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12/03/2024 | FRANCE | N°23/01378

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 12 mars 2024, 23/01378


RG 23/01378 – Page - MA

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 23/01378
N° Portalis DBZS-W-B7H-XT5Z

N° de Minute : 24/00062

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 12 Mars 2024





S.C.I. DU [Adresse 4]


C/

[V] [W]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 12 Mars 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


S.C.I. DU [Adresse 4], dont le siège social est sis [Adresse 4]


représ

entée par Me Sophie OLEJNICZAK, avocat au barreau de LILLE


ET :


DÉFENDEUR(S)

M. [V] [W], demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE





COMPOSITION DU...

RG 23/01378 – Page - MA

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/01378
N° Portalis DBZS-W-B7H-XT5Z

N° de Minute : 24/00062

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 12 Mars 2024

S.C.I. DU [Adresse 4]

C/

[V] [W]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 12 Mars 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.C.I. DU [Adresse 4], dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Sophie OLEJNICZAK, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [V] [W], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Isabelle MERVAILLE-GUEMGHAR, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 Février 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 12 Mars 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé signé le 1er novembre 2014, la société civile immobilière (SCI) du [Adresse 4] a donné en location à M. [V] [W], pour une durée initiale de trois ans renouvelable par tacite reconduction, un appartement (porte n°2) et un stationnement n°1 situés [Adresse 2] à [Localité 7], moyennant un loyer mensuel initial de 700 euros, outre une provision sur charges de 20 euros.

Par actes d’huissier du 17 mai 2023, la SCI du [Adresse 4] a fait délivrer à M. [W] un commandement d’avoir à justifier de l’assurance contre les risques locatifs dans le délai d’un mois et un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail afin d’obtenir le paiement d’une somme de 11 599,41 euros dont 11 397,59 euros au titre des loyers et charges impayés sous deux mois.

Ce commandement de payer visant la clause résolutoire a été notifié par voie électronique à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) dans le Nord le 22 mai 2023.

Par acte d’huissier du 25 juillet 2023, la SCI du [Adresse 4] a fait délivrer à M. [W] une sommation d’avoir à justifier de l’occupation effective du logement dans le délai d’un mois.

Par acte d’huissier du 29 septembre 2023, la SCI du [Adresse 4] a fait assigner M. [W] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille statuant en référés afin de voir, au visa de la loi n° 89-462, notamment son article 14, de l’article 1760 du code civil, des articles L 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution constater la résiliation du bail, ordonner l’expulsion de M. [W] et le voir condamner à payer l’arriéré de loyers ainsi qu’une indemnité d’occupation jusqu’à la complète libération des lieux.

Cette assignation a été notifiée par voie électronique à la Préfecture du Nord le 2 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 4 décembre 2023 puis renvoyée à plusieurs reprises avant d’être retenue à l’audience du 12 février 2024.

A cette audience, la SCI du [Adresse 4], représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile, L 412-5 du code des procédures civiles d’exécution, de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 :
être déclarée recevable,
constater la résiliation du bail en application de la clause résolutoire fixée audit bail,
ordonner l’expulsion de M. [W] et celle de toute personne introduite dans le logement, avec le concours de la force publique si besoin et dans le mois de la signification du jugement à intervenir,
être autorisée à faire transporter et séquestrer les biens abandonnés dans les lieux, aux frais, risques et périls du défendeur,
condamner M. [W] à lui payer la somme de 10 720,75 euros au titre des loyers et sommes accessoires impayées,
condamner M. [W] à lui payer la somme de 12 535,40 euros en réparation des dommages subis par elle pour les dégradations de son bien immobilier,
condamner M. [W] au paiement d’une indemnité d’occupation du montant du loyer et des charges jusqu’à complète libération des lieux,
débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [W] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Au soutien, elle fait valoir que le montant du loyer mensuel indexé figure bien sur le décompte joint au commandement de payer, ce qui permettait aisément au locataire de connaître le détail et la nature des sommes qui lui sont réclamées ; que le commandement de payer visant la clause résolutoire est donc valable et que l’assignation a été notifiée à la Préfecture du Nord.

En ce qui concerne les contestations sérieuses opposées par M. [W] pour en déduire que le juge des référés ne serait pas compétent, elle soutient qu’aucune compensation n’a jamais été consentie entre quelque créance que ce soit ; que M. [W] n’est titulaire d’aucune créance à son égard ; que les factures produites ont été établies en 2023 pour les besoins de la cause ; que M. [W] ne justifie d’aucune diligence accomplie pour son compte ; qu’aucun contrat n’a été signé ni aucun honoraire n’a été fixé entre les parties ; qu’aucune demande de permis de construire n’a été déposée concernant l’immeuble de St Folquin.

Elle demande à ce que la pièce adverse n°23 soit jugée irrecevable comme la demande tendant à ce qu’elle restitue un certain nombre de meubles, d’effets personnels et de documents professionnels à M. [W].

M. [W], représenté par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles il sollicite de voir, au visa des articles 835 alinéa 1 et 2 du code de procédure civile, 9 du code civil, 1219 du code civil, 1760 du code civil, 6, 7-1, 14, 17-1 et 24 de la loi du 6 juillet 1989, 24 de la loi du 6 juillet 1989, 491 du code de procédure civile, L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution :
A titre principal,
prononcer l’irrecevabilité des demandes formulées par la SCI du [Adresse 4],
rejeter les demandes de la SCI du [Adresse 4],
A titre subsidiaire 1,
prononcer la nullité du commandement de payer pour défaut de paiement visant la clause résolutoire,
se déclarer incompétent et renvoyer la SCI du [Adresse 4] à mieux se pourvoir devant le juge du fond,
rejeter les demandes de la SCI du [Adresse 4]
A titre subsidiaire 2,
prononcer l’irrecevabilité de la demande au titre des loyers correspondant à la période du 15 septembre 2020 au 29 septembre 2020,
enjoindre à la SCI du [Adresse 4] de produire un nouveau décompte expurgé de cette somme,
rejeter la demande de la SCI du [Adresse 4] en condamnation au titre de l’indexation des loyers pour la période du 1er novembre 2018 au 31 octobre 2022, au titre de la taxe des ordures ménagères et au titre des indemnités d’occupation,
limiter à la somme de 4 200 euros les loyers pour la période du 1er janvier 2023 au 30 juin 2023,
rejeter la demande présentée par la SCI du [Adresse 4] au titre des loyers et indemnités d’occupation à compter du 6 juillet 2023,
rejeter la demande de la SCI du [Adresse 4] au titre des réparations locatives,
rejeter la demande de la SCI du [Adresse 4] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens
condamner la SCI du [Adresse 4] à lui remettre l’ensemble des meubles, effets personnels, objets et documents professionnels se trouvant dans l’appartement,
condamner la SCI du [Adresse 4] à lui donner les clés, badges, codes permettant l’accès à l’appartement et à l’emplacement de stationnement dans les 8 jours de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 1 000 euros provisoire par jour de retard, le juge des contentieux de la protection statuant en référés se réservant la liquidation de l’astreinte,
condamner la SCI du [Adresse 4] au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamner la SCI du [Adresse 4] au paiement d’une somme provisionnelle de 30 970,73 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l’ordonnance à intervenir,

ordonner la compensation entre les créances respectives,
condamner la SCI du [Adresse 4] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la SCI du [Adresse 4] aux entiers dépens qui comprendront le coût du constat en date du 17 octobre 2023.

Au soutien, il fait valoir que la dénonciation au Préfet n’est pas visée aux pièces versées et annexées à l’assignation ; qu’à titre subsidiaire, le commandement de payer visant la clause résolutoire ne précise pas le montant mensuel du loyer et des charges ; que le décompte joint est insuffisant ; que le commandement de payer est donc nul et ne peut valablement fonder une action en constat de résiliation du bail ; qu’à titre subsidiaire, le juge ne peut, en présence d’une contestation sérieuse, qu’allouer une provision ; que la demande de condamnation présentée par la SCI du [Adresse 4] devra donc être rejetée.

Il précise que la somme de 6 080 euros au titre du loyer correspond à 2 480 euros au titre du solde dû sur l’année 2020, outre les loyers de janvier à mai 2021 ; que cette somme avait toutefois vocation à se compenser avec des sommes qui lui étaient dues au titre de prestations d’architecte réalisées pour le compte de la SCI du [Adresse 4] ; que cette demande doit donc être rejetée.

A titre subsidiaire, il estime qu’il avait réglé la somme de 6 180 euros correspondant aux loyers de janvier à août 2020, outre la moitié de septembre 2020, soit jusqu’au 15 septembre 2020 ; que les loyers correspondant à la période comprise entre le 15 septembre et le 29 septembre 2020 sont prescrits en application de l’article 7-1 de la loi de 1989 dans la mesure où l’assignation a été délivrée le 29 septembre 2023.

Il fait encore valoir que le bail ne contient aucune clause d’indexation automatique du loyer et que la SCI du [Adresse 4] ne justifie d’aucune demande adressée en ce sens ; que le décompte de l’indexation par année civile n’est pas conforme au bail ; que la SCI du [Adresse 4] est réputée avoir renoncé à l’indexation pour la période comprise entre le 1er novembre 2018 et le 31 octobre 2022 ; que pour la période ultérieure, la SCI du [Adresse 4] n’en a sollicité l’application qu’à compter du 29 septembre 2023, date de son assignation et que l’indexation ne peut donc s’appliquer qu’à compter de cette date.

En ce qui concerne les loyers de l’année 2023, il rappelle que l’indexation n’est applicable qu’à compter du 29 septembre 2023 ; que sa condamnation ne peut excéder la somme de 4 200 euros, soit 6 mois de loyers ; qu’il a été évincé du logement à compter du 6 juillet 2023, date de son départ en vacances et que c’est encore le cas aujourd’hui ; que les serrures ont été changées, les fenêtres et portes barricadées ; que le bailleur a donc manqué à son obligation de délivrance.

Il estime qu’en raison de toutes ces contestations, le juge des référés est incompétent.

Il estime qu’il n’est pas redevable de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères dans la mesure où le contrat de bail ne le prévoit pas ; qu’en tout état de cause, celles dues avant le 29 septembre 2020 sont prescrites et qu’aucune pièce justificative n’est produite par la bailleresse.
Il s’oppose à tout paiement d’une indemnité d’occupation dans la mesure où il a été évincé du logement.

Concernant les dégradations locatives, il rappelle qu’il était en congé du 6 juillet 2023 au 29 août 2023, date à laquelle il a constaté que l’ensemble de son habitation était fermé par des planches en bois ; que l’assignation ne visait aucune dégradation locative alors que le bailleur était entré dans les lieux en son absence ; que le constat d’huissier a été dressé quatre mois plus tard seulement ; que la bailleresse a mandaté une étude d’huissiers différente de celle qui avait refusé de pénétrer dans les lieux au regard de la procédure en cours à qui elle a dissimulé le fait d’avoir bloqué les accès avec du bois pour l’empêcher d’entrer ; qu’il n’est pas à l’origine des dégradations.

Au soutien de ses demandes reconventionnelles, il produit des photos du logement avant son départ en vacances et à son retour. Il considère que la SCI du [Adresse 4] a repris le logement par voie de
fait  en son absence; qu’elle a fait délivrer une sommation d’avoir à justifier de l’occupation du logement en pleine période estivale ; que la procédure d’abandon du logement n’a pas été menée à son terme par la bailleresse.

Il justifie sa demande de dommages et intérêts par le fort stress et la perturbation psychologique engendrés par l’impossibilité de pouvoir réintégrer son logement à son retour de congé et le sentiment d’avoir été violé dans son intimité et trahi.

Il soutient que sa demande de paiement de prestations d’architecte est justifiée par deux factures datées du 5 juillet 2023.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 12 mars 2024.

MOTIFS

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite, la résiliation du bail et l’expulsion

Aux termes de l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de ce texte.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

En l’espèce, la SCI du [Adresse 4] indique qu’antérieurement au 1er janvier 2023, M. [W] était redevable d’une somme de 6 080 euros et qu’il n’a réglé aucun loyer à compter du 1er janvier 2023, ce qui représente la somme de 4 320 euros (soit 6 mois de loyers à 720 euros, provision sur charges comprise).

M. [W] ne conteste pas qu’il n’a pas réglé ces loyers.

S’il fait valoir une prescription partielle, cela ne concernerait en tout état de cause qu’une partie des impayés antérieurs au 29 septembre 2020.

Par ailleurs, s’il se prévaut d’une compensation liée à des prestations d’architecte qu’il aurait effectuées pour le compte de la SCI du [Adresse 4], aucun des éléments produits aux débats ne permet de faire le lien entre ces prestations d’architecte et le contrat de bail.

Par ailleurs, le décompte manuscrit non daté produit par M. [W] ne concerne également qu’une partie des impayés relatifs aux années 2020 et 2021.

M. [W] n’a donc pas réglé plusieurs loyers avant la délivrance du commandement de payer et ce en méconnaissance des termes du contrat de bail et de la loi du 6 juillet 1989.

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture du Nord par voie électronique le 2 octobre 2023, soit plus de deux mois avant la première audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
L’action est donc recevable.
L'article 24 I de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 prévoit que "toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux".
En l’espèce, le contrat de bail régularisé entre les parties comporte une clause résolutoire suivant laquelle le contrat sera résilié immédiatement et de plein droit deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux à défaut de paiement aux termes convenus de tout ou partie du loyer et des charges dûment justifiées.

La SCI du [Adresse 4] justifie avoir fait délivrer à M. [W] un commandement de payer par acte d’huissier du 17 mai 2023 visant cette clause résolutoire contenue au bail et qui a été dénoncé à la CCAPEX le 22 mai 2023.

Si M. [W] invoque la nullité de ce commandement, un décompte y est joint qui permet de déterminer les loyers réclamés.

Si M. [W] conteste l’indexation du loyer, cela ne concerne qu’une partie très accessoire des sommes dont il est redevable.

Il s’en déduit que faute pour M. [W] d’avoir procédé à un quelconque règlement, les conditions d’acquisition de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à compter du 18 juillet 2023.

L’existence d’un trouble manifestement illicite est donc établie.

Les contestations élevées par M. [W] et qu’il qualifie de sérieuses sont donc sans incidence sur la possibilité pour la SCI du [Adresse 4] de voir obtenir son expulsion devant le juge des référés.

L'article 24 V de cette même loi dispose, dans sa version en vigueur depuis le 29 juillet 2023, que "le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation. »
En l’espèce, M. [W] ne prétend pas avoir procédé à un quelconque règlement du loyer.

Il ne satisfait donc pas aux conditions requises par l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 dont les termes ont été précédemment rappelés.
Il ne peut donc bénéficier d’une suspension des effets de la clause résolutoire contenue au bail.
Il n'y a donc pas lieu de suspendre les effets de la clause résolutoire et son expulsion sera ordonnée.
Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution au titre des opérations d'expulsion. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur enlèvement, leur transport ni leur séquestration, qui demeurent de surcroît purement hypothétiques à ce stade.

Sur les sommes dues

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et les charges récupérables aux termes convenus.

En l’espèce, la SCI du [Adresse 4] réclame le règlement d’une somme de 10 720,75 euros dont 6 080 euros dus antérieurement au 1er janvier 2023 et 4 320 euros dus depuis cette date.

D’après le décompte joint au commandement de payer, les 6 080 euros correspondent à un « retard de loyer au 19 mai 2021 », soit l’équivalent de plus de huit mois de loyer.

La SCI du [Adresse 4] ne produit aucun décompte plus détaillé alors que M. [W] invoque la prescription triennale.

Le juge est donc dans l’impossibilité de déterminer précisément la somme due à ce titre par M. [W] et qui ne serait pas prescrite.

Cette demande sera donc rejetée.

Il convient d’observer que la somme de 4 320 euros correspond à six loyers d’un montant de 720 euros dus depuis le 1er janvier 2023, provision sur charge comprise. Les contestations opposées par M. [W] concernant l’indexation indûment appliquée ou le caractère indu de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères pour les années antérieures est donc sans objet.

En vertu de l'article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l'occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail est réparé par l'allocation d'une indemnité mensuelle d'occupation due de la résiliation à la libération des lieux et équivalente au loyer, provision sur charges comprises.
En l’espèce, il ressort d’un dépôt de plainte du voisin de M. [W], M. [O] [U] que le propriétaire a installé des planches en bois sur tous les ouvrants de l’appartement afin d’en empêcher l’accès.

Il se déduit de ce dépôt de plainte qui est le seul élément autre que les courriers établis par les parties elles-mêmes que M. [W] n’a pas été en mesure d’accéder au logement depuis qu’il est parti en congés.

Il n’est donc redevable d’aucune indemnité d’occupation ultérieure à la date de résiliation du bail.

M. [W] sera donc condamné à payer à la SCI du [Adresse 4] la somme de 4 320 euros au titre des loyers impayés, échéance de juin 2023 comprise.

La demande de la SCI du [Adresse 4] tendant à voir condamner M. [W] à lui payer une indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux sera rejetée compte tenu de l’impossibilité pour celui-ci d’y accéder depuis la résiliation du bail.

Sur la demande de remboursement des frais de remise en état du logement

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier,

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé :
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;
d) De prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure

En l’espèce, la SCI du [Adresse 4] indique que M. [W] aurait dégradé le logement.

Pour en justifier, elle produit un procès-verbal de constat d’huissier qu’elle a fait établir le 5 décembre 2023 alors que M. [W] ne peut plus accéder au logement depuis son retour de congés à la fin du mois d’août 2023.

Au surplus, ce constat mentionne que l’accès au logement est simplement protégé par une bâche plastique.

La SCI du [Adresse 4] échoue donc à démontrer l’imputabilité de ces dégradations à M. [W]

La demande de prise en charge des frais de remise en état qu’elle présente sera donc rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles tendant à obtenir des remises sous astreinte

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l’espèce, l’obligation pour la SCI du [Adresse 4] de restituer à M. [W] des meubles, effets personnels, objets et documents professionnels se trouvant dans l’appartement est sérieusement contestable.
En effet, ni le courriel de Mme [N] du 5 décembre 2023 ni les photographies non datées produites par M. [W] ne sont suffisants à permettre de considérer que les meubles, effets personnels, objets et documents professionnels lui appartenant seraient en possession de la SCI du [Adresse 4].
Sa demande sera donc rejetée.
Dans le même sens, l’obligation pour la SCI du [Adresse 4] de remettre les clés, badges, codes permettant l’accès à l’appartement et à l’emplacement de stationnement est sérieusement contestable dans la mesure où M. [W] est occupant sans droit ni titre depuis le 17 juillet 2023.

Cette demande sera donc également rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le propriétaire est tenu à une obligation de jouissance paisible des lieux par le locataire.
L'expulsion est une opération étroitement encadrée qui n'autorise aucune initiative personnelle du propriétaire, si ce n'est celle de s'adresser à la justice pour obtenir l'autorisation nécessaire, le simple constat d'une reprise illicite des lieux ouvrant droit à réparation. Une expulsion illégale constitue, nonobstant l'absence de titre d'occupation des lieux, une violation du domicile et une atteinte au respect de la vie privée qui ouvre ipso facto droit à réparation.

En l’espèce, la SCI du [Adresse 4] produit une lettre recommandée adressée à M. [W] le 11 juillet 2023 aux termes de laquelle elle lui a indiqué qu’elle avait procédé à un contrôle de l’ensemble des appartements à la suite d’une surconsommation d’eau constatée sur une facture qui pourrait être liée à une fuite ; qu’elle s’est rendue sans succès à trois reprises à l’appartement occupé par M. [W]; qu’à cette occasion, elle a été informée par les voisins de travaux qu’il aurait entrepris et consistant à calfeutrer les fenêtres du logement ; qu’elle avait constaté que la porte de l’entrée du logement était endommagée et ne fermait plus correctement ; qu’elle le remercie de bien vouloir lui faire part de ses disponibilités pour lui permettre de prendre ses dispositions pour trouver l’origine de la surconsommation.
En tout état de cause, elle ne produit aucune pièce permettant d’objectiver les constats ainsi consignés dans son courrier.
Par ailleurs, il ressort du dépôt de plainte de M. [O] [U] que la SCI du [Adresse 4] a installé des planches en bois sur tous les ouvrants de l’appartement afin d’en empêcher l’accès pendant que M. [W] était en congé.

Il s’en déduit que la demande de dommages et intérêts de M. [W] ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

La SCI du [Adresse 4] sera donc condamnée à lui payer la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de paiement des factures d’honoraires d’architecte

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier.

En l’espèce, M. [W] produit deux factures établies le 5 juillet 2023, l’une d’un montant de 15 094,75 euros TTC au titre d’une mission de permis de construire dans le cadre d’un projet de réhabilitation de l’immeuble du [Adresse 2] à [Localité 7], l’autre d’un montant de 15 875,98 euros au titre d’une mission d’élaboration d’un dossier de permis de construire dans le cadre d’un projet de réhabilitation d’un château et ses annexes en salle des fêtes à [Localité 6].

L’obligation pour la SCI du [Adresse 4] de payer ces factures est toutefois sérieusement contestable dans la mesure où elle produit une attestation du maire de [Localité 6] du 22 décembre 2023 suivant laquelle aucun dépôt de demande de permis de construire n’a été fait et, plus généralement, le juge ne dispose pas de suffisamment d’éléments pour déterminer l’étendue des diligences accomplies par M. [W] pour le compte de la SCI [Adresse 4] à ce titre.

La demande de paiement qu’il présente sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [W] qui succombe essentiellement à l’instance sera condamné aux dépens qui comprendront les frais du commandement de payer visant la clause résolutoire du 17 mai 2023.

L’équité commande de rejeter les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référés à l’issue de débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,
CONSTATONS l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 1er novembre 2014 entre la société civile immobilière [Adresse 4] et M. [V] [W] relatif à un appartement (porte n°2) et un stationnement n°1 situés [Adresse 2] à [Localité 7] à compter du 18 juillet 2023;

AUTORISONS, en tant que de besoin, la société civile immobilière du [Adresse 4] à faire procéder à l’expulsion de M. [V] [W] ainsi qu’à celle de tous les occupants de son chef, au besoin avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

CONDAMNONS M. [V] [W] à payer à la société civile immobilière du [Adresse 4] la somme provisionnelle de 4 320 euros au titre de l'arriéré de loyers dus à compter du 1er janvier 2023, échéance de juin 2024 comprise, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2023, date de l’assignation;

CONDAMNONS la société civile immobilière du [Adresse 4] à payer à M. [V] [W] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

RAPPELONS à M. [V] [W] qu'il peut saisir la commission de médiation, à condition de justifier du dépôt préalable de l'enregistrement d'une demande de logement social ou, à défaut, d'apporter la justification de l'absence de demande. Pour saisir la commission de médiation, il convient d'utiliser le formulaire Cerfa N°15036*1 (téléchargeable sur le site internet des services de l'État dans le Nord "nord.gouv.fr") à retourner complété et accompagné de toutes les pièces justificatives requises à l'adresse suivante :

DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA COHESION SOCIALE
Mission accès au logement - Secrétariat de la commission médiation DALO
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]

DISONS qu’une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe au représentant de l’Etat dans le département pour information ;

CONDAMNONS M. [V] [W] aux dépens, en ce compris les frais de commandement de payer du 17 mai 2023 ;

REJETONS les autres demandes ;

RAPPELLONS que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 12 mars 2024.

LE GREFFIERLE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 23/01378
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.01378 ?
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