MINUTE N° :
JUGEMENT DU :28 Juin 2024
DOSSIER N° :N° RG 22/05265 - N° Portalis DB3T-W-B7G-TTZN
AFFAIRE :FRANCE TRAVAIL IDF C/ [H] [R]
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
3ème Chambre
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT :Monsieur VERNOTTE, Vice-Président
Statuant par application des articles 812 à 816 du Code de Procédure Civile, avis préalablement donné aux Avocats.
GREFFIER :Mme REA
PARTIES :
DEMANDERESSE
FRANCE TRAVAIL IDF ancienement dénommée POLE EMPLOI IDF, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Julie GIRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0729
DEFENDEUR
Monsieur [H] [R], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Benjamin MERCIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0138
Clôture prononcée le : 11 janvier 2024
Débats tenus à l’audience du : 29 avril 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 28 juin 2024
Jugement prononcé par mise à disposition au greffe du 28 juin 2024
EXPOSE DU LITIGE :
Le 28 juin 2022, Pôle Emploi Île-de-France devenu FRANCE TRAVAIL a délivré une contrainte n° UN612201224 à l’encontre de M. [H] [R], portant sur la somme de 54 817,51 € au motif d’allocations chômage indûment perçues entre le 29 janvier 2018 et le 31 août 2019. La contrainte a été signifiée par huissier le 6 juillet 2022.
Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 1er août 2022, M. [H] [R] a formé opposition à la contrainte devant le Tribunal Judiciaire de Créteil.
Par ordonnance du 26 mai 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir, soulevée par Pôle Emploi, tirée de la forclusion de l’opposition à contrainte, et a renvoyé les parties à conclure sur le fond.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024 et l’affaire a été plaidée à l’audience du 29 avril 2024.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 04 janvier 2024, FRANCE TRAVAIL a demandé au tribunal de confirmer la contrainte, et de condamner M. [H] [R] à lui payer :
- la somme de 45 391,19 € en principal, au titre du recouvrement de l’indu ;
- la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 2 décembre 2023, M. [H] [R] a pour sa part demandé au tribunal :
in limine litis :
- de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes en destitution de l’indu formées par FRANCE TRAVAIL, à l’exception de l’échéance du mois d’août 2019 ;
à titre principal :
- d’annuler la contrainte du 28 juin 2022 et de débouter FRANCE TRAVAILFRANCE TRAVAIL de l’ensemble de ses demandes ;
subsidiairement :
- de débouter au moins partiellement FRANCE TRAVAIL de ses deamndes, en considérant qu’elle a commis une faute à l’origine de 80 % du préjudice subi par M. [H] [R], et de minimiser le montant des éventuelles condamnations qui seraient prononcées à l’encontre de M. [H] [R] ;
en tout état de cause :
- de condamner FRANCE TRAVAIL à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
- d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire.
M. [H] [R] a notamment soutenu :
- que le juge de la mise en état a fait droit à la demande de nullité de l’acte de signification de la contrainte ;
- que dès lors la date de juillet 2022 n’a plus lieu d’être, ce qui a une influence sur la prescription de la répétition de l’indu ;
- que la contrainte existe toujours, mais qu’elle aurait dû être re-signifiée ; qu’une signification de nouvelles conclusions ne vaut pas signification de contrainte.
A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 28 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l’opposition à contrainte
En vertu de l’article R. 5426-22 du Code du travail, « Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification.
L'opposition est motivée. Une copie de la contrainte contestée y est jointe.
Cette opposition suspend la mise en œuvre de la contrainte.
La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire. »
En l’espèce, M. [H] [R] a formé opposition le 1 août 2022 à la contrainte qui lui a été signifiée le 6 juillet 2022, soit dans le délai légal. Cette opposition est motivée. En conséquence, il convient de déclarer recevable l’opposition à contrainte.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
En vertu de l’article 789 du code de procédure civile, applicable à toutes les actions engagées postérieurement au 01 janvier 2020, « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. ».
L’article 791 du code de procédure civile dispose que « Le juge de la mise en état est saisi par des conclusions qui lui sont spécialement adressées distinctes des conclusions au sens de l'article 768, sous réserve des dispositions de l'article 1117. »
Ces dispositions légales sont applicables au présent litige, puisque l’opposition a été formée par M. [H] [R] le 01 août 2022.
En l’espèce, M. [H] [R] prétend que l’action en recouvrement de FRANCE TRAVAIL serait prescrite.
M. [H] [R] a certes soulevé ces exceptions in limine litis, mais il a adressé ses écritures au juge du fond et non au seul juge de la mise en état, en regroupant dans le dispositif les exceptions in limine litis et les demandes au fond.
Dès lors, M. [H] [R] sera déclaré irrecevable à soulever devant le juge du fond des exceptions qui relèvent de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Il convient par ailleurs de relever que dans le dispositif de son ordonnance du 26 mai 2023, le juge de la mise en état n’a pas prononcé la nullité de l’acte de signification de la contrainte, mais a simplement déclaré recevable l’opposition à contrainte formée par M. [H] [R]. La contrainte n’est pas annulée, et le tribunal est valablement saisi de l’examen au fond de la créance réclamée par FRANCE TRAVAIL, sans qu’il y ait lieu de re-signifier la contrainte à M. [H] [R].
Sur la demande principale
En vertu de l’article 2 de la convention du 14 avril 2017 relative à l’indemnisation du chômage, « § 1er - Le dispositif national interprofessionnel d'assurance chômage est destiné à assurer un revenu de remplacement pendant une durée déterminée aux travailleurs involontairement privés d'emploi remplissant les conditions d'éligibilité au dispositif.
§ 2 - A cet effet, le dispositif d'assurance chômage est articulé autour d'une filière unique respectant les principes suivants :
l'ouverture aux droits à indemnisation est subordonnée à une condition de durée minimale d'affiliation au régime d'assurance chômage appréciée sur la base des jours travaillés ou des heures travaillées au cours d’une période de référence affiliation, dans la limite de 5 jours par semaine civile ;
le salaire journalier de référence est calculé, dans les conditions prévues par le règlement général annexé, en tenant compte du nombre de jours travaillés sur une période de référence calcul ;
la durée d’indemnisation est équivalente au nombre de jours travaillés sur la période de référence affiliation et dans la limite d'un plafond variant selon l’âge des bénéficiaires à la fin du contrat de travail ;
ces nouvelles modalités de détermination du droit sont adaptées afin de maintenir une notification et un versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi en jours calendaires. »
L’article 3 §1 du règlement général annexé à ladite convention prévoit que « Les salariés privés d'emploi doivent justifier d'une durée d'affiliation correspondant à des périodes d'emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant dans le champ d'application du régime d'assurance chômage. »
L’article 4 du même règlement dispose que « Les salariés privés d'emploi justifiant d'une durée d'affiliation telle que définie aux articles 3 et 28 doivent :
a) être inscrits comme demandeur d'emploi ou accomplir une action de formation inscrite dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi ;
b) être à la recherche effective et permanente d'un emploi ;
c) ne pas avoir atteint l'âge déterminé pour l'ouverture du droit à une pension de retraite au sens du 1° de l'article L. 5421-4 du code du travail ou ne pas bénéficier d'une retraite en application des articles L. 161-17-4 , L. 351-1-1 , L. 351-1-3 et L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et des 3e et 7e alinéas du I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Toutefois, les personnes ayant atteint l'âge précité sans pouvoir justifier du nombre de trimestres d'assurance requis au sens des articles L. 351-1 à L. 351-6-1 du code de la sécurité sociale (tous régimes confondus)Note : , pour percevoir une pension à taux plein, peuvent bénéficier des allocations jusqu'à justification de ce nombre de trimestres et, au plus tard, jusqu'à l'âge prévu au 2° de l'article L. 5421-4 du code du travail.
De plus, les salariés privés d'emploi relevant du régime spécial des Mines, géré, pour le compte de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), par la Caisse des dépôts et consignations, ne doivent être :
ni titulaires d'une pension de vieillesse dite « pension normale », ce qui suppose au moins 120 trimestres validés comme services miniers ;
ni bénéficiaires d'un régime dit « de raccordement » assurant pour les mêmes services un complément de ressources destiné à être relayé par les avantages de retraite ouverts, toujours au titre des services en cause, dans les régimes complémentaires de retraite faisant application de la convention collective nationale du 14 mars 1947 et de l'accord du 8 décembre 1961 ;
d) être physiquement aptes à l'exercice d'un emploi ;
e) n'avoir pas quitté volontairement, sauf cas prévus par un accord d'application, leur dernière activité professionnelle salariée, ou une activité professionnelle salariée autre que la dernière dès lors que, depuis le départ volontaire, il ne peut être justifié d'une durée d'affiliation d'au moins 65 jours travaillés ou 455 heures travaillées ;
f) résider sur le territoire relevant du champ d'application du régime d'assurance chômage visé à l' article 5 § 1er de la convention. »
Enfin, l’article 27 §1 indique que « Les personnes qui ont indûment perçu des allocations ou des aides prévues par le présent règlement doivent les rembourser. Ce remboursement est réalisé sans préjudice des sanctions pénales résultant de l'application de la législation en vigueur, pour celles d'entre elles ayant fait sciemment des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue d'obtenir le bénéfice de ces allocations ou aides. »
En vertu de l’article L. 5426-8-2 du Code du travail, « Pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi pour son propre compte, pour le compte de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, pour le compte de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne en son sein peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. »
***
A l’examen des pièces versées aux débats, il apparaît que M. [H] [R] a bien perçu des allocations retour à l’emploi. Alors qu’il devait être indemnisé au taux journalier net de 89,75 euros du 16 mai 2018 au 31 août 2019, soit à hauteur de 24 541,18 €, M. [H] [R] a été indemnisé au taux journalier net de 161,90 € du 29 janvier 2018 au 31 août 2019 à hauteur de 79 358,69 €.
M. [H] [R] ne conteste pas les modalités du calcul rectificatif détaillé dans les écritures de FRANCE TRAVAIL, si bien qu’il convient de le reprendre.
Le trop perçu par M. [H] [R] est ainsi de 54 817,51 €.
Contrairement à ce qu’allègue M. [H] [R], il ne saurait y avoir de responsabilité de FRANCE TRAVAIL dans ce versement trop élevé, dès lors qu’il s’explique exclusivement par une double erreur du dernier employeur de M. [H] [R], la société 3e Oeil Productions, qui s’est trompé sur son dernier jour de travail payé (22 novembre 2017 alors que M. [H] [R] a été en arrêt maladie du 26 octobre 2016 au 30 septembre 2017, si bien que son dernier jour de travail payé est le 25 octobre 2016) ainsi que sur le nombre d’heures d’absence mensuelle, tout en indiquant un maintien de salaire.
Cette erreur de l’employeur de M. [H] [R] a entraîné un calcul erroné de la période de référence de calcul de M. [H] [R],de son alaire de référence, de son salaire journalier de référence et, partant, de son allocation journalière.
FRANCE TRAVAIL etant légitime à se fonder sur les attestations de l’employeur du bénéficiare des allocations, elle n’a commis aucune faute en versant à M. [H] [R] la somme de 79 358,69 € alors qu’il n’aurait dû percevoir que 24 541,18 €. L’indu est donc caractérisé à hauteur de 54 817,51 €, et FRANCE TRAVAIL est bien fondée à recouvrer l’intégralité de somme entre les mains de M. [H] [R], sans devoir supporter un quelconque partage de responsabilité.
FRANCE TRAVAIL Ayant procédé à des retenues sur les allocations de M. [H] [R], il reste dû par ce dernier, au jour du présent jugement, la somme de 45 391,19 €.
Dans ces circonstances, il convient de débouter M. [H] [R] de l’intégralité de ses prétentions, de valider la contrainte pour la somme de 45 391,19 € et de le condamner à payer cette somme à FRANCE TRAVAIL, outre intérêts au aux légal à compter de la signification de la présente décision ;.
Sur les autres demandes
L’équité commande de ne pas allouer d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire, et il n’y a pas lieu d’en décider autrement.
Enfin, M. [H] [R] sera condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant après débats publics, par décision contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,
DECLARE recevable l’opposition formée par M. [H] [R] ;
DEBOUTE M. [H] [R] de l’intégralité de ses prétentions ;
VALIDE la contrainte UN612201224 du 28 juin 2022 décernée par FRANCE TRAVAIL à l’encontre de M. [H] [R], signifiée par huissier le 6 juillet 2022 ;
CONDAMNE M. [H] [R] à payer la somme de 45 391,19 € à FRANCE TRAVAIL, outre intérêts au aux légal à compter de la signification de la présente décision ;
DIT n’y avoir lieu de suspendre l’exécution provisoire ;
DIT n’y avoir lieu d’accorder d’indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [H] [R] aux entiers dépens.
Fait à Créteil, le 28 juin 2024
LE PRESENT JUGEMENT A ETE SIGNE PAR LE PRESIDENT ET LE GREFFIER PRESENTS LORS DU PRONONCE.
Le GREFFIER Le PRESIDENT