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09/07/2024 | FRANCE | N°24/00728

France | France, Tribunal judiciaire de Créteil, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 24/00728


MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 09 Juillet 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00728 - N° Portalis DB3T-W-B7I-U4CQ
AFFAIRE : S.C.I. LA FONCIERE HARMONY C/ ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

3ème Chambre CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Monsieur VERNOTTE, Vice-Président

ASSESSEURS : Madame GAGNARD, Première Vice-présidente adjointe
Madame POURON, Juge

Débats tenus à l’audience publique du 27 mai 2024 devant M. VERNOTTE, RAPPORTEUR qui en a fait rapport et en a rendu compte au Tribunal en cours de d

élibéré, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, les avocats ne s’y étant pas...

MINUTE N° :
JUGEMENT DU : 09 Juillet 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00728 - N° Portalis DB3T-W-B7I-U4CQ
AFFAIRE : S.C.I. LA FONCIERE HARMONY C/ ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

3ème Chambre CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Monsieur VERNOTTE, Vice-Président

ASSESSEURS : Madame GAGNARD, Première Vice-présidente adjointe
Madame POURON, Juge

Débats tenus à l’audience publique du 27 mai 2024 devant M. VERNOTTE, RAPPORTEUR qui en a fait rapport et en a rendu compte au Tribunal en cours de délibéré, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

GREFFIER : Mme REA

PARTIES :

DEMANDERESSE

S.C.I. LA FONCIERE HARMONY, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Me Sanahin BASMADJIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0258

DEFENDERESSE

ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR, dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 5]

représentée par Me Cécile JARROSSAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire : E1624 et Me Ala ADAS, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

Débats tenus à l’audience du : 27 mai 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 09 juillet 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 09 juillet 2024.

EXPOSE DU LITIGE :

L’Association EDUCATION ET SAVOIR a été créée en 2006 et a pour objet l’exploitation d’un établissement scolaire privé.

Par Acte sous seing-privé en date à [Localité 4] du 30/04/2019, la SCI LA FONCIERE HARMONY a donné à bail commercial à l’ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR les locaux sis au [Adresse 2] à [Localité 5], dans le cadre d’une sous-location.

En effet, La SCI LA FONCIERE HARMONY n’était pas, à la date de signature de ce bail, propriétaire en titre des locaux, mais se trouvait alors bénéficiaire d’une promesse de vente du propriétaire effectif, la SCI FONCIERE BEAUSEJOUR, avec bail durant toute la durée de la promesse et faculté de sous-location.

L’ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR, qui exploitait déjà un établissement d’enseignement privé auparavant (à une autre adresse), a établi son activité dans les lieux loués dès la rentrée scolaire 2019, accueillant des élèves de la 6e à la terminale.

Le bail consenti par la SCI LA FONCIERE HARMONY à l’ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR, soumis au régime des articles L.145-1 et suivants du Code de Commerce, était consenti et accepté :

- pour une période de 9 années entières et consécutives commençant à courir le 01/05/2019 pour se terminer le 30/04/2028 ;

- moyennant un loyer (indexé) de 300.000,00 €uros HT par an, payable par fraction trimestrielle et d’avance (le prix pouvant être réévalué à la hausse dans deux cas spécifiques), avec franchise de loyers accordée au preneur sur les trois premiers mois;

- avec versement d’un dépôt de garantie de 75.000,00 €uros à la date de signature, correspondant à trois mois de loyers.

***

Par acte du 25/01/2023, signifié par la SCP JD & ASSOCIES, Commissaires de Justice associés, la SCI LA FONCIERE HARMONY a fait délivrer à l’ASSOCIATION EDUCATION ET SAVOIR un commandement de payer la somme de 650 000 € en principal, visant la clause résolutoire du bail.

Par ordonnance du 26 janvier 2024, La SCI Foncière Harmony a été autorisée à assigner à jour fixe L'association Education et Savoir devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’expulsion, ce qu’elle a fait en délivrant un exploit de commissaire de justice à L'association Education et Savoir le 31 janvier 2024 pour l’audience du 26 février 2024.

A l’issue de l’audience du 26 février 2024 à laquelle la demanderesse a comparu sans avocat, l’affaire a été mise en délibéré au 07 mai 2024.

Par jugement avant dire droit du 27 février 2024, le tribunal a ordonné la réouverture des débats, afin de permettre à la SCI La Foncière Harmony d'être représentée par un avocat, suite au décès de son conseil.

L’affaire a été de nouveau plaidée le 27 mai 2024. A l’audience, la SCI La Foncière Harmony a demandé au tribunal :

- de constater l’acquisition de la lclause résolutoire du contrat de bail commercial et d’ordonner l’expulsion de l’association Education et Savoir dans le mois suivant la signification du présent jugement;

- de condamner l’association Education et Savoir à lui payer les sommes suivantes:

** 735 245,00 €, outre intérêts au taux légal sur al somme de 650 000 euros à compter du 25 janvier 2023 et à compter de la date d’assignation pour le surplus ;
** un indemnité d’occupation mensuelle de 25 000 € outre le paiement des charges et accessoires prévus au bail commercial ;
**50 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement;
** 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens comportant le coût du commandement de payer.

Au soutien de ses prétentions, la SCI La Foncière Harmony a fait valoir notamment:

- que le contrat de sous-location est valable, pour avoir été conclu avec l’accord préalable du vendeur/bailleur stipulé dans la promesse de vente ;
- que les conditions du dol ne sont pas réunies, la demanderesse ayant agi en toute transparence et l’association Education et Savoir ayant toujours su que le contrat proposé était une sous-location; qu’elle n’a pas appelé en garantie la SCI La Foncière Harmony lorsqu’elle a été attraite devant le juge des référés par la société Bauséjour aux fins d’expulsion, ce qui démontre sa pafaite connaissance de la situation ;
- que très rapidement, la preneuse s’est soustraite à son obligation de payer le loyer;
- que l’association Education et Savoir ne justifie pas de sa créance de main d’oeuvre.

En défense, l'association Education et Savoir a demandé au tribunal :

A titre reconventionnel :

- de prononcer la nullité du contrat du 30 avril 2019, pour dol ;
- de juger que les restitutions dues à l’Association EDUCATION ET SAVOIR par la SCI LA FONCIÈRE HARMONY s’élèvent à la somme de 528 494,08 €, outre intérêts légaux courant sur les loyers et charges versés à compter de leur paiement ;
- de juger que les restitutions dues à la SCI LA FONCIÈRE HARMONY par l’Association EDUCATION ET SAVOIR s’élèvent donc à la somme de 229 143,70€.
- d’ordonner la compensation des créances de restitution, en application des articles 1347 et suivants du Code civil ;
- d’octroyer à l’Association EDUCATION ET SAVOIR des dommages et intérêts à hauteur de 119 248,50 € pour la perte de chance de conclure véritable un bail commercial et de pérenniser son fonds de commerce qu’elle a exposée ;
- d’octroyer à l’Association EDUCATION ET SAVOIR des dommages et intérêts à hauteur de 37.735, 50 € pour compenser les travaux réalisés bénévolement par ses adhérents et dont la jouissance restera acquis à la SCI LA FONCIÈRE HARMONY;
- d’octroyer à l’Association EDUCATION ET SAVOIR des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 € pour le préjudice moral qu’elle a exposé ;

A titre principal :

- de débouter la SCI LA FONCIÈRE HARMONY de l’ensemble de ses demandes ;
- de dire que l’Association EDUCATION ET SAVOIR pourra se maintenir dans les locaux jusqu’au 31 juillet 2025, en contrepartie du versement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 4 347,83 € payable avant le 10 de chaque mois ;


En tout état de cause :

- de condamner La SCI Foncière Harmony au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire :

- d’écarter, si l’expulsion de l’Association EDUCATION ET SAVOIR devait être prononcée, l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions L'association Education et Savoir a fait valoir :

- qu’avant d’emménager à [Localité 5], l’établissement privé exerçait son activité à [Localité 6] ; que les circonstances liées aux travaux du Grand Paris l’ont contraint de déménager ;
- qu’elle a réalisé d’importants travaux de rénovation dans l’immeuble afin d’y exercer son activité d’enseignement scolaire ;
- qu’elle a connu des difficultés financières en lien avec la pandémie de coronavirus, qui l’ont conduit à solliciter la réduction de la superficie louée ; que le bailleur a refusé de conclure un tel avenant ; que dans ce contexte, L'association Education et Savoir a continué de payer partiellement certes mais régulièrement son loyer, à hauteur de 350 000 € entre le 01 septembre 2019 et le 31 janvier 2022, démontrant sa bonne foi ;

sur l’existence d’un dol :

- que la SCI LA FONCIÈRE HARMONY a volontairement donné au bail commercial conclu le 30 avril 2019 toutes les apparences de régularité qui s’imposent, de sorte que l’Association EDUCATION ET SAVOIR a raisonnablement cru conclure un véritable bail commercial avec la SCI LA FONCIÈRE HARMONY et non une sous-location ;
- que La SCI Foncière Harmony n’a pas fait figurer dans le contrat de sous-location, le nom du véritable propriétaire La SCI Foncière Beauséjour, ni n’a annexé le contrat de bail principal ; qu’elle n’a pas non plus indiqué qu’elle ne disposait pas de tous les droits pour conclure le bail commercial ; que la durée de 9 ans du bail commercial, qui devait se poursuivre jusqu’au 30 avril 2028, n’est assortie d’aucune réserve alors même que la SCI LA FONCIÈRE HARMONY n’était titulaire que d’un bail dérogatoire qui arrivait à terme le 3 mars 2021 ; que La SCI Foncière Harmony a en outre omis de reproduire la clause de sous-location ;
- que ce n’est que lors de son assignation par La SCI Foncière Beauséjour aux fins d’expulsion, que L'association Education et Savoir a découvert l’existence de la sous-location ;
- que ces manœuvres dolosives révèlent la volonté de la SCI LA FONCIÈRE HARMONY, non seulement de cacher la nature de sous-bail de l’acte intitulé « bail commercial », mais également d’appliquer à l’Association EDUCATION ET SAVOIR des loyers cinq fois plus élevés que ceux qui étaient mis à sa propre charge par la SASU FONCIÈRE BEAUSÉJOUR ;
- que ces manœuvres ont eu un effet déterminant du consentement de L'association Education et Savoir, en ce que si la défenderesse avait su qu’elle concluait un sous-bail et non un bail commercial, elle n’aurait sans doute pas conclu le contrat, eu égard aux travaux conséquents de mise aux normes ERP que réclame l’ouverture d’un établissement scolaire ; que la rentabilité de ces investissements nécessite une stabilité de l’installation et une sécurité importante que seules permettent le bail commercial, ainsi qu’une fidélisation de la clientèle (parents d’élèves) qui impliquent une certaine pérennité du bail ; que quand bien même elle aurait décidé de conclure le sous-bail, il est certain que l’Association EDUCATION ET SAVOIR n’aurait pas accepté les conditions de l’acte du 30 avril 2019 si elle avait eu connaissance de l’acte de bail dérogatoire conclu entre la SCI LA FONCIÈRE HARMONY et la SASU FONCIÈRE BEAUSÉJOUR ;
- que l’annulation du contrat de bail doit emporter restitution de l’intégralité des loyers versés par L'association Education et Savoir à La SCI Foncière Harmony, mais également des sommes payées pour les travaux de mise aux normes réalisés qui ont amélioré les locaux ;
- que réciproquement, l’indemnité d’occupation mise à la charge de l’Association EDUCATION ET SAVOIR ne saurait être supérieure au loyer convenu entre la SCI FONCIÈRE HARMONY et LA SASU FONCIÈRE BEAUSÉJOUR dans le bail dérogatoire notarié du 4 avril 2019, soit 4 347,83 € mensuel ;
- que l’instabilité immobilière à laquelle est confrontée l’Association EDUCATION ET SAVOIR en raison du dol de la SCI LA FONCIÈRE HARMONY a freiné et continue de freiner son développement, générant une perte de chance de réaliser un bénéfice de nature à accroître la valeur de son patrimoine ;
- que compte tenu de son statut d’organisme sans but lucratif, et de son budget limité pour réaliser les travaux dans les locaux, l’Association EDUCATION ET SAVOIR a bénéficié de l’aide de ses adhérents et des parents d’élèves afin de réaliser lesdits travaux, de sorte qu’elle est fondée à solliciter des dommages et intérêts pour réparer le temps consacré par ces derniers ;
- que L'association Education et Savoir a par ailleurs souffert un préjudice moral, ayant eu l’impression de n’avoir été qu’un pion destiné à permettre à la SCI LA FONCIÈRE HARMONY d’acquérir les locaux à moindre frais ;

Sur la demande de maintien dans les lieux ;

- que le mail produit par La SCI Foncière Harmony ne prouve pas que L'association Education et Savoir était au courant de la sous-location ; qu’elle ne s’en est rendue compte qu’après avoir été mise en demeure de quitter les lieux ;
- que l’Association EDUCATION ET SAVOIR recherche depuis de nombreux mois de nouveaux locaux pour réinstaller son activité. Après avoir tenté en vain d’entrer en pourparlers avec la SASU FONCIÈRE BEAUSÉJOUR pour racheter les locaux en juin 2022, elle a notamment pris attache avec plusieurs agences immobilières afin de trouver des locaux adaptés ou adaptables ;
- que l’Association EDUCATION ET SAVOIR ne peut pas déménager pendant l’année scolaire, car cela affecterait négativement la scolarité de ses élèves, dont certains doivent préparer et passer des examens nationaux en fin d’année scolaire (brevet et baccalauréat, épreuves anticipées et terminales) ; que l’expulsion à ce jour entraînerait l’arrêt de la scolarité de 153 élèves, et les empêcherait de s’inscrire dans un établissement public à la rentrée de septembre 2024, sachant qu’ils devraient passer des tests pour retourner dans l’enseignement public, qui ont lieu au mois de mai ;
- que de plus, l’Association EDUCATION ET SAVOIR n’a pour l’instant aucune certitude sur son nouvel emplacement pour la rentrée prochaine ; qu’elle devra ensuite réaliser des travaux d’aménagement dans son futur local et solliciter les autorisations nécessaires, ce qui va prendre du temps ;
- que l’association compte 28 salariés dont la pérennité de l’emploi est menacée ;
- qu’en outre une décision d’expulsion avec exécution provisoire entraînerait la déscola-risation du jour au lendemain, de 146 élèves scolarisés de la 6e à la terminale.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 09 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du contrat de bail

En vertu de l’article 1137 du code civil, “Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.”

En l’espèce, la défenderesse reproche à la SCI La Foncière Harmony d’avoir dissimulé que le contrat de bail conclu était un contrat de sous-location. Or, cet élément de fait n’avait pas à être communiqué au sous-preneur en l’absence de demande expresse de sa part, de sorte qu’il ne saurait être reproché à la SCI La Foncière Harmony de l’avoir dissimulé à l’association Education et Savoir.

La SCI La Foncière Harmony produit aux débats la promesse de vente faite le 04 avril 2019 par la société Foncière BEAUSEJOUR, qui comprend des clauses stipulant l’accord de la vendeuse pour consentir à la SCI La Foncière Harmony un bail avec faculté de sous-location (cf. Pièce n° 4), ce qui démontre que cette dernière avait bien la capacité de sous-louer les locaux litigieux à l’association Education et Savoir.

De plus, les circonstances de l’espèce et la communication entre les avocats des deux partie (cf. notamment pièce n° 13 de la défenderesse : courrier de son avocat à l’avocat de la SCI La Foncière Harmony ) démontrent que le contrat de sous-bail a été conclu en ttoute transparence sur la situation de la SCI La Foncière Harmony et que la défenderesse savait, bien avant que le litige ne débute entre les parties, qu’elle occupait les lieux en tant que sous-locataire. De sorte que l’association Education et Savoir échoue à démontrer une quelconque intention dolosive de la part de la SCI La Foncière Harmony.

Les conditions du dol n’étant pas réunies, il convient de débouter l’association Education et Savoir de sa demande de nullité de l’acte du 30 avril 2019, ainsi que de ses demandes consécutives aux fins de restitution, de compensation et de dommages et intérêts pour perte de chance de conclure un véritable bail commercial et de pérenniser son fonds de commerce.

Sur la résiliation du contrat de bail

L’article 1728 du code civil prévoit que « Le preneur est tenu de deux obligations principales :

1° D'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;

2° De payer le prix du bail aux termes convenus. »

Selon l’article 1741 du code civil, « Le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements. »

En vertu de l’article 1224 du code civil, « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »

Aux termes de l’article 1227 du code civil, « La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. »

L’article 1228 du code civil dispose que « Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »

Aux termes de l’article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire comprise dans le bail, doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :

1. le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit fautif ;
2. le bailleur soit en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause ;
3. la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté.

À l'examen de l'ensemble des pièces versées aux débats, il apparaît qu’un commandement de payer a été délivré à l’association Education et Savoir le 25 janvier 2023 pour un arriéré de loyers vérifié de 650 000 € et qu’il est demeuré infructueux dans le délai imparti, l’association Education et Savoir n’ayant pas réglé la dette locative.

Ce commandement est régulier en ce qu’il correspond exactement au détail des montants réclamés préalablement au preneur par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l'article L. 145-17 alinéa 1 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.

Aussi, En faisant délivrer ce commandement, le bailleur n’a fait qu’exercer ses droits légitimes face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.

Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance. Considérant l’importance de la dette locative ainsi que la faiblesse des ressources de l’association Education et Savoir, il convient de retenir que la créance ne pourrait pas être résorbée dans les délais légaux et que celle-ci n'est donc pas en situation de régler la dette locative.

Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit à compter du 26 février 2023.

La résiliation est constatée alors que l’association Education et Savoir n'a toujours pas restitué les clés du logement. Il convient donc d’ordonner l’expulsion de l’association Education et Savoir et de dire que faute par l’association Education et Savoir d’avoir libéré les lieux de sa personnes, de ses biens et de tous occupants de son chef, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance d’un serrurier et de la force publique si besoin est.

Compte tenu du caractère particulier de l’activité exercée par l’association Education et Savoir - l’enseignement scolaire privé hors contrat à des enfants mineurs, il est indispensable de laisser aux familles des enfants scolarisées, qui ne sont pas parties prenantes au litige un délai nécessaire pour re-scolariser ces derniers dans le public ou dans le privé. A cette fin, l’expulsion avec le concours de la force publique ne saurait intervenir qu’après la signification par commissaire de justice d’un commandement de quitter les lieux au 31 juillet 2025 portant mention de la présente décision demeuré infructueux.

Il convient également de rappeler qu’aux termes de l’article L. 433-1 du code des procédures civiles d’exécution, « les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; à défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ».

L’occupation illicite des lieux par l’association Education et Savoir cause manifestement et nécessairement un préjudice à la SCI La Foncière Harmony,qui doit être réparé par l'allocation d'une indemnité d'occupation. L’indemnité d’occupation est due par l’association Education et Savoir depuis le prononcé de la résiliation du bail, jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés. Elle ne peut excéder le montant du loyer contractuel outre charges, taxes et accessoires, sans être qualifiée de clause pénale manifestement excessive. Par conséquent, l’indemnité d’occupation sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.

Par ailleurs, au vu du décompte produit par la SCI La Foncière Harmony, l'obligation de l’association Education et Savoir au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation au 27 mai 2024 se monte à 735 245.00 €, somme au paiement de laquelle il convient de condamner l’association Education et Savoir, avec intérêts au taux légal depuis le prononcé de la présente décision.

Sur la demande principale de dommages et intérêts pour résistance absusive au paiement :

En vertu de l’article 1240 du code civil, “Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

En l’espèce, la SCI La Foncière Harmony ne démontrant pas avoir subi de manière évidente et incontestable un préjudice distinct du retard dans la perception des loyers, indemnisé par les intérêts légaux, il convient de rejeter cette demande

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour compensation des travaux réalisés par la sous-locataire :

Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l’espèce, l’association Education et Savoir échoue à démontrer en quoi a consisté la main d’oeuvre bénévole qui a réalisé les travaux dans les locaux donnés à bail à hauteur de 125 785 euros, ce qui interroge en outre sur le respect du cadre légal s’agissant de l’intervention de ces ouvriers.

En conséquence, il convient de rejeter la demande indemnitaire formée par l’association Education et Savoir.

Sur les demandes complémentaires :

Il n’existe aucune raison de suspendre l’exécution provisoire de la présente décision, applicable de plein droit.

Il convient de condamner l’association Education et Savoir, partie succombant au principal, à payer les entiers dépens de l’instance qui comprendront notamment le coût du commandement de payer

Il convient enfin de condamner l’association Education et Savoir à payer à la SCI La Foncière Harmony la somme de 1 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par décision contradictoire, mise à disposition des parties au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE l’association Education et Savoir de sa demande de nullité du contrat de bail ;

CONSTATE l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 26 février 2023;

ACCORDE à l’association Education et Savoir un délai pour quitter les lieux situés au [Adresse 2] à [Localité 5] jusqu’au 31 juillet 2025 ;

ORDONNE, à défaut de restitution volontaire des lieux après la signification par commissaire de justice d’un commandement de quitter les lieux au 31 juillet 2025, l’expulsion de l’association Education et Savoir et de tout occupant de son chef avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier;

DIT, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point ;

FIXE l’indemnité d’occupation due par l’association Education et Savoir, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;

CONDAMNE l’association Education et Savoir à payer à la SCI La Foncière Harmony la somme de 735 245.00 € au titre du solde des loyers, charges et accessoires arriérés au 27 mai 2024 ainsi que les indemnités d’occupation antérieures et postérieures, outre intérêts au taux légal depuis le prononcé de la présente décision;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE l’association Education et Savoir à payer les entiers dépens, en ce compris le coût du commandement ;

CONDAMNE l’association Education et Savoir à payer à la SCI La Foncière Harmony la somme de 1 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu de suspendre l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait à CRETEIL, L’AN DEUX MIL VINGT QUATRE ET LE NEUF JUILLET

LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE PAR LE PRESIDENT ET LE GREFFIER PRESENTS LORS DU PRONONCE.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Créteil
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24/00728
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;24.00728 ?
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