1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/01588 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOQG
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 12 MARS 2024
N° RG 23/01588 - N° Portalis DBZS-W-B7H-XOQG
DEMANDEUR :
M. [L] [D]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe PREVEL, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE :
CPAM [Localité 5] [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Mme [Y] [P], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président: Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur: Catherine DELAVAL, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié
Greffier
Louise DIANA,
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 12 Mars 2024.
EXPOSE DU LITIGE
Par courrier du 3 mai 2023, la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 4] a notifié à Monsieur [L] [D] un indu de 3.275,21 euros en raison d'un cumul de ses revenus et de sa pension d'invalidité supérieur au salaire de comparaison sur les périodes de référence du 01/01/2021 au 31/03/2021, du 01/06/2021 au 31/08/2021 et du 01/01/2021 au 30/11/2022.
Le 8 juin 2023, Monsieur [L] [D] a saisi la commission de recours amiable.
Réunie en sa séance du 21 juin 2023, la commission de recours amiable a rejeté la demande de l'assuré et l'a invité à contacter les services de l'agent comptable de la Caisse primaire d'assurance maladie afin d'étudier la possibilité d'un échelonnement de sa dette.
Par lettre recommandée avec accusé réception expédiée en date du 19 août 2023, Monsieur [L] [D] a saisi le tribunal d'un recours à l'encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable.
L'affaire, appelée à l'audience du 21 novembre 2023, a été entendue à l'audience de renvoi du 16 janvier 2024.
Lors de celle-ci, Monsieur [L] [D], par l'intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Il demande au tribunal de :
- Déclarer recevable son recours en contestation de l'indu,
- Annuler la notification du 3 mai 2023 de la CPAM et la décision du 21 juin 2023 de la commission de recours amiable,
- A titre subsidiaire, prononcer la remise totale de sa dette,
- Débouter la CPAM de toutes ses demandes ;
- Condamner la CPAM au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la CPAM aux entiers frais et dépens.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] [Localité 4] a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Elle demande au tribunal de :
- In limine litis, déclarer irrecevable la contestation de l'indu,
- Débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes,
- A titre reconventionnel, condamner Monsieur [D] à lui verser la somme de 3.275,21 euros au titre de l'indu.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande tendant à la contestation de l'indu
Aux termes de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale : « Les réclamations relevant de l'article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation ».
Le tribunal rappelle que le recours gracieux devant la commission de recours amiable constitue un préalable obligatoire au recours contentieux devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, dont il découle qu'à défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable, toute demande contentieuse devant le juge judiciaire doit être déclarée irrecevable.
In limine litis, la CPAM soutient qu'aucune saisine de la commission de recours amiable portant sur la contestation de l'indu n'est intervenue dans la présente affaire de sorte que la nouvelle demande présentée par Monsieur [D] devant le tribunal est purement et simplement irrecevable.
En réponse, Monsieur [D] estime que la CPAM ne peut interpréter la saisine de la CRA pour la limiter à une simple demande de remise de dette. Il souligne qu'une même saisine de la CRA peut formuler à la fois une contestation de l'indu et une demande de remise de dette.
La notification contestée indiquait que l'assuré pouvait contester « le bien-fondé » de l'indu en saisissant la commission de recours amiable. La saisine de la CRA a été faite sur la messagerie intitulée « contestation CRA ». Enfin, s'agissant d'une procédure sans représentation obligatoire, il serait abusif d'interpréter les termes des saisines faites par les assurés sans représentation, comme s'ils étaient rédigés par un conseil pour ensuite les déclarer irrecevables.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la contestation formée devant la commission de recours amiable par Monsieur [D] fait état des éléments suivants (pièce n°3 de la CPAM) :
« Je vous fait part de ce mail suite au courrier du 3 mai 2023 m'informant d'un trop perçu.
J'ai toujours envoyé mes documents en temps et en heure et appelé plusieurs fois la C.P.A.M. afin de m'assurer que les paiements étaient bien adéquats avec mes déclarations.
A ce jour, je me retrouve avec une dette trop importante que je suis en incapacité de régler.
En effet, j'ai perdu mon travail depuis le mois de Mai 2021 et je suis demandeur d'emploi indemnisé par pôle emploi depuis janvier 2022.
Je suis auto-entrepreneur mais je n'ai perçu aucun revenu depuis 2 mois.
Je ne suis pas en mesure de rembourser cette somme ».
Dans sa requête datée du 16 août 2023 de saisine du tribunal, Monsieur [L] [D] a motivé dans les mêmes termes sa saisine tendant à contester la décision de rejet explicite rendue par la commission de recours amiable le 21 juin 2023.
Il a en effet indiqué : « Je conteste la décision notifiée par courrier le 21 juin 2023. En effet, comme expliqué précédemment, j'ai toujours envoyé mes déclarations en temps et en heure et contacter les services pour faire le point sur ma situation, aujourd'hui vous me réclamez une somme importante que je ne suis pas en mesure de rembourser. En effet nos situations à mon épouse et à moi ont changé depuis. Je suis actuellement au chômage en fin de droit et je n'ai aucune rentrée d'argent sur mon activité d'auto-entrepreneur. Mon épouse est au chômage et nous avons 4 enfants à charge. Je fais donc ce recours afin de nous exonérer de cette dette et nous permettre de souffler. »
A la lecture tant de la saisine de la CRA que de la saisine du tribunal à l'encontre de la notification du 3 mai 2023, il est clair que Monsieur [D] ne conteste pas l'indu lui-même mais sollicite qu'il en soit exonéré au seul motif que sa situation financière difficile ne permet pas le remboursement.
Dès lors, à défaut de contestation préalable devant la commission de recours amiable du bien-fondé de l'indu notifié le 3 mai 2023 par la CPAM, ce dernier moyen ne peut être soutenu devant la présente juridiction.
En conséquence, la demande tendant à la contestation du bien-fondé de l'indu adressée par la CPAM à Monsieur [L] [D] par courrier du 3 mai 2023, sera déclarée irrecevable.
Sur la demande de remise de dette
L'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale dispose que : « A l'exception des cotisations et majorations de retard, les créances des caisses nées de l'application de la législation de sécurité sociale, notamment dans des cas mentionnés aux articles L. 244-8, L. 374-1, L. 376-1 à L. 376-3, L. 452-2 à L. 452-5, L. 454-1 et L. 811-6, peuvent être réduites en cas de précarité de la situation du débiteur par décision motivée par la caisse, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. »
Dès lors qu'il est régulièrement saisi d'un recours contre la décision administrative ayant rejeté en tout ou partie une demande de remise gracieuse d'une dette née de l'application de la législation de sécurité sociale au sens du texte susmentionné, il appartient au juge d'apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause (2e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.512).
En l'espèce, il ressort du questionnaire de solvabilité renseigné le 9 mai 2023 par Monsieur [L] [D] à la demande de la CPAM (pièce n°2 de la CPAM) et de la décision rendue par la commission de recours amiable les éléments suivants :
- le montant des ressources mensuelles du foyer composé de deux adultes et de quatre enfants âgés de 9 ans, 12 ans, 15 ans et 18 ans est de 4.652,90 euros ;
- le montant des charges mensuelles et courantes s'élève à 1.205,00 euros ;
- soit un reste à vivre évalué à 3.447,90 euros.
Il ressort de ces éléments qu'au regard de la situation financière de l'assuré et de la composition de son foyer, le reste à vivre mensuel par personne est d'un peu moins de 575,00 euros ne permettant pas de caractériser une situation dite de précarité.
Monsieur [L] [D], sur qui repose la charge de la preuve, ne produit dans le cadre des débats aucun autre document - en dehors des avis d'imposition des années 2022/2023 sur les revenus de 2021 et 2022, des attestations URSSAF pour l'année 2022 et la période de janvier à août 2023 (pièces n°1 à 5 du requérant) - de nature à justifier de façon suffisamment probante un reste à charge qui serait insuffisant pour son foyer familial.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de procéder à l'annulation totale ou partielle de la dette réclamée par la CPAM d'un montant de 3.275,21 euros.
Par conséquent, Monsieur [L] [D] sera débouté de sa demande et condamné, à titre reconventionnel, au paiement de ladite somme à la CPAM.
Pour toute demande visant la mise en œuvre d'un échelonnement du paiement de somme due, le tribunal, à l'instar de la commission de recours amiable, invite le requérant à se rapprocher de l'agent comptable de la CPAM.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur [L] [D], qui succombe, sera condamné aux éventuels dépens de la présente instance. Sa demande indemnitaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devra dès lors être rejetée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe :
DECLARE Monsieur [L] [D] irrecevable en sa demande tendant à contester le bien-fondé de l'indu notifié par la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 4] en date du 3 mai 2023 d'un montant de 3.275,21 euros,
DEBOUTE Monsieur [L] [D] de sa demande tendant à la remise de sa dette,
CONDAMNE à titre reconventionnel Monsieur [L] [D] à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 4] la somme de 3.275,21 euros au titre de l'indu,
INVITE Monsieur [L] [D] à se rapprocher de l'agent comptable de la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 4] pour la mise en œuvre d'un échelonnement de ses remboursements,
CONDAMNE Monsieur [L] [D] aux éventuels dépens de l'instance,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties en application de l'article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal les jours, mois et an ci-dessus.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
Louise DIANAFanny WACRENIER
Expédié aux parties le :
1 CE à la CPAM
1 CCC à Me Prevel
1 CCC à M. [D]