TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 1
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DU 28 Août 2024
Dossier N° RG 22/05910 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JSSK
Minute n° : 2024/ 433
AFFAIRE :
SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS (TSM) C/ COMPAGNIE GENERALI IARD, [L] [J]
JUGEMENT DU 28 Août 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Emmanuelle SCHOLL, Vice-présidente, statuant à juge unique
GREFFIER : Madame Nasima BOUKROUH
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Mai 2024.
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juillet 2024 prorogé au 28 Août 2024.
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.
Copie exécutoire à la SCP BRUNET-DEBAINES
la SELARL TARIN LEMARIÉ
Me Frédérique GARNIER
Délivrées le
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDERESSE :
SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS (TSM)
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Frédérique GARNIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et assistée par Maître Jean-marie TROEGELER, de la SCP TROEGELER - GOUGOT - BREDEAU- TROEGELER - MONCHAUZOU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat plaidant
D’UNE PART ;
DEFENDEURS :
COMPAGNIE GENERALI IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Guillaume TARIN, de la SELARL TARIN LEMARIÉ, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [L] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Jérôme BRUNET-DEBAINES, de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’AUTRE PART ;
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [L] [J] est propriétaire d’un bateau dénommé MARATEE, assuré auprès de la Compagnie GENERALI.
Ce bateau a coulé le 1er janvier 2019. La SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS (ci-après SARL TSM) a été appelée pour renflouer le navire. Elle a ensuite adressé sa facture tant à monsieur [J] qu’à l’assureur. Ni l’un ni l’autre n’a estimé être tenu de la régler.
Par acte d’huissier de justice en date des 29 décembre 2020 et 5 janvier 2021, la SARL TSM a assigné monsieur [L] [J] et la compagnie GENERALI devant le tribunal de commerce de Fréjus.
Par jugement en date du 14 février 2022, le tribunal de commerce de Fréjus s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal judiciaire de Draguignan.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 Mai 2024, la SARL TSM demande de :
-Dire et juger que Monsieur [J] est tenu vis-à-vis de la Société TRAVAUX SOUS MARINS à une obligation à paiement que celle-ci soit fondée sur un contrat implicite, un engagement pour compte, ou sur les articles 1301 et suivants du code civil (gestion d'affaire) ou encore sur la faute et l’article 1240 du code civil.
- Condamner Monsieur [J] à payer à la société TRAVAUX SOUS MARINS la somme en principal de 9.6l2€ outre intérêt au taux légal couru depuis la mise en demeure du 14 Mai 2019.
- Condamner en outre Monsieur [J] à payer à la société TRAVAUX SOUS MARINS une somme de 2500€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée.
- Dire et juger que la société GENERALI est mal fondée à opposer des causes d'exclusions légales tirées de l’article 121-7 du code des assurances et de l’article 113-1 al.2 du code des assurances dès l’instant où les frais de retirement font l'objet d'une garantie spécifique qui ne concerne en rien les pertes et avaries prévues parles textes susvisés.
- Dire et Juger que la garantie GENERALI est acquise.
- Dire et juger que GENERALI est mal fondée à opposer une limitation de garantie à 3000€.
- Condamner la Cie GENERALI à payer à la société TRAVAUX SOUS MARINS une somme de 9.612€ au titre des frais de retirement.
- Dire et juger qu’aucune circonstance ne peut en l’espèce justifier que soit écarter l’exécution provisoire de droit.
- Condamner les défendeurs à payer à la société TRAVAUX SOUS MARINS une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’Article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Frédérique GARNIER.
Le tribunal renvoie à la lecture des conclusions pour les moyens au soutien des prétentions.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 septembre 2023, la compagnie GENERALI IARD demande de :
- DEBOUTER la société TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS et M. [J] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions à l’encontre de la société GENERALI IARD ; A titre subsidiaire, et pour le cas où par extraordinaire le Tribunal de céans devait considérer que la garantie d’assurance est acquise au bénéfice de TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS et de M. [J],
- DIRE et JUGER que la garantie GENERALI IARD doit être limitée à la somme de 3.000€ conformément aux dispositions des conditions générales de la police ;
En tout état de cause
- CONDAMNER toute partie succombante à payer à GENERALI IARD la somme de 7.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Le tribunal renvoie à la lecture des conclusions pour les moyens au soutien des prétentions.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 6 septembre 2023, monsieur [J] demande de:
Au principal
- Débouter la société TSMG et GENERALI de l’ensemble de leurs demandes,
- Condamner TSMG à payer monsieur [J] une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Subsidiairement en cas de condamnation :
-Condamner GENERALI à relever et garantir monsieur [J] de toute condamnation,
-Condamner TSMG et GENERALI aux dépens.
Le tribunal renvoie à la lecture des conclusions pour les moyens au soutien des prétentions.
Par ordonnance en date du 26 mars 2024, l’instruction a été close et l’affaire renvoyée à l’audience du 22 mai 2024.
MOTIFS :
Sur les demandes à l’égard de monsieur [J] :
Sur le contrat tacite:
Aux termes de l’article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
Aux termes de l’article 1113 du même code, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager.
Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.
En l’espèce, la société TSM et monsieur [J] n’ont pas eu de lien direct de sorte qu’il n’est pas évident de retenir un contrat tacite.
Ce moyen sera rejeté.
Sur l’engagement pour le compte :
Aux termes de l’article 1154 du code civil, lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du représenté, celui-ci est seul tenu de l'engagement ainsi contracté.
Lorsque le représentant déclare agir pour le compte d'autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l'égard du cocontractant.
En l’espèce, il est constant que monsieur [J] et l’assurance ont été appelées par la capitainerie. Il est également établi qu’il existait un risque de pollution qui imposait une intervention dans des délais restreints. Il ressort du mail que monsieur [J] a laissé la main à l’expert mandaté par l’assureur, ne la reprenant, selon les termes de son mail que pour chercher un atelier. Il n’a jamais remis en cause les pouvoirs de celui-ci dans la gestion des opérations de renflouement.
Il était donc représenté par l’assureur et l’expert délégué par celui-ci et il est tenu au paiement de la facture.
En conséquence, il convient de le condamner à payer la somme de 9.612 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2019 (date du tampon de la Poste sur l’AR).
Sur les demandes à l’égard de l’assureur :
L’assureur dénie sa garantie en faisant valoir des exclusions légales.
Sur le vice propre de la chose :
Aux termes de l’article L121-7 du code des assurances, les déchets, diminutions et pertes subies par la chose assurée et qui proviennent de son vice propre ne sont pas à la charge de l'assureur, sauf convention contraire.
En l’espèce, si l’état actuel et en 2018 du bateau est acquis, pour autant, il n’y a pas de précision sur son état au jour de la souscription du contrat. Par ailleurs, l’exclusion vise les dommages à la chose assurée. Or dans le cas présent, les opérations de renflouments n’ont pas simplement vocation à réparer les dommages causés au bateau, mais également remplir une obligation vis-à-vis du port, notamment en raison de la pollution.
Dès lors, ces dispositions ne peuvent recevoir une application dans la présente instance.
Ce moyen sera en conséquence rejeté.
Sur la faute dolosive :
Aux termes de l’article L 113-1 alinéa 2 du code des assurances, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
La faute dolosive est la faute de l’assuré commise avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
Cette disposition est applicable y compris vis-à-vis de tiers victimes.
En l’espèce, le bateau a subi un premier sinistre en avril 2018. A cette occasion, un expert a été désigné et avait rendu un rapport le 21 décembre 2018 soit quelques jours avant le sinistre. L’expert y mentionne les observations suivantes :
P5: “le pont en teck est très usé”
p6 :” Les panneaux de bois sont gercés et fendus, leur étanchéité n’est plus assuré. Le poste de pilotage extérieur est dans un état discutable”
p7-8: “Le bateau est partiellement immergé. Nous avons goûté l’eau, elle est salée. L’inspection des cales nous a rapidement permis de constater une entrée d’eau de mer permanente au niveau des tubes de jaumière. Le bois de cette zone présente des traces de putréfaction et les presse-étoupes des tubes sont oxydés. Les tresses de masse sont sectionnées.
Cette entrée d’eau est constante et une pompe installée provisoirement ne maque pas de se déclencher régulièrement.
Le montage de cette pompe qui a été effectué avec des fils électriques volant est sûrement provisoire.
Dans tous les cas de figure, cette installation même provisoire est hors-norme, voire dangereuse.”
P11: “Nous avons également constaté que toutes les vannes étaient bloquées et qu’elles présentaient de sérieuses traces d’oxydation.
Idem pour les passe(coques qui sont de l’origine de la construction du bateau. Les colliers de serrage ne sont pas doublés.
Les boulons de fixation des vannes sont détruits par l’électrolyse.
Plus grave, la durite de l’évacuation du WC arrière dont la vanne est en position ouverte n’est pas raccordée et n’est retenue au dessus de la ligne de flotaison que par un collier de Rylsan.
Obersvations:
Nous avons affaire à de la pure inconscience.”
P13:”D’autre part, nous avons décelé dans les fonds de la cabine avant, une surprenante réparation effectuée avec un morceau de C/P et du ciment.
Nous avons affaire à une doublante qui obstrue une voie d’eau ou une faiblesse du bordé.
Cette dernière ne semble d’ailleurs pas être totalement colmatée. Nous émettons toute réserve sur cette intervention qui est hors des règles de l’art et qui appartient au pur bricolage”.
“CONCLUSIONS:
L’origine du sinistre est un grave défaut d’entretien.
Nous avons affaire avec le MARATEE à une embarcation qui ne peut plus rester à flots dans l’état.
Nous avons alerté son propriétaire par mail au mois de juin. Ce dernier nous a verbalement informé que le MARATHEE serait mis sur camion pour être restauré en Bretagne.
A notre avis le bateau ne supportera pas le voyage.
Le bateau est actuellement toujours à son poste à quai à la marina de [7]”
Il en résulte que monsieur [J] savait six mois avant le sinistre que son bateau comportait de gaves défauts qui compromettaient sa navigabilité. Le fait que le sinistre soit né d’une coupure volontaire de câble ne saurait en faire la cause unique, tant la certitude du naufrage était évidente. Les coupures d’électricité pour une raison ou une autre sont toujours possibles et ne sont pas des évènements imprévisibles. Or le bateau ne pouvait rester à flots sans électricité.
En n’ayant réalisé aucune réparation, monsieur [J] ne pouvait ignorer le risque à plus ou moins court terme pour son navire.
Il s’agit bien d’une faute dolosive excluant l’intervention de l’assureur.
En conséquence, l’assureur ne sera pas tenu et les demandes à son égard tant de la société TSM et de monsieur [J] seront rejetées.
Sur les demandes accessoires :
Débouté au principal, monsieur [J] sera condamné aux dépens, et le droit de recouvrement direct sera accordé aux avocats en ayant fait la demande.
Il sera en outre condamné à verser une indemnité à la société TSM et à la compagnie GENERALI IARD au titre de l’article 700 qu’il est équitable de fixer à 2.500 euros chacune.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal,
Condamne monsieur [L] [J] à payer à la SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS la somme de 9.612 euros avec intérêt au taux légal à compter du 29 mai 2019,
Rejette les demandes vis-à-vis de la compagnie GENERALI IARD formulées tant par la SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS et par monsieur [L] [J],
Condamne monsieur [L] [J] à payer à la SARL TRAVAUX SOUS MARINS GRIMAUDOIS la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [L] [J] à payer à la compagnie GENERALI IARD la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur [L] [J] aux dépens,
Accorde le droit de recouvrement direct prévu à l’article 699 du code de procédure civile aux avocats de la cause en ayant fait la demande.
ainsi jugé et signé
LE GREFFIER LE PRESIDENT