copie exécutoire à : Me Sarah BENBELKACEM
Me Gaël GANGLOFF
Me Elisabeth RECOTILLET
délivrées le
copie dossier
ORDONNANCE N° : 2024/353
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
Chambre 1
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ORDONNANCE INCIDENT DE LA MISE EN ETAT
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RÔLE N° : N° RG 22/02666 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JNP6
DATE : 09 Août 2024
PRÉSIDENT : Madame Alexandra MATTIOLI, Première Vice-présidente, Juge de la mise en état
GREFFIER lors des débats : Madame Nasima BOUKROUH
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET
DEMANDERESSES AU PRINCIPAL ET DÉFENDERESSES A L’INCIDENT :
Madame [J] [K] veuve [S]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Madame [M] [S]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Madame [V] [S]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentées par Me Elisabeth RECOTILLET, avocat au barreau de TOULON
DÉFENDERESSES AU PRINCIPAL ET DEMANDERESSES A L’INCIDENT :
Madame [G] [N] épouse [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [L] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [R] [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentées par Me Gaël GANGLOFF, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, Me Sarah BENBELKACEM, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :
Après avoir entendu à l’audience du 09 Avril 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’affaire a été mise en délibéré au 29 Mai 2024 et après prorogation, l’ordonnance a été rendue ce jour, par mise à disposition au greffe.
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EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [Y] [S] a adhéré le 18 juillet 2017 au contrat d’assurance de groupe sur la vie APREP MULTIGESTION mis en place par [8]. Il a adopté la clause bénéficiaire suivante : « En cas de décès, selon les dispositions testamentaires déposées en l’étude Maître [T], notaire [Adresse 1] à [Localité 11], à défaut les héritiers de l’assuré. »
Monsieur [Y] [S] a rédigé un testament olographe le 1er mai 2010, désignant [M] [S] et [V] [S] légataires universelles, dans le cas où il survivrait à son épouse, et maintenant la donation consentie le 15 mars 2000 à son conjoint survivant de l’universalité de ses biens en droits dépendant de sa succession, ou du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit ou, enfin, de la quotité disponible ordinaire des mêmes biens, au choix du conjoint.
[Y] [S] est décédé le [Date décès 2] 2017, laissant pour lui succéder [J] [S], conjoint survivant, [M] et [V] [S], leurs enfants communs, et [G], [L] et [R] [N], enfants issues d’une première union avec madame [I] [U].
Un acte notarié a été dressé le 21 mai 2021 par lequel [J] [S], conjoint survivant, a opté pour le quart des biens en pleine propriété et les trois quarts en usufruit.
Par ordonnance de référé en date du 22 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Toulon, saisi par [J] [S], au contradictoire de l’[5], a notamment condamné cette dernière à payer, à titre provisionnel, aux demanderesses, le quart en pleine propriété des capitaux décès résultant du contrat d’assurance de groupe sur la vie APREP MULTIGESTION souscrit le 18 juillet 2017 par feu [Y] [S] et ses intérêts, après déduction et reversement des prélèvements sociaux et dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation au paiement provisionnel des ¾ en usufruit et de leurs intérêts.
Par acte délivré le 08 avril 2022, auquel il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des motifs, Madame [J] [K], Madame [M] [S] et Madame [V] [S] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Draguignan Madame [G] [N], Madame [L] [N] et Madame [R] [N] aux fins de contestations relatives au partage sur le fondement notamment des articles 1101, 1103 et 1104 du Code civil.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 10 octobre 2023, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des motifs, les défenderesses ont saisi le juge de la mise en état d’une demande d’incident.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 29 mars 2024, Madame [G] [N], Madame [L] [N] et Madame [R] [N] sollicitent du juge de la mise en état d’ordonner aux demanderesses de produire, sous quinze jours à compter de l’ordonnance à intervenir, les documents suivants :
-Les relevés de comptes de [J] [K] sur lesquels apparaissent les remboursements des échéances du prêt souscrit auprès de la Banque Populaire de la Côte d’Azur, pour le financement du terrain situé à [Localité 6], le 4 juillet 1998 ;
-Les relevés de comptes de [J] [K], sur lesquels apparaissent les remboursements des échéances du prêt souscrit auprès de la Banque Populaire de la Côte d’Azur, pour le financement des travaux de construction de la maison située à [Localité 6] ;
-Le relevé de compte de [J] [K] faisant apparaître sa contribution à l’apport de 179 000 francs, figurant sur l’offre de prêt de la Banque Populaire de la Côte d’Azur, du 24 février 2009 ;
-Les déclarations d’impôts des époux de 1995 à 2017 ;
-Les pièces de nature à établir le financement par la SCI [9] de l’appartement situé [Adresse 10] à [Localité 11] ;
-Les relevés de compte de la SCI [9] depuis sa création, et notamment ceux faisant apparaître le remboursement du prêt de substitution souscrit auprès de la Banque Populaire de la Côte d’Azur au mois d’octobre 2015 ;
-Le contrat afférent à l’emprunt n° 600515062 souscrit par la SCI [9] ;
-Les pièces de nature à établir l’origine de la dette de la SCI [9] à l’égard de [J] [K], d’un montant de 85 071€ ;
-Les pièces de nature à établir l’origine de la dette de Monsieur [Y] [S] à l’égard de [J] [K], objet de la reconnaissance de dette du 4 mai 2017 ;
-Les relevés de comptes de Monsieur [Y] [S] pour l’année 2017, et notamment ceux faisant apparaître la somme de 260 000€ correspondant au prix de vente de la maison héritée de son père en 2008, ainsi que ceux faisant apparaître l’utilisation desdits fonds.
Elles sollicitent également du juge de la mise en état d’ordonner que cette communication de pièces se fasse sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la date de l’ordonnance à intervenir, et se réserver la liquidation de ladite astreinte et de condamner [J] [K], [M] et [V] [S] à la somme de 3,000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’incident, avec faculté de distraction au profit de Maître Gaël GANGLOFF.
Par dernières conclusions en réplique sur incident notifiées par RPVA le 05 avril 2024, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des motifs, Madame [J] [K], Madame [M] [S] et Madame [V] [S] ont demandé au juge de la mise en état de constater que madame [K] et Mesdames [M] et [V] [S] ont communiqué aux débats les seules pièces dont elles disposaient et qui sont utiles à la solution du litige, de débouter Mesdames [G], [L], [R] [N] de leur demande de communication de pièces sous astreinte, de condamner in solidum, Mesdames [G], [L] et [R] [N] à verser à Mesdames [J] [K], [M] [S] et [V] [S], la somme de 2 000 € chacune au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, de condamner in solidum, Mesdames [G], [L] et [R] [N] aux entiers dépens de l’instance d’incident et de dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit.
L’incident a été appelé à l’audience du 09 avril 2024 au cours de laquelle les parties ont maintenu les demandes et moyens développées dans leurs écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé.
À l’issue de l’audience, les parties présentes ont été avisées de la mise en délibéré de la décision par mise à disposition au greffe, au 29 mai 2024 prorogé au 09 Août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire, il est rappelé qu’en application des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et qu’en vertu de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Aux termes des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1. statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance : les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge,
2. allouer une provision pour le procès,
3. accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522,
4. ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées,
5. ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction,
6. statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s’il l’estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d’administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Sur la communication des pièces demandées
En application de l’article 788 du Code de procédure civile, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.
Il peut inciter les parties à communiquer des pièces notamment en leur adressant des injonctions, assorties éventuellement d’une astreinte par application des articles 132 à 137 du code de procédure civile.
Il résulte des articles 9 et 11 du Code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
Il appartient au demandeur d’expliciter en quoi la production de ces pièces est essentielle à la résolution du litige, étant précisé qu’il lui appartient d’apporter la preuve de ses prétentions.
En l’espèce, la présente instance a pour objet la liquidation et le partage de la succession de Monsieur [Y] [S], outre l’exécution du contrat d’assurance vie litigieux. Le débat de fond porte sur la contestation de la quote-part des capitaux décès de l’assurance vie souscrite auprès de la société [8] au profit du conjoint survivant (Madame [J] [K]) par les nues-propriétaires (Mesdames [G], [L] et [R] [N]) qui demandent à ce que Madame [K] soit condamnée à la peine de recel successoral. En effet, ces dernières estiment que monsieur [Y] [S] et madame [J] [K] ont mis en place des procédés visant à organiser artificiellement la réduction de la part d’héritage des enfants non communs avant le décès de monsieur [Y] [S].
C’est pourquoi, Mesdames [G], [L] et [R] [N] sollicitent du juge de la mise en état la condamnation sous astreinte à la production de pièces dont elles soutiennent qu'elles sont nécessaires à la solution du litige. Elles estiment qu'il s’agit du seul moyen d’obtenir communication des pièces, compte-tenu du refus persistant des demanderesses de les produire et qu’elles entendent, en somme, démontrer des faits de recel successoral, l’existence de donations indirectes et déguisées entre époux et l’existence de créances entre époux.
Dans leurs dernières écritures de leur côté Madame [J] [K], Madame [M] [S] et Madame [V] [S] estiment que la demande de production de pièces dans le cadre de la présente procédure d’incident viserait à obtenir la preuve de leurs allégations.
Or, en matière de recel successoral la charge de la preuve incombe aux héritiers s'estimant victimes de sorte qu’il appartient aux demanderesses à l'incident d'apporter la preuve de leurs prétentions à peine d'en être déboutées. Ainsi, il appartient aux consorts [N] de produire des éléments de nature à étayer chacune de leurs demandes, mesdames [K] et [S] produisant en défense les pièces qu'elles estimeront nécessaires à y répondre. Il appartient au Juge du fond d'apprécier la pertinence des pièces produites par chacune des parties à l'appui de ses demandes.
Dans ces conditions, et alors que certaines des pièces sollicitées ont déjà été produites par les demanderesses, les demandes de communication de pièces ne peuvent, à ce stade de la procédure, qu'être rejetées.
Sur les autres demandes
Rien ne justifiant le versement d'une somme au titre des frais irrépétibles de l'incident, les demandes des parties en ce sens sont rejetées.
Les dépens de l’incident suivront le sort de ceux de l’affaire au fond.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Alexandra MATTIOLI, Première Vice-Présidente, Juge de la mise en état, statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition des parties au greffe, contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du Code de procédure civile,
DEBOUTONS la Madame [G] [N], Madame [L] [N] et Madame [R] [N] de leurs demandes de communication de pièces sous astreinte;
DEBOUTONS les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en ce compris relatives aux frais irrépétibles de l’incident,
DISONS que les dépens de l’instance sur incident suivront ceux de l’instance principale,
RENVOYONS la cause et les parties à l’audience de mise en état électronique du 15 octobre 2024 à 9h, aux fins de conclusions au fond des défendeurs avant le 30 septembre.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, le 09 Août 2024.
La GREFFIÈRE La JUGE DE LA MISE EN ÉTAT