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12/03/2024 | FRANCE | N°23/00163

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Référés jcp, 12 mars 2024, 23/00163


TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]


☎ :[XXXXXXXX01]




N° RG 23/00163 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W4FC

N° de Minute : 24/00050

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 12 Mars 2024





Société MUTUELLE
D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS


C/

[H] [O]
[F] [O]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 12 Mars 2024






DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)


Société MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS, dont le

siège social est [Adresse 7]


représentée par Me Isabelle GABRIEL, avocat au barreau de PARIS


ET :


DÉFENDEUR(S)

Mme [H] [O], demeurant [Adresse 6]

Aide juridictionelle totale

représentée par ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 5]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/00163 - N° Portalis DBZS-W-B7H-W4FC

N° de Minute : 24/00050

ORDONNANCE DE REFERE

DU : 12 Mars 2024

Société MUTUELLE
D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS

C/

[H] [O]
[F] [O]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ORDONNANCE DU 12 Mars 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

Société MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS, dont le siège social est [Adresse 7]

représentée par Me Isabelle GABRIEL, avocat au barreau de PARIS

ET :

DÉFENDEUR(S)

Mme [H] [O], demeurant [Adresse 6]

Aide juridictionelle totale

représentée par Me Julien BRIOUT, avocat au barreau de LILLE

Mme [F] [O], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me GUILMAIN Laurent, avocat au barreau de LILLE substitué par Me WOJCIZ Clara, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 Février 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 12 Mars 2024, date indiquée à l'issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 23/00163 – Page -

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé signé par voie électronique le 15 avril 2021 avec effet au 31 mai 2021, la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) a, par l’entremise de son mandataire, la société par actions simplifiée (SAS) Acteva donné en location meublée à Mme [H] [O], pour une durée initiale d’un an renouvelable par tacite reconduction, un appartement n°137 de type T1 situé au sein de la résidence MACSF Pavillon Olivier, [Adresse 2] à [Localité 5], moyennant un loyer mensuel initial de 525 euros, forfait de charges comprises.

Par acte sous seing privé signé par voie électronique le même jour, Mme [F] [O] s’est portée caution solidaire des engagements pris par la locataire dans la limite de six renouvellements du bail.

Par acte d’huissier du 28 septembre 2022, la société MACSF a fait délivrer à Mme [H] [O] un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail afin d’obtenir le paiement d’une somme de 3 070,01 euros dont 2 920,42 euros au titre des loyers et charges impayés.

Ce commandement de payer visant la clause résolutoire a été notifié par voie électronique à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) dans le Nord le 30 septembre 2022.

Par acte d’huissier du 26 octobre 2022, la société MACSF a fait dénoncer ce commandement de payer à Mme [F] [O] en sa qualité de caution solidaire.

Par actes d’huissier du 11 janvier 2023, la société MACSF a fait assigner Mesdames [H] et [F] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille statuant en référés afin de voir, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 1103 du code civil :
être déclarée recevable en ses demandes,
constater que la clause résolutoire insérée au bail est acquise,
En conséquence,
ordonner l’expulsion de Mme [H] [O] ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux qu’elle occupe, objet du bail, en la forme ordinaire ou avec l’assistance du commissaire de police ou du serrurier si besoin est,
être autorisée à faire séquestrer les objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l’expulsion, dans tel garde meubles qui lui plaira, au frais, risques et périls exclusifs de Mme [H] [O],
condamner solidairement Mme [H] [O] et Mme [F] [O] à lui payer par provision la somme de 3 999,79 euros au titre de la dette locative arrêtée au 9 décembre 2022 (échéance de décembre 2022 comprise),
condamner solidairement Mme [H] [O] et Mme [F] [O] à lui payer, à titre provisionnel, une indemnité d’occupation mensuelle à compter du 1er janvier 2023, égale au montant du loyer et des charges normalement exigibles, avec possibilité de réviser le montant de l’indemnité d’occupation et de régulariser les charges conformément au contrat de bail s’il n’avait été résilié, et d’obtenir paiement du solde des charges sur justificatifs jusqu’à son départ des lieux qui se matérialisera par la remise des clés ou l’expulsion,
condamner solidairement Mme [H] [O] et Mme [F] [O] à lui payer, par provision, la somme de 1 800 euros à valoir sur son préjudice,
condamner solidairement Mme [H] [O] et Mme [F] [O] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, sa dénonciation à la CCAPEX ainsi que sa dénonciation à la caution.

Cette assignation a été notifiée par voie électronique à la Préfecture du Nord le 13 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 3 avril 2023 puis renvoyée à plusieurs reprises avant d’être retenue à l’audience du 12 février 2024.

A cette audience, la société MACSF, représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle reprend les demandes contenues dans son assignation sauf à actualiser la dette à la somme de 9 340,81 euros et à solliciter le rejet des demandes présentées par Mesdames [H] et [F] [O].

Au soutien, elle fait notamment valoir que dès le mois de décembre 2021, la locataire a cessé de régler ses loyers ; qu’elle n’a effectué aucun versement depuis juillet 2023 ; qu’elle a attendu le mois d’octobre 2023 pour régulariser sa situation auprès de la CAF ; que la société Acteva qui a été destinataire d’une régularisation au titre de l’allocation logement pour la période d’octobre à décembre 2023 n’est plus le gestionnaire du site depuis le mois de janvier 2024 ; qu’en tout état de cause, ces sommes seront versées au nouveau gestionnaire, la société Sergic Résidences Services et viendront en déduction des sommes dues par Mme [H] [O].

Elle ajoute que l’article 25-10 de la loi du 6 juillet 1989 autorise l’application d’un forfait de charges en ce qui concerne les locations meublées de sorte qu’aucune régularisation des charges n’est à intervenir.

Elle fait encore valoir que Mme [H] [O] ne justifie d’aucun contrat de travail à durée indéterminée et donc de revenus fixes lui permettant de payer régulièrement son loyer courant et d’apurer sa dette ; qu’elle a saisi la commission de surendettement le 20 avril 2023 qui a déclaré son dossier recevable le 10 mai 2023.

En réponse à la demande de nullité du cautionnement, elle fait valoir qu’un tel acte peut être valablement signé par voie électronique ; que le pavillon [D] est bien une résidence étudiante, comme le rappelle la présentation qui en est faite sur son site internet ; que Mme [H] [O] était bien inscrite au cours de l’année 2020-2021 à un cursus d’éducateur spécialisé en accompagnement psycho-éducatif ; que l’engagement de caution est mobilisable pour les dettes concernées.

Elle fait enfin valoir que la décence d’un logement et l’existence d’un préjudice de jouissance ne peuvent s’évaluer au regard de traces de calcaire ou de rayures sur le compteur de l’entrée de l’appartement ; qu’il ressort de l’état des lieux d’entrée que l’appartement a été remis en bon état ; que l’indemnisation d’un préjudice de jouissance est sollicitée pour les besoins de la cause.

Mme [H] [O], représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, au visa de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 :
A titre principal,
renvoyer la société MACSF à mieux se pourvoir devant le juge du fond,
Subsidiairement,
rejeter les demandes de la société MACSF,
déduire du décompte les provisions sur charges appelées faute de justificatifs et de régularisations,
condamner la société MACSF à lui payer la somme de 6 400 euros au titre du préjudice de jouissance, soit 200 euros pendant 32 mois d’occupation,
ordonner la compensation des dommages et intérêts alloués avec la dette de loyers,
enjoindre la société MACSF à réaliser les travaux concernant les tuyauteries et à remplacer le mobilier endommagé,
Si la résiliation du bail est prononcée,
lui accorder un délai de 2 ans pour quitter le logement,
lui accorder un délai de 36 mois pour procéder au règlement du solde de la dette de loyers, déduction faite des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance alloués,
condamner la société MACSF aux entiers frais et dépens de l’instance.

Au soutien, elle fait valoir que le juge des référés est le juge de l’évidence et de l’absence de contestation sérieuse ; qu’il existe, en l’espèce, de multiples contestations tant en ce qui concerne le montant de la dette que le préjudice de jouissance subi ; que le juge du fond est seul compétent.

Elle précise que les 130 euros de provisions sur charges mensuelles ne sont absolument pas justifiés ; qu’aucune régularisation n’a été faite alors que ce montant est disproportionné au regard de la surface du logement.

Elle fait encore valoir que le logement présente des dégradations depuis qu’elle est entrée dans les lieux.

Au soutien de sa demande de délais, elle fait valoir qu’elle est à la recherche d’un emploi depuis qu’elle a obtenu son diplôme d’éducatrice spécialisée en juillet 2023 ; qu’elle est sur le point d’obtenir une réponse pour un contrat à durée indéterminée à plein temps rémunéré 1 600 euros par mois, ce qui lui permettra d’apurer sa dette.

Mme [F] [O], représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, au visa des articles 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et 1376 du code civil :
prononcer la nullité de l’acte de cautionnement,
rejeter l’ensemble des demandes de la société MACSF,
condamner la société MACSF à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien, elle fait valoir que la société MACSF n’est pas une SCI familiale et que le bail ne précise pas qu’il a été consenti à une étudiante ; que le bailleur ne pouvait donc pas solliciter son cautionnement ; que l’avant-dernier alinéa de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 n’est pas reproduit.

Elle ajoute, si besoin, que la mention manuscrite fait défaut alors qu’elle est exigée par l’article 1376 du code civil.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 27 novembre 2023.

MOTIFS

Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite, la résiliation du bail et l’expulsion

Aux termes de l’article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que l’occupation sans droit ni titre du bien d’autrui constitue un trouble manifestement illicite au sens de ce texte.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

L’exception d’inexécution dont se prévaut le locataire n’est fondée que lorsque le logement est affecté de désordres si importants qu’il y a impossibilité d’utiliser les lieux conformément à leur destination.

En l’espèce, il ne ressort d’aucune des pièces produites aux débats qu’il serait impossible pour Mme [H] [O] d’utiliser les lieux loués conformément à leur destination.

Par ailleurs, il ressort du décompte produit par la société MACSF, établi par Sergic et arrêté au 9 février 2024 que Mme [H] [O] reste redevable d’une somme de 9 340,81 euros.

Il ressort également du décompte actualisé et détaillé arrêté au 2 janvier 2024 et établi par le précédent gestionnaire du bien, la société Acteva, que le dernier règlement de la part à charge de la locataire remonte au 8 juin 2023.

Mme [H] [O] n’a procédé à aucun règlement depuis, y compris de sa part à charge, et ce en méconnaissance des termes du contrat de bail et de la loi du 6 juillet 1989.

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture du Nord par voie électronique le 13 janvier 2023 soit plus de deux mois avant la première audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
L’action est donc recevable.
L'article 24 I de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 prévoit que "toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux".
En l’espèce, le contrat de bail régularisé entre les parties comporte une clause résolutoire suivant laquelle en cas de défaut de versement du dépôt de garantie, non-paiement du loyer, défaut de présentation de la quittance d’assurance multi-risque habitation ou non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, le bail sera résilié de plein droit, deux mois après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, restée en tout ou partie sans effet pendant ce délai, sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire.

La bailleresse justifie avoir fait délivrer à Mme [H] [O] un commandement de payer par acte d’huissier du 28 septembre 2022 visant cette clause résolutoire contenue au bail et qui a été dénoncé à la CCAPEX le 30 septembre 2022.

Il ressort du décompte détaillé arrêté au 2 janvier 2024 que Mme [H] [O] n’a pas réglé les causes du commandement dans les deux mois de sa délivrance.

Il s’en déduit que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire se sont trouvées réunies à compter du 29 novembre 2022.

L’existence d’un trouble manifestement illicite est donc établie.

Les contestations élevées par Mme [H] [O] et qu’elle qualifie de sérieuses sont donc sans incidence sur la possibilité pour la bailleresse de voir obtenir son expulsion devant le juge des référés.

L'article 24 V de cette même loi dispose, dans sa version en vigueur depuis le 29 juillet 2023, que "le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation. »
Il ressort également du décompte actualisé produit qu’aucun règlement de la part à charge du locataire du loyer courant n’a été effectué par la locataire avant la date de l’audience.

Mme [H] [O] ne satisfait donc pas aux conditions requises par l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 dont les termes ont été précédemment rappelés.
Elle ne peut donc bénéficier d’une suspension des effets de la clause résolutoire contenue au bail.
Il n'y a donc pas lieu de suspendre les effets de la clause résolutoire.
Sur la demande de délai pour quitter les lieux
Aux termes de l’article L 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Aux termes de l’article L 412-4 du code des procédures civiles d’exécution, la durée des délais prévus à l’article L 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L 441-2-3 et L 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l’espèce, Mme [H] [O] a régulièrement manqué à son obligation de régler le loyer à l’échéance convenue, ainsi qu’en témoigne le montant élevé de la dette.
Par ailleurs, son jeune âge, sa situation de célibataire et son état de santé dont il n’est pas établi qu’il serait altéré ne sont pas de nature à justifier l’octroi d’un quelconque délai pour quitter les lieux.
Cette demande sera donc rejetée.
Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles L433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d'exécution au titre des opérations d'expulsion. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur séquestration, qui demeure à ce stade purement hypothétique.

Sur les sommes dues

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer les loyers et les charges récupérables aux termes convenus.

Comme il l’a été précédemment indiqué, l’exception d’inexécution dont se prévaut le locataire n’est fondée que lorsque le logement est affecté de désordres si importants qu’il y a impossibilité d’utiliser les lieux conformément à leur destination.

En l’espèce, Mme [H] [O] ne rapporte pas une telle preuve.

Par ailleurs, aux termes de l’article 25-10 de cette même loi, Les charges locatives accessoires au loyer principal sont récupérées par le bailleur au choix des parties et tel que prévu par le contrat de bail :
1° Soit dans les conditions prévues à l'article 23, lorsqu'il s'agit de provisions pour charges ;
2° Soit sous la forme d'un forfait versé simultanément au loyer, dont le montant et la périodicité de versement sont définis dans le contrat et qui ne peut donner lieu à complément ou à régularisation ultérieure. Le montant du forfait de charges est fixé en fonction des montants exigibles par le bailleur en application du même article 23 et peut être révisé chaque année aux mêmes conditions que le loyer principal. Ce montant ne peut pas être manifestement disproportionné au regard des charges dont le locataire ou, le cas échéant, le précédent locataire se serait acquitté.

En l’espèce, c’est un forfait de charges et non une provision sur charges qui a été convenu entre les parties et la seule surface du logement n’est pas suffisante à permettre d’établir la disproportion invoquée par la locataire.

Il ressort du décompte arrêté au 2 janvier 2024 établi par la société Acteva et de celui arrêté au 9 février 2024 établi par Sergic que Mme [H] [O] est redevable d’une somme de 9 340,81 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, échéance de février 2024 comprise.
Il convient donc de condamner Mme [H] [O] à payer cette somme à la société MACSF et d’assortir cette somme des intérêts au taux légal sur la somme de 2 920,42 euros à compter du 28 septembre 2022 et de la signification de la présente décision pour le surplus.

Cette condamnation interviendra en deniers ou quittance dans la mesure où il ne ressort pas des décomptes produits par le bailleur que les régularisations d’APL récemment intervenues auraient été prises en compte.

En vertu de l'article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l'occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail est réparé par l'allocation d'une indemnité mensuelle d'occupation due de la résiliation à la libération des lieux et équivalente au loyer, provision sur charges comprises.
Aussi, et afin de réparer le préjudice subi par la société MACSF du fait de l’occupation indue de son bien, Mme [H] [O] sera également condamnée à verser à la bailleresse une indemnité d’occupation provisionnelle équivalente au montant du loyer, forfait de charges compris, qui aurait été dû si le bail n’avait pas été résilié, soit 534,79 euros jusqu’au départ effectif des lieux.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

En l’espèce, Mme [H] [O] n’est pas encore insérée sur le marché du travail de manière durable.

Par ailleurs, elle a déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable et qui met en évidence l’absence de toute capacité de remboursement à ce jour.

Dans ces conditions, il n’apparaît pas opportun de lui accorder des délais de paiement et la demande qu’elle présente à ce titre sera donc rejetée.

Sur la validité du cautionnement solidaire

Aux termes de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable à l’espèce, si le bailleur est une personne morale autre qu'une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, le cautionnement ne peut être demandé que :
-
s'il est apporté par un des organismes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ;
-
ou si le logement est loué à un étudiant ne bénéficiant pas d'une bourse de l'enseignement supérieur.

En l’espèce, la société MACSF justifie bien du statut d’étudiant de Mme [H] [O] à la date de conclusion du bail meublé.

Par ailleurs, ce même article 22-1 prévoit que la personne physique qui se porte caution signe l'acte de cautionnement faisant apparaître le montant du loyer et les conditions de sa révision tels qu'ils figurent au contrat de location, la mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu'elle a de la nature et de l'étendue de l'obligation qu'elle contracte ainsi que la reproduction de l'avant-dernier alinéa du présent article. Le bailleur remet à la caution un exemplaire du contrat de location. Ces formalités sont prescrites à peine de nullité du cautionnement.
En l’espèce, l’acte de cautionnement mentionne bien le montant du loyer et les conditions de sa révision et comporte une mention suivant laquelle Mme [M] [O] a confirmé qu’elle avait une parfaite connaissance de la nature et de l’étendue de son engagement. Il précise également que cet engagement porte sur le loyer dû mais aussi les charges accessoires, indemnités d’occupations, frais et dépens.
L’avant-dernier alinéa de cet article 22-1 n’est toutefois pas reproduit.
Il s’en déduit que l’acte de cautionnement est nul et les demandes de condamnation au paiement de sommes présentées à l’encontre de Mme [M] [O] seront donc rejetées.
Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l’article 1231-6 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

En l’espèce, la société MACSF ne démontre aucun préjudice distinct du retard pris dans le règlement des loyers.

Sa demande de dommages et intérêts sera donc rejetée.

Sur les demandes reconventionnelles de Mme [H] [O]

Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent.

Aux termes de l’article 20 de la loi du 6 juillet 1989, si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours.
Le juge saisi par l'une ou l'autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution.

En l’espèce, Mme [H] [O] échoue à démontrer, avec l’évidence requise s’agissant d’une instance en référé, un manquement du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent.

Au surplus, l’existence d’une obligation pour la société MACSF de réaliser des travaux de mise en conformité est sérieusement contestable dans la mesure où Mme [H] [O] occupe le logement sans droit ni titre.

Pour ces motifs, les demandes de condamnation au paiement de dommages et intérêts et de réalisation de travaux dans le logement présentées par Mme [H] [O] seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [H] [O] qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais du commandement de payer visant la clause résolutoire du 28 septembre 2022.

En application de l’article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à la société MACSF la somme de 800 euros.

L’équité commande de rejeter les autres demandes présentées à ce titre.

Enfin, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit en application de l'article 514-1 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant en référés à l’issue de débats tenus en audience publique, par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,
CONSTATONS l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 15 avril 2021 avec effet au 31 mai 2021 entre la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) et Mme [H] [O] relatif à un appartement n°137 de type T1 situé au sein de la résidence MACSF Pavillon Olivier, [Adresse 2] à [Localité 5], à compter du 29 novembre 2022 ;

AUTORISONS la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) à faire procéder à l’expulsion de Mme [H] [O] ainsi qu’à celle de tous les occupants de son chef, au besoin avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

CONDAMNONS Mme [H] [O] à verser mensuellement à la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) une indemnité d’occupation provisionnelle de 534,79 euros à compter de la résiliation du bail et jusqu’au départ effectif des lieux ;

CONDAMNONS Mme [H] [O] à payer, en deniers ou quittance, à la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) la somme provisionnelle de 9 340,81 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges, et indemnités d'occupation arrêtés au 9 février 2024, échéance de février 2024 comprise, assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 2 920,42 euros à compter du 28 septembre 2022 et de la signification de la présente décision pour le surplus ;

REJETONS les autres demandes ;

RAPPELONS à Mme [H] [O] qu'elle peut saisir la commission de médiation, à condition de justifier du dépôt préalable de l'enregistrement d'une demande de logement social ou, à défaut, d'apporter la justification de l'absence de demande. Pour saisir la commission de médiation, il convient d'utiliser le formulaire Cerfa N°15036*1 (téléchargeable sur le site internet des services de l'État dans le Nord "nord.gouv.fr") à retourner complété et accompagné de toutes les pièces justificatives requises à l'adresse suivante :

DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA COHESION SOCIALE
Mission accès au logement - Secrétariat de la commission médiation DALO
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 5]

DISONS qu’une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe au représentant de l’Etat dans le département pour information ;

CONDAMNONS Mme [H] [O] à payer à la société d’assurance Mutuelle Assurances Corps Santé Français (MACSF) la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS Mme [H] [O] aux dépens, en ce compris les frais de commandement de payer du 22 septembre 2022 ;

REJETONS les autres demandes ;

RAPPELLONS que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 12 mars 2024.

LE GREFFIERLE JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Référés jcp
Numéro d'arrêt : 23/00163
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.00163 ?
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