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09/08/2024 | FRANCE | N°19/08603

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 1, 09 août 2024, 19/08603


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 09 Août 2024
Dossier N° RG 19/08603 - N° Portalis DB3D-W-B7D-ITJC
Minute n° : 2024/426

AFFAIRE :

[D] [Y] épouse [G] C/ [J] [Y], [L] [Y]




JUGEMENT DU 09 Août 2024



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Alexandra MATTIOLI

JUGES : Madame Virginie GARCIA
Madame Chantal MENNECIER


Greffière lors des débats : Madame Nasima BOUKROUH
Greffière lors de la mise à disposition : Mada

me Peggy DONET


DÉBATS :
A l’audience publique du 7 mars 2024 mis en délibéré au 16 mai 2024, le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises pour être re...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 09 Août 2024
Dossier N° RG 19/08603 - N° Portalis DB3D-W-B7D-ITJC
Minute n° : 2024/426

AFFAIRE :

[D] [Y] épouse [G] C/ [J] [Y], [L] [Y]

JUGEMENT DU 09 Août 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Alexandra MATTIOLI

JUGES : Madame Virginie GARCIA
Madame Chantal MENNECIER

Greffière lors des débats : Madame Nasima BOUKROUH
Greffière lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET

DÉBATS :
A l’audience publique du 7 mars 2024 mis en délibéré au 16 mai 2024, le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises pour être rendu le 09 août 2024.

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

Copie exécutoire à la
Me Jean-Philippe FOURMEAUX
Me Roméo LAPRESA
Me Katia VILLEVIEILLE

Expédition à Me [B], notaire

Délivrées le 09 Août 2024
Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

Madame [D] [Y] épouse [G]
née le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 23], demeurant [Adresse 6]
représentée par Maître Katia VILLEVIEILLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et Maître Katia STOYANOVITCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

D’UNE PART ;

DEFENDEURS :

Monsieur [J] [Y]
né le [Date naissance 7] 1951 à [Localité 19] (SEINE MARITIME), demeurant [Adresse 10]
représenté par Maître Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

Monsieur [L] [Y]
né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 23], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et Maître Patricia CHEVALLIER-DOUAUD, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

D’AUTRE PART ;

******************

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [T] [Y], veuf de madame [P] [A] et non remarié, est décédé à [Localité 13] (83) le [Date décès 5] 2017, laissant pour lui succéder ses trois enfants, [D], [L] et [J] [Y].

Monsieur [T] [Y] avait testé par testament olographe daté du 14 mars 2013 aux termes duquel il avait notamment prévu que : « Au moment de ma succession, l'équilibre entre les trois parts devra être rétabli en fonction de mes biens financiers et éventuellement en tenant compte de nouveaux dons que j'aurai pu faire postérieurement au présent testament. Si mes biens financiers étaient insuffisants, le rééquilibrage se ferait par versement entre mes enfants.
Les prêts, dons et avantages accordés à mes enfants antérieurement à 2007, comme dons aux enfants et petits-enfants, prêts ou mise à disposition d'appartement, ne doivent pas rentrer en ligne de compte au moment de la succession. Mes trois enfants ont en effet acté en 2007 l 'égalité des avantages accordés à chacun d 'entre eux avant cette date par mon épouse (jusqu'à son décès en 1998) et par moi-même. Ils se sont engagés à ne pas contester cette égalité à l'avenir. Pour les dons versés avant 2007, seuls doivent être pris en compte, au titre de l'actualisation à ce jour, les montants indiqués dans les tableaux en annexe. ››

Le 2 juillet 2007, le père et ses trois enfants ont établi et signé un protocole d'accord, lequel reprend différentes donations effectuées par les parents au profit de leurs enfants, fait état de la valeur de trois biens immobiliers (appartements à [Localité 13] et [Localité 23] et friche à [Localité 20]) et de leur répartition envisagée entre les trois enfants, de même que celle de comptes bancaires et assurance-vie. Aux termes de cet acte, il est précisé que « par les présentes, les trois enfants de [T] [Y] reconnaissent le bien fondé de l'ensemble des dispositions ci-dessus prises par leur père, et l'égalité qu'elles prévoient entre eux. Ils s'engagent à les respecter et à ne pas les contester à l'avenir, notamment au moment du règlement de la succession. »

Par acte en date du 26 septembre 2007, monsieur [T] [Y] a donné à son fils [J] [Y] un appartement de deux pièces d'une superficie de 47 m2, situé [Adresse 10], à [Localité 23] (78).

Par acte en date du 13 décembre 2007, monsieur [T] [Y] a donné en nu-propriété sous réserve d'usufruit à son profit, un appartement de trois pièces d'une superficie de 86 m2, situé [Adresse 9], à [Localité 13] (83) à ses enfants [D] et [L] [Y]. Ce bien a été vendu le 5 mars 2020 pour un prix de 180.000 euros.

La succession a été ouverte selon procès-verbal établi par Maître [S] [W], Notaire à [Localité 22], le 7 décembre 2017.

Compte tenu des désaccords persistants quant à la valeur des biens immobiliers ayant fait l'objet de donations et de l'impossibilité de procéder à un partage amiable en résultant, Madame [D] [Y] a fait assigner ses deux frères devant le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN par acte d’huissier délivré les 18 et 23 mai 2018, sollicitant de voir ordonner l’ouverture des opérations de comptes et liquidation de la succession de monsieur [T] [Y] et, avant dire droit, d'expertise judiciaire aux fins d'évaluation des biens immobiliers ayant fait l'objet de donations antérieures, d’ordonner la réunion à la masse de calcul de la quotité disponible et de la réserve de la somme de 383.031,89 euros. Enfin, elle sollicitait la condamnation de monsieur [L] [Y] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en sus des dépens, en ceux compris les frais de recherche bancaire avancés à hauteur de 550 €.

Par ordonnance en date du 8 novembre 2019, le Juge de la mise en état a constaté l'incompétence matérielle du Juge aux affaires familiales pour connaître de cette procédure et a renvoyé l'affaire à la Première chambre de la juridiction.

Par ordonnance d'incident rendue le 1er septembre 2020, le Juge de la mise en état a ordonné une expertise immobilière confiée à madame [M] [O] aux fins d'évaluation de l'appartement situé à [Localité 13], le terrain situé à [Localité 20] et de l'appartement de [Localité 23], de déterminer le montant des dépenses d'amélioration et dépenses nécessaires effectuées, fixer l'indemnité d'occupation et procéder à l'évaluation du passif successoral.

Madame [M] [O] a déposé son rapport le 15 juin 2022.

Dans ses dernières écritures, notifiées par RPVA le 12 septembre 2023, madame [D] [Y] demande de :

Vu le testament olographe de feu [T] [Y] en date du 14 mars 2013.
Vu l'acte de décès en date du [Date décès 5] 2017,
Vu les articles 815, 840, 840-1 et 841 du Code Civil,
Vu les articles 45, 1360 et 13 77 du Code de Procédure Civile Vu les pièces versées aux débats,
Vu le rapport d 'expertises de Mme [M] [O] Expert immobilier en date du 3 juin 2022,

SE DECLARER COMPETENT rationae materiae et rationae loci,
Ce faisant,
RECEVOIR Madame [D] [G], née [Y] en ses demandes et la dire bien -fondée,

Sur les dons manuels
PROCEDER au compte entre les parties afin de rétablir l'équilibre entre les héritiers sur les dons manuels dont ils ont bénéficié;

Sur le bien dépendant de la succession sis à [Localité 13]
FIXER la valeur du bien à [Localité 13] donné à [D] [Y] et à [L] [Y] à la somme de 186 492 €.

Sur le bien dépendant de la succession sis à [Localité 23]
A titre principal,
JUGER que le grenier 2 doit être intégré dans l'évaluation du bien sis à [Adresse 24],
Ce faisant,
FIXER la valeur du bien sis à [Localité 23] donné à [J] [Y] à la somme de 365 364 €
FIXER la valeur locative pour l'immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 1.032 € avec le grenier,
Ce faisant,
JUGER que l'indemnité d'occupation due par [J] [Y] est due depuis 1976,
CONDAMNER Monsieur [J] [Y] à payer à l'indivision une indemnité d'occupation calculée sur ladite valeur locative depuis 1976,

A titre subsidiaire,
FIXER la valeur du bien sis à [Localité 23] donné à [J] [Y] à la somme de 340 453 €,
FIXER la valeur locative du bien sis à [Localité 23] à la somme de 961 € sans le grenier,
JUGER que l'indemnité d'occupation due par [J] [Y] est due depuis 1976,
CONDAMNER [J] [Y] à payer à l'indivision une indemnité d'occupation calculée sur ladite valeur locative depuis 1976,

Sur le terrain dépendant de la succession sis à [Localité 20]
FIXER la valeur du terrain à [Localité 20] à la somme de 2 761 €

Sur les évaluations de l'ensemble des améliorations et dépenses nécessaires faites par les donataires pour la conservation des biens
A titre principal,
JUGER que seules les dépenses d'amélioration doivent être déduites de la valeur du bien de [Localité 23],
Ce faisant,
FIXER le montant des travaux d'amélioration avant donation à la somme de 7 496,42 €
FIXER le montant des travaux d'amélioration après donation à la somme de 9 220,67 €
A titre subsidiaire,
FIXER le montant des travaux d'entretien à la somme de 9 442,21 € (7 604,83 €. + 1 837,38 €)

Sur les frais d'obsèques
JUGER que M. [L] [Y] reste devoir la somme de 248,67 € à sa sœur, [D] [Y] et la somme de 49,20 € à son frère M. [J] [Y], et ce faisant le condamner,
JUGER que par suite de compensation, M. [J] [Y] reste devoir à Mme [D] [Y] la somme de 199,46 €, et ce faisant, le condamner,

Sur les frais liés à l'appartement en indivision entre [D] et [L] [Y]
JUGER que M. [L] [Y] reste devoir à Mme [D] [Y] la somme de l 713,41 € (458,84 + 1 254) au titre des frais et charges réglés par cette dernière pour le compte de l'indivision, et ce faisant le condamner,

En tout état de cause
INTERPRETER, en tant que de besoin, les dernières volontés de feu [T] [Y],
ORDONNER l'ouverture des opérations de compte et liquidation-partage de la succession de Monsieur [T] [Y],
DESIGNER Maître [S] [W], Notaire, aux fins de suivre les opérations de liquidation et de partage, d'établir un acte de partage ou un procès-verbal de difficultés en cas de contestation, relatant le résultat des opérations dans un état liquidatif soumis à l'homologation du tribunal, et en cas de difficulté ou de refus de ce dernier, désigner tel Notaire qu'il lui plaira,
ORDONNER en tant que de besoin, qu'il soit procédé à la licitation du bien immobilier dépendant de ladite succession,
CONDAMNER les défendeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Yadhira Stoyanovitch pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision, et ce y compris les frais d'expertise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER les défendeurs au paiement de la somme de 6 500 € chacun au profit de Madame [G] née [Y] sur le fondement de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER Monsieur.[J] [Y] au paiement de l'ensemble des frais relatifs au partage judiciaire.

A l'appui de ses prétentions, madame [D] [Y] se fonde sur le rapport d'expertise afin de fixer le montant de la valeur des trois biens immobiliers ainsi que de la valeur de l'indemnité d'occupation due par [J] [Y] mais également le passif de la succession. Elle fait en outre valoir que l'ensemble des travaux listés par [J] [Y] comme ayant été réalisés par ses soins avant même de bénéficier de la donation de l'appartement de [Localité 23] n'a pas été financé par ses soins. Elle transmet une liste de comptes manuscrite établie par son père dont il résulte, en effet, que celui-ci a remboursé à [J] une partie de ces travaux qui ne doivent donc pas être pris en compte par le Juge. Elle sollicite que l'indemnité d'occupation soit fixée sur la totalité de la période d'occupation du bien par [J] et qu'à défaut les travaux d'entretien ne soient pas déduits.

Madame [D] [Y] rappelle que le testament doit être interprété en recherchant la volonté du défunt est que celle-ci était clairement que soit rétablie une égalité entre ses trois enfants dans le cadre de la succession. Dans ces conditions, il convient de considérer qu'[J] [Y] a bénéficié d'un avantage constitué de son occupation du bien immobilier de [Localité 23] depuis l'année 1976 et que l'indemnité d'occupation doit donc être prise en compte depuis cette date. En outre et comme mentionné aux termes du testament olographe, les dons manuels listés et annexés doivent être pris en compte pour chacun des enfants.

Si besoin en était pour assurer un équilibre entre les parts de chacun des enfants, madame [D] [Y] sollicite que « certains biens » fassent l'objet d'une licitation, sans plus de précisions.

Dans ses dernières écritures, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats en date du 5 septembre 2023, monsieur [L] [Y] sollicite :

Vu les articles 815 et suivants du code civil
Vu l’article 771 du code de procédure civile
Vu les articles 1360 1377 et suivants du code civil
Vu le décès de Monsieur [T] [Y] en date du 21.05.2017
Vu les pièces versées au débat
Vu le rapport d’expertise déposé en date du 3.06.2022

Déclarer recevables et bien fondées les demandes de Monsieur [L] [Y]

- Sur la valeur des actifs
Fixer la valeur pour l’immeuble sis à [Localité 13] à la somme de 186 492.00 €
Fixer la valeur pour l’immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 365 364€
Fixer la valeur locative pour l’immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 1 032.00 €
Répartir les donations en partage égal entre les trois héritiers

- Sur le passif
Dire et juger que Monsieur [L] [Y] doit au profit de l’indivision
- La somme de 1 713.41€ au titre des frais relatifs à l’immeuble vendu sis à [Localité 13]
- La somme de 248.67 € au titre des frais d’obsèques

DIRE ET JUGER que les travaux d’entretien et d’amélioration avant donation ne sont ni prouvées ni rapportées
DIRE ET JUGER que les travaux d’entretien et d’amélioration après donation relèvent de l’usure normale résultant de l’occupation du lieu incombant à Monsieur [J] [Y]
DIRE ET JUGER que Monsieur [J] [Y] est redevable au profit de la succession d’une indemnité d’occupation à compter de la jouissance de l’immeuble occupé sis à [Localité 23]
A Défaut, dire et juger que cette occupation constitue une donation qui doit être rapportée à la succession

ORDONNER l’ouverture des opérations de compte et liquidation partage de la succession de feu Monsieur [T] [Y]
Renvoyer les parties par devant notaire aux fins d’établir les comptes entre les parties et procéder aux opérations de liquidation de l’indivision successorale
Désigner tel Notaire qu’il plaira à cette fin
En cas d’échec, autoriser le Notaire désigné à dresser un procès-verbal de difficulté ou de carence.
DEBOUTER Madame [D] [G] de sa demande en licitation judiciaire
CONDAMNER Madame [D] [G] et Monsieur [J] [Y] au paiement de la somme de 5 000.00 € en application des dispositions prévues par l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Monsieur [L] [Y] s'en rapporte aux conclusions du rapport d'expertise s'agissant des valeurs retenues. Pour ce qui est du grenier 2, il fait valoir que si celui-ci a été acquis postérieurement à la donation effectuée au profit de [L] [Y], il s'agit désormais d'un bien qui est indissociable de l'appartement en ce qu'il n'offre aucun accès sur les parties communes de l'immeuble. Dans ces conditions, il doit nécessairement être pris en compte dans l'évaluation de l'appartement et du montant de l'indemnité d'occupation, soit 1.032 euros qui doit s'appliquer depuis l'occupation effective du bien par [J] [Y] soit l'année 1976 et jusqu'au décès de leur père en application des dispositions de l'article 815-9 du code civil. S'agissant des travaux effectués avant la donation et comme le relève l'expert, aucune preuve du paiement effectif de ceux-ci par [J] [Y] n'a été produite de sorte qu'il convient d'en tirer les conséquences. S'agissant des travaux effectués postérieurement à la donation, il appartient à l'indivisaire qui se prévaut des dépenses d'amélioration de prouver qu'elles ne sont pas dues à l'utilisation normale et à l'usure liée à l'occupation du bien. La somme de 9.220,67 euros retenue par l'expert est donc à parfaire.

Monsieur [L] [Y] s'en rapporte à l'appréciation souveraine du Juge s'agissant de l’interprétation de la volonté du défunt, laquelle ne doit toutefois ni être viciée ou contrainte, ni contraire aux dispositions légales en matière de succession. Il rappelle que cette volonté doit s'apprécier au regard des termes du testament olographe mais également des autres éléments produits et notamment du protocole d'accord établi en 2007. En l'espèce, la volonté du défunt était d'aboutir à un équilibre entre ses trois enfants, lequel n'a pas été atteint si on s'en réfère aux termes du rapport d'expertise. Ainsi, l'occupation gratuite du bien immobilier de [Localité 23] par [J] [Y] constitue un avantage qui doit être apparenté à une donation et ainsi donner lieu au paiement d'une indemnité d'occupation depuis son occupation effective du bien en 1976. En outre, les dons manuels perçus par chacun ne peuvent être pris en compte dans la mesure où ils ont déjà été comptabilisés par monsieur [T] [Y] pour rééquilibrer les comptes entre ses trois enfants.

Dans ses dernières écritures, signifiées par le réseau privé virtuel des avocats en date du 20 octobre 2023, monsieur [J] [Y] sollicite :

Vu les dispositions des articles 815 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 912 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article 843 du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article 815-9 du Code Civil,
Vu les dispositions de l’article 861 du code Civil,

- DECLARER qu’au décès de Monsieur [T] [Y] survenu le [Date décès 5] 2017 à [Localité 13], les seuls biens devant être partagés sont les liquidités dépendant de la succession, soit la somme de 30.209,25 €, ainsi qu’un terrain inconstructible sis à [Localité 20], cadastré section AN n° [Cadastre 2] et [Cadastre 3] lieudit [Localité 16], d’une valeur de 2.761,00 €.
- DECLARER irrecevables les demandes tendant à ce que soit ordonné le partage judiciaire de la succession de Monsieur [T] [Y], à l’exception du partage des liquidités dépendant de la succession, soit la somme de 30 209,25 € ainsi que d’un terrain constructible sis à [Localité 20] cadastré section AN n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] d’une valeur de 2 761 €.

En toute hypothèse,
- DEBOUTER Madame [D] [G] et Monsieur [L] [Y] de leur demande en partage judiciaire et d’établissement des comptes de la succession, à l’exception des liquidités et du terrain de [Localité 20].
- ORDONNER le partage des liquidités à raison d’un tiers au bénéfice de chacun des héritiers de Monsieur [T] [Y], soit la somme de 10.069,75 € devant être attribuée à part égale à [D] [G], [L] [Y] et [J] [Y].
- DEBOUTER Madame [D] [G] et Monsieur [L] [Y] de leur demande de licitation du seul bien immobilier dépendant de la succession, à savoir le terrain de [Localité 20], la valeur de ce bien immobilier étant négligeable.
- DONNER ACTE à Monsieur [J] [Y] de ce qu’il ne s’oppose pas à la vente amiable de ce bien immobilier.
- DEBOUTER Madame [D] [G] et Monsieur [L] [Y] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement,
- FIXER la valeur du bien sis à [Localité 13] donné à [D] [G] et [L] [Y] à la somme de 242 492 €, sans décote pour travaux.

S’agissant du bien immobilier de [Localité 23],
- DIRE et JUGER que le grenier 2, propriété de Monsieur [J] [Y] ayant fait l’acquisition de ce bien immobilier en 1991 bénéficiant d’un accès indépendant à l’appartement, ne doit pas être intégré dans l’évaluation du bien sis à [Adresse 24].
- FIXER la valeur du bien immobilier sis à [Localité 23] à la somme de 323 430 €, dont à déduire les postes suivants :
o Travaux de rénovation : 54 319,20 €
o Plus-value escalier grenier aménagé : 21 474 €
o Travaux d’amélioration et de conservation : 20 499,34 €
o Gros travaux avant et après donation : 46 043,48 €

- DEBOUTER Madame [D] [G] et Monsieur [L] [Y] de leur demande en paiement d’une indemnité d’occupation celle-ci n’étant pas due par Monsieur [J] [Y], que ce soit avant ou après donation en date du 26 septembre 2007.
- DEBOUTER Madame [D] [G] et Monsieur [L] [Y] de leur demande en paiement à l’indivision d’une indemnité d’occupation.
- DEBOUTER Madame [D] [G] de sa demande en paiement des frais d’obsèques.
- DIRE et JUGER n’y avoir lieu d’interpréter les dernières volontés de feu [T] [Y].
- DESIGNER tel notaire qu’il plaira, à l’exception de Maître [S] [W], notaire, aux fins de suivre les opérations de liquidation et de partage.

En toute état de cause,
- CONDAMNER Madame [D] [G] à payer à Monsieur [J] [Y] la somme de 6.000,00 € en application de l’article 700 du .Code de Procédure Civile.

Monsieur [J] [Y] fait tout d'abord valoir qu'en application de l'article 815 du code civil, les biens immobiliers situés à [Localité 23] et [Localité 13] ne peuvent être pris en compte dans le partage dans la mesure où il ne s'agit pas de biens indivis comme ayant fait l'objet de donations antérieures. Dès lors, seules les liquidités et le terrain de [Localité 20] doivent être partagés et les demandes tendant au partage des deux biens immobiliers susvisés sont irrecevables. Il appartenait aux autres parties de solliciter une réduction telle que prévue à l'article 918 du code civil, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Au contraire, il est acquis aux termes du protocole d'accord établi entre les parties en 2007 que chacune considérait alors comme équilibrées leurs situations respectives. Il convient de partager les liquidités, soit une somme de 10.069,75 euros chacun, le terrain de [Localité 20] pouvant être vendu ou conservé en indivision compte tenu de sa valeur modique.

S'agissant de la demande d'indemnité d'occupation concernant l'appartement de [Localité 23], il rappelle qu'il a payé un loyer à ses parents entre sa date d'entrée dans les lieux en 1976 et l'année 1987 puis a effectué et financé différents travaux d'entretien et d'amélioration, outre la prise en charge de l'ensemble des frais afférents à ce bien. Son père a rédigé une attestation le 7 juillet 2004 en ce sens et il résulte des termes du protocole d'accord signé le 2 juillet 2007 que l'équilibre entre les parties a été préservé du fait du paiement de loyers entre 1976 et 1987 puis de la retenue d'une somme de 100.000 francs lors de la liquidation de la vente de l'immeuble de [Localité 11]. En outre, il résulte de la jurisprudence que la mise à disposition d'un bien immobilier sans contrepartie financière relève d'un prêt à usage, lequel est incompatible avec la qualification d'avantage indirect rapportable à la succession. Il est par ailleurs devenu pleinement propriétaire du bien en 2007 et l'indemnité d'occupation n'est prévue par l'article 815-9 du code civil qu'en cas d'indivision. Aucune indemnité d'occupation n'est donc due.

A titre subsidiaire et pour le cas où le tribunal estimerait que les biens immobiliers objets des donations devraient être réintégrés à la succession, monsieur [J] [Y] conteste les évaluations faites par l'expert immobilier quant à la valeur de ces biens et liste les travaux réalisés dans l'appartement de Versailles.

S'agissant du montant des dons manuels dont chacun a bénéficié, ceux ci ont été listés dans en annexe du testament et les parties s'accordent pour que soit également ajouté le montant de travaux payés par leur père pour l'immeuble de [Localité 13] et notamment le ravalement de la façade, soit 20.715 euros, à diviser entre [D] et [L] [Y].

Enfin, monsieur [J] [Y] s'oppose à la désignation de Maître [W] aux fins de réaliser les opérations de partage dans la mesure où il estime que cette étude a été négligente dans le traitement du dossier, rappelant notamment que la déclaration de succession n'a été dressée qu'en mai 2021.

Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il sera renvoyé à leurs conclusions respectives, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue en date du 24 octobre 2023, renvoyant l’affaire en plaidoirie à l’audience en formation collégiale du 7 mars 2024.

A l’issue de cette audience, les parties ont été avisées de la mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision au 16 mai 2024, prorogé jusqu'au 9 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Observation à titre liminaire

A titre liminaire, Il sera rappelé qu'il sera fait application des dispositions de l'article 768 du Code de procédure civile pour considérer demandes formulées, celui-ci prévoyant en son alinéa 2 que “Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.”.

A cet égard, il sera répondu exclusivement aux demandes formulées dans le dispositif des conclusions des parties, demandes relevant de l'office juridictionnel du Juge au sens de la loi, soient les demandes déterminées, actuelles et certaines.

Dans ces conditions, il ne sera pas statué sur les demandes suivantes (demandes indéterminées, non chiffrées) :

-demandes formulées par madame [D] [Y] :
Sur les dons manuels :
PROCEDER au compte entre les parties afin de rétablir l'équilibre entre les héritiers sur les dons manuels dont ils ont bénéficié ;
Sur le bien dépendant de la succession sis à [Localité 23]
JUGER que le grenier 2 doit être intégré dans l'évaluation du bien sis à [Adresse 24],
JUGER que l'indemnité d'occupation due par [J] [Y] est due depuis 1976,
CONDAMNER Monsieur [J] [Y] à payer à l'indivision une indemnité d'occupation calculée sur ladite valeur locative depuis 1976,
Sur les évaluations de l'ensemble des améliorations et dépenses nécessaires faites par les donataires pour la conservation des biens
JUGER que seules les dépenses d'amélioration doivent être déduites de la valeur du bien de [Localité 23],

-demandes formulées par monsieur [L] [Y] :
- Sur la valeur des actifs
Répartir les donations en partage égal entre les trois héritiers
DIRE ET JUGER que les travaux d’entretien et d’amélioration avant donation ne sont ni prouvées ni rapportées
DIRE ET JUGER que les travaux d’entretien et d’amélioration après donation relèvent de l’usure normale résultant de l’occupation du lieu incombant à Monsieur [J] [Y]
DIRE ET JUGER que Monsieur [J] [Y] est redevable au profit de la succession d’une indemnité d’occupation à compter de la jouissance de l’immeuble occupé sis à [Localité 23]
A Défaut, dire et juger que cette occupation constitue une donation qui doit être rapportée à la succession.

-demandes formulées par monsieur [J] [Y] :
-DONNER ACTE à Monsieur [J] [Y] de ce qu’il ne s’oppose pas à la vente amiable de ce bien immobilier.

Sur l’ouverture des opérations

L’article 815 du Code Civil dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou par convention.

En conséquence il y a lieu, en l’absence de cause justifiant qu’il soit sursis au partage, d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision existant entre les parties à raison du décès de monsieur [T] [Y].

Sur les comptes entre les parties et la procédure subséquente à l’ouverture

Selon les dispositions de l’article 1361 du Code de procédure civile « le tribunal ordonne le partage s’il peut avoir lieu… lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage ».
 
L’article 1364 du même code précise « si la complexité des opérations le justifie le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage… »

De fait, bien que la présente juridiction soit saisie de plusieurs questions relatives aux comptes entre les parties, qui sont susceptibles de simplifier les points de désaccord entre elles, de nombreux points resteront à trancher dans le cadre des comptes à réaliser par le Notaire désigné. Dans ces conditions et en application des dispositions légales, un Notaire sera désigné, ainsi qu'un juge commis aux fins de contrôler les opérations de liquidation de la succession.

Il y a lieu de rappeler ici que le Tribunal Judiciaire ne pourra être saisi à nouveau sur les comptes entre les parties que lorsqu’un procès verbal de difficulté reprenant l’ensemble des désaccords entre les parties aura été rédigé par le notaire, et après rapport du juge commis. Après ces deux actes, plus aucune contestation nouvelle ne pourra intervenir.

Il sera précisé que les demandes formulées par les parties devant le notaire doivent être accompagnées de justificatifs (facture, preuve du paiement) et que les parties doivent communiquer au notaire toutes pièces demandées, afin de permettre d’accélérer l’établissement d’un acte de partage, ou le cas échéant d’un procès verbal de difficulté.

Enfin, sera rappelée aux parties la nécessité de respecter le principe du contradictoire; cela signifie que toute pièce ou tout courrier envoyé au notaire doit faire l’objet d’une copie aux autres parties.

Les parties ainsi que le notaire devront envoyer une note pour la date indiquée dans le dispositif informant le juge commis des démarches accomplies, de ce qu’il reste à faire et des difficultés rencontrées.

Les parties sont avisées que leur absence notamment lors de la signature du partage ou du procès verbal de dires (ou procès verbal de difficulté) pourra entraîner la désignation d’un représentant payé sur leur part. Ainsi en cas de désaccord avec le projet établi par le notaire désigné, les parties devront malgré tout se présenter le jour de la convocation ; à défaut, elles ne sauraient valablement se prévaloir de leur carence.

Comme souligné par monsieur [J] [Y] aux termes de ses écritures, il ne peut qu'être relevé que les biens immobiliers situés à [Localité 23] et à [Localité 13], en ce qu'ils ont fait l'objet de donations antérieures au décès de monsieur [T] [Y], n'entrent pas dans la composition de la masse partageable et ne constituent aucunement des biens indivis susceptibles de donner lieu à des comptes entre les parties et au paiement d'éventuelles indemnités d'occupation, lesquelles n'existent qu'en présence de biens indivis. Tout au plus ces biens peuvent ils donner lieu, en application des dispositions des articles 920 et suivants du code civil, à rapport à la succession ou à réduction dès lors que la réserve héréditaire n'aurait pas été respectée, ou leur occupation considérée comme une donation, la preuve devant alors en être apportée par celui qui s'en prévaut. Il en va de même des travaux effectués dans ces biens.

Toutefois, force est de constater que les demandes actuelles de madame [D] [Y] reprises au dispositif de ses écritures, reposent sur les articles 815, 840, 840-1 et 841 du code civil et ne concernent donc que les biens indivis. C'est donc à tort qu'elle fait figurer dans le corps de ses écritures, tant les biens immobiliers de [Localité 23] et [Localité 13], que le montant des assurances-vie au titre de la masse à partager, leur rapport éventuel étant fondé sur un mécanisme distinct dont elle ne demande pas l'application (rapport, réduction). Il en va de même de monsieur [L] [Y], seul monsieur [J] [Y] ayant bien visé les articles 912 et suivants du code civil, lesquels ont trait à la réserve héréditaire, la quotité disponible et à l'action en réduction pour solliciter que ses adversaires soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes concernant les biens de [Localité 23] et [Localité 13] ainsi que des dons manuels.

En l'espèce, aucun projet de partage établi par un Notaire n'est produit aux débats de sorte que les parties seront renvoyées devant le Notaire désigné au dispositif de la présente décision.

De même, il est constant que l'évaluation des biens relevant de la succession doit se faire à la date de la jouissance divise, soit la date la plus proche du partage, laquelle ne peut donc être d'ores et déjà fixée et que les parties n'ont d'ailleurs pas demandé de fixer en l'espèce. Dans ces conditions, seuls les points de litige nécessaires à cette évaluation seront tranchés dans le cadre de la présente décision.

Dans ces conditions, en l'absence de demandes de rapport à la succession, les parties seront déboutées des demandes suivantes :

-demandes formulées par madame [D] [Y] :
Sur le bien dépendant de la succession sis à [Localité 13]
FIXER la valeur du bien à [Localité 13] donné à [D] [Y] et à [L] [Y] à la somme de 186 492 €.
Sur le bien dépendant de la succession sis à [Localité 23]
A titre principal,
FIXER la valeur du bien sis à [Localité 23] donné à [J] [Y] à la somme de 365 364 €
FIXER la valeur locative pour l'immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 1.032 € avec le grenier,
A titre subsidiaire,
FIXER la valeur du bien sis à [Localité 23] donné à [J] [Y] à la somme de 340 453 €,
FIXER la valeur locative du bien sis à [Localité 23] à la somme de 961 € sans le grenier,
Sur les évaluations de l'ensemble des améliorations et dépenses nécessaires faites par les donataires pour la conservation des biens
A titre principal,
FIXER le montant des travaux d'amélioration avant donation à la somme de 7 496,42 €
FIXER le montant des travaux d'amélioration après donation à la somme de 9 220,67 €
A titre subsidiaire,
FIXER le montant des travaux d'entretien à la somme de 9 442,21 € (7 604,83 €. + 1 837,38 €)

-demandes formulées par monsieur [L] [Y] :
- Sur la valeur des actifs
Fixer la valeur pour l’immeuble sis à [Localité 13] à la somme de 186 492.00 €
Fixer la valeur pour l’immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 365 364€
Fixer la valeur locative pour l’immeuble sis à [Localité 23] à la somme de 1 032.00 €.

Sur l'interprétation du testament

Il résulte de l'article 1103 du code civil que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Dans son dernier testament en date du 14 mars 2013, monsieur [T] [Y] a précisé que :
«Au moment de ma succession, 1'équilibre entre les trois parts devra être rétabli en fonction de mes biens financiers et éventuellement en tenant compte de nouveaux dons que j'aurai pu faire postérieurement au présent testament. Si mes biens financiers étaient insuffisants, le rééquilibrage se ferait par versement entre mes enfants.
Les prêts, dons et avantages accordés à mes enfants antérieurement à 2007, comme dons aux enfants et petits-enfants, prêts ou mise à disposition d 'appartement, ne doivent pas rentrer en ligne de compte au moment de la succession. Mes trois enfants ont en effet acté en 2007 l'égalité des avantages accordés à chacun d'entre eux avant cette date par mon épouse jusqu'à son décès en 1998 et par moi-même. Ils se sont engagés à ne pas contester cette égalité à l 'avenir. Pour les dons versés avant 2007 seuls doivent être pris en compte, au titre de 1'actualisation à ce jour, les montants indiqués dans les tableaux en annexe.»

Il est ainsi produit aux débats le protocole d'accord dont il n'est pas contesté par les parties qu'il a été signé en toute connaissance de cause par chacune d'entre elles le 2 juillet 2007 et qui prend en compte les donations des biens immobiliers sis à [Localité 23] et à [Localité 13], outre des donations de sommes d'argent et des meubles meublant le bien occupé par monsieur [T] [Y], pour considérer qu'une égalité parfaite a été respectée entre les trois enfants, ceux ci renonçant à toute action ultérieure visant à remettre en cause ces dispositions.

Dans ces conditions, en l'absence de remise en cause de la validité de cette convention, il ne peut qu'être considéré que les parties sont tenues par les termes du protocole d'accord signé le 2 juillet 2007 et que l'ensemble des opérations qui y sont visées ont pour effet d'assurer une égalité entre les parties, laquelle ne peut être contestée.

Dès lors et conformément aux dispositions testamentaires susvisées, s'agissant de la période antérieure au 31 décembre 2007, seules les opérations listées en annexe (page 3) du testament, doivent être prises en compte au titre des opérations de comptes de la succession, l'ensemble des opérations postérieures à cette date devant en revanche être retenues. Il est également retenu que monsieur [T] [Y] souhaitait qu'une égalité parfaite soit maintenue entre ses trois enfants s'agissant des opérations effectuées à compter du 1er janvier 2008. Le partage devra donc être effectué sur cette base.

Sur les demandes concernant le terrain situé à [Localité 20]

Le terrain situé à [Localité 20] dépend effectivement de la succession.

Madame [D] [Y] demande, d'une part, que la valeur de ce terrain soit fixée à 2.761 euros, et d'autre part, d'ordonner, « en tant que de besoin » qu'il soit procédé à sa licitation.

Monsieur [J] [Y] ne s'oppose pas à la valeur retenue par sa sœur, soit la somme de 2.761 euros, tandis que monsieur [L] [Y], au dispositif de ses écritures, n'évoque pas ce point. En revanche, les deux frères sollicitent que madame [D] [Y] soit déboutée de sa demande de licitation.

Aux termes de l’article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte, ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires.
 
L’article 1377 du code civil précise encore que le Tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

Le partage des biens dépendant d’une succession doit donc s’effectuer prioritairement en nature et à défaut seulement, par licitation.
 
En l'espèce, il est relevé que monsieur [T] [Y] est décédé depuis le [Date décès 5] 2017 et que, depuis lors, aucun accord n'a pu intervenir entre les héritiers quant au sort de ce bien immobilier. La faible valeur du bien n'est pas de nature à en empêcher la licitation dès lors qu'aucune des parties n'a manifesté d'intérêt pour son attribution.

L'expert judiciaire a évalué à 2.761 euros la valeur du terrain, laquelle n'est pas contestée par les parties.

Il est donc fait droit à la demande de licitation dans les conditions fixées au dispositif de la présente décision.

Sur la demande concernant le partage des liquidités

Monsieur [J] [Y] sollicite que soit ordonné le partage des liquidités dépendant de la succession, chacun des héritiers devant percevoir une somme de 10.069,75 euros. Les autres parties ne se prononcent pas sur cette demande qui ne semble pas faire débat entre elles.

Toutefois, au regard de la désignation d'un Notaire qui sera chargé d'établir les comptes entre les parties, cette demande apparaît elle aussi prématurée, le montant des liquidités devant être intégré dans les opérations de comptes à venir.

Cette demande est donc rejetée.

Sur les frais d'obsèques

Madame [D] [Y] sollicite de :
JUGER que M. [L] [Y] reste devoir la somme de 248,67 € à sa sœur, [D] [Y] et la somme de 49,20 € à son frère M. [J] [Y], et ce faisant le condamner,
JUGER que par suite de compensation, M. [J] [Y] reste devoir à Mme [D] [Y] la somme de 199,46 €, et ce faisant, le condamner.

Elle fait valoir avoir réglé une somme de 746 euros au titre du repas et du fleuriste, tandis que son frère [J] a réglé la somme de 147,60 euros au titre de frais de photographe.

Monsieur [J] [Y] ne s'est pas prononcé sur ces demandes, tandis que monsieur [L] [Y] a précisé ne pas avoir de cause d'opposition à ces demandes. Ce dernier évoque toutefois une dette de sa part à l'égard de l'indivision successorale et non à l'égard de sa sœur.

Au regard des comptes à intervenir entre les parties, aucune condamnation au paiement de ces sommes ne sera prononcée dans le cadre de la présente décision. Il sera néanmoins rappelé au dispositif de la décision les sommes versées par chacun.

Sur les demandes de comptes entre madame [D] [Y] et monsieur [L] [Y] s'agissant du bien sis à [Localité 13]

Comme déjà relevé supra, le bien immobilier situé à [Localité 13] n'entre pas dans la masse partageable au titre de l'indivision successorale. En revanche, il ne peut qu'être constaté que, ce bien ayant fait l'objet d'une donation par monsieur [T] [Y] à ses enfants, [D] et [L] [Y], fait l'objet d'une indivision conventionnelle entre ces deux derniers.

Madame [D] [Y] demande la condamnation de monsieur [L] [Y] à lui verser la somme de 1.713,41 euros au titre de frais et charges réglés par ses soins pour le compte de l'indivision, tandis que monsieur [L] [Y] demande qu'il soit dit et jugé qu'il doit, au profit de l'indivision successorale, la même somme. Dans le corps de ses écritures, il fait savoir qu'il ne s'oppose pas au règlement de ces sommes et en déduit qu'il « convient donc d'en tenir compte dans le compte d'administration de monsieur [L] [Y] ».

A l'appui de sa demande, madame [D] [Y] produit en pièce 33 un courrier adressé par ses soins au cabinet [14] le 20 décembre 2019 et comprenant un décompte semblant correspondre aux appels de fonds au titre des charges concernant le bien immobilier indivis, outre un échange de courriel aux termes duquel [L] [Y] précisait le 23 février 2020 « j'accepte cette dette de 507 euros, justifiée par les factures jointes et te ferai un remboursement prochain ». Cependant, aucun des éléments produits n'est de nature à permettre de s'assurer que les paiements allégués ont effectivement été réalisés par madame [D] [Y] alors même que monsieur [L] [Y] admet devoir la somme demandée au profit de l'indivision ayant existé avec sa sœur et non au profit de cette dernière. Au surplus, il est relevé que madame [D] [Y], dans ses écritures, fait état d'une dette de 458,84 euros au titre de frais d'assurance, énergie... et d'une dette de 1.254 euros au titre des charges de copropriétés, puis d'un loyer perçu après le décès de monsieur [T] [Y] à hauteur de 1.155 euros sans plus d'explication quant au lien entre cette somme et les dettes alléguées.

Dans ces conditions, la demande est rejetée faute d'éléments justificatifs suffisants permettant au Juge d'exercer son contrôle.

Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la nature de l'affaire, les dépens seront inscrits en frais privilégiés de partage. Il est fait droit aux demandes de recouvrement direct sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile aux conseils qui en ont fait la demande. Les parties sont déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

ORDONNE l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision successorale existant entre madame [D] [Y], monsieur [L] [Y] et monsieur [J] [Y] du fait du décès de monsieur [T] [Y], leur père ;

DÉSIGNE pour y procéder Maître Maître [X] [B], notaire à [Localité 17] ;

DESIGNE monsieur [F] [E], ou à défaut tout autre magistrat de la 1ère Chambre, pour surveiller les opérations de partage ;

INVITE les parties et le notaire à adresser une note au juge commis pour le 15 février 2025 , note reprenant ce qui a été accompli, ce qui reste à accomplir et les difficultés rencontrées;

RAPPELLE aux parties et au notaire que le contradictoire s’applique également dans la procédure devant le notaire, imposant la communication à l’ensemble des parties de tout courrier ou toute pièce communiqué au notaire ou par le notaire;

ENJOINT aux parties de verser la provision fixée par le notaire ;

AUTORISE le cas échéant les parties à se substituer à une partie défaillante dans le paiement de la provision, le remboursement étant alors intégré dans les comptes ;

ENJOINT aux parties de produire au notaire, au plus tard dans les deux mois du présent jugement les pièces demandées par le notaire avant le premier rendez -vous et toutes autres pièces demandées par la suite par celui-ci dans les deux mois de la demande;

AUTORISE Maître [X] [B] à interroger FICOBA sur l’existence des comptes existant au nom du défunt;

DIT qu’en cas de difficulté le notaire en dressera procès verbal auquel il annexera obligatoirement un projet d’état liquidatif ;

***

ORDONNE la licitation, à la barre de ce Tribunal, du bien immobilier suivant: un terrain sis à[Localité 21]) cadastré section AN N°[Cadastre 2] et N°[Cadastre 3], lieudit [Adresse 15], sur une mise à prix de 2.000 euros avec faculté de baisse de quart en cas de carence d’enchères, le tout aux clauses et conditions du cahier des charges qui sera dressé par Maître Katia VILLEVIEILLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN ou par tout avocat du même barreau qui s’y substituerait;
 
DIT qu'en ce qui concerne les modalités de publicité, la publicité se fera conformément au droit commun des mesures de publicité prévues en matière de saisie immobilière par le Code des Procédures Civiles d'Exécution, 
 
DIT QU'en vue de cette vente, la SELARL [12], huissier de justice à [Localité 18] pourra faire visiter le bien saisi selon des modalités arrêtées dans la mesure du possible en accord avec les occupants et à défaut d'accord dans le mois précédent la vente un maximum de 2 heures par jour du lundi au samedi entre 09H et 12H et entre 14H et 18H  avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,
 
AUTORISE  ce même huissier à se faire assister si besoin est de la force publique ainsi que de tout professionnel qualifié à l'effet de faire dresser tout diagnostic qui s'avérerait nécessaire,
 
DIT qu’il sera pourvu, en cas d’empêchement de l'huissier commis, à son remplacement sur simple ordonnance rendue sur requête.

***

DIT que les biens immobiliers sis à [Localité 23] et [Localité 13] n'appartiennent pas à l'indivision successorale ni à la masse partageable ;

DÉBOUTE madame [D] [Y] de ses demandes tendant à voir fixer la valeur des immeubles sis à [Localité 13] et à [Localité 23] ainsi que la valeur locative de l'immeuble sis à [Localité 23] ;

DÉBOUTE madame [D] [Y] de ses demandes tendant à voir fixer le montant des travaux d'amélioration et des travaux d'entretien concernant le bien sis à [Localité 23] ;

DÉBOUTE monsieur [L] [Y] de ses demandes tendant à voir fixer la valeur des immeubles sis à [Localité 13] et à [Localité 23] ainsi que la valeur locative de l'immeuble sis à [Localité 23] ;

DIT que les parties sont tenues par les termes du protocole d'accord signé le 2 juillet 2007 ;

DIT que, s'agissant de la période antérieure au 31 décembre 2007, seules les opérations listées en annexe (page 3) du testament olographe du 14 mars 2013, doivent être prises en compte au titre des opérations de comptes de la succession, l'ensemble des opérations postérieures à cette date devant en revanche être retenues ;

DIT que madame [D] [Y] est créancière de l'indivision successorale à hauteur de la somme de 746 euros au titre des frais de repas et de fleuriste engagés lors des obsèques ;

DIT que monsieur [J] [Y] est créancier de l'indivision successorale à hauteur de la somme de 147,60 euros au titre de frais de photographe engagés lors des obsèques ;

DÉBOUTE madame [D] [Y] de sa demande en paiement formée à l'encontre de monsieur [L] [Y] au titre de l'indivision conventionnelle ayant existé entre eux sur le bien sis à [Localité 13] ;

DÉBOUTE madame [D] [Y], monsieur [L] [Y] et monsieur [J] [Y] de leur demande formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
 
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,
 
ACCORDE le droit de recouvrement direct prévu à l’article 699 du code de procédure civile aux avocats de la cause en ayant fait la demande.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, le 9 août 2024.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 1
Numéro d'arrêt : 19/08603
Date de la décision : 09/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-09;19.08603 ?
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