JUGEMENT DU : 27 Août 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/03237 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GEHW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE
CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT du 27 Août 2024
Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS
Madame [S] [V]
née le 11 Février 1986 à [Localité 6] (Royaume-Uni),
Monsieur [L] [H]
né le 08 Octobre 1992 à [Localité 5],
demeurant ensemble [Adresse 3]
représenté par Me Charlotte VARVIER, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 87
DEFENDERESSE
Compagnie d’assurance ABEILLE IARD & SANTE (anciennement AVIVA ASSURANCES )prise en qualité d’assureur de la Société AJC CV CREATION,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 16
INTERVENANTE VOLONTAIRE
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE désignée en qualité de liquidateur de la Société AJC CV CREATION immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE B 749 892 436,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 16
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : Madame BLIN, Vice Présidente
GREFFIER : Madame LAVENTURE,
DÉBATS : à l’audience publique du 17 Juin 2024
JUGEMENT : rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] ont acquis au cours de l'année 2019 un appartement situé [Adresse 3].
Suivant devis en date du 24 avril 2019, Madame [V] et Monsieur [H] ont confié à la SAS AJC CV CREATION la rénovation complète de leur appartement pour un prix de 34.104,10 euros. La même année, les travaux ont été réalisés et intégralement payés.
En août 2020, Madame [V] et Monsieur [H] ont constaté un écoulement d'eau au niveau du plafond.
La société AVIVA ASSURANCES (devenue la SA ABEILLE IARD&SANTE), en sa qualité d'assureur de la SAS AJC CV CREATION, a diligenté une expertise amiable auprès du cabinet EUREXO PJ. Les opérations d'expertise se sont tenues contradictoirement le 07 juillet 2021. L'expert a rendu son rapport définitif le 11 mai 2021, lequel indique qu'au moment de la pose des rails des plaques de plâtre, un tuyau du système de chauffage a été percé.
Par courrier en date du 20 août 2021, la société AVIVA ASSURANCES (ci-après ABEILLE IARD ET SANTE) a proposé d'indemniser le sinistre à un montant de 9.328,88 euros, proposition refusée par Madame [V] et Monsieur [H].
C'est dans ces conditions que Madame [V] et Monsieur [H] ont fait assigner, par actes de commissaire de justice séparés en date des 6 et 17 octobre 2022, la SAS AJC CV CREATION et la société AVIVA ASSURANCE (désormais SA ABEILLE IARD&SANTE) devant le tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE aux fins d'engager solidairement leur responsabilité et obtenir des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 16 novembre 2023, le tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE a constaté que l'instance a été interrompue par suite du jugement en date du 27 septembre 2023 du tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE qui a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION et a renvoyé l'affaire à l'audience électronique du juge de la mise en état du 14 décembre 2023 pour qu'il constate, sous peine de radiation, que l'instance a été valablement reprise.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2023, la SELARL MJ SYNERGIE est intervenue volontairement à la procédure en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AJC CV CREATION.
La clôture de l'instruction a été fixée au 25 janvier 2024 par ordonnance du même jour.
Prétentions et moyens des parties
Dans leurs dernières écritures, notifiées par voie électronique le 19 janvier 2024, Madame [V] et Monsieur [H] sollicitent :
- La condamnation de la société AVIVA ASSURANCES, en sa qualité d'assureur de la SAS AJC CV CREATION, à leur payer à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :
° 6.336 euros au titre de la dépose du plafond hydraulique et de son remplacement suivant devis du 31 janvier 2022, avec actualisation de la somme en fonction de l'indice du coût de la construction à la date du jugement à intervenir ;
° 3.157,88 euros au titre de la reprise des travaux suivant devis du 22 juillet 2021 avec actualisation de la somme en fonction de l'indice du coût de la construction à la date du jugement à intervenir ;
° 1.000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
° 3.921 euros au titre des frais de relogement ;
- La fixation de l'indemnisation de leur entier dommage au passif de la liquidation judiciaire de la société AJC CV CREATION.
- L'arbitrage, le cas échéant, de la répartition des sommes sollicitées entre l'assuré et son assureur ;
- Le rejet de l'ensemble des demandes formulées par la SAS AJC CV CREATION et la société AVIVA ASSURANCES ;
- La condamnation de la société AVIVA ASSURANCES au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la fixation de ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la société AJC CV CREATION ;
- La condamnation de la société AVIVA ASSURANCES aux dépens de l'instance et la fixation de ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de la société AJC CV CREATION ;
Au soutien de leurs demandes de dommages et intérêts, se fondant à titre principal sur les articles 1792, 1792-2 du code civil, Madame [V] et Monsieur [H] considèrent que la SAS AJC CV CREATION a engagé sa responsabilité décennale en perçant le plafond lors de son intervention, alors qu'il lui avait été expressément indiqué de ne pas le faire. Ils soulignent que cela a détérioré le système de chauffage qui est un élément d'équipement essentiel. Par voie d'action directe, Madame [V] et Monsieur [H] entendent également engager la responsabilité de la SA ABEILLE IARD ET SANTE en sa qualité d'assureur de la SAS AJC CV CREATION. Ils relèvent que l'assuré et l'assureur ont tous deux reconnu la responsabilité du maître d'œuvre.
A titre subsidiaire, ils invoquent les dispositions de l'article 1231-1 du code civil pour considérer qu'en agissant ainsi, la SAS AJC CV CREATION a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle de droit commun.
S'agissant de leurs préjudices liés aux travaux de remise en état, Madame [V] et Monsieur [H] expliquent que leur système de chauffage est très spécifique de sorte qu'il est compliqué de trouver une entreprise à même de procéder à son remplacement. Ils font par ailleurs savoir que les prix ont augmenté depuis leur dernier devis, de sorte qu'une actualisation du montant est nécessaire. En réponse aux défendeurs, Madame [V] et Monsieur [H] expliquent que le premier devis en date du 4 mai 2021 était valable trois mois, de sorte que la quittance indemnitaire transmise par l'assureur à la fin du mois d'août 2021 se basait sur des montants déjà datés. Ils indiquent également n'avoir pris connaissance de l'intégralité des éléments que le 17 septembre 2021, soit après l'expiration du premier devis.
S'agissant des frais de relogement et du préjudice de jouissance qu'ils estiment subir du fait des travaux de remise en état à venir, le couple souligne que l'expert a estimé à deux semaines le temps de réalisation des travaux, de sorte qu'ils vont être contraints de se reloger durant ce temps, à proximité de leur domicile et dans un logement suffisamment grand pour pouvoir télétravailler et accueillir leurs trois chats, et qu'ils vont devoir s'arranger pour la garde de leur enfant né le 30 janvier 2022.
En réponse aux parties défenderesses, Madame [V] et Monsieur [H] indiquent qu'aucune conséquence ne peut être tirée du défaut de mention, avant le 18 mai 2022, des frais de relogement et du préjudice de jouissance puisqu'aucun accord n'est intervenu entre les parties avant le début de la présente procédure en justice.
Ils ajoutent qu'à supposer qu'il soit retenu que le préjudice de jouissance ne pourra pas être garanti par l'assureur au motif qu'il n'entrerait pas dans la définition des dommages immatériels couverts, en vertu des conditions générales de la police, comme allégué par les défendeurs, il conviendra toutefois de fixer l'indemnisation due au titre du préjudice de jouissance au passif de la liquidation judiciaire de la société AJC CV CREATION.
Enfin, ils précisent que dans l'hypothèse où il serait jugé que la franchise de 10 % serait opposable aux défendeurs dans le cadre d'une condamnation prononcée à l'encontre de la société ABEILLE IARD&SANTE, cette somme devra alors être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société AJC CV CREATION.
Dans leurs dernières écritures, notifiées par voie électronique le 24 novembre 2023, la société ABEILLE IARD&SANTE (anciennement AVIVA ASSURANCES) et la SELARL MJ SYNERGIE, intervenant volontaire, prise en la personne de Maître [B]-[E] [U], désignée en qualité de liquidateur de la société AJC CV CREATION, demandent de :
- Déclarer recevable l'intervention volontaire de la SELARL MJ SYNERGIE en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AJC CV CREATION ;
- Limiter le coût de réparation du plafond hydraulique à la somme de 6.171 euros TTC ainsi que le coût des travaux de reprise suite au dégât des eaux à la somme de 3.157,88 euros TTC ;
- Rejeter toute réclamation plus ample au titre de la réparation des dommages matériels ou toute demande d'actualisation ;
- Rejeter toutes demandes de condamnation au titre des frais de relogement et du préjudice de jouissance allégués par les consorts [V]-[H] ;
- Autoriser la compagnie ABEILLE IARD ET SANTE à faire application des limites de son contrat et à opposer le montant de sa franchise contractuelle de 10% au titre de la garantie RC opposable aux tiers pour les dommages relevant des garanties facultatives ;
- Condamner in solidum Madame [V] et Monsieur [H] aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct au profit de la SCP REFFAY ET ASSOCIES ;
- Débouter Madame [V] et Monsieur [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ecarter l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir ;
A l'appui de sa demande tendant à voir déclarer recevable son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société AJC CV CREATION, la SELARL MJ SYNERGIE ès qualités se fonde sur les dispositions des articles 328 et suivants du code de procédure civile.
En réponse aux demandes de dommages et intérêts formulées par Madame [V] et Monsieur [H], la société ABEILLE IARD&SANTE et la SELARL MJ SYNERGIE ne contestent pas la responsabilité de la SAS AJC CV CREATION dans la survenance des dommages liés au percement du plafond hydraulique lors de la pose des rails. Néanmoins, Ils s'opposent à l'actualisation de la somme sollicitée par Madame [V] et Monsieur [H], indiquant qu'un chiffrage du coût des travaux de reprise a été proposé amiablement au couple le 20 août 2021, lequel se basait sur les devis obtenus par les maîtres d'ouvrage afin de comprendre l'intégralité des coûts de reprise des embellissements endommagés par le dégât des eaux, et que si la proposition amiable n'a pu aboutir et les travaux de reprise n'ont pu être réalisés rapidement, c'est en raison uniquement du rejet sans justification valable de l'assureur de ces derniers et de leur absence de réponse à la réception de l'offre.
Pour s'opposer aux préjudices de jouissance et de relogement allégués par Madame [V] et Monsieur [H], la société ABEILLE IARD&SANTE et la SELARL MJ SYNERGIE exposent que cette réclamation a été formulée pour la première fois le 18 mai 2022 dans le cadre d'un protocole d'accord, soit neuf mois après la quittance indemnitaire. De surcroît, ils exposent que les maîtres d'ouvrage ne justifient pas de la nécessité pour eux d'être relogés pendant les travaux qui ne concernent que le plafond de leur séjour. Ils soulignent également que le préjudice de jouissance soulevé fait double emploi avec le préjudice de relogement réclamé.
Au soutien de leur demande de limitation de la condamnation de la compagnie ABEILLE IARD&SANTE, cette dernière et la SELARL MJ SYNERGIE entendent faire valoir que le préjudice de jouissance allégué en demande n'entre pas dans la définition des dommages immatériels résultant des conditions générales de la police et ne s'entend pas d'un préjudice " pécuniaire ", dans la mesure où il n'est pas quantifiable et n'implique pas de perte financière pour le requérant.
Au soutien de leur demande de rejet de l'exécution provisoire, la société ABEILLE IARD& SANTE et la SELARL MJ SYNERGIE indiquent qu'une telle exécution apparaît incompatible avec la nature de l'affaire en ce qu'elle pourrait générer des conséquences excessives en cas de réformation.
L'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2024.
MOTIVATION
Sur l'intervention volontaire de la SELARL MJ SYNERGIE
En application des dispositions des article 328 et suivants du code de procédure civile, l'intervention volontaire peut être principale ou accessoire.
En l'espèce, il apparaît que par jugement en date du 27 septembre 2023, le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS AJC CV CREATION et a désigné la SELARL MJ SYNERGIE en qualité de liquidateur judiciaire.
La SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS AJC CV CREATION, est volontairement intervenue à la présence procédure par conclusions écrites notifiées électroniquement le 24 novembre 2023.
En conséquence, son intervention volontaire a un lien suffisant compte tenu de sa qualité de liquidateur de la SAS AJC CV CREATION partie à la procédure, de sorte qu'elle sera déclarée recevable.
Sur les demandes de dommages et intérêts formulées par Madame [V] et Monsieur [H]
Sur les désordres relatifs au percement du plafond hydraulique
Aux termes de l'article 1792 du code civil, en son alinéa 1er : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. "
Il résulte de l'article 1792-2 du code civil que " La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. "
Il convient de rappeler que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, ont une nature décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.
En l'espèce, il résulte des échanges de courriels intervenus les 26 et 29 avril 2019 ainsi que de la réunion entre le maître d'œuvre et les maîtres d'ouvrage en date du 20 juin 2019 que Madame [V] et Monsieur [H] ont expressément informé la société AJC CV CREATION qu'il était interdit de percer le plafond eu égard à la présence de nattes de chauffage à moins de 1 cm.
Or, il ressort du rapport d'expertise amiable intervenu le 11 mai 2021 ainsi que des échanges de courriels intervenus entre Madame [V], Monsieur [H] et la SAS AJC CV CREATION que cette dernière a reconnu avoir percé le plafond hydraulique de l'appartement lors de son intervention en 2019 dont il n'est pas contesté qu'elle a fait l'objet d'une réception tacite, le prix ayant été entièrement payé et les travaux n'ayant pas été remis en cause.
En l'état, il est constant qu'un tuyau du système de chauffage a été détérioré suite au percement du plafond, des traces d'écoulement d'eau ayant été observées à proximité, comme le rapport d'expertise amiable le confirme. Or, un tel système constitue à l'évidence un élément d'équipement essentiel au sens de l'article 1792-2 du code civil, en ce qu'il résulte des courriels précédemment cités que les nattes de chauffage faisaient, de par leur extrême proximité, corps avec l'ensemble du plafond de l'appartement.
Partant, il existe un lien d'imputabilité entre les travaux réalisés par la SAS AJC CV CREATION et les désordres constatés, de sorte que sa responsabilité décennale de plein droit doit être retenue à l'égard des demandeurs.
Sur la garantie de l'assureur
Aux termes de l'alinéa 1er de L.124-3 du code des assurances,, " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. "
En l'espèce, il ressort de l'attestation d'assurance versée aux débats que la SAS AJC CV CREATION a souscrit auprès de la SA ABEILLE IARD&SANTE une assurance de responsabilité décennale obligatoire, laquelle était valable du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, période correspondant aux travaux réalisés chez les consorts [V]-[H].
En outre, la SA ABEILLE IARD&SANTE ne conteste pas devoir sa garantie en sa qualité d'assureur responsabilité décennale de la SAS AJC CV CREATION en l'espèce.
Dans ces conditions, Madame [V] et Monsieur [H] sont fondés à se prévaloir de l'action directe à l'égard de la compagnie ABEILLE IARD&SANTE, en sa qualité d'assureur décennal de la société AJC CV CREATION dont le principe de garantie doit donc être retenu.
Sur les préjudices matériels
- Sur la dépose et le remplacement du plafond hydraulique
Il résulte de l'expertise amiable que la pose de rails pour plaques de plâtre a entraîné, de par le percement du plafond, la détérioration du système de chauffage qui s'est traduite par un écoulement d'eau. Or, il est constant que pour permettre la réparation du système de chauffage, il est nécessaire de procéder à la dépose du plafond hydraulique et à son remplacement.
En ce sens, Madame [V] et Monsieur [H] ont subi un préjudice matériel certain en lien avec le percement du plafond hydraulique commis par la SAS AJC CV CREATION, rendant justifiés les travaux de remise en état des désordres demandés.
Un premier devis établi le 4 mai 2021 par l'entreprise CADAS a estimé le coût de la dépose et du remplacement du plafond à la somme de 6.171,00 euros, prix valable trois mois, soit jusqu'au 4 août 2021. Un second devis en date du 31 janvier 2022 a actualisé le coût des travaux à la somme de 6.336,00 euros.
Si la compagnie ABEILLE et la SELARL MJ SYNERGIE ès qualités s'opposent à ce que ce second devis soit retenu en ce que l'assurance a transmis dès le 20 août 2021 une quittance indemnitaire, il apparaît toutefois qu'au moment de la communication de ce document aux consorts [V]-[H], le premier devis était déjà arrivé à expiration. Dans ces conditions, il convient d'évaluer le préjudice en tenant compte du deuxième devis.
Par conséquent, la compagnie ABEILLE IARD&SANTE sera condamnée à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 6.336,00 euros au titre du coût engendré par la dépose et du remplacement du plafond hydraulique.
Dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION et en application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré une créance de 6.336 euros au titre de ce chef de préjudice, étant précisé que la SELARL MJ SYNERGIE en a été avisée par lettre recommandée reçue le 24 novembre 2023, soit moins de 2 mois après la publication du jugement de liquidation judiciaire au BODACC.
En conséquence, la créance de 6.336,00 euros de Madame [V] et Monsieur [H] au titre de la dépose et du remplacement du plafond hydraulique sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION.
En revanche, s'agissant de la question contestée relative à l'actualisation de ce devis en fonction de l'indice du coût de la construction entre sa date et le présent jugement, il convient de tenir compte du fait que les pièces produites démontrent que les consorts [V]-[H] ont tout d'abord refusé de signer la quittance subrogative proposée par l'assureur le 20 août 2021 pour un montant de 9.328,88 euros TTC, puis ont refusé de signer le protocole d'accord amiable établi par la compagnie AVIVA qui prévoyait pourtant leur indemnisation de la façon suivante :
- 3.157,88 euros au titre du devis de la société CREA ;
- 6.336 euros TTC au titre du devis réactualisé de la société CADAS ;
- 750 euros pour la perte d'usage du logement durant les travaux dont la durée est prévue à deux semaines ;
- 1.000 euros pour les frais supplémentaires de relogement de la famille durant 11 nuits.
Aussi doit-il être considéré que le choix de Madame [V] et Monsieur [H] de ne pas avoir signé ce projet d'accord qui, pourtant, retenait le deuxième devis de la société CADAS et les indemnisait de leur préjudice de jouissance et de leurs frais de relogement à venir, leur est imputable, et ne saurait justifier que ce soit les défendeurs qui supportent ce choix procédural et l'augmentation probable des prix depuis.
Non fondée, la demande d'actualisation de ces deux devis en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction sera donc rejetée.
- Sur la reprise des travaux suite au dégât des eaux
Il résulte du rapport d'expertise amiable que plusieurs traces d'écoulement d'eau ont été observées au niveau du plafond en lien avec la détérioration du système de chauffage.
Selon le devis réalisé le 22 juillet 2021 par la SAS AJC CV CREATION, des travaux de peinture sont ainsi à prévoir pour remettre en état les plafonds et murs de l'appartement abîmés par l'eau.
Madame [V] et Monsieur [H] ont dès lors subi un préjudice matériel certain en lien avec le percement du plafond hydraulique commis par la SAS AJC CV CREATION.
Un devis a été établi le 22 juillet 2021 par la société AJC CV CREATION, lequel estimait le coût des travaux à la somme de 3.157,88 euros. Expirant le 31 décembre 2021, il apparaît qu'au moment de la transmission de la quittance indemnitaire de la compagnie ABEILLE, le devis était encore valable.
Ainsi, afin d'apprécier l'opportunité d'actualiser la somme due au titre des travaux de reprise, il convient d'analyser les raisons de l'absence d'acceptation du devis durant sa période de validité. Si la compagnie ABEILLE et la SELARL MJ SYNERGIE affirment que Madame [V] et Monsieur [H] se sont vu adresser le 20 août 2021 la quittance indemnitaire, les pièces versées au débat ne permettent pas de confirmer que ces derniers ont été touchés par ce courrier à cette date. En revanche, il est certain, compte-tenu du courriel de leur assureur de protection juridique, que Madame [V] et Monsieur [H] en ont été informés le 17 septembre 2021, soit avant l'expiration du devis. En outre, il ressort du courrier du 20 septembre 2021 rédigé par leur assureur de protection juridique que cette proposition a été refusée par ceux-ci au motif qu'il manquait une prestation dans le devis, alors qu'en réalité, pourtant, aucune prestation ne manquait pour réparer intégralement leur préjudice. A cet égard, il convient de relever que les devis versés au débat demeurent toutefois inchangés s'agissant des prestations proposées. En ce sens, le retard dans la mise en place effective des travaux de reprise n'apparaît pas résulter de l'inaction de la compagnie ABEILLE.
Par ailleurs, et comme indiqué supra, les défendeurs ne sauraient pâtir du choix des demandeurs de ne pas avoir accepté le protocole d'accord qui leur a été proposé.
Dans ces conditions, il convient de rejeter leur demande d'actualisation des prix sur l'indice du coût de la construction.
Par conséquent, la compagnie ABEILLE IARD&SANTE sera condamnée à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 3.157,88 euros au titre du coût de la reprise des travaux.
En application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré auprès de la SELARL MJ SYNERGIE une créance de 3.157,88 euros au titre de ce chef de préjudice.
En conséquence, la créance de 3.157,88 euros de Madame [V] et de Monsieur [H] au titre du coût de reprise des travaux sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION.
Sur le préjudice de jouissance
Il résulte des devis susmentionnés que les travaux à réaliser ont vocation à affecter l'ensemble de l'appartement de Madame [V] et Monsieur [H], compte tenu du remplacement du plafond hydraulique et des travaux de peinture sur tous les plafonds de l'appartement. Le devis de la SAS AJC CV CREATION en date du 22 juillet 2021 prévoit expressément deux semaines de chantier.
A cet égard, il ressort du projet de protocole amiable qu'une perte d'usage du logement est à prévoir pendant les travaux. De surcroît, l'ampleur des travaux apparaît difficilement compatible avec la présence d'une enfant en bas-âge, dont il résulte de son acte de naissance qu'elle est née le 30 janvier 2022.
Dès lors, un préjudice de jouissance certain est en lien direct avec la responsabilité décennale de la SAS AJC CV CREATION, préjudice qui ne fait pas double emploi avec les frais de relogement demandés, puisque ce préjudice de jouissance est lié aux désagréments de ce déménagement contraint pendant deux semaines.
De même, est inopérant le moyen adverse lié au fait que les demandes au titre des préjudices immatériels ont été formulées tardivement.
Eu égard au temps estimé de privation du logement pour la famille [V]-[H], il convient d'évaluer leur préjudice à la somme de 1.000 euros.
En application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré auprès de la SELARL MJ SYNERGIE une créance de 1.000 euros au titre de ce chef de préjudice.
En conséquence, la créance des demandeurs en indemnisation de leur préjudice de jouissance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION pour 1.000 euros.
S'agissant de la compagnie ABEILLE IARD&SANTE, les conditions générales du contrat d'assurance n°76799831 souscrit par la SAS AJC CV CREATION définissent le dommage immatériel comme " tout préjudice pécuniaire résultant d'une privation de jouissance totale ou partielle d'un bien ou d'un droit […] ". Le préjudice de jouissance ne pouvant se qualifier de préjudice pécuniaire, c'est de façon fondée que la compagnie ABEILLE IARD&SANTE dénie devoir sa garantie au titre du préjudice de jouissance.
Sur le préjudice financier
Comme il a été précédemment établi, Madame [V] et Monsieur [H] doivent se reloger durant les deux semaines des travaux de remise en état des désordres, ce qui entraîne inévitablement des frais supplémentaires de relogement.
Dès lors, un préjudice financier certain est en lien de causalité directe avec la responsabilité décennale de la SAS AJC CR CREATION.
S'agissant de l'évaluation de son montant, Madame [V] et Monsieur [H] fournissent plusieurs offres de logement à proximité de leur appartement susceptibles de les accueillir 11 nuits avec leur enfant et leurs trois chats. Leur exigence de proximité est notamment justifiée par le fait que le couple co-emploie avec un autre couple de parents une nourrice, dont il ressort de son contrat de travail qu'elle a vocation à intervenir alternativement à leurs domiciles respectifs situés tous deux dans le [Localité 4].
Si en l'état des pièces, les demandeurs en déduisent que le coût moyen pour leur relogement temporaire serait estimé à 3.921 euros pour 11 nuits, ce coût apparaît toutefois disproportionné avec le coût moyen d'une location raisonnable dans le [Localité 4], ce que démontre d'ailleurs l'offre airbnb pour un appartement à [Localité 4], soit à proximité de leur appartement, pour 2.640 euros pour 11 jours. Au demeurant, il convient de tenir compte du fait que la location d'une maison et non pas d'un appartement n'apparaît pas justifiée alors qu'ils vivent en appartement, et que l'exigence d'un endroit pour télétravailler ne doit pas être un motif à retenir pour une aussi courte période de 11 jours.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'évaluer le préjudice lié aux frais de relogement à la somme de 2.640 euros.
Par conséquent, la compagnie ABEILLE IARD&SANTE sera condamnée à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 2.640 euros au titre des frais de relogement.
En application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré auprès de la SELARL MJ SYNERGIE une créance de 3.921 euros au titre de ce chef de préjudice.
En conséquence, la créance de Madame [V] et Monsieur [H] de 2.640 euros au titre des frais de relogement sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION.
Sur les limites de garantie de l'assureur
Il convient de faire droit à la demande de la société ABEILLE IARD&SANTE tendant à l'autoriser, conformément aux conditions particulières du contrat d'assurance n°76799831 souscrit par la SAS AJC CV CREATION à son égard, à faire application des limites de son contrat et à opposer le montant de sa franchise de 10% au titre de sa garantie RC opposable aux tiers, pour les dommages relevant des garanties facultatives.
Sur les demandes accessoires
Sur les dépens
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
La SA ABEILLE IARD&SANTE, partie succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens.
En application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré auprès de la SELARL MJ SYNERGIE une créance au titre des dépens d'instance.
En conséquence, les dépens seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC SV CREATION.
Sur les demandes au titre des frais non-compris dans les dépens
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer (1°) à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
La SA ABEILLE IARD&SANTE, condamnée aux dépens, sera condamnée à payer à Madame [V] et Monsieur [H], une somme qu'il est équitable de fixer à 2.000 euros.
En application de l'article L.622-22 du code de commerce, Madame [V] et Monsieur [H] ont régulièrement déclaré leur créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, la créance 2.000 euros de Monsieur [H] et Madame [V] sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
DECLARE RECEVABLE l'intervention volontaire de la SELARL MJ SYNERGIE, en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS AJC CV CREATION ;
CONDAMNE la SA ABEILLE IARD&SANTE à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 6.336,00 euros au titre de la dépose du plafond hydraulique et de son remplacement ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION la créance de Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] à la somme de 6.336,00 euros au titre de la dépose du plafond hydraulique et de son remplacement ;
CONDAMNE la SA ABEILLE IARD&SANTE à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 3.157,88 euros au titre de la reprise des travaux ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION la créance de Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] à la somme de 3.157,88 euros au titre de la reprise des travaux ;
CONDAMNE la SA ABEILLE IARD&SANTE à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 2.640 euros au titre des frais de relogement ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION la créance de Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] à la somme de 2.640 euros au titre de leurs frais de relogement ;
DIT que la SA ABEILLE IARD&SANTE est en droit, conformément aux conditions particulières du contrat d'assurance n°76799831 souscrit par la SAS AJC CV CREATION à son égard, à faire application des limites de son contrat et à opposer le montant de sa franchise de 10% au titre de sa garantie RC opposable aux tiers, pour les dommages relevant des garanties facultatives ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION la créance de Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] à la somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
DEBOUTE Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] de leur demande formée au titre du préjudice de jouissance à l'encontre de la SA ABEILLE IARD&SANTE ;
DEBOUTE Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] de leur demande d'actualisation des sommes qui leur sont allouées au titre de leur préjudice matériel en fonction de l'indice du coût de la construction à la date du jugement à intervenir ;
CONDAMNE la SA ABEILLE IARD&SANTE aux dépens ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION les dépens de l'instance ;
CONDAMNE la SA ABEILLE IARD&SANTE à payer à Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SAS AJC CV CREATION la créance de Madame [S] [V] et Monsieur [L] [H] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
Ainsi dit et jugé par mise à disposition au greffe les jours, mois et an susdits.
Le greffier Le président
copie exécutoire + ccc le :
à
Me Philippe REFFAY
Me Charlotte VARVIER