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18/07/2024 | FRANCE | N°22/03847

France | France, Tribunal judiciaire de Draguignan, Chambre 1, 18 juillet 2024, 22/03847


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 18 Juillet 2024
Dossier N° RG 22/03847 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JPVB
Minute n° : 2024/ 380

AFFAIRE :

S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7] C/ S.A.R.L. ALPES CONTROLE TECHNIQUE, S.A.S. DRIVE AUTO 38



JUGEMENT DU 18 Juillet 2024




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Virginie GARCIA, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER : Madame Nasima BOUKROUH

DÉBATS :

A l’audience publique

du 23 mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le prononcé serait par mise à disposition au greffe au 11 juillet 2024 prorogé a...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 1

************************

DU 18 Juillet 2024
Dossier N° RG 22/03847 - N° Portalis DB3D-W-B7G-JPVB
Minute n° : 2024/ 380

AFFAIRE :

S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7] C/ S.A.R.L. ALPES CONTROLE TECHNIQUE, S.A.S. DRIVE AUTO 38

JUGEMENT DU 18 Juillet 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Madame Virginie GARCIA, Vice-Présidente, statuant à juge unique

GREFFIER : Madame Nasima BOUKROUH

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 mai 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le prononcé serait par mise à disposition au greffe au 11 juillet 2024 prorogé au 18 Juillet 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort.

Copies exécutoires à : - Me Gaël GANGLOFF
SCP NABERES DENIS
SCP ROBERT & FAIN-ROBERT
Délivrées le

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

S.C.E.A. DOMAINE [Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 12]

représentée par Maître Denis NABERES de la SCP NABERES DENIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;

DEFENDERESSES :

S.A.R.L. ALPES CONTROLE TECHNIQUE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Antoine FAIN-ROBERT, de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et Maître Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A.S. DRIVE AUTO 38
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Gaël GANGLOFF, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat postulant et Maître Mohamed DJERBI, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat plaidant

D’AUTRE PART ;

******************

EXPOSE DU LITIGE

La SCEA [Adresse 9] a acquis à distance et hors établissement un véhicule de marque MERCEDES type GL 420 CDI au prix de 23.500 euros auprès de la SAS DRIVE AUTO 38, située en Isère, qui avait fait paraître une annonce de vente sur le site LEBONCOIN. Le prix a été réglé par virement daté du 3 février 2022.

Le 4 février 2022, la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE a procédé à un contrôle technique du véhicule et constaté l'existence de 4 défaillances mineures.

Le véhicule a été remis à la SCEA [Adresse 9] avec une facture et un certificat de cession datés du 9 février 2022.

Après avoir parcouru 3000 kilomètres avec le véhicule, la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG a constaté des traces de fuites d'huile.

Le 9 mars 2022, elle a confié le véhicule à l'établissement AUTOVISION, qui a effectué un contrôle technique révélant une défaillance critique et des défaillances majeures rendant celui-ci inutilisable.

Par courriers recommandées et courriels du 16 mars 2022, la SCEA [Adresse 9] a sommé la SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE de participer à une expertise privée confiée à Monsieur [D] [R] se déroulant le 31 mars 2022.

L'expert a rendu son rapport le 4 avril 2022.

Sur la base de ce rapport, et faisant valoir que le véhicule, vendu par un professionnel, à distance et hors établissement, au profit d'un consommateur non informé de son droit de rétractation, est atteint de vices le rendant totalement impropre à la circulation, vices que ne pouvaient ignorer le vendeur professionnel ni le contrôleur ayant procédé au premier contrôle technique, la SCEA [Adresse 9], suivant acte des 30 mai et 3 juin 2022, a fait assigner la SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE devant le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en rétractation, résolution du contrat et réparation de ses préjudices.

Dans ses conclusions du 12 décembre 2023, elle demande au tribunal de :
Vu l’article 46 du code de procédure civile, les articles L 221-1 et suivants du code de la consommation, les articles 1217 du code civil, 1641 et suivants du code civil et les articles 1240 et suivants du code civil,

A TITRE PRINCIPAL :
Vu la déclaration et la volonté de la société DOMAINE [Adresse 7], dénuées de toute ambiguïté, par l’assignation saisissant le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUGNAN, de se rétracter de l’achat d’un véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] auprès de la société DRIVE AUTO 38 ;
- Prononcer, du chef de l’exercice du droit de rétractation, la résiliation ou l’annulation du contrat d’achat du véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI acquis par la société DOMAINE [Adresse 7] auprès de la société DRIVE AUTO 38 ;
- Condamner la société DRIVE AUTO 38 à payer à la société DOMAINE [Adresse 7] la somme de 23.500 euros, correspondant au prix d’acquisition du véhicule, avec majoration légale du taux d’intérêt légal à compter du 15ème jour suivant la délivrance de l’assignation contenant la volonté de se rétracter, en application de l’article L. 242-4 du code de la consommation ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :
- Juger que le véhicule vendu par la société DRIVE AUTO 38 à la société DOMAINE [Adresse 7] était atteint de vices cachés diminuant tellement son usage qu'elle ne l’aurait pas acquis, dès lors qu'ils affectent la fonction de déplacement du véhicule en toute sécurité ;
- Prononcer, de ce chef, la résiliation du contrat d’achat du véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] acquis par la société DOMAINE [Adresse 7] auprès de la société DRIVE AUTO 38 ;
- Condamner la société DRIVE AUTO 38 à payer à la société DOMAINE [Adresse 7] la somme de 23.500 euros, correspondant au prix d’acquisition du véhicule ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- Juger que la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE a engagé sa responsabilité délictuelle à l’égard de la société DOMAINE [Adresse 7] ;
- Condamner in solidum la société DRIVE AUTO 38 et la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE à verser à la société DOMAINE [Adresse 7] :
➢ La somme de 960 euros TTC, pour les frais de déplacement du véhicule,
➢ La somme de 420 euros TTC, pour les frais du garagiste,
➢ La somme de 752,88 euros TTC, pour les frais de l’expertise,
➢ La somme de 60 euros TTC outre la somme de 15,48 euros par jour à compter du 1er mai 2022, jusqu’à l’enlèvement du véhicule, pour frais de stationnement,
➢ La somme mensuelle de 5.550 euros à compter du 10 mars 2022 jusqu’à l’enlèvement du véhicule, pour privation de jouissance ;
- Condamner la société DRIVE AUTO 38 à reprendre à ses seuls frais le véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] stationné au siège de la société SL-AUTO DEPANNAGE, à [Localité 10], et ce sous astreinte financière de 150 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir ;
- Juger que la société DRIVE AUTO 38 sera autorisée à reprendre le véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] sous condition de justifier du paiement des condamnations mises à sa charge ;
- Débouter les sociétés DRIVE AUTO et ALPES CONTROLES TECHNIQUE de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
- Rejeter toute demande aux fins de retrait de l’exécution provisoire ;
- Condamner in solidum la société DRIVE AUTO 38 et la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE à verser à la société DOMAINE [Adresse 7] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Par jugement mixte, en cas rejet de la demande principale et si le tribunal s’estime insuffisamment éclairé par l’expertise privée,
- Désigner tel expert qu’il plaira au TRIBUNAL de désigner avec la mission décrite dans le corps des présentes conclusions ;
- Mettre les frais d’expertise à la charge de la société DRIVE AUTO et de la société ALPES CONTRÔLE TECHNIQUE ;
Et subsidiairement
- Mettre les frais d’expertise à la charge de chacune des trois parties à raison d’un tiers chacune ;
- Surseoir sur toutes autres demandes jusqu’au dépôt du rapport d’expertise.

La SAS DRIVE AUTO 38, dans ses conclusions du 11 janvier 2023, demande au tribunal de :
Vu les articles 42, 43 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,
Vu les faits,
Vu les pièces,
Vu la jurisprudence,

- Dire et juger que la société DRIVE AUTO 38 est parfaitement recevable en ses fins, demandes et prétentions ;
- Dire et juger que la facture et l'acte de cession produits par la société [Adresse 9] mentionnent la commune de [Localité 11] ;
- Dire et juger que le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN est incompétent au profit du Tribunal judiciaire de GRENOBLE.

En tout état de cause :
- Dire et juger qu'aucun élément probant impartial permet de constater l'existence de vices cachés rendant le véhicule cédé par la société DRIVE AUTO 38 impropre à son utilisation ;
- Débouter purement et simplement la société DOMAINE MAS DE L'ETANG de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société DOMAINE MAS DE L'ETANG à payer à la société DRIVE AUTO 38 la somme de 3.000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société [Adresse 9] aux entiers dépens de l'instance.

La SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE, dans ses conclusions du 30 janvier 2024, demande au tribunal de :
- Accueillir la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE en les présentes écritures et l’y déclarer recevable et bien fondée.

Vu l’assignation signifiée le 3 juin 2022 à la requête de la société DOMAINE [Adresse 7] ;
Vu le procès-verbal de contrôle technique du 4 février 2022 ;
Vu l’arrêté ministériel du 18 juin 1991 concernant le contrôle technique des véhicules légers ;
Vu les articles 6 et 9 et 16 du code de procédure civile ;
Vu les articles 1240, 1353 et 1641 du code civil ;

- Juger que le contrôleur technique ne peut signaler que les défauts visibles sans démontage ;
- Juger que la société DOMAINE [Adresse 7] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’éventuels défauts visibles non signalés par la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE à l’occasion du contrôle technique réalisé le 4 février 2022 ;
- Jugerqu’une éventuelle faute commise par la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE ne saurait avoir de lien de causalité avec les préjudices allégués par la société DOMAINE [Adresse 7], dans la mesure où la décision d’acquérir le véhicule a été prise, dès le 3 février 2022, indépendamment du résultat du contrôle technique ;
- Juger qu’une condamnation in solidum ne saurait être prononcée contre des parties qui ne sont pas débitrices de la réparation de l’intégralité du préjudice allégué ;
- Juger que le préjudice réellement subi par la société DOMAINE [Adresse 7] ne pourrait être constitué que par la perte d’une chance de négocier auprès du vendeur une baisse du prix de vente pour tenir compte du coût des réparations, le contrôleur technique n’étant pas tenu de restituer le prix de vente ;
- Juger que cette éventuelle perte de chance n’est pas démontrée en l’espèce ;
- Juger que la société DOMAINE [Adresse 7] ne démontre pas l’existence d’un quelconque préjudice en lien avec une perte de chance de ne pas faire l’acquisition du véhicule objet du litige.

EN CONSÉQUENCE ;
- Débouter la société DOMAINE [Adresse 7] de l’ensemble de ses demandes en principal, intérêts et frais formées à l’encontre de la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE ;

- Condamner la société DOMAINE [Adresse 7], ou toute partie succombante, à payer à la société ALPES CONTROLE TECHNIQUE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société DOMAINE [Adresse 7], ou toute partie succombante, aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Antoine FAIN-ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN ROBERT, Avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

Conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence territoriale

La SAS DRIVE AUTO 38 conteste la compétence du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN, faisant valoir, sur le fondement de l'article 46 du code de procédure civile, que tant la facture qu'elle a émise que le certificat de cession signé par les parties mentionnent que la cession est intervenue à VARCES, dont la juridiction compétente est le tribunal judiciaire de GRENOBLE.

La SCEA [Adresse 8] DE L'ETANG invoque la compétence du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN, soutenant que la livraison a eu lieu à VIDAUBAN, ainsi qu'en attestent deux témoins, et conformément au processus de vente déterminé par le site LEBONCOIN. Elle souligne qu'aucune mention du lieu de livraison ne figure sur la facture, tandis que l'acte de cession a été rédigé unilatéralement par le vendeur.

La SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE est taisante sur cette question.

En vertu de l'article 46 du code de procédure civile :
« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble ;
- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier ».

Afin de déterminer si la SCEA [Adresse 9] pouvait bénéficier de l'option de compétence territoriale prévue par ce texte, il importe de déterminer le lieu de livraison du véhicule. La preuve de celui-ci peut être apportée par tout moyen.

La facture versée aux débats, si elle contient les adresses de chacune des sociétés, ne fait pas état du lieu de livraison de la voiture.

Quant au certificat de cession, s'il indique qu'il a été fait à [Localité 11], il n'est signé que du seul ancien propriétaire, et non du nouveau propriétaire, ce qui démontre que c'est le vendeur qui l'a renseigné, dans ses locaux, mais ce qui ne permet nullement de démontrer que le lieu de livraison est [Localité 11].

La demanderesse produit deux témoignages, de Madame et Monsieur [K], qui attestent tous deux que la livraison du véhicule a eu lieu le 9 février 2022 à [Localité 12].

Au demeurant, la livraison du véhicule au siège de l'acheteur correspond au processus de vente présenté par le site LEBONCOIN.

Il en résulte qu'il est établi que la livraison du véhicule a eu lieu à VIDAUBAN, de sorte que, conformément aux dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN est compétent territorialement pour connaître du litige.

Sur la rétractation

La SCEA [Adresse 8] DE L'ETANG, faisant valoir qu'elle n'a jamais été informée de son droit de rétractation ouvert sur le fondement de l'article L221-18 du code de la consommation, affirme qu'elle souhaite y recourir et voir la SAS DRIVE AUTO 38 condamnée à lui rembourser le prix d'acquisition.

En réplique, la SAS DRIVE AUTO 38 soutient que la vente n'ayant pas eu lieu à distance mais dans ses locaux à [Localité 11], elle n'avait pas à informer l'acheteur de son droit à rétractation inexistant.

Or, il a été vu précédemment que la vente a bien eu lieu hors établissement et à distance. La SCEA [Adresse 9] étant un particulier consommateur et la SAS DRIVE AUTO 38 un professionnel, cette vente est régie par les dispositions des articles L221-1 et suivants du code de la consommation.

Selon l'article L221-18 du code de la consommation :
« Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien ».

L'article L221-20 précise :
« Lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L. 221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L. 221-18.
Toutefois, lorsque la fourniture de ces informations intervient pendant cette prolongation, le délai de rétractation expire au terme d'une période de quatorze jours à compter du jour où le consommateur a reçu ces informations ».

La SAS DRIVE AUTO 38 ne conteste pas ne pas avoir informé la demanderesse de son droit de rétractation. Par conséquent, elle bénéficiait d'un délai supplémentaire de douze mois pour l'exercer. Or, c'est dans le cadre de l'assignation des 30 mai et 3 juin 2022 qu'elle a expressément indiqué qu'elle souhaite exercer ce droit, soit dans le délai de rétractation.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de rétractation, et de prononcer l'annulation du contrat d'achat du véhicule MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] acquis par la SCEA [Adresse 9] auprès de la SAS DRIVE AUTO 38.

Par ailleurs, l'article L221-23 du code de la consommation prévoit que :
« Le consommateur renvoie ou restitue les biens au professionnel ou à une personne désignée par ce dernier, sans retard excessif et, au plus tard, dans les quatorze jours suivant la communication de sa décision de se rétracter conformément à l'article L. 221-21, à moins que le professionnel ne propose de récupérer lui-même ces biens.
Le consommateur ne supporte que les coûts directs de renvoi des biens, sauf si le professionnel accepte de les prendre à sa charge ou s'il a omis d'informer le consommateur que ces coûts sont à sa charge. Néanmoins, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature.
La responsabilité du consommateur ne peut être engagée qu'en cas de dépréciation des biens résultant de manipulations autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de ces biens, sous réserve que le professionnel ait informé le consommateur de son droit de rétractation, conformément au 2° de l'article L. 221-5 ».

Ainsi, la SAS DRIVE AUTO 38 sera condamnée à reprendre à ses seuls frais le véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] stationné au siège de la société SL-AUTO DEPANNAGE, à [Localité 10], sous astreinte financière de 30 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir.

En outre, en vertu de l'article L221-24,
« Lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter.
Pour les contrats de vente de biens, à moins qu'il ne propose de récupérer lui-même les biens, le professionnel peut différer le remboursement jusqu'à récupération des biens ou jusqu'à ce que le consommateur ait fourni une preuve de l'expédition de ces biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits.
Le professionnel effectue ce remboursement en utilisant le même moyen de paiement que celui utilisé par le consommateur pour la transaction initiale, sauf accord exprès du consommateur pour qu'il utilise un autre moyen de paiement et dans la mesure où le remboursement n'occasionne pas de frais pour le consommateur.
Le professionnel n'est pas tenu de rembourser les frais supplémentaires si le consommateur a expressément choisi un mode de livraison plus coûteux que le mode de livraison standard proposé par le professionnel ».

La SAS DRIVE AUTO 38 sera ainsi condamnée à payer à la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG la somme de 23.500 euros, correspondant au prix d’acquisition du véhicule, avec majoration du taux l'intérêt légal à compter du 15ème jour suivant la délivrance de l'assignation contenant la volonté de se rétracter le 30 mai 2022, soit à compter du 14 juin 2022.

Sur les dommages et intérêts

La SCEA [Adresse 8] DE L'ETANG affirme que les sanctions du code de la consommation peuvent se cumuler avec celles du droit commun, et que le vendeur ayant manqué à ses obligations, il doit également l'indemniser des frais qu'elle a été contrainte d'exposer par sa faute, sur le fondement de l'article 1217 du code civil.

La SAS DRIVE AUTO 38 ne conclut pas sur ce point.

L'article 1217 du code civil dispose que :
« La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».

Les sanctions du code de la consommation ne sont pas exclusives des sanctions du droit commun.

Au regard de l'état du véhicule vendu, déterminé à la fois par le second contrôle technique réalisé le 9 mars 2022, qui a révélé une défaillance critique, interdisant son utilisation, ainsi que diverses défaillances majeures et par l'expertise de Monsieur [D] [R] en date du 4 avril 2022, selon lequel le nombre de ces anomalies critiques et majeures ne peut pas échapper à la compétence d'un vendeur professionnel, il est établi que la SAS DRIVE AUTO 38 a gravement manqué à ses obligations.

Cette faute est à l'origine de préjudices pour la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG, qui a exposé des frais supplémentaires, soit le transport du véhicule de [Localité 12] à [Localité 6], puis de [Localité 6] à [Localité 10] pour la somme de 960 euros ; la facture du garage de 420 euros ; les frais d'expertise pour 752,88 euros ; les frais de gardiennage, soit 60 euros outre 15,48 euros par jour à compter du 1er mai 2022 et jusqu'à l'enlèvement du véhicule par la SAS DRIVE AUTO 38.

S'agissant de la demande au titre du préjudice de jouissance, la facture de location d'un véhicule de remplacement établie par LONGITUDE WEST ne l'est que pour un mois, de sorte qu'il n'est pas démontré que la demanderesse a exposé des frais supérieurs à 5.550 euros, somme au paiement de laquelle la SAS DRIVE AUTO 38 sera condamnée.

Sur la responsabilité du contrôleur technique

La SCEA [Adresse 8] DE L'ETANG affirme que la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE a engagé sa responsabilité civile extracontractuelle à l'occasion du contrôle technique qu'elle a effectué sur le véhicule le 4 février 2022. Elle soutient que le contrôleur technique n'a pas relevé plusieurs défaillances majeures, ce qui l'a conduit à acheter le véhicule sans en connaître les défauts et alors qu'il s'agissait d'une condition essentielle à son consentement.

En réplique, la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE fait valoir que la demanderesse ne démontre pas que les désordres affectant le véhicule étaient présents à l'occasion du contrôle technique qu'elle a effectué. Elle souligne qu'elle échoue à établir qu'elle a manqué à son obligation de moyens, et qu'elle ne prouve pas l'existence ni d'un lien de causalité entre un éventuel manquement et les préjudices qu'elle invoque, ni d'une quelconque perte de chance de ne pas acquérir le véhicule.

Il est constant que la mission des centres de contrôle technique, définie par l'arrêté ministériel modifié du 18 juin 1991, consiste à effectuer, sans démontage, un contrôle sur des points techniques limitativement énumérés, et qu'il importe, pour voir engager sa responsabilité, de démontrer l'existence d'une faute, et notamment que les défauts invoqués existaient déjà lors de son intervention.

Le centre de contrôle technique peut engager sa responsabilité contractuelle à l'encontre de son cocontractant en cas de faute de sa part ayant entraîné un préjudice, mais également sa responsabilité délictuelle à l'encontre de l'acheteur, en concourant à son préjudice.

Il n'est pas contesté que lors du contrôle technique qu'elle a effectué le 4 février 2022, la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE a relevé la présence de 6 défaillances mineures, tandis qu’un mois et 3349 kilomètres plus tard, la société AUTOVISION a quant à elle relevé 1 défaillance critique et 12 défaillances majeures.

Or, ainsi que le relève Monsieur [R] dans les suites de son rapport amiable :
« Une défaillance critique a été constatée avec des fuites d'huiles très importantes occasionnant un risque important pour l'usager du véhicule et signalée par un Rapport de Contrôle Technique effectué par la SCEA [Adresse 7] le 9 mars 2022 soit un mois à peine après le rapport effectué par ALPES CONTROLE TECHNIQUE.
J'atteste bien évidemment que ce défaut critique rend le véhicule impropre à tout usage et dangereux.
J'ai précisé lors de l'expertise et le rappelle ici officiellement : ce défaut était bien évidemment présent lors de la vente compte tenu du très faible kilométrage parcouru.
C'est un vice caché critique ».
Il ajoute :
« Le Contrôleur Technique ALPES CONTROLE TECHNIQUE a commis des fautes professionnelles graves en ne signalant pas les anomalies critiques et majeures à côté desquelles il ne pouvait pas passer à l'examen du véhicule ».

Il convient de souligner à ce stade que si, ainsi que le rappelle la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, elle a elle-même, au même titre que la SAS DRIVE AUTO 38, été convoquée à cette expertise à laquelle elle ne s'est pas rendue. En outre, le tribunal ne se fonde pas uniquement sur ce rapport, puisqu'il effectue une comparaison entre les deux contrôles techniques versés au dossier.

La faute de la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE, et l'existence des défauts lors du contrôle qu'elle a effectué sont dès lors parfaitement établis.

Il ne saurait être contesté que le résultat de ce contrôle technique a été déterminant du consentement de la SCEA [Adresse 9], particulièrement s'agissant d'un achat à distance. En effet, elle n'a pas été en mesure de se rendre compte par elle-même de l'état du véhicule, et elle ne s'est convaincue de son achat qu'après le résultat du contrôle effectué par la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE.

Ainsi, les manquements du contrôleur technique ont nécessairement un lien causal avec l'achat du véhicule et les préjudices subis par la demanderesse. Ils l'ont convaincue d'acquérir le véhicule dont elle ignorait les défauts, et à exposer des frais qu'elle n'aurait pas dû avoir à régler.

Il convient par conséquent de condamner la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE au paiement des dommages et intérêts in solidum avec la SAS DRIVE AUTO 38.

Sur les mesures de fin de jugement

La SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

REJETTE l'exception d'incompétence et SE DECLARE territorialement compétent ;

CONSTATE l'exercice par la SCEA [Adresse 9] de son droit de rétractation, et PRONONCE l’annulation du contrat d’achat du véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI acquis par la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG auprès de la SAS DRIVE AUTO 38 ;

CONDAMNE la SAS DRIVE AUTO 38 à payer à la SCEA DOMAINE MAS DE L'ETANG la somme de 23.500 euros, avec majoration légale du taux d’intérêt légal à compter du 14 juin 2022 ;

CONDAMNE la SAS DRIVE AUTO 38 à reprendre à ses seuls frais le véhicule de marque MERCEDES de type GL 420 CDI immatriculé [Immatriculation 5] stationné au siège de la société SL-AUTO DEPANNAGE, à [Localité 10], sous astreinte financière de 30 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la notification du jugement à intervenir, à condition de justifier qu'elle a régler les sommes mises à sa charge en vertu de la présente décision ;

CONDAMNE in solidum la SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE à payer à la SCEA [Adresse 9] les sommes de :

-960 euros au titre des frais de transport,
-420 euros au titre de la facture du garage,
-752,88 euros de frais d'expertise,
-60 euros outre 15,48 euros par jour à compter du 1er mai 2022 et jusqu'à l'enlèvement du véhicule par la SAS DRIVE AUTO 38,
-5.550 euros au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNE in solidum la SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE à payer à la SCEA [Adresse 9] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la SAS DRIVE AUTO 38 et la SARL ALPES CONTROLE TECHNIQUE aux dépens ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

La greffière La juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Draguignan
Formation : Chambre 1
Numéro d'arrêt : 22/03847
Date de la décision : 18/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-18;22.03847 ?
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