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14/03/2024 | FRANCE | N°22/01828

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 14 mars 2024, 22/01828


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/01828 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V7SX


JUGEMENT DU 14 MARS 2024



DEMANDEUR :

La S.A.S. MTCB, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La société MACIF, représentée par Monsieur [Z] [K], Directeur Général
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Gildas BROCHEN, avocat au barreau de LILLE


COMPOSITION DU TRIBUNAL

P

résident: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 22/01828 - N° Portalis DBZS-W-B7G-V7SX

JUGEMENT DU 14 MARS 2024

DEMANDEUR :

La S.A.S. MTCB, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

La société MACIF, représentée par Monsieur [Z] [K], Directeur Général
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Gildas BROCHEN, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur: Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur: Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER: Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 02 Mai 2023.

A l’audience publique du 11 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 14 Mars 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 14 Mars 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 août 2019, M. [R] [H], salarié au sein de la S.A.S. MTCB, a été victime d'un accident de la circulation survenu à [Localité 5] (Nord). Alors qu'il circulait à motocyclette, il a été heurté par un véhicule conduit par Mme [C] [W] et assuré auprès de la société Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et des Salariés de l’Industrie et du Commerce (ci-après ''la société MACIF'').

Par suite de cet accident, M. [R] [H] a notamment présenté une fracture du plateau tibial droit et une algoneurodystrophie du genou et de la cheville ayant eu pour conséquence son arrêt de travail pendant plusieurs mois.

Mme [C] [W] a fait l'objet d'un rappel à la loi relativement à ces faits le 13 mai 2020.

Des échanges sont ensuite intervenus entre la société MACIF et la société MTCB, cette dernière faisant valoir avoir dû maintenir le versement des salaires et charges sociales au bénéfice de M. [H] durant ses arrêts de travail et avoir également dû procéder à un recrutement de remplacement.

Faute d'accord d'indemnisation amiable trouvé entre les parties, la société MTCB a, par acte d'huissier de justice en date du 16 mars 2022, fait assigner la société MACIF devant le tribunal judiciaire de Lille afin principalement de voir cette dernière condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 15.223,23 euros à titre de remboursement des salaires et charges sociales versés au bénéfice de M. [R] [H],
- 19.295,98 euros à titre de remboursement des salaires et charges sociales versés au bénéfice de M. [N] [F], employé en contrats à durée déterminée en qualité de remplaçant.

Par courrier daté du 08 août 2022, la société MACIF a adressé à la société demanderesse un chèque d'un montant de 22.141,85 euros libellé au nom de la CARPA, en paiement des sommes réclamées au titre des salaires et charges sociales versés au profit de M. [R] [H] ainsi qu'au titre des salaires et charges sociales versés au profit de M. [N] [F] pour la période de décembre 2020 à mars 2021.

La clôture des débats est intervenue le 02 mai 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 11 janvier 2024.

* * *

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 21 septembre 2022, la société MTCB demande au tribunal, au visa de l'article 1240 du code civil, de l'article 6 de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985 et de l’article 700 du Code de procédure civile, de :

condamner la société MACIF à lui payer, au titre du préjudice économique la somme restant due de 12.377,36 euros à titre de remboursement des salaires et charges sociales versés pour M. [N] [F],condamner la société MACIF à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de la résistance abusive,condamner la société MACIF à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,la condamner en tous les dépens,débouter la société MACIF de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la société MACIF demande au tribunal, au visa de l'article 1240, de :

prendre acte du versement par elle des sommes de 15.223,33 euros et 6.918,62 euros à la société MTCB,débouter la société MTCB du surplus de ses demandes,condamner la société MTCB à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour l’exposé des moyens des parties, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il y a lieu de dire qu’une demande tendant à « prendre acte » ne constitue pas une prétention au sens juridique du terme devant être tranchée par le tribunal. Cette demande ne sera, par conséquent, pas retenue en tant que telle mais sera, le cas échéant, étudiée en sa qualité de moyens des parties.

Sur la demande principale

Aux termes de l'article 1240 du Code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

L'article 6 de la loi du 5 juillet 1985 dite ''loi Badinter'' dispose, en outre, que « le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages. ».

Conformément à l'article L.124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L'action directe dont dispose le tiers lésé suppose que soient établis à la fois l'existence de la responsabilité de l'assuré à l'égard de la victime et le montant de la créance d'indemnisation de celle-ci contre l'assuré.

En l'espèce, la société MTCB entend faire valoir avoir été contrainte, par suite de l'accident du 23 août 2019, d’employer M. [N] [F] en remplacement de M. [R] [H], victime directe, durant l'arrêt de travail de ce dernier. Elle soutient avoir ainsi dû verser au bénéfice de M. [F] la somme totale de 19.295,98 euros au titre des salaires et charges sociales y afférent pour la période de mars 2020 à mars 2021.

La société MACIF ayant reconnu devoir rembourser à la société MTCB la somme de 6.918,02 euros versée à ce titre pour la période de décembre 2020 à mars 2021, somme qu'elle justifie au demeurant lui avoir versé (pièce n°7), la société demanderesse sollicite désormais uniquement sa condamnation à lui verser le surplus, soit la somme de 12.377,36 euros correspondant aux salaires et charges sociales versées au bénéfice de M. [F] sur la période du 02 mars 2020 au 30 novembre 2020.

La société défenderesse s'y refuse, considérant que les contrats à durée déterminée qui liaient M. [F] à la société MTCB sur cette période ne sont pas en lien direct et certain avec l'accident litigieux comme ayant pour objet non le remplacement temporaire et partiel de M. [H], mais un surcroît d'activité.

Sur ce, la société MTCB produit, au soutien de sa demande, la copie des contrats à durée déterminée et les fiches de paie de M. [N] [F] (pièces n°1 et 3).

Bien qu'il soit non contesté que M. [R] [H] était effectivement en arrêt de travail sur cette période (pièce n°2 demanderesse), force est de constater à la lecture des contrats à durée déterminée conclus du 02 mars 2020 au 30 novembre 2020, qu'il est indiqué par la société demanderesse comme motif d'embauche un « surcroît temporaire d'activité » et un « accroissement temporaire du volume d'activité de l'entreprise » (pièces n°1 demanderesse et n°5, 5/1 et 5/2 défenderesse).

Ce n'est qu'à compter du 1er décembre 2020 que les contrats à durée déterminée conclus ont expressément indiqué que M. [N] [F] était engagé pour assurer « le remplacement temporaire et partiel de M. [R] [H] actuellement en arrêt de travail pour cause de maladie » (pièces n°5/3 et 5/4 défenderesse).

La société MTCB ne s'explique pas sur cette différence de motif sur la première période d'embauche de M. [F].

Dans ces conditions et en l'absence de toute autre pièce justificative (le courrier adressé à sa protection juridique le 27 août 2020 ne précisant pas le nom du « remplaçant » effectivement embauché à la place de M. [R] [H] – pièce n°9 demanderesse), force est de constater que la société MTCB défaille à rapporter la preuve d'un lien de causalité certain et direct entre les contrats à durée déterminée conclus avec M. [N] [F] sur la période du 02 mars 2020 au 30 novembre 2020 et l'accident survenu le 23 août 2019.

La demande doit, par conséquent, être rejetée.

Sur la résistance abusive

Aux termes de l'article 1240 du Code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

En l'espèce, la société MTCB entend faire valoir la mauvaise foi de la société MACIF, laquelle a manifesté, par son refus obstiné de verser les sommes dues, sa volonté de rompre ses obligations d'assureur, la contraignant à saisir la justice pour obtenir l'indemnisation de son préjudice. Elle sollicite, à ce titre, une somme de 2.000 euros.

Toutefois, il ressort des éléments versés aux débats que la MACIF n'a jamais contesté le droit à indemnisation de la société MTCB au titre de son recours subrogatoire, ayant confirmé son intervention à ce titre dès courrier daté du 18 novembre 2020 (pièce n°2 en défense), mais indiqué être dans l'attente des conclusions médicales sur la base desquelles l'indemnisation des préjudices de M. [H] serait étudiée.

Par ce même courrier, la MACIF a sollicité communication du contrat de travail de M. [F], déclaré par la société MTCB comme étant embauché en remplacement de M. [H]. Le tribunal relève, cependant, que les pièces sollicitées ainsi à bon droit par l'assureur ne lui ont été communiquées que le 08 avril 2021 (pièce n°3 défenderesse).

Suite à la réception de ces contrats de travail, la MACIF a, dès courrier daté du 14 avril 2021, soit moins d'une semaine plus tard, fait part de son refus de prise en charge des salaires et charges sociales relatifs à M. [F] s'agissant uniquement de la période du 02 mars 2020 au 30 novembre 2020 et ce, en raison des motifs d'embauche indiqués aux contrats de travail correspondants, moyen de refus retenu comme légitime aux termes de la présente décision.

Dans ces conditions, quand bien même, par suite de ce désaccord entre les parties, la société MACIF a attendu la saisine de la présente juridiction pour effectuer, par courrier daté du 08 août 2022 (pièce n°7 en défense), un versement au titre des sommes non-contestées, force est de constater que la société MTCB ne rapporte aucunement la preuve de l’éventuelle mauvaise foi de la société défenderesse à s'abstenir sciemment de payer la somme due.

Elle sera dès lors pareillement déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

En l'espèce, la société MACIF doit être considérée comme succombante principale à l'instance, tandis qu'elle n'a procédé au versement de la somme qu'elle reconnaissait pourtant devoir qu'en suite de son assignation en justice. Elle sera, en conséquence, condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance.

L'équité commande, en revanche, de ne faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice d'aucune des parties.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et susceptible d’appel,

Déboute la S.A.S. MTCB de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société MACIF à supporter les entiers dépens de l'instance ;

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 22/01828
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.01828 ?
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