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26/07/2024 | FRANCE | N°23/02832

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 1, 26 juillet 2024, 23/02832


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 26 Juillet 2024
Dossier N° RG 23/02832 - N° Portalis DB3D-W-B7H-J2HJ
Minute n° : 2024/420

AFFAIRE :

[C] [W] venant aux droits de Madame [J] [D] divorcée [B] décédée C/ [V] [Z], [L] [K] [R] [P] épouse [Z]



JUGEMENT DU 26 Juillet 2024




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Amandine ANCELIN, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors desdébats : Madame Nasima BOUKROUH
GREFFIER

lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été a...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 26 Juillet 2024
Dossier N° RG 23/02832 - N° Portalis DB3D-W-B7H-J2HJ
Minute n° : 2024/420

AFFAIRE :

[C] [W] venant aux droits de Madame [J] [D] divorcée [B] décédée C/ [V] [Z], [L] [K] [R] [P] épouse [Z]

JUGEMENT DU 26 Juillet 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Amandine ANCELIN, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER lors desdébats : Madame Nasima BOUKROUH
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Peggy DONET

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024 prorogé au 26 Juillet 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort

copie exécutoire à : Me Alexandra GRANIER
Maître Grégory KERKERIAN de la SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE
Délivrées le 26 juillet 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDEUR :

Monsieur [C] [W]
venant aux droits de Madame [J] [D] divorcée [B], décédée
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Grégory KERKERIAN, de la SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;

DÉFENDEURS :

Monsieur [V] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représenté par Me Alexandra GRANIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [L] [K] [R] [P] épouse [Z]
[Adresse 5]
[Localité 4]

non comparante
D’AUTRE PART ;

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [C] [W]
venant aux droits de Madame [D] divorcée [B], décédée
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Grégory KERKERIAN, de la SELARL GREGORY KERKERIAN ET ASSOCIE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

******************

EXPOSE DU LITIGE

Madame [J] [D] divorcée [B], âgée de 83 ans, a un fils, monsieur [C] [W].

A partir de l’année 2013, elle aurait manifesté, selon son fils, des troubles cognitifs ; de sorte qu’il a été à l’initiative d’une mesure de protection pour les majeurs la concernant, ayant abouti à son placement sous sauvegarde de justice par ordonnance du Juge des tutelles de DRAGUIGNAN du 13 juin 2016, puis son placement sous curatelle renforcée par jugement du 6 janvier 2017, aggravé en tutelle par jugement du 23 octobre 2018.

Or, durant l’exercice de sa mission de tutrice, madame [I] [W] (épouse de monsieur [C] [W]) a constaté que madame [D] divorcée [B] avait remis la somme totale de 151.500 euros à monsieur [V] [Z], donnant lieu à des reconnaissances de dettes, pour certaines accompagnées de chèques de garantie, sur la période du 22 janvier 2016 au 30 juin 2016.

En l'absence de tout remboursement, madame [J] [D] divorcée [B] représentée par sa tutrice a mis en demeure monsieur [Z], par courrier du 21 août 2017, de lui rembourser la totalité des sommes empruntées dans un délai de 15 jours.
Elle l'a également relancé en ce sens le 28 août 2017.

En l’absence de réponse de monsieur [Z], par acte d’huissier en date du 29 avril 2020, madame [D] représentée par sa tutrice a fait assigner monsieur [V] [Z] devant le Tribunal Judiciaire de DRAGUIGNAN aux fins d’obtenir remboursement des sommes prêtées.

Madame [J] [D] est décédée à [Localité 3] le [Date décès 1] 2021.

Par acte d’huissier en date du 14 décembre 2022, madame [L] [P] épouse [Z] a été attraite à la procédure.

Par des conclusions en date du 7 mars 2022, monsieur [C] [W] est intervenu à la procédure en qualité d’ayant droit de madame [D].

Les dossiers ont été joints suite à incident de mise en état par ordonnance du Juge de la mise en état en date du 5 juillet 2023, actant l’intervention volontaire de monsieur [W].

Dans ses dernières écritures, monsieur [W] sollicite la condamnation solidaire de monsieur et madame [Z] à lui payer la somme de 151.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2018 (date de la mise en demeure).
A titre subsidiaire, il sollicite leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 46.500 euros avec intérêts légaux à compter de la même date.
En tout état de cause, il demande leur condamnation solidaire à lui payer 2.500 euros en réparation de son préjudice moral pour résistance abusive, celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en sus des dépens distraits au profit de Maître Grégory KERKERIAN.

Monsieur [W] vise les articles 1359 et 1360 du Code civil, exposant que la reconnaissance de dette suffit à justifier la demande en paiement et à faire présumer la remise des fonds.
Il expose que les chèques ont été remis par monsieur [Z] en garantie des sommes prêtées, pour être mis à l’encaissement en cas d’absence de remboursement.

Il fait valoir que monsieur [Z] a reconnu le principe de la dette tout en contestant le montant dû (pièce n°17).
Enfin, il explique que la somme sollicitée à titre subsidiaire correspond au montant d’un chèque tiré sur le compte joint des époux [Z] en date du 29 mars 2016.

Dans ses dernières écritures signifiées en date du 13 décembre 2023, monsieur [V] [Z] a conclu au débouté de monsieur [W] en l’ensemble de ses demandes et a sollicité sa condamnation à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
A titre subsidiaire, “si par extraordinaire une condamnation était ordonnée”, il a sollicité de voir écarter l’exécution provisoire comme étant “incompatible avec la nature de l’affaire”.

Monsieur [Z] fait valoir que le demandeur ne rapporte pas la preuve de la remise des fonds, ni de la somme exacte qui aurait été versée. Or, les documents intitulés “reconnaissance de dette” ne peuvent être considérés que comme des commencements de preuve.
Les mentions prescrites à l’article 1376 du Code civil ne sont pas repectées par les “reconnaissances de dettes”, notamment en ce que ce texte prescrit l’écriture manuscrite des sommes en toutes lettres (et en chiffres). Seule la pièce n°12 serait conforme et monsieur [W] ne justifie pas de la remise des fonds correspondante.
Les chèques “ne viennent en rien démontrer la validité des écrits qualifiés par la demanderesse “reconnaissance de dette””.
Enfin, “si Mme [D] avit été créancière de toutes ces sommes, elle n’aurait pas manqué d’encaisser les chèques qui lui ont été, selon l’argumentation adverse, remis à titre de garantie”; madame [D] a reconnu implicitement que ceux-ci ne venaient pas en garantie des sommes qu’elle aurait soit disant prêtées”.

Pour plus ample exposé des faits et moyens développés, il sera renvoyé aux conclusions respectives des parties en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

Madame [P] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 8 février 2024, fixant l’audience de plaidoirie au 15 mai 2024.

A cette audience, à l’issue des débats, la décsion a été mise en délibéré au 26 juin 2024, prorogée au 26 juillet suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en remboursement

Aux termes de l’article 1103 du Code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

L’article 1359 du Code civil dispose que « L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.
Il ne peut être prouvé outre ou contre un écrit établissant un acte juridique, même si la somme ou la valeur n'excède pas ce montant, que par un autre écrit sous signature privée ou authentique.
[...]. »

L’article 1362 précise :«Constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.
Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.

La mention d'un écrit authentique ou sous signature privée sur un registre public vaut commencement de preuve par écrit. »

L’article 1376 dispose que «L'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»

Enfin, aux termes de l’article 9 du Code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

A titre liminaire, il doit être souligné que la présente affaire est caractérisée par le fait que l’état de madame [D] au moment de l’établissement des documents était dans un état de vulnérabilité. Le contexte est manifestement trouble, empreint d’intention frauduleuse, ainsi que tend à le laisser penser la pièce n°13 versée aux débats par monsieur [W] (statuts d’une société accréditant l’allégation de demande d’association par monsieur [Z] à madame [D] tandis que son état était altéré sur le plan cognitif).

En outre, il sera précisé que le courrier de monsieur [Z] versé aux débats en pièce n°17 tend à établir le principe de la dette de celui-ci envers madame [D].

Il doit être observé que monsieur [Z] ne semble pas contester l’authenticité des documents produits par monsieur [W] mais seulement leur qualité de “reconnaissance de dette”. En tout état de cause, il n’a pas été question d’expertise en écriture.

Les éléments versés en pièces n°7 à 12 tendent à confirmer l’existence d’une créance de madame [D] envers monsieur [Z] ; ces documents seront examinés successivement en commençant par les créances appuyées par une “reconnaissance de dette” et un “chèque de garantie”, avant de considérer séparément la pièce n°10 venant à l’appui d’une créance seulement attestée par n chèque pour 20.000 euros et enfin la pièce n°12 qui est une reconnaissance de dette dans les formes prescrites sans chèque.

Contrairement à ce qui est allégué par monsieur [Z], il ne peut être déduit de l’absence de mise à l’encaissement des chèques remis par madame [D], en particulier eu égard à l’état de santé de madame [D] au moment de la remise (tandis que madame [D] était en cours de procédure de placement sous mesure de protection des majeurs), que cette abstention équivaut à une reconnaissance implicite, qu’il ne s’agirait pas de chèques de garantie.
Au contraire, les chèques apparaissent corroborer les documents produits à titre de reconnaissances de dettes en ce qu’ils mentionnent un montant identique et qu’ils sont concomittants aux reconnaissances de dette.

Plus encore, en l’espèce, il y a lieu de considérer qu’ils constituent des éléments de nature à pallier le défaut de respect des mentions impératives visées par le texte précité ; notamment, ils permettent de pallier l’absence de mention des montant en toutes lettres puisqu’ils expriment les mêmes montants que ceux figurant aux reconnaissance de dette, et ce, en chiffres et en lettres.

Il doit être considéré que les documents intitulés “reconnaissance de dette” ainsi que les chèques constituent en l’espèce un faisceau d’indice suffisant à démontrer tant le principe de la dette que son montant (pour les pièces n°7 à 9 et 11).

La pièce n°10 est une copie de chèque établi par monsieur [Z] ; aucune reconnaissance de dette ne s’y rapporte. Dans ces conditions, il ne peut être considéré que le modus operandi suffirait à dispenser le demandeur de tout autre élément probant. A défaut de production d’une reconnaissance de dette correspondante, il ne peut être considéré qu’il s’agit d’un “chèque de garantie”. Par suite, la somme de 20.000 euros correspondante sera déduite du montant de la demande.

Enfin, en ce qui concerne la pièce n°12, la reconnaissance de dette apparaît conforme au texte relativement aux mentions impératives ; l’authenticité de ce document n’est pas contestée. Dès lors,la reconnaissance de dette suffit à justifier la demande en paiement et à faire présumer la remise des fonds.

Au vu de ce qui prècède, la somme de 20.000 euros correspondant à la pièce n°10 (chèque seul) devra être déduite des demandes admises ; il sera fait droit pour le surplus, soit la somme de 131.500 euros.
Sur cette somme, madame [Z] sera redevable solidairement de la somme de 46.500 euros en l’absence d’explication produite sur le compte destinataire de cette somme, qui est un compte joint des époux [Z].

Eu égard à l’absence de contestation sur le principe d’une dette mais en l’absence de tout remboursement effectué à la diligence de monsieur [Z], il sera considéré que la somme retenue comme due portera intérêts au taux légal, ainsi que sollicité, à compter de la mise en demeure du 24 octobre 2018.

En outre, pour le même motif, il sera considéré que le comportement de monsieur [Z] est constitutif d’une résistance abusive.
Par suite, il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts, fondée sur les dispositions de l’article 1240 du Code civil, pour un montant de 2.500 euros en réparation du préjudice moral en découlant.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [Z] et madame [P], succombant en l’instance, seront solidairement condamnés aux dépens.
Ces frais seront recouvrables, ainsi que sollicité, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

De plus, il y aura lieu de les condamner solidairement à payer à monsieur [W] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, monsieur [Z] ne motivant pas sa demande de voir écarter l’exécution provisoire de la décision, si ce n’est en alléguant qu’une exécution provisoire aurait pour lui des “conséquences manifestement excessives” et en revenant sur la faiblesse des éléments probatoires adverses (question déjà tranchée), cette demande sera écartée.

L’exécution provisoire de la décision est de droit en application des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile en vigueur au jour de l’introduction de l’instance. Le principe en sera rappelé en fin de dispositif de la décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE monsieur [V] [Z] à payer à monsieur [C] [W] la somme de 131.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2018 ;

DIT que sur cette somme, madame [L] [P] épouse [Z] sera redevable solidairement de la somme de 46.500 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2018 ;

CONDAMNE monsieur [V] [Z] à payer à monsieur [C] [W] la somme de 2.500 euros en réparation de son préjudice moral consécutif à une résistance abusive ;

CONDAMNE solidairement monsieur [V] [Z] et madame [L] [P] épouse [Z] à payer à monsieur [C] [W] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE solidairement monsieur [V] [Z] et madame [L] [P] épouse [Z] aux dépens, qui seront recouvrables en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;

RAPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire en toutes ses dispositions et dit n’y avoir lieu à écarter cette exécution provisoire.

AINSI JUGE ET PRONONCE AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN LE 26 JUILLET 2024.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 1
Numéro d'arrêt : 23/02832
Date de la décision : 26/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-26;23.02832 ?
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