'elle soutient que le véhicule litigieux a subi une panne dès le lendemain de la transaction ayant nécessité son remorquage, Madame [E] ne verse aux débats ni la preuve dudit remorquage, ni aucun autre élément que l'expertise amiable susceptible de justifier d'une telle panne. Aucun autre avis professionnel (tel que justificatif de recherche de panne, contrôle technique, etc) n'est produit à la cause, étant précisé que le devis établi le 28 avril 2021 par le garage ASLOUN ne peut constituer un tel avis, ne comportant aucun diagnostic et se contentant de chiffrer, par suite des opérations expertales, les réparations préconisées par l'expert amiable. Par ailleurs, l'existence de frais de gardiennage du véhicule au sein du garage ASLOUN à compter du 18 février 2021 n'est, à elle seule, pas de nature à démontrer que le véhicule est non-roulant et, a fortiori, à justifier des causes de cette panne, à la supposer suffisamment rapportée.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la demanderesse défaille à rapporter la preuve que le véhicule objet du litige présente un vice et de surcroît réunissant les conditions fixées par les dispositions précitées pour ouvrir droit à garantie.

Madame [E] sera, en conséquence, déboutée de sa demande principale, ainsi que de l'intégralité de ses demandes subséquentes et indemnitaires.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l'espèce, Madame [E], qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

En revanche, l'équité commande de la condamner à verser à la société EUROPE CARS TRADING, qui a été contrainte d'engager des frais irrépétibles pour faire valoir sa défense en Justice, la somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

Déboute Madame [K] [E] de l'intégralité de ses demandes ;

Condamne Madame [K] [E] à verser à la SARL EUROPE CARS TRADING la somme de 1.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame [K] [E] aux entiers dépens de la présente instance ;

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/02990
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.02990 ?
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