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12/03/2024 | FRANCE | N°23/00060

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Pôle social, 12 mars 2024, 23/00060


1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00060 - N° Portalis DBZS-W-B7G-W2LC
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

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JUGEMENT DU 12 MARS 2024

N° RG 23/00060 - N° Portalis DBZS-W-B7G-W2LC

DEMANDEUR :

M. [G] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparant, assisté par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE


DÉFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 5]-[Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Représentée par Mme [D] [Z], munie d'un pouvoir



COMPOSITION DU TRIBUN

AL

Président: Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur: Catherine DELAVAL, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Samuel GAILLARD, Assesseu...

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/00060 - N° Portalis DBZS-W-B7G-W2LC
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 12 MARS 2024

N° RG 23/00060 - N° Portalis DBZS-W-B7G-W2LC

DEMANDEUR :

M. [G] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparant, assisté par Me Jérôme POLLET, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

CPAM DE [Localité 5]-[Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Représentée par Mme [D] [Z], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur: Catherine DELAVAL, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Louise DIANA,

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 12 Mars 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [G] [S], né en 1965, a exercé la profession de responsable comptable auprès de [4] depuis le 5 septembre 1995.

Le 14 décembre 2017, Monsieur [G] [S] a complété une déclaration de maladie professionnelle, en vue de sa transmission à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]-[Localité 6] accompagnée d'un certificat médical initial établi le 27 novembre 2017 mentionnant un " syndrome anxio dépressif lié à une souffrance psychique au travail ".

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]-[Localité 6] a diligenté une enquête administrative et sollicité l'avis de son médecin-conseil puis a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région des Hauts-de-France sur le fondement de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale en raison d'une maladie hors tableau et d'un taux d'incapacité prévisible d'au moins 25%.

Par un avis du 17 octobre 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région des Hauts-de-France a rejeté le lien direct et essentiel entre la maladie et l'exposition professionnelle de Monsieur [G] [S].

Cet avis qui s'impose à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie sur le fondement de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale a été notifié par courrier du 22 octobre 2018 adressé à Monsieur [G] [S].

Monsieur [G] [S] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Réunie en sa séance du 17 janvier 2019, la commission de recours amiable a rejeté la demande de l'assuré.

Par requête expédiée au greffe en date du 22 mars 2019, Monsieur [G] [S] a saisi le tribunal d'un recours à l'encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable.

L'affaire, appelée à l'audience du 3 octobre 2019, a fait l'objet d'un retrait du rôle à l'audience de renvoi du 15 décembre 2020.

Par courrier du 12 décembre 2022, Monsieur [G] [S] a sollicité la réinscription au rôle de l'affaire, laquelle a été rappelée et entendue à l'audience du 28 février 2023.

Par jugement du 28 mars 2023 auquel il convient de se référer pour l'exposé des motifs, le tribunal a notamment :
- Déclaré recevable le recours formé par Monsieur [G] [S] ;

Avant dire droit sur le fond :
- Dit y avoir lieu de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale ;
- Désigné le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région Bretagne aux fins de :
° prendre connaissance de l'entier dossier constitué par la Caisse primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]-[Localité 6] conformément aux dispositions de l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale,

° procéder comme il est dit à l'article D 461-30 du code de la sécurité sociale,
° dire si la maladie en date du 27 novembre 2017 de Monsieur [G] [S], à savoir un " syndrome anxio dépressif ", est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime,
° faire toutes observations utiles
- Sursis à statuer sur la contestation du refus de prise en charge de la maladie de Monsieur [G] [S] jusqu'à réception de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le second CRRMP de la région Bretagne a rendu son avis le 20 novembre 2023, lequel a été notifié aux parties le 23 novembre 2023 avec convocation des parties à l'audience du 16 janvier 2024.

Lors de celle-ci, Monsieur [G] [S], par l'intermédiaire de son conseil, a sollicité la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie suite à l'avis favorable rendu par le second CRRMP.

Monsieur [G] [S] formule également une demande subséquente visant à inscrire dans le jugement rendu par la présente juridiction l'existence du harcèlement moral dont il a été victime et la souffrance au travail qui en a résulté.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5]-[Localité 6] s'en est rapportée à l'appréciation du tribunal sur l'avis favorable rendu par le second CRRMP.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle

Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, " Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;
3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire ".

L'article R. 142-17-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2019, dispose : " Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux sixième et septième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du huitième alinéa de l'article L. 461-1.
Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches ".

En l'espèce, le 14 décembre 2017, Monsieur [G] [S] a complété une déclaration de maladie professionnelle, en vue de sa transmission à la CPAM accompagnée d'un certificat médical initial établi le 27 novembre 2017 faisant état d'un " syndrome anxio dépressif lié à une souffrance psychique au travail ".

S'agissant d'une maladie hors tableau et d'un taux d'incapacité prévisible d'au moins 25%, le dossier a été transmis au CRRMP.

Par un avis du 17 octobre 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région des Hauts-de-France a rejeté le lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et le travail habituel de Monsieur [G] [S] aux motifs que :
" Monsieur [S] [G], né en 1965, exerce comme responsable comptable dans une association pour la protection des biens des majeurs en situation de handicap.
Les éléments du dossier rapportent une situation de comptes non sincères décrits par le commissaire aux comptes, mal vécue par le salarié, de même que l'aide qui lui aurait été proposée avec la nomination d'un directeur aux affaires financières.
Le dossier nous est présenté au titre du 4ème alinéa pour un syndrome dépressif constaté le 21.09.16.
A la lecture attentive des pièces médicales et administratives du dossier, les éléments professionnels rapportés ne permettent pas d'étayer des éléments de surcharge de travail, de réduction d'autonomie ou encore d'absence de soutien social. En considérant l'ensemble des données, il ne peut être retenu de lien direct et essentiel entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle. "

Monsieur [G] [S] a contesté le refus de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie sur avis défavorable du CRMMP, en faisant notamment valoir que :
- Il a contredit l'avis du CRRMP dans un long mémoire didactique adressé à la commission de recours amiable (dossier de 18 pages avec annexes),
- Il a retracé l'historique chronologique détaillé des différentes étapes qui ont conduit à sa souffrance au travail (remarques désobligeantes de sa supérieure hiérarchique, situations conflictuelles, propos dégradants, critiques injustifiées sur son travail, stress professionnel croissant, etc.),

- En plusieurs annexes, il s'est reporté à de nombreuses pièces pour conforter ses dires,
- La commission de recours amiable n'a pas pris en compte l'ensemble de ces éléments.

Le 20 novembre 2023, le second CRRMP de la région Bretagne a rendu l'avis favorable contraire après avoir relevé que :
" Le dossier nous est présenté au titre du 7ème alinéa pour : syndrome dépressif.
Il s'agir d'un homme de 58 ans.
La date de première constatation médicale a été fixée au 21/09/2016.
La profession est : responsable comptable.
L'avis du médecin du travail a été consulté.
Après refus du CRRMP des Hauts-de-France en date du 17/10/2018, le tribunal judiciaire de LILLE dans son jugement du 28/03/2023 désigne le CRRMP de Bretagne avec pour mission de dire si la maladie déclarée par la victime est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime.
Après avoir étudié les pièces du dossier communiqué, le CRRMP constate, des éléments objectifs de contraintes psycho organisationnelles suffisantes pour expliquer le développement de la pathologie déclarée.
L'analyse du dossier met en évidence : un changement managérial, une situation conflictuelle avec la hiérarchie avec propos et comportements délétères ciblés attestés par de nombreux témoignages, une absence de soutien hiérarchique et un turn-over important.
C'est pourquoi, il convient de retenir un lien direct et essentiel entre l'affectation présentée et l'exposition professionnelle ".

La présente juridiction relève que l'avis du second CRRMP est suffisamment motivé, précis et ne fait preuve d'aucune ambiguïté.

La CPAM n'a pas fait valoir d'observation.

En conséquence, il convient d'entériner l'avis du CRRMP de la région GRAND EST du 20 novembre 2023 mettant en exergue l'existence d'un lien direct et essentiel entre l'affection déclarée par Monsieur [G] [S] en date du 14 décembre 2017 et son exposition professionnelle.

Des éléments retenus par le CRRMP, il résulte que la souffrance au travail de Monsieur [G] [S] a été reconnue. Il n'appartient pas en revanche au Pôle Social, comme au CRRMP, de caractériser au sens juridique du terme une situation de harcèlement moral, notion juridique qui relève du Conseil de Prud'hommes.

Il y a donc lieu de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie en date du 27 novembre 2017, soit du " syndrome anxio dépressif " de Monsieur [G] [S] et d'ordonner sa prise en charge par la CPAM au titre des risques professionnels.

En conséquence, Monsieur [G] [S] sera renvoyé devant la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5]-[Localité 6] pour la liquidation de ses droits.

Sur les dépens

La CPAM, qui succombe, sera condamnée aux éventuels dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe.

VU le jugement avant dire droit du 28 mars 2023 ;

VU l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de la région Bretagne du 20 novembre 2023 ;

DIT que le caractère professionnel de la pathologie en date du 27 novembre 2017 de Monsieur [G] [S], soit un " syndrome anxio dépressif ", est établi ;

ORDONNE la prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 5] [Localité 6] au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie hors tableau, déclarée par Monsieur [G] [S] sur la base d'un certificat médical initial du 27 novembre 2017,

RENVOIE Monsieur [G] [S] devant la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 6] pour la liquidation de ses droits ;

CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 5] [Localité 6] aux éventuels dépens ;

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties en application de l'article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal les jours, mois et an ci-dessus.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE
Louise DIANAFanny WACRENIER

Expédié aux parties le :
1 CE à Me Pollet
1 CCC à M. [S]
1 CCC à la CPAM


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Pôle social
Numéro d'arrêt : 23/00060
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.00060 ?
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