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14/03/2024 | FRANCE | N°22/02684

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 22/02684


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/02684 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WCYH


JUGEMENT DU 14 MARS 2024



DEMANDEUR :

Mme [N] [R] épouse [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A. GROUPAMA GAN VIE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Laurence MAILLARD avocat plaidant au barreau de PARIS

COM

POSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUG...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/02684 - N° Portalis DBZS-W-B7G-WCYH

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

Mme [N] [R] épouse [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Marc-antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La S.A. GROUPAMA GAN VIE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Florent MEREAU, avocat postulant au barreau de LILLE, Me Laurence MAILLARD avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 Mai 2023.

A l’audience publique du 12 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Ghislaine CAVAILLES, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

Mme [N] [R] épouse [U] a été affiliée à compter du 1er janvier 1993 au contrat de prévoyance collectif n°500/467638 souscrit par la chambre départementale des huissiers de Justice du Nord auprès d’une société d’assurance aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Groupama Gan vie.

Mme [R] a été placé en arrêt de travail à compter du 25 mai 2020, l’a déclaré à l’assureur et celui-ci a accepté de mobiliser sa garantie arrêt de travail après application d’un délai contractuel de 90 jours de franchise, donc à compter du 23 août 2020.

L’assureur a ensuite mandaté son médecin conseil afin d’examiner Mme [R], ce qui a été fait le 29 décembre 2020. Sur la base des éléments retenus par ce médecin, l’assureur a estimé que Mme [R] était apte à reprendre une activité professionnelle quelconque.

Par courrier du 14 janvier 2021, la société Groupama Gan vie a notifié à Mme [R] la fin de sa prise en charge, au motif qu’elle ne remplissait plus les conditions de mise en œuvre de la garantie incapacité temporaire de travail à compter du 29 décembre 2020 et que le versement des prestations cessait au 30 décembre 2020.

Par acte d’huissier du 13 avril 2022, Mme [R] fait assigner la société Groupama Gan Vie devant le tribunal judiciaire de Lille.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2023, Mme [R] demande au tribunal de :

Vu le contrat du 15 décembre 1992 liant la société Gan à la chambre des huissiers du Nord,
Vu l’article 1119 du code civil,
Vu l’article L.113-5 du code des assurances,

- Débouter la société Groupama Gan Vie de ses demandes, fins et conclusions ;
- Dire et juger que la limitation de garantie qui lui est opposée par la société Groupama Gan Vie n’est pas fondée ;
- Condamner la société Groupama Gan Vie à lui payer les sommes de :
- 113 436. 63 euros en principal correspondant aux indemnités dues pour la période du 31 décembre 2020 au 20 décembre 2022,
- les intérêts légaux capitalisés sur chacune des mensualités due et non versée, soit :
intérêts sur 4 890,87 euros à compter du 31.01.2021
intérêts sur 9 308, 43 euros à compter du 28.02.2021
intérêts sur 14 199, 30 euros à compter du 31.03.2021
intérêts sur 18 932, 40 euros à compter du 30.04.2021
intérêts sur 23 823, 27 euros à compter du 31.05.2021
intérêts sur 28 556, 37 euros à compter du 30.06.2021
intérêts sur 33 447, 24 euros à compter du 31.07.2021
intérêts sur 38 338,11 euros à compter du 31.08.2021
intérêts sur 43 071,21 euros à compter du 30.09.2021
intérêts sur 47 962,08 euros à compter du 31.10.2021
intérêts sur 52 695,18 euros à compter du 30.11.2021
intérêts sur 57 586,05 euros à compter du 31.12.2021
intérêts sur 62 476, 92 euros à compter du 31.01.2022
intérêts sur 66 894, 48 euros à compter du 28.02.2022
intérêts sur 71 785, 35 euros à compter du 31.03.2022
intérêts sur 76 518, 45 euros à compter du 30.04.2022
intérêts sur 81 409, 32 euros à compter du 31.05. 2022
intérêts sur 86 142, 42 euros à compter du 30.06.2022
intérêts sur 91 033, 29 euros à compter du 31.07.2022
intérêts sur 95 924,16 euros à compter du 31.08.2022
intérêts sur 100 657, 26 euros à compter du 30.09.2022
intérêts sur 105 548, 13 euros à compter du 31.10.2022
intérêts sur 110 281, 23 euros à compter du 30.11.2022
intérêts sur 113 436, 33 euros à compter du 20.12.2022
- 10 000 euros à titre de de dommages-intérêts pour résistance abusive et préjudice moral,
- 5000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la même aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle expose que les deux parties communiquent les conditions particulières du contrat d’assurance. Selon elle, la vocation de ce contrat était de permettre la perception d’un revenu de remplacement en cas d’arrêt de travail.
Elle souligne que la lecture du contrat montre qu’il ne prévoit aucune condition et qu’il ne renvoie à aucun document qui constituerait des conditions générales dont l’existence n’est en rien établie. Or ce sont de prétendues conditions générales qui ont déterminé l’assureur à refuser de poursuivre son indemnisation. Elle refuse que des conditions qui ne figurent pas dans le contrat tel qu’il est en sa possession lui soient opposées. Elle tient pour vain l’invocation du principe selon lequel c’est au souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe (ici, la chambre des huissiers du Nord) de délivrer les informations relatives au contrat.
Elle fait, pour sa part, valoir que l’assureur ne rapporte aucune preuve de l’existence de la clause invoquée. Elle considère que les différents documents produits par l’assureur ne se rapportent pas au contrat souscrit le 15 décembre 1992 par la chambre des huissiers. Et suite à la dernière communication adverse, elle indique que les conditions générales 23253 (PC défendeur 2) ne sont nullement visées par le contrat et qu’elles ne peuvent donc pas le compléter, outre qu’elles ne sont aucunement signées. Elle ajoute que ces conditions générales régissent la protection du personnel salarié des études et les conjoints, sans rapport avec les conditions particulières qui sont exclusivement et expressément afférentes aux huissiers non salariés. Elle en déduit que son adversaire tente de duper le tribunal.

Elle estime qu’elle remplit la totalité des conditions pour être indemnisée puisque son arrêt de travail a eu une durée supérieure à 90 jours et qu’il a été déclaré tandis que l’assureur ne justifie pas de la limitation qu’il lui oppose.
Elle invoque au surplus l’article 1119 du code civil selon lequel les conditions particulières prévalent sur les conditions générales en cas de discordance.
Elle considère donc inutile de débattre de l’analyse du médecin et de l’impossibilité administrative pour un officier ministériel d’exercer une autre activité professionnelle.

Elle demande donc l’exécution de la garantie jusqu’au 30 décembre 2020, date à laquelle elle a cessé ses fonctions d’huissier, à hauteur de 157,77 euros par jour. Elle ajoute qu’elle a pris soin d’adresser chaque mois son arrêt de travail à l’assureur, et s’estime fondée à obtenir les intérêts au taux légal sur les sommes dues mensuellement, avec capitalisation.

Elle ajoute que le contrat avait précisément pour objet de garantir un revenu de substitution, qu’elle en a été privée, ce qui a eu des conséquences multiples tandis que les échanges avec l’assureur montrent qu’il a usé d’une résistance abusive et dilatoire, ce qui n’a pas manqué de lui causer un préjudice supplémentaire alors qu’elle était déjà fragilisée par sa pathologie.

Dans ses dernières conclusions notifiées, par voie électronique le 11 avril 2023, la société Groupama Gan Vie demande au tribunal de :

- Dire et juger que Mme [R] ne démontre pas remplir les conditions de mise en œuvre de la garantie incapacité temporaire ;
- Débouter en conséquence, Mme [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :
- Limiter la prise en charge pour l’avenir, sous réserve de l’absence de liquidation de la pension vieillesse et du maintien de l’incapacité temporaire, jusqu’au 26 mars 2023, soit au 65ème anniversaire de Mme [R],
- Fixer le point de départ des intérêts légaux au jour de la décision à intervenir ;
- Rappeler que la capitalisation n’est due que pour une année d’intérêts échus et dus ;
- Débouter Mme [R] de sa demande de dommages et intérêts

A titre plus subsidiaire :
- Fixer le point de départ des intérêts légaux au 10 mars 2022, date de la mise en demeure,

A titre infiniment subsidiaire :
- Limiter la prise en charge pour l’avenir jusqu’au 22 mai 2023 au plus tard ;

En tout état de cause,
- Condamner Mme [R] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Au soutien de sa défense, l’assureur fait valoir que Mme [R] ne rapporte pas la preuve de la réunion des conditions contractuelles de la garantie incapacité temporaire de travail dont elle réclame l’exécution.
Elle explique que l’article L.140-4 du code des assurances applicable à la date de souscription du contrat, en 1992, tout comme l’actuel article L.141-4 du même code fait peser non sur l’assureur, mais sur le souscripteur (ici, la chambre des huissiers), l’obligation de remettre à l’adhérent une notice définissant les garanties et que c’est également au souscripteur qu’incombe la preuve de cette remise. Elle en déduit qu’il est vain de soutenir que les conditions générales qu’elle produit ne seraient pas opposables à Mme [R]. Elle souligne que sa pièce 2 correspond aux conditions générales d’octobre 1992 et qu’il y figure un 2ème alinéa du paragraphe B de l’article relatif à la garantie incapacité temporaire et qui vise l’incapacité temporaire consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle auxquel dérogent expressément les conditions particulières, ce qui démontre que les conditions générales produites correspondent bien aux conditions particulières invoquées.
Elle explique que paragraphe B de l’article 20 stipule que l’affilié est réputé en état d’incapacité complète de travail s’il se trouve dans l’incapacité physique constatée médicalement d’exercer une activité professionnelle quelconque alors que son médecin conseil a considéré que l’état de Mme [R] était compatible avec la reprise d’une activité professionnelle quelconque, ce qui doit nécessairement conduire au rejet des demandes.

Subsidiairement, elle fait valoir les limites de sa garantie subordonnée à la justification de l’absence de liquidation de la pension vieillesse et en tout état de cause, prenant fin au 26 mars 2023 (date du 65ème anniversaire de Mme [R]) en cas de maintien de l’incapacité temporaire jusqu’à cette date.

Plus subsidiairement, elle fait valoir que la garantie n’est valable que pendant 1 095 jours, et devait donc prendre fin au plus tard au 22 mai 2023.

Concernant les intérêts au taux légal, elle invoque l’article 1231-6 du code civil et souligne que la première mise en demeure date du 10 mars 2022. Elle rappelle également les conditions de la capitalisation annuelle des intérêts.

Quant à la demande indemnitaire complémentaire, elle objecte que la même disposition prévoit que l’obligation au paiement d’une somme est sanctionnée par l’intérêt moratoire et qu’aucune indemnisation complémentaire n’est possible sans mauvaise foi du débiteur et preuve d’un préjudice distinct, ce qui n’est pas établi en l’espèce.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie arrêt de travail :

La demande repose sur le contrat d’assurance.

Les deux parties produisent les conditions particulières du contrat 500/467638 conclu par la chambre départementale des huissiers du Nord le 15 décembre 1992.

Il est habituel, en droit des assurances, que des dispositions contractuelles figurent d’une part dans les conditions générales et d’autre part dans les conditions particulières.

Seul l’assureur produit les conditions générales qu’il estime se rapporter aux conditions particulières.

La question posée par le litige ne concerne nullement l’identification du débiteur de l’obligation de délivrer les informations dans un contrat d’assurance de groupe, ni même la responsabilité de ce débiteur, la chambre des huissiers du Nord, qui n’est pas partie à l’instance.

La résolution du litige suppose de déterminer si des conditions générales viennent s’ajouter aux conditions particulières dont l’existence et la teneur ne posent aucune difficulté et dans l’affirmative de déterminer lesquelles.

Ce n’est pas sans pertinence que Mme [R] relève que durant la phase pré-contentieuse, l’assureur, professionnel de l’assurance, a communiqué plusieurs exemplaires différents de conditions générales.

Présentement, il ne se prévaut que des conditions générales (PC défendeur 2) qui supportent en 4ème de couverture, en caractère absolument minuscules et sur la tranche la référence “(10/92) - Ref 23253”. Il est possible que la mention 10/92 puisse s’interpréter comme signifiant octobre 1992, sans toutefois qu’il puisse être affirmé qu’un tel code serait dépourvu d’équivoque.

Ces conditions générales appartiennent à un contrat “prévoyance entreprise sur mesure”. Ce nom ne se retrouve nulle part sur les conditions particulières.

Ces conditions générales lient “la contractante” aux sociétés Gan Vie et Gan incendie accident mais l’expression “la contractante” est d’une généralité confondante. Les conditions particulières identifient précisément la contractante comme la chambre départementale des huissiers du Nord, dont le représentant légal a signé le contrat. Mais dans les conditions générales invoquées, il est impossible d’affirmer que la contractante serait la chambre des huissiers du Nord.

Les conditions particulières ne mentionnent des conditions générales exclusivement qu’à l’article relatif au paiement de la prestation en cas d’arrêt de travail. Elles dérogent à l’alinéa 2 de l’article B Incapacité temporaire dans les conditions générales en ce qu’il précise que les indemnités seront identiques pour l’accident du travail et la maladie non consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
Il est exact que les conditions générales invoquées prévoient à l’article 20 B 2 le sort de l’incapacité temporaire consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Cette seule coincidence ne suffit pas à affirmer que les conditions générales invoquées sont celles qui se rapportent aux conditions particulières.

Il ne peut être tiré aucune conclusion de la manière dont est rédigé le début de l’article 3 des conditions générales :

“ Affiliation du personnel
Doit être présentée à l’assurance la totalité des membres du personnel de la contractante qui exercent leur activité professionnelle sans réduction d'horaire pour raison de santé, appartenant aux catégories bénéficiaires définies aux conditions particulières.”

La seule référence au “personnel” de la contractante n’implique pas, en l’absence de glossaire, qu’il s’agirait de salariés, ce mot étant susceptible d’avoir une acception large.

Au final, il n’est donc pas démontré que les conditions générales du contrat prévoyance entreprise sur mesure (10/92) - Ref 23253 se rapportent au conditions particulières de la police 500/467638 du contrat souscrit par la chambre départementale des huissiers du Nord le 15 décembre 1992.

Or ces conditions particulières permettent de connaître les conditions de la garantie souscrite relativement au risque d’arrêt de travail puisque le contrat couvre l’arrêt d’une durée supérieure à 90 jours et que la prestation est servie du 91ème au 1095ème jour d’arrêt de travail.

En l’espèce, il est constant que Mme [R] est en arrêt depuis le 25 mai 2020, soit plus de 90 jours.
Elle a été indemnisée à compter du 23 août et jusqu’au 30 décembre 2020.
Elle n’émet aucune prétention au-delà du 20 décembre 2022, date à laquelle son retrait a pris effet, soit une durée inférieure à la durée maximale contractuelle.

Le montant de l’indemnité journalière à 157,77 euros ne fait l’objet d’aucune contestation.

La somme totale du du 31 décembre 2020 au 20 décembre 2022, soit 719 jours, s’élève donc au montant demandé de :
157,77 x 719 =113 436,63 euros.

Concernant les intérêts, Mme [R] a certes pris soin d’adresser mensuellement le renouvellement de son arrêt de travail mais ne justifie pas que chaque envoi, bien que fait par lettre recommandée, devrait être analysé en une mise en demeure de payer les indemnités.

L’article 1231-6 du code civil prévoit que :

“ Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.”

La première mise en demeure date du 10 mars 2022 et porte sur la somme de 71 785,35 euros en principal, elle a donc fait courir les intérêts au taux légal sur cette somme. Puis les conclusions du 11 janvier 2023 les ont fait courir sur le surplus.

Quant à la capitalisation annuelle des intérêts, l’article 1343-2 du code civil énonce que :

“ Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.”

Cette capitalisation est de droit lorsqu’elle est demandée et elle a été demandée pour la première fois dans l’assignation du 13 avril 2022.

Sur les dommages et intérêts :

L’article 1231-6 rappelé plus haut permet au créancier impayé d’obtenir une indemnisation en sus des intérêts, lorsqu’il justifie d’un préjudice distinct.

Le défaut de règlement de l’indemnisation promise postérieurement au 30 décembre 2020 n’a pu manquer de causer à Mme [R] des tracas puisqu’elle s’est trouvée contrainte de dépenser son énergie à réclamer à de multiples reprises le paiement de ses indemnités et d’envoyer une lettre recommandée chaque mois.

De plus, Mme [R], déjà affectée par sa pathologie, s’est retrouvée privée d’un revenu substantiel voisin de 4 700 euros par mois presque du jour au lendemain, ce qui n’a pu manquer de lui causer également des inquiétudes sur le maintien de son train de vie.

Ce préjudice présente un caractère moral et il est distinct de celui réparé par l’intérêt moratoire.

En conséquence, l’assureur sera condamné à payer à Mme [R] une indemnisation qui sera fixée à la somme de 5 000 euros.

Sur les dépens et les frais de l’article 700 du code de procédure civile :

Les articles 696 et 700 du code de procédure civile prévoient que :

“La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.”

“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; [...]
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il

La société Groupama Gan vie, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de l’instance ; l’équité commande de la condamner également à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne la société Groupama Gan vie à payer à Mme [R] la somme de 113 436,63 euros outre les intérêts au taux légal sur la somme de 71 785,35 euros à compter du 10 mars 2022 et sur le surplus à compter du 11 janvier 2023 ;

Dit que intérêts échus, dus au moins pour une année entière avec pour point de départ le 13 avril 2022, produiront eux-mêmes intérêt ;

Condamne la société Groupama Gan vie à payer à Mme [R] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

Condamne la société Groupama Gan vie à supporter les dépens de l’instance ;

Condamne la société Groupama Gan vie à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/02684
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.02684 ?
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