MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 20 Août 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/01288 - N° Portalis DB3T-W-B7I-U37O
AFFAIRE : CENTRE SATELLITAIRE DE L’UNION EUROPEENNE C/ [J] [L]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
3ème Chambre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Madame AHSSAÏNI, Juge
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER : M. LE LAIN
PARTIES :
DEMANDEUR
CENTRE SATELLITAIRE DE L’UNION EUROPEENNE, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 1] - BELGIQUE
représenté par Me Sophie THONON-WESFREID, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R241
DEFENDERESSE
Madame [J] [L]
née le 13 février 1962 à [Localité 5] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
non représentée
Clôture prononcée le : 02 mai 024
Date de délibéré indiquée par le Président : 20 août 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 20 août 2024.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le centre satellitaire de l’Union européenne est une agence de l’Union européenne.
L’unité des tâches administratives résiduelles, fonctionnellement rattachée au centre satellitaire de l’Union européenne, est chargée de la gestion des obligations juridiques et financières des Etats membres de l’Union de l’Europe occidentale (ci-après : UEO), organisation intergouvernementale dissoute en 2011, et en particulier de l’administration du régime de sécurité sociale et de retraite du personnel de l’UEO.
[J] [L] est la fille d’[N] [L], qui a notamment travaillé à l’UEO et est décédé le 26 janvier 1992.
Mme [L] a perçu une pension d’orpheline enfant handicapé entre février 1992 et mai 2002.
La pension d’orpheline a ensuite été rétablie à sa demande à compter du 1er octobre 2018.
Par courrier du 2 février 2023, le centre satellitaire de l’Union européenne a informé Mme [L] de la cessation de son droit à pension d’orpheline à effet en février 2023, à la suite de la réception de différents documents établissant ses revenus et patrimoine.
Par lettre recommandée du 30 juin 2023, le centre satellitaire de l’Union européenne a mis Mme [L] en demeure de lui restituer la somme de 81 354,03 euros au titre des pensions indument perçues depuis 2018. Une seconde mise en demeure lui a été adressée par courrier recommandé du 8 décembre 2023 par le conseil du centre satellitaire de l’Union européenne.
Par acte d’huissier du 15 février 2024, le centre satellitaire de l’Union européenne a assigné Mme [L] devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’obtenir le paiement de sa créance.
L'acte introductif d'instance a été signifié suivant les modalités de l’article 656 du code de procédure civile. Mme [L] n'ayant pas constitué avocat à la date du premier appel de l'affaire devant le juge de la mise en état, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024 et le délibéré immédiatement fixé au 20 août.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS
Aux termes de son assignation, le centre satellitaire de l’Union européenne demande au tribunal :
- de condamner Mme [L] à lui payer 81 354,03, avec intérêts de droit à compter du 13 décembre 2023,
- de condamner Mme [L] à lui payer 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- de condamner Mme [L] aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation s’agissant de l’exposé des moyens du demandeur.
MOTIVATION
Sur la demande du centre satellitaire de l’Union européenne
L’article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
Par ailleurs, le Règlement de pensions de l’UEO prévoit, en son article 25, paragraphe 2, que les enfants d’un agent ou ancien agent décédé ont droit à une pension d’orphelin notamment lorsqu’ils remplissent les conditions d’âge, de poursuite des études ou de handicap prévues pour l'attribution de l'allocation pour enfant à charge.
L’article 15.1.d du Règlement du personnel de l’UEO précise pour sa part que le service de l’allocation pour enfant à charge, et donc la reconnaissance du statut d’enfant à charge, « pourra être maintenu sans limite d’âge si l’enfant est dans l’incapacité permanente, attestée médicalement par un médecin agréé par l’organisation de subvenir à ses besoins ».
En outre, selon l’article 26, paragraphe 2 du Règlement de pensions susvisé, « le service des pensions prévues par les articles 25 et 25 bis s’éteint à la fin du mois au cours duquel l'enfant ou la personne à charge cesse de remplir les conditions relatives à l'octroi de l'allocation pour enfant ou personne à charge conformément à la réglementation applicable au personnel de l'Organisation. »
Enfin, il résulte de l’article 35, paragraphe 1 du Règlement de pensions de l’UEO que « les personnes appelées à bénéficier des prestations prévues au présent Règlement sont tenues de notifier à l’Organisation ou au Service International des Rémunérations et des Pensions tout élément susceptible de modifier leurs droits à prestations et de leur fournir toutes justifications qui peuvent leur être demandées. Si elles ne se conforment pas à ces obligations, elles peuvent être déchues du droit aux prestations du présent régime ; elles sont astreintes au remboursement des sommes indûment perçues, sauf circonstance exceptionnelle. »
En l’espèce, le centre satellitaire de l’Union européenne rapporte la preuve que Mme [L] est salariée au ministère des affaires étrangères depuis 1992, de sorte qu’elle bénéfice d’un revenu stable ainsi que d’une couverture médicale et du dispositif P.A.M. pour ses déplacements domicile/travail. Son salaire imposable s’élevait en 2021 à 2 225 euros par mois.
Par ailleurs, Mme [L] est propriétaire depuis 1979 d’un bien immobilier situé à [Localité 6], outre de sa résidence principale située en proche banlieue parisienne. Elle perçoit un revenu locatif mensuel moyen de 650 euros, outre un revenu tiré de la location d’un parking à hauteur de 105 euros par mois environ.
Enfin, Mme [L] a acquis en 2020 un bien immobilier situé dans une station balnéaire du sud de la France au prix de 303 000 euros. Cet achat a été réalisé par le biais de deux prêts bancaires de 164 000 euros outre 46 000 euros (prêt travaux). Elle a donc eu la capacité financière de réaliser un apport personnel de 100 000 euros.
De manière surabondante, Mme [L] a expliqué au demandeur exposer environ 3 400 euros de charges mensuelles dont la majorité, selon les justificatifs produits, sont en lien avec son patrimoine immobilier et non avec son état de santé.
Il résulte de ce qui précède, conformément à ce que soutient le centre satellitaire de l’Union européenne, que si l’existence du handicap de Mme [L] n’est pas remise en cause, Mme [L] n’est en revanche pas dans l’incapacité permanente de subvenir à ses besoins.
Or, il ressort des nombreux échanges versés aux débats que Mme [L] a volontairement dissimulé la réalité de sa situation financière et patrimoniale au centre satellitaire de l’Union européenne lorsqu’elle a sollicité en 2018 la réévaluation de ses droits à pension. Elle s’est contentée à cette occasion de fournir sa fiche de paie du mois d’avril 2018 et la déclaration fiscale émanant de son seul employeur. Elle était pourtant tenue d’une obligation de déclaration de l’ensemble de sa situation financière et patrimoniale au égard à l’article 35 susvisé.
Il doit ici être souligné que Mme [L] avait fait l’objet d’une première suspension de ses droits à pension en 2002 du fait de son mariage et des revenus de son conjoint qu’elle avait également omis de déclarer à l’UEO. Le remboursement des sommes indument perçues ne lui avait cependant pas été réclamées à cette occasion.
Au terme de ces éléments, le caractère indu de la pension perçue par Mme [L] entre octobre 2018 et février 2023 est établie. La défenderesse sera par conséquent condamnée à rembourser au centre satellitaire de l’Union européenne la somme totale de 81 354,03 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2023.
Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [L], partie perdante et non comparante, sera condamnée au paiement des dépens.
Mme [L], condamnée aux dépens, devra payer au centre satellitaire de l’Union européenne une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile que l’équité commande de fixer à 3 000 euros.
Il sera rappelé que l’exécution provisoire de cette décision est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, susceptible d’appel,
Condamne Mme [J] [L] à payer au centre satellitaire de l’Union européenne la somme de 81 354,03 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2023,
Condamne Mme [J] [L] au paiement des dépens,
Condamne Mme [J] [L] à payer au centre satellitaire de l’Union européenne la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Fait à CRETEIL, L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE VINGT AOUT
LE GREFFIER LE PRESIDENT