TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 1
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DU 16 Juillet 2024
Dossier N° RG 19/01490 - N° Portalis DB3D-W-B7D-IJ7W
Minute n° : 2024/388
AFFAIRE :
[R] [W] C/ Société AXA FRANCE VIE
JUGEMENT DU 16 Juillet 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Amandine ANCELIN, Vice-Présidente, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Monsieur Alexandre JACQUOT
GREFFIER lors de la mise à disposition : Madame Nasima BOUKROUH
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Avril 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Juin 2024 prorogé au 16 Juillet 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à : la SELARL ABEILLE & ASSOCIES
la SELARL HBP
Délivrées le
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEUR :
Monsieur [R] [W]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Marie-caroline PELEGRY, de la SELARL HBP, avocat au barreau de TOULON
D’UNE PART ;
DÉFENDERESSE :
Société AXA FRANCE VIE
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Maître Bruno ZANDOTTI, de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
D’AUTRE PART ;
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EXPOSE DU LITIGE
En vertu d'un contrat formalisé le 20 juin 2005, Monsieur [R] [W] et Madame [E] [W], son épouse, ont contracté un crédit immobilier d'un montant de 246 900 euros auprès de la société anonyme (SA) CREDIT LYONNAIS, afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier situé au [Adresse 1] à [Localité 3].
Il a été souscrit en même temps par Monsieur [R] [W], seul assuré à 100%, à une assurance " décès invalidité " auprès de la société anonyme AXA FRANCE VIE, et ce, aux termes d'un que mentionné en deuxième page du contrat de prêt.
Par décision de la CPAM du VAR en date du 02 août 2017, monsieur [R] [W] a été placé en invalidité de deuxième catégorie à compter du 01er septembre 2017, lequel a sollicité, dans ces circonstances, la S.A. AXA FRANCE VIE aux fins de faire valoir sa police d'assurance.
La compagnie d'assurance a mandaté le Docteur [L] en qualité de médecin expert aux fins d'examiner monsieur [R] [W].
En l'état des constatations médicales, par courrier du 12 décembre 2017, la S.A. AXA FRANCE VIE a opposé un refus de garanties à monsieur [W]. L'assuré a contesté cette décision par un courrier daté du 18 décembre de la même année.
Une nouvelle expertise médicale a été diligentée à l'initiative de monsieur [R] [W] par le Docteur [Y] [G].
En l'absence de solution amiable au litige à l'issue des deux expertises, monsieur [R] [W] a fait assigner la S.A. AXA FRANCE VIE devant la chambre civile du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 1er mars 2019, aux fins notamment de voir mobiliser les garanties concernant son prêt immobilier.
Par ordonnance d'incident en date du 30 avril 2020, le Juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale de monsieur [R] [W] et désigné le Docteur [C] [H] pour y procéder. Le Docteur [T] [O] a été désigné en remplacement par ordonnance en date du 03 septembre 2020.
Le Docteur [O] a rendu son rapport définitif en date du 16 février 2021.
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Aux termes de ses conclusions notifiées par réseau privé virtuel des avocats le 21 avril 2023, monsieur [R] [W], représenté par son Conseil, sollicite la chambre civile du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN aux fins de :
➢ Dire et juger que la clause de détermination du taux d'incapacité de l'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500 est abusive et en conséquence, réputée non écrite ;
➢ Condamner la S.A. AXA FRANCE VIE à reprendre le remboursement des échéances mensuelles de 1.269,72 euros incombant à monsieur [R] [W] à compter de la décision à intervenir jusqu'à la fin du financement ;
➢ Condamner la S.A. AXA FRANCE VIE à payer à monsieur [R] [W] la somme totale de 16.506,36 euros arrêtée au 13 janvier 2019 à parfaire au jour du paiement ;
Sur la demande reconventionnelle de la S.A. AXA FRANCE VIE :
➢ Constater l'engagement pris par la S.A. AXA FRANCE VIE en date du 12 décembre 2017 auprès de monsieur [R] [W] de ne pas procéder à la récupération des mensualités indûment versées après sa date de consolidation ;
A titre principal,
➢ Rejeter la demande reconventionnelle visant au remboursement de sommes prétendument indument perçues entre le 02 août et le 13 décembre 2017 à hauteur de 5.588,08 euros ;
A titre subsidiaire,
➢ Limiter la période d'indu du 01 septembre au 13 décembre 2017 ;
➢ Réduire la somme due au titre de l'indu par monsieur [R] [W] à la S.A. AXA FRANCE VIE à hauteur de 4.279,17 euros ;
En tout état de cause,
➢ Condamner la S.A. AXA FRANCE VIE à payer à monsieur [R] [W] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
➢ Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Au soutien de sa demande au fond tendant à voir déclarer la clause de détermination des conditions de prise en charge de la police d'assurance abusive et par conséquent réputée non écrite, monsieur [R] [W], se fondant sur les dispositions de l'article L132-1 du Code de la consommation, un avis de la Commission des clauses abusives en date du 01er juin 2001 publié au BOCCRF du 30 mai 2002, un avis n°2001-1 sur saisine de la Cour d'appel de RENNES en date du 18 avril 2001 de la même commission et de diverses jurisprudences dont il fait état, fait valoir que l'article 10 sur la " garantie arrêt de travail " de la notice d'information du contrat de groupe est abusive en ce qu'il permet à l'assureur, au vu du seul avis du médecin qu'il a désigné, d'interrompre le service des prestations convenues. Il ajoute que le tableau à double entrée déterminant le taux d'incapacité en fonction des incapacités professionnelle et fonctionnelle est déterminé de manière arbitraire et unilatérale, sans justification d'ordre médical, ce qui crée un avantage significatif au profit de l'assureur. En effet, il exclut totalement du bénéfice de la garantie les assurés présentant un taux d'incapacité fonctionnelle de moins de 60% ainsi que ceux présentant un taux d'incapacité professionnelle de moins de 30%, ce qui prive le contrat de sa substance même et fonde le caractère abusif de ladite clause.
En réponse aux moyens adverses, monsieur [R] [W] soutient que la S.A. AXA FRANCE VIE n'a jamais répondu aux observations de son propre médecin conseil qu'il lui avait transmises, ni même répondu à la demande d'arbitrage amiable, concluant qu'elle a bien rejeté sa garantie sur le simple fondement des conclusions du médecin désigné par elle. Le requérant ajoute qu'il critique le fond de la clause contractuelle, et non la forme et la clarté de ce type de clause, sur le fondement du déséquilibre significatif.
Concernant la réunion des conditions de la garantie, le requérant observe que les conclusions du rapport d'expertise judiciaire démontrent que l'expert mandaté par l'assurance avait sous-évalué les taux d'incapacité professionnelle et fonctionnelle ; ledit rapport se rapprochant plus des conclusions de son médecin traitant, que de celles du Docteur mandaté par la compagnie.
Enfin, pour s'opposer à la demande reconventionnelle la société défenderesse, monsieur [R] [W] fait valoir que la S.A. AXA FRANCE VIE s'est engagée dans un courrier en date du 12 décembre 2017 à ne pas procéder à la récupération des mensualités indûment versées après le 02 août 2017, engagement pris sans condition suspensive, et qui ne saurait être remis en cause. Il ajoute qu'à la suite de sa contestation sur le rapport d'expertise initial, le requérant avait transmis à la compagnie une expertise du Docteur [G], qui concluait au dépassement du seuil fixé, rapport sur lequel aucune suite n'a été donnée. Le demandeur met en avant que le décompte fourni n'est pas détaillé, que les versements ne sont d'ailleurs pas réguliers en fonctions du nombre de jours, et qu'aucune preuve des paiements indus n'est apportée en application des articles 9 du Code de procédure civile et 1353 alinéa 1 du Code civil. Enfin, à titre de moyen subsidiaire, monsieur [R] [W] remarque que la S.A. AXA FRANCE VIE étend la période de calcul jusqu'au 02 août 2017, alors que la décision d'invalidité de la CPAM du VAR n'a pris effet qu'au 01er septembre 2017, et sollicite donc que la demande soit limitée à partir de cette date.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats en date du 06 mars 2023, la S.A. AXA FRANCE VIE sollicite :
A titre liminaire,
➢ Dire que la demande reconventionnelle formulée par la S.A. AXA FRANCE VIE constitue un motif légitime justifiant la non-acceptation du désistement ;
➢ Donner acte à la S.A. AXA FRANCE VIE qu'elle entend maintenir ses demandes en dépit de la demande de désistement d'instance et d'action formulée par monsieur [R] [W] ;
A titre principal,
➢ Dire et juger que la clause déterminant le taux d'incapacité contractuel figurant dans la notice d'information n°500 à laquelle a adhéré monsieur [R] [W] n'est pas abusive ;
➢ En conséquence, la déclarer opposable à monsieur [R] [W] ;
➢ Déclarer que les taux d'incapacités professionnelle et fonctionnelle de monsieur [R] [W] sont insuffisants pour mobiliser la garantie de la S.A. AXA FRANCE VIE ;
➢ En conséquence, débouter monsieur [R] [W] de l'ensemble de ses demandes en principal, frais et accessoires ;
➢ Condamner monsieur [R] [W] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens avec distraction au profit de Me Bruno ZANDOTTI ;
A titre reconventionnel,
➢ Condamner monsieur [R] [W] à rembourser les sommes indument perçues du 02 août 2017 au 13 décembre 2017 à hauteur de 5.588,08 euros ;
➢ Condamner monsieur [R] [W] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens avec distraction au profit de Me Bruno ZANDOTTI ;
A titre subsidiaire,
➢ Déterminer la période exacte de prise en charge et en fixer les termes conformément aux dispositions contractuelles ;
➢ Limiter la prise en charge strictement au montant des échéances contractuellement définies par le tableau d'amortissement, limité à la perte de revenus, à l'exclusion de toute pénalité ou intérêts de retard qui pourraient être appliqués par le prêteur ;
➢ Dire et juger que monsieur [R] [W] ne justifie pas de pertes de revenus ;
➢ Débouter monsieur [R] [W] de ses demandes ;
➢ Dire que si une condamnation devait être prononcée à l'encontre de la S.A. AXA FRANCE VIE, elle ne pourrait intervenir qu'entre les mains de l'établissement bancaire, sauf justifications conformes des montants réglés par la demanderesse ;
➢ Dire n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
A titre infiniment subsidiaire,
➢ Subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations au sens de l'article 514-5 du Code de procédure civile.
Concernant ses demandes à titre liminaire, la S.A. AXA FRANCE VIE explique, sur le fondement des articles 384, 385, 395 et 396 du Code de procédure civile, qu'elle était en droit de s'opposer au désistement du requérant en l'état de ses demandes reconventionnelles liées à ses prétentions initiales. Elle observe toutefois que le requérant indique, aux termes de ses dernières conclusions, ne plus se désister.
Pour s'opposer à la demande tendant à voir déclarer l'article 10 de la notice d'information au contrat de groupe n°500 abusif et non écrit, la S.A. AXA FRANCE VIE soutient que la jurisprudence, notamment récente, a validé l'emploi de ce type de clause parfaitement claire et compréhensible, et a considéré qu'elle ne vidait pas le contrat de sa substance. Elle ajoute que, contrairement à ce que soutient le requérant, le contrat précise bien qu'il a la possibilité de se faire assister par un médecin lors de l'expertise, et que, dès lors, l'ensemble de ses moyens n'est pas opérant.
S'agissant de l'absence de réunion des conditions de garantie, la S.A. AXA FRANCE VIE rappelle qu'en application de l'article 1315 (ancien) du Code civil, il revient à l'assuré de démontrer qu'il remplit les conditions de mise en jeu de la garantie ; or les taux retenus, tant par le Docteur [O] que par le médecin traitant du requérant, sont insuffisants au regard du tableau croisé, pour mobiliser la garantie.
Pour appuyer sa demande reconventionnelle, en vertu des articles 1302, 1302-1 du Code civil, la société défenderesse affirme avoir réglé les échéances du crédit immobilier de monsieur [R] [W] jusqu'au 13 décembre 2017, et ce, sans qu'aucune somme ne doit due. Elle sollicite ainsi le remboursement du trop perçu entre le 02 août et le 13 décembre 2017.
A titre subsidiaire, la S.A. AXA FRANCE VIE fait valoir que sa condamnation ne pourra qu'être limitée à la perte de revenus du requérant, non justifiée aux présents débats ; que sont donc notamment exclus les pénalités ou intérêts de retard qui pourraient être appliqués par le prêteur.
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Par ordonnance du 14 décembre 2023, le Juge de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction de la procédure et a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 06 février 2024, reportée au 16 avril 2024.
A l'audience, à l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue le 14 juin 2024 prorogée au 16 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe de la présente juridiction.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, sur les demandes de la société défenderesse tendant à voir« dire que la demande reconventionnelle formulée par la SA AXA FRANCE VIE constitue un motif légitime justifiant la non-acceptation du désistement» et « donner acte à la SA AXA France VIE qu'elle entend maintenir ses demandes en dépit de la demande de désistement d'instance et d'action formulée par Monsieur [R] [W]», il convient de rappeler que le Tribunal n'est saisi que des prétentions formulées dans le dispositif des dernières conclusions des parties.
En tout état de cause, il ne s'agit pas de prétentions au sens des articles 4 et 768 alinéa 2 du Code de procédure civile ; de plus, en l'espèce, les demandes de " donner acte " se rapportent à un désistement qui n'est pas maintenu.
Ces demandes ne donnent pas lieu à statuer.
Sur les conditions de garantie de la SA AXA FRANCE VIE
Sur le caractère abusif de la clause de détermination du taux d'incapacité de l'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500
En vertu de l'ancien article L132-1 du Code de la consommation dans sa version applicable au litige -qui est d'ordre public, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, «sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat».
Il est prévu par ledit article que «sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 (anciens) du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat " et que ce caractère " s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre».
Toutefois, la loi pose également une limite en ce que« l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible».
A titre de sanction, le Code dispose que« les clauses abusives sont réputées non écrites ", mais que " le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses».
Il ressort du texte précité l'application d'un raisonnement en deux temps : d'une part, lorsqu'une clause définit l'objet principal du contrat, il est prévu qu'elle échappe au mécanisme des clauses abusives à la condition de répondre à une exigence de transparence et d'être ainsi rédigée de façon claire et compréhensible ; à défaut d'une telle rédaction, alors l'appréciation de son caractère abusif doit être effectué.
Dès lors, le juge doit dans un premier temps rechercher si, en raison de la nature, de l'économie générale et des stipulations de l'ensemble contractuel, la clause querellée, dans son contexte juridique et factuel, fixe un élément essentiel du contrat.
En l'espèce, la clause critiquée définit les conditions et modalités de détermination du taux d'invalidité ainsi que les taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle ouvrant droit à la prise en charge de l'assureur. Partant, elle délimite les contours de la garantie du paiement des échéances des crédits souscrits en cas de survenance du risque d'incapacité lié à un arrêt de travail.
Il n'est donc pas contestable que la clause litigieuse définit l'objet principal du contrat d'assurance, en ce qu'elle détermine et délimite précisément le risque assuré, ainsi que ses conditions de prise en charge.
A cet égard, il sera observé que monsieur [R] [W] critique, contrairement à ce qu'il soutient, non seulement le fond, mais également la forme, de la clause litigieuse.
Cependant, au vu de ce qui précède, l'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500 échappe à l'appréciation de son caractère abusif, sous la seule réserve d'être rédigé de manière «claire et compréhensible» en application de l'alinéa 7 de l'article L132-1 du Code de la consommation.
L'exigence de clarté et de compréhension doit être comprise comme imposant à l'assureur non seulement que la clause concernée soit intelligible pour le consommateur, présumé profane, sur les plans formel et grammatical, mais également qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure d'en comprendre le fonctionnement concret et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et non susceptibles d'interprétation, les conséquences, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations.
La charge de la preuve du caractère clair et compréhensible des clauses concernées incombe au professionnel.
En l'espèce, il résulte de l'analyse précise de l'article précité du contrat que ce dernier stipule, concernant la «garantie arrêt de travail», que l'assuré «bénéficie de la garantie si :
• [Il] exerce une activité professionnelle rémunérée au jour de son arrêt de travail par suite de maladie ou d'accident,
• Suite à une maladie ou à un accident survenant avant le 31 décembre qui suit son 65ème anniversaire de naissance, [il est] contraint d'interrompre totalement son activité professionnelle sur prescription médicale,
• En tant que caution garantissant en droit et en fait la solvabilité d'une personne physique, [il a] remboursé les trois dernières échéances mensuelles ou mensualités du prêt qui précèdent le jour de [son] arrêt de travail et tant que le débiteur principal demeure insolvable».
Il y est précisé que l'arrêt de travail temporaire ou définitif «doit être médicalement constaté et reconnu par le médecin conseil de l'assureur» et qu'à la date de consolidation,« et au plus tard trois ans après le début de [l']arrêt de travail, le médecin conseil de l'assureur fixe [le] taux d'incapacité sur la base du tableau ci-après (…) le taux étant déterminé en fonction [des] taux d'incapacité fonctionnelle et professionnelle».
La notice d'assurance inclut également un tableau corrélatif à double entrée définissant le taux d'incapacité en fonction de la combinaison du taux d'incapacité professionnelle en ordonnées, débutant de 30% à 100%, et le taux d'incapacité fonctionnelle en abscisses, de 60% à 100%.
Elle précise de plus que le taux d'incapacité fonctionnelle est apprécié« en dehors de toute considération professionnell»e, comme tenant compte «uniquement de la diminution de [la] capacité physique ou mentale, suite à [l']accident ou à [la] maladie, par référence au barème d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun (édition du Concours médical la plus récente au jour de l'expertise)». Le taux d'incapacité professionnelle est quant à lui apprécié «en fonction du degré et de la nature de [l']incapacité par rapport à [la] profession " en tenant compte de " [la] capacité à l'exercer antérieurement à la maladie ou à l'accident, des conditions d'exercice normal de [la] profession et [des] possibilités d'exercice restantes, sans considérations des possibilités de reclassement dans une profession différente».
En conclusion, il est défini que« si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est égal ou supérieur à 66%, les prestations de l'assureur sont maintenues " ; dans le cas contraire " si le taux d'incapacité (…) est inférieur à 66%, aucune prestation de l'assureur n'est due ».
Monsieur [R] [W] ne soutient pas ne pas avoir eu connaissance de ces stipulations qui lui sont donc pleinement opposables.
Quant aux conditions de clarté et d'intelligibilité, il ressort de la rédaction de l'article susvisé que les modalités de garantie assurantielle indiquent de manière transparente, tant les modalités de détermination des taux d'incapacité, que les conséquences de cette détermination sur la prise en charge assurantielle.
En effet, le texte définit d'une part l'incapacité fonctionnelle et d'autre part l'incapacité professionnelle, soit les deux variables utilisées pour déterminer le taux d'incapacité général dans le tableau à double entrée. Il met ainsi le consommateur en mesure d'apprécier les éléments qui seront pris en compte, en dehors de toute considération professionnelle pour le premier et en fonction de l'incapacité par rapport à la profession pour le second -puisque sont définis précisément et dans des termes simples et compréhensibles, les éléments d'appréciation (diminution de la capacité physique ou mentale par référence à un barème clairement indiqué, capacité à exercer la profession avant la maladie ou l'accident, ses conditions d'exercice normal et des possibilités d'exercices restantes).
L'article querellé met également en avant, sans ambiguïté, dans quels cas la garantie est mobilisable, en définissant précisément le taux d'invalidité à partir duquel la prise en charge est assurée (66%), et dans quelle hypothèse il est atteint. Il résulte clairement de la lecture dudit tableau que la garantie arrêt de travail suppose un taux d'incapacité fonctionnelle au moins égal à 60% et un taux d'incapacité professionnelle au moins égal à 30%, un taux inférieur n'entrant pas dans le champ des dispositions contractuelles. Il est donc aisément déductible qu'un taux d'incapacité fonctionnelle de 50%, peu important le taux d'incapacité professionnelle corrélatif, n'ouvre pas droit à garantie.
Enfin, la notice précise d'ailleurs textuellement, de manière surabondante, si toutefois l'on peut considérer que la lecture du tableau n'était pas aisée, que «les prestations de l'assureur [ne] sont maintenues »que si le taux d'incapacité fixé sur la base du tableau de corrélation est «égal ou supérieur à 66% » -et que dans le cas inverse, «aucune prestation de l'assureur n'est due ».
Dès lors, la clause de détermination du taux d'incapacité de l'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500, qui participe de la définition de l'objet principal du contrat, est rédigée de façon claire et compréhensible pour un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, lui permettant d'évaluer les conséquences potentielles, significatives pour lui, de la limitation de la garantie dans la police d'assurance.
En présence d'une clause portant sur la définition de l'objet principal du contrat rédigée de manière claire et compréhensible, les moyens du requérant tirés de l'appréciation d'un déséquilibre significatif sont donc inopérants.
La clause litigieuse ne revêt, en conséquence, pas de caractère abusif au sens de l'article L132-1 du Code de la consommation ; elle sera déclarée opposable à monsieur [R] [W].
Sur la réunion des conditions de la garantie de la SA AXA FRANCE VIE
L'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500 prévoit, concernant la garantie " arrêt de travail " que " si le taux d'incapacité fixé sur la base de ce tableau est égal ou supérieur à 66%, les prestations de l'assureur sont maintenues " ; dans le cas contraire " si le taux d'incapacité (…) est inférieur à 66%, aucune prestation de l'assureur n'est due ".
De manière générale sur la charge de la preuve, les articles 9 du Code de procédure civile et 1353 (1315 ancien) du Code civil disposent qu'il« incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention» et que «celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver " prévoyant que " réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation».
En matière de garantie assurantielle, il revient, ainsi, à l'assuré de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions de mise en œuvre de la garantie.
En l'espèce, monsieur [R] [W] supporte la charge de la preuve de ce qu'il remplit les conditions d'assurance prévues à l'article 10 susvisé.
Trois rapports d'expertise sont versés aux débats concernant la situation médicale du requérant :
Le premier, en date du 27 novembre 2017, établi par le Docteur [J] [L] mandaté par la SA AXA FRANCE VIE, évalue le taux d'incapacité professionnelle du requérant à 50% et son taux d'incapacité fonctionnelle à 20%.
Le deuxième, daté du 21 février 2018, réalisé par le Docteur [Y] [G] intervenu à la demande de l'assuré, fixe lesdits taux à 67% (invalidité professionnelle) et 30% (invalidité fonctionnelle).
Le troisième, en date du 16 février 2021, émanant du Docteur [T] [O] désigné dans le cadre de l'expertise judiciaire, considère un taux d'incapacité professionnelle à 66% et d'incapacité fonctionnelle à 20%. Ce dernier rapport, pour être un rapport d'expertise judiciaire, a une valeur probante supérieure aux précédents.
Or, aucun des trois experts n'ayant retenu un taux d'incapacité fonctionnelle au moins égal à 60% (20%, 30% et 20%), force est de constater que les conditions de la garantie " arrêt de travail " ne sont pas remplies. En effet, le tableau à double entrée permettant de fixer le taux global d'incapacité ne débute qu'à partir de 60% d'incapacité fonctionnelle ; excluant, dès lors, la couverture d'un risque santé ayant pour conséquence un taux inférieur.
Les moyens du requérant consistant à critiquer les taux retenus par l'expert de l'assurance et son absence de réponse à l'expertise du Dr [Y] [G] sont inopérants, en ce qu'aucune des trois situations déterminées par les experts ne permet d'ouvrir droit à la garantie proposée.
Monsieur [R] [W] sera, en conséquence, débouté de sa demande tendant à voir la garantie " arrêt de travail " de la S.A. AXA FRANCE IARD mobilisée.
Sur la demande reconventionnelle de la SA AXA FRANCE VIE
Aux termes de l'article 1302 du Code civil, «Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution», toutefois il est prévu que «la restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.»
L'article 1302-1 du même Code cependant que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu».
De manière générale sur la charge de la preuve, les articles 9 du Code de procédure civile et 1353 (1315 ancien) du Code civil disposent qu'il «incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention « et que «celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver».
Il revient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées, soit à la S.A. AXA FRANCE VIE, de prouver le caractère indu du paiement par tous moyens.
En l'espèce, la S.A. AXA FRANCE VIE joint à ses écritures un décompte du 14 mars 2017 au 13 décembre 2017 faisant apparaître les sommes mensuellement versées à monsieur [R] [W]. Il ressort de la première colonne que le numéro de prêt en question (n°40039334F72A11AA) est identique à celui indiqué sur le contrat de prêt du requérant.
De même, même si le requérant oppose l'absence de preuve des paiements (alors qu'il ne conteste par ailleurs pourtant pas avoir reçu des sommes jusqu'en décembre 2017), le courrier en date du 08 décembre 2017 joint par lui aux débats démontre que, pour le même prêt, il a reçu pour la période du 14 novembre au 13 décembre 2017 la somme de 1.269,72 euros, soit la somme mentionnée sur le décompte de l'assureur.
Il ne saurait donc être opposée une contestation quant à la charge de la preuve des versements dont la société assurantielle sollicite le versement.
Il a été retenu ci-dessus que la garantie «arrêt de travail» au titre du contrat d'assurance souscrit par monsieur [R] [W] auprès de la S.A. AXA FRANCE VIE n'est pas mobilisable. Par suite, le requérant ne disposait d'aucun droit à être indemnisé par la compagnie d'assurance à ce titre - ce qui n'est pas contesté.
Or, Monsieur [R] [W] fait valoir que la société d'assurance s'était engagée, dans un courrier en date du 12 décembre 2017, à ne pas récupérer les sommes versées disposant «à titre exceptionnel, nous ne procèderons pas à la récupération des mensualités indûment versées après votre date de consolidation du 02.08.2017».
Il résulte de ce courrier -dont la teneur n'est pas contestée par la S.A. AXA FRANCE VIE- une renonciation expresse du solvens en toute connaissance de cause à répéter l'ensemble des sommes indûment versées, puisque l'absence de réunion des conditions de la garantie était acquise au moment de la rédaction du courrier. Eu égard au libellé de ce courrier, il doit être interprété que c'est volontairement que la S.A. AXA FRANCE VIE a versé des sommes à son assuré.
La S.A. AXA FRANCE VIE ayant renoncé expressément à une action sur le fondement invoqué en amont de l'introduction de l'instance, rendant pas cela même ses versements effectués " volontaires ", sera déboutée de sa demande reconventionnelle.
Sur les demandes accessoires
Monsieur [R] [W], qui succombe à l'instance, sera condamné aux dépens de la présente procédure, qui seront distraits au profit de Me Bruno ZANDOTTI en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Toutefois, concernant les dépens liés aux frais d'expertise judiciaire, il convient de se référer à la notice d'assurance, qui mettait à la charge de l'assuré la " moitié " desdits frais (article XI :« contrôle en cas (…) d'arrêt de travail»). Au regard de cette stipulation, spécifique à l'espèce, la répartition telle que prévue par l'ordonnance du 30 avril 2020 (partage des frais par moitié entre les parties) sera privilégiée.
En l'espèce, au regard des principes précités, il n'y aura pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de l'article 515 du Code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable dès lors que l'assignation a été délivré avant le 01er janvier 2020, ce qui est le cas en l'espèce, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.
En l'espèce, l'exécution provisoire de la présente décision s'impose au regard de la nature de l'affaire, des circonstances de l'espèce et de l'ancienneté du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que la clause de détermination du taux d'incapacité de l'article 10 de la notice d'information du contrat d'assurance de groupe n°500 n'est pas abusive ;
Par conséquent,
DECLARE ladite clause opposable à monsieur [R] [W] ;
DEBOUTE monsieur [R] [W] de l'ensemble de ses demandes ;
DEBOUTE la S.A. AXA FRANCE VIE de sa demande reconventionnelle ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE monsieur [R] [W] aux dépens de l'instance, à l'exclusion des frais d'expertise judiciaire dont la charge sera partagée par moitié entre les parties ;
DIT que les dépens seront recouvrables en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
AINSI JUGE ET PRONONCE AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN LE 16 JUILLET2024.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,