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27/08/2024 | FRANCE | N°22/02567

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Chambre civile, 27 août 2024, 22/02567


JUGEMENT DU : 27 Août 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/02567 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GCQ4




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT du 27 Août 2024



Dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE

Madame [V] [X]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON, vestiaire : T1383


DEFENDERESSES

[U] OPH de l’Ain,
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par

Me Sandrine BUCHAILLE, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 348


S.A.R.L. RINALDI,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
[Adresse 7]

représentée par ...

JUGEMENT DU : 27 Août 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/02567 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GCQ4

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT du 27 Août 2024

Dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE

Madame [V] [X]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Antoine GUERINOT, avocat au barreau de LYON, vestiaire : T1383

DEFENDERESSES

[U] OPH de l’Ain,
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Sandrine BUCHAILLE, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 348

S.A.R.L. RINALDI,
dont le siège social est sis [Adresse 5]
[Adresse 7]

représentée par Me Benoit CONTENT, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 70

La compagnie CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE RHONE ALPES AUVERGNE dite GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE es qualité d’assureur de la société RINALDI.,
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 16

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Madame BLIN, Vice Présidente

GREFFIER : Madame LAVENTURE,

DÉBATS : à l’audience publique du 17 Juin 2024

JUGEMENT : rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire

ELEMENTS DU LITIGE

Madame [V] [X] est propriétaire d’une maison individuelle sise [Adresse 2].

L’établissement public [U] (sigle : OPH de l’Ain) a fait édifier un collectif de 20 logements sur le terrain mitoyen de celui de Madame [X], et pour ce faire, il a procédé à la démolition de la maison mitoyenne à celle de Madame [X], à la fin de l’année 2007.

Par courrier en date du 25 août 2008, Madame [X] a informé [U] que depuis 10 mois environ que la maison mitoyenne à la sienne avait été détruite, elle constatait des désordres dans sa maison, et notamment que son mur Est se fissurait, de même que la cloison intérieure perpendiculaire au mur Est, ainsi que de gros problèmes d’humidité au rez-de-chaussée qu’elle estimait ne jamais avoir eus auparavant.

Par courrier du 12 septembre 2008, [U] a répondu à Madame [X] qu’il allait entreprendre des travaux sur son mur mitoyen démoli, à savoir des contreforts pour sa stabilité, une étanchéité contre le mur sur une hauteur d’environ 0,80 mètre avec un remblaiement de terre, et un enduit pour éviter l’infiltration d’eau pour le mur.

Par courrier en date du 2 avril 2013, Madame [X] a informé [U] que du salpêtre était apparu sur son mur devenu extérieur après démolition de la maison mitoyenne de la sienne, et qu’elle soupçonnait que ce soit les “bancs” maçonnés ou les renforts de son mur faits par ce dernier après démolition de la maison mitoyenne qui empêchent la pierre de respirer et génèrent une humidité ou condensation.

Par mail du 5 décembre 2014, [U] a indiqué à Madame [X] qu’il diligentait une expertise privée confiée à Monsieur [O], qui a rendu un rapport le 9 février 2015 par lequel il a considéré notamment que l’eau constatée dans la maison ne se situerait qu’au niveau du rez-de-chaussée, ce qui tendrait à démontrer à son sens que l’eau proviendrait d’une remontée capillaire depuis le terrain et non de la porosité de l’enduit de façade. Il a préconisé la réalisation d’un drain perpendiculaire au mur en limite Nord du terrain, puis parallèle au mur jusqu’au Sud du terrain, et qu’il conviendrait d’assurer une parfaite étanchéité à l’eau sur les longrines en les couvrant d’une étanchéité multicouche avec un relevé sur tout le pourtour des longrines.

[U] a donc confié des travaux de drainage au pied du mur mitoyen de madame [X] à la société RINALDI pour un coût de 5 410,28 euros selon facture en date du 31 août 2015.

Par acte d’huissier de justice daté du 15 février 2019, Madame [X] a assigné l’établissement public [U] devant le président du tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE statuant en référé aux fins d’expertise.

Par ordonnance du 21 mai 2019, le juge des référés a fait droit à la demande d’expertise, au contradictoire de la société [U] et de la société RINALDI.

Monsieur [Y] a été désigné comme expert suite à une ordonnance de changement d’expert, et il a rendu son rapport d’expertise le 4 janvier 2022.

Par acte de commissaire de justice daté du 26 juillet 2022, Madame [V] [X] a fait assigner l’établissement public à caractère industriel et commercial [U], office public de l’habitat de l’Ain (sigle : OPH de l’Ain), propriétaire de l’ouvrage détruit, à comparaître devant le tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

Par actes datés des 21 et 24 octobre 2022, l’établissement public [U] a fait délivrer une assignation d’appel en cause à la société RINALDI ainsi qu’à GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, l’assureur de cette dernière.

Par ordonnance du 11 janvier 2024, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l’OPH de l’Ain et a condamné l’OPH de l’Ain à payer à Madame [X] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident, avec admission de Maître Antoine GUERINOT, avocat, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mai 2024, Madame [V] [X] sollicite de :
“Vu les articles 1240 et 1253 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats ;
DECLARER recevable et bien fondée les demandes formulées Madame [V] [X] ;
DEBOUTER la société [U] de sa demande de nullité de l’assignation ;
JUGER que [U] demeure la seule et unique responsable des désordres intervenus sur la maison de Madame [V] [X] ;
CONDAMNER [U] à verser à Madame [V] [X] la somme de 33 957 euros, outre indexation sur l’indice BT01, correspondant au montant des travaux nécessaires à la remise en état de son habitation ;
CONDAMNER [U] à verser à Madame [V] [X] la somme de 14.510 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier.
CONDAMNER [U] à verser à Madame [V] [X] la somme de 28.800 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance ;
CONDAMNER [U] à verser à Madame [V] [X] la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure Civile ;
CONDAMNER [U] aux entiers dépens de la procédure, incluant les fais d’Expertise de Monsieur [Z] [Y], liquidés à hauteur de 14 045,20 euros.
STATUER ce que de droit sur la demande de relevé garantie formulée par la société [U] contre les sociétés RINALDI et GROUPAMA ;
ORDONNER qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à son encontre par la décision à intervenir et qu’en cas d’exécution par voie extra judiciaire, judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions du décret du 26 février 2016 et de l‘arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice seront supportées par [U].”

Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 janvier 2024, [U] OPH de l’Ain, établissement public local à caractère industriel et commercial, sollicite de :
“Vu l’humidité présente dans toutes les pièces du rez de chaussée de la maison [X], en raison de son procédé constructif, de la géologie,
Vu l’article 242 du code de procédure civile
Vu l’article 1353 du code civil
Débouter Madame [X] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires car elle succombe dans la charge de la preuve de l’absence d’humidité avant la démolition de 2008,
A titre subsidiaire,
Réduire à 9.552,30 euros le montant des travaux nécessaires pour palier à la « sur humidité » constatée par l’expert judiciaire
En tout état de cause,
Vu les fautes de la société RINALIDI dans l’exécution de sa prestation de 2015 et dans son défaut de conseil,
Vu l’article 1231 du code civil
Vu l’article 1792 du code civil
Condamner in solidium la société RINALDI et son assureur GROUPAMA à relever et garantir la société [U] de l’ensemble des condamnations à intervenir en principal, intérêts et accessoires,
A minima, condamner la société RINALDI qui n’a pas réalisé le solin demandé en 2015 à prendre en charge toutes les conséquences pécuniaires des demandes de Madame [X] soit 98.405,20 euros
Condamner in solidum la société RINALDI et son assureur GROUPAMA à verser à la société [U] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700.
Condamner les mêmes aux entiers dépens.”

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 juin 2023, la SARL RINALDI sollicite de :
“Débouter DYNACITÉ de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre de la société RINALDI.
Subsidiairement, condamner la caisse GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE à relever et garantir la société RINALDI de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Condamner DYNACITÉ à payer à la SARL RINALDI la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC.
La condamner aux entiers dépens.”

Dans ses dernières conclusions notifiées le 15 janvier 2024, la Compagnie CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE RHONE ALPES AUVERGNE, dite GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, Caisse de réassurances mutuelles agricoles, sollicite de :
“Vu l’article 1231 du Code civil,
Vu le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [Y] du 4 janvier 2022,
DEBOUTER la Société [U], OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE L’AIN de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, la responsabilité de son assurée la société RINALDI n’étant pas engagée dans le sinistre.
LIMITER le coût des travaux de reprise à la somme de 7960 euros HT.
REJETER toutes demandes de condamnations au titre du préjudice financier et du préjudice de jouissance alléguées par Madame [X] comme étant injustifiées.
DEBOUTER la Société [U], OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE L’AIN de sa demande en garantie dirigées à l’encontre de GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE au titre du préjudice de jouissance de Madame [X].
AUTORISER la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à faire application des limites de son contrat et à opposer le montant de ses franchises contractuelles, opposable à leur assurée pour les dommages relevant des garanties obligatoires et opposable aux tiers pour les dommages relevant des garanties facultatives.
ECARTER l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.
CONDAMNER la Société [U], OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE L’AIN à verser à la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la Société [U], OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE L’AIN aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, autorisant la SCP REFFAY ET ASSOCIES à les recouvrer directement en application de l’article 699 du Code de procédure civile.”

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le tribunal se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2024, avec effet différé au 23 mai 2024.

A l’audience de plaidoirie du 17 juin 2024, date à laquelle l’affaire a été utilement appelée et retenue, les parties représentées ont été informées par le Président que le jugement serait rendu le 27 août 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA DECISION

- Sur les demandes principales formées par Madame [X] à l’encontre de [U]

* Sur la responsabilité de [U]

A la date de l’introduction de la présente instance, la responsabilité recherchée en l’espèce par Madame [X] liée aux troubles anormaux du voisinage était régie par le principe jurisprudentiel selon lequel “nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage”.

Si Madame [X] rappelle à juste titre, dans ses dernières écritures, que cette responsabilité a été codifiée par le nouvel article 1253 du code civil issu de la loi n°2024-346 du 15 avril 2024, il n’y a pas lieu de viser en l’espèce cet article qui n’existait pas lors de l’introduction de la présente instance, et qui n’est pas applicable aux instances déjà en cours.

L’article 1240 du code civil dispose que : “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

Il appartient donc à la demanderesse de caractériser l’anormalité du trouble qui s’apprécie par rapport au trouble prévisible auquel une personne placée en situation de voisinage doit s’attendre.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que l’élévation Est de la maison de Madame [X] connaît une sur-humidification (taux d’humidité à 100 % sur une hauteur importante de 1 à 1,50 m de haut sur le pignon Est et ses retours) qui a pour origine la mauvaise conception des travaux effectués par [U] sur le pignon, puisqu’à son sens, la démolition de la grange mitoyenne a exposé cet ancien refend mitoyen aux intempéries, et l’avancée de toiture reprise sur ce pignon est insuffisante (traces noirâtres constatées sur l’enduit). L’expert judiciaire a précisé que la présence de la longrine BA et du revêtement de façade forme barrière et empêche l’évaporation au plus près du sol de l’eau présente dans la maçonnerie, celle-ci migrant alors toujours plus haut pour trouver une surface d’évaporation suffisante. Il a également constaté qu’un enduit ciment avait été mis en oeuvre, empêchant la bonne évaporation du mur, et qu’alors que dans son courrier du 12 septembre 2008, [U] précisait qu’une étanchéité contre le mur sur une hauteur d’environ 0,80 m avec remblaiement de terre sera mise en oeuvre, ces travaux n’avaient toutefois pas été réalisés.

Il a en revanche précisé que l’humidité généralisée des pieds des élévations du rez-de-chaussée était quelque chose d’habituel pour une maison de cet âge dont le sol est posé sur terre plein.

Enfin, il a ajouté que le drain réalisé par la société RINALDI, sur les préconisations du rapport d’expertise privée de Monsieur [O], n’était pas en cause dans ce sinistre, étant précisé qu’il a observé que son utilité était contestable.

Certes, [U] oppose le fait que Madame [X] succomberait dans la charge de la preuve de l’absence d’humidité de sa maison avant la démolition de 2008, alors qu’au contraire, son procédé constructif et la géologie du terrain seraient la cause de son humidité généralisée.

Cependant, il apparaît que Monsieur [Y] a bien distingué dans les différents endroits humides de la maison litigieuse ceux qui résultaient d’une part de son ancienneté et du terrain qui contient de l’eau, et ceux d’autre part qui sont la conséquence de la démolition de la grange voisine mitoyenne.

En outre, Madame [X] démontre, par le procès-verbal de constat d’huissier du 14 novembre 2007 qu’elle produit, qu’avant cette démolition, le mur Est mitoyen adossé à la maison objet des travaux de destruction était en bon état, sans qu’il ne puisse raisonnablement lui être opposé le fait qu’elle ait fait réaliser peu de temps auparavant des travaux de peinture qui auraient masqué une humidité déjà présente, lesdits travaux n’étant que des travaux d’embellissement, et alors que l’examen des différents échanges de courriers entre les parties à cette époque corrobore une aggravation nette de cette humidité après les travaux de démolition. D’ailleurs, le rapport d’expertise judiciaire confirme la dénonciation, par Madame [X], de l’apparition de salpêtre en pied du mur pignon Est, deux ans après cette démolition, et qui existe toujours, ce qui démontre une aggravation réelle de cette humidité.

Dès lors, le seul fait que la maison de Madame [X] connaissait, avant les travaux, des “faiblesses” en termes d’humidité, est insuffisant à expliquer les constats de l’humidité anormale sur le mur Est de sa maison, qui s’est nettement aggravée et qui a des conséquences en termes de santé notamment, de sorte que l’existence d’un trouble anormal du voisinage est suffisamment démontrée par Madame [X], l’expert judiciaire ayant rappelé que ce désordre rendait l’ouvrage impropre à sa destination.

De même, DYANCITE ne saurait tenter de se voir exonérer de toute responsabilité au motif que ce serait la société RINALDI qu’il avait mandatée à la suite du rapport [O] qui aurait commis une faute en ne mettant pas un terme à l’étanchéité attendue, lors de son intervention en 2015. En effet, l’examen de sa facture du 31 août 2015 démontre que celle-ci a simplement posé un drain PVC agricole, créé un puits perdu d’infiltration des eaux pluviales et réalisé un glacis étanche en mortier comprenant la découpe soignée de l’enduit en façade, le nettoyage du support et la réalisation d’un glacis épenté avec arrondi au mortier avec adjuvent d’une colle et enduit étanche de protection. Or, l’expert judiciaire a considéré, dans son rapport, que la société RINALDI avait réalisé des travaux conformes à son devis et que le drain qu’elle avait posé, dont l’utilité est contestable selon lui, n’a pas non plus eu d’effet négatif sur la sur-humidification du pignon Est.

Compte tenu des conclusions étayées de Monsieur [Y] à la suite de réunions d’expertise contradictoires, qu’aucun autre élément objectif ne permet de remettre en cause sérieusement, (étant précisé qu’au contraire, elles corroborent celles du cabinet POLYEXPERT intervenu il y a quelques années), il convient de retenir un lien d’imputabilité entre la démolition du mur mitoyen de la maison de Madame [X] en 2007 et l’humidité anormale du mur pignon côté Est de sa maison qui était au départ un mur intérieur, et qui est devenu un mur extérieur pas assez protégé.

En conséquence, la responsabilité de l’établissement public [U] sera retenue à l’égard de Madame [X] sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

* Sur les préjudices

- Sur les travaux de remise en état

Monsieur [Y] a évalué de façon non contestable à la somme de 33 957 euros TTC le montant des travaux de remise en état du désordre affectant le mur pignon Est, en précisant bien que ces travaux permettront, à terme, de retrouver l’état initial de la construction de Madame [X] avant les travaux de [U], et qu’il n’a pris en compte que les travaux de remise en état situés dans le hall consécutifs à la sur-humidification du mur Est.

Par ailleurs, si [U] oppose le fait que l’expert judiciaire ne se serait pas expliqué sur le devis de la société ALPES BOURGOGNE CONSTRUCTION s’élevant à 7 960 euros HT, cet argument est inopérant, alors que ce devis date du 15 septembre 2021, étant précisé que Monsieur [Y] avait demandé aux parties la production de devis avant le 8 janvier 2021, ce qui explique qu’il ne se soit pas exprimé dessus.

Il n’existe donc aucun enrichissement injustifié, et le montant proposé par l’expert judiciaire sera retenu, puisqu’il permettra la réparation intégrale du préjudice subi au niveau du mur Est.

[U] sera donc condamné à payer à Madame [X] la somme de 33 957 euros TTC au titre des travaux de remise en état du désordre affectant le mur pignon Est.

Cette somme sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 4 janvier 2022 jusqu'à la date du présent jugement.

- Sur le préjudice financier

Madame [X] estime avoir subi un préjudice financier du fait des conséquences engendrées par la démolition de la construction mitoyenne à son mur au motif qu’elle a de ce fait constaté une maison plus froide de 2 degrés de moins par rapport à l’étage, et qu’elle a donc dû investir en 2014 dans un poêle à granulés pour réchauffer sa maison et sécher ses murs. Elle sollicite donc l’indemnisation d’un préjudice financier de ce fait à hauteur de 14 510 euros, décomposée comme suit : 4 700 euros pour l’achat de son poêle, 8 100 euros pour l’achat des granulés sur 9 ans, et 1 710 euros d’entretien en 9 ans.

Cependant, comme l’expert judiciaire l’a rappelé, il doit être considéré qu’il n’existe pas de lien de causalité suffisant entre l’achat de ce poêle à granulés et la sur-humidification du mur pignon Est, alors qu’il est constant que la maison de Madame [X] présente une certaine humidité générale et que la problématique de ce mur pignon Est ne concerne que l’entrée.

Non fondée, la demande d’indemnisation d’un préjudice financier sera donc rejetée.

- Sur le préjudice de jouissance

Madame [X] considère subir un préjudice de jouissance depuis la démolition en 2008 du mur mitoyen de sa maison, aux motifs qu’elle ne peut plus profiter sereinement de son habitation depuis cette date, et que l’humidité des murs de sa maison, remplis de salpêtre, sont à l’origine d’une infection pulmonaire chronique chez elle. Elle estime donc devoir être indemnisée de ce préjudice à hauteur de 150 euros par mois pendant 192 mois depuis août 2008, soit 28 800 euros.

Il est indéniable que Madame [X] a subi un préjudice de jouissance du fait de la sur-humidification de son mur pignon Est, et ce, depuis le mois d’août 2008. Or, elle justifie que cette sur-humidification et le salpêtre qui s’est développé ont nécessairement contribué à ses manifestations allergiques ORL dont elle justifie par la production d’un certificat médical du 11 décembre 2020 et d’une ordonnance en date du 7 avril 2020.

Ainsi, c’est de façon inopérante que [U] lui oppose l’absence de lien de causalité avec le mur litigieux, au motif que l’ensemble de sa maison serait humide.

Cependant, il doit tout de même être pris en compte le fait que la responsabilité de [U] concerne uniquement le mur pignon Est, soit, comme l’a rappelé l’expert judiciaire, une partie du hall de sa maison qui représente une surface d’environ 6 m², et que [U] ne saurait réparer le préjudice de jouissance lié à l’humidité du reste de la maison qui ne lui est pas imputable.

C’est pourquoi l’expert judiciaire a proposé d’évaluer ce préjudice de jouissance à la somme de 60 euros par mois et non pas 150 euros par mois comme demandé.

Toutefois, ce montant doit être ramené à de plus justes proportions et sera évalué à 50 euros par mois pendant 192 mois, soit un total de 9 600 euros.

[U] sera donc condamné à payer à Madame [X] la somme de 9 600 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance.

- Sur les demandes en garantie formées par [U] à l’encontre de la société RINALDI et de son assureur

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil s’agissant des locateurs d’ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l'article 1147 ancien du code civil s'ils sont contractuellement liés (le contrat de louage d’ouvrage entre [U] et la société RINALDI datant de 2015, soit avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations).

En l’espèce, et comme indiqué supra, aucune faute de la société RINALDI à l’origine du désordre affectant le mur pignon Est de Madame [X] n’est établie, l’expert judiciaire ayant clairement écarté tout lien de causalité et ayant rappelé que cette société avait exécuté des travaux conformes à son devis.

Dès lors, aucun manquement à son obligation de résultat, ni même à un devoir de conseil, ne saurait être reproché à la société RINALDI, alors qu’il ne lui a jamais été demandé de remédier de façon générale par tous moyens à l’humidité anormale du mur pignon Est de Madame [X], et qu’en tout état de cause, elle n’a fait que mettre en oeuvre les préconisations effectuées par Monsieur [O], quand bien même ses préconisations n’étaient peut-être pas des plus opportunes.

En conséquence, aucune faute de la société RINALDI ne sera retenue, de sorte que [U] sera débouté de ses demandes en garantie formées contre cette dernière et son assureur, la compagnie GROUPAMA.

- Sur les demandes accessoires

Partie perdante, [U] sera condamné aux dépens, qui comprendront, à titre définitif, les frais d’expertise judiciaire. La SCP REFFAY ET ASSOCIES sera autorisée à les recouvrer directement en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner [U] à payer à Madame [X] la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et de condamner [U] à payer à la société RINALDI et son assureur GROUPAMA la somme de 2 000 euros chacune au même titre.

Madame [X] ne peut exiger, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, que les sommes retenues par le commissaire de justice instrumentaire en application des dispositions du décret du 26 février 2016 et de l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice soient supportées par [U], alors que ces dispositions les mettent à la charge du créancier, et qu’en tout état de cause, il s’agit d’un préjudice hypothétique. Elle sera donc déboutée de cette demande.

Aucun motif ne justifie d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

- Condamne l’établissement public [U] à payer à Madame [V] [X] la somme de 33 957 euros TTC au titre des travaux de remise en état du désordre affectant le mur pignon Est ;

- Dit que cette somme sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 4 janvier 2022 jusqu'à la date du présent jugement ;

- Condamne l’établissement public [U] à payer à Madame [V] [X] la somme totale de 9 600 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

- Déboute Madame [V] [X] de sa demande d’indemnisation d’un préjudice financier ;

- Déboute l’établissement public [U] de ses demandes en garantie formées à l’encontre de la SARL RINALDI et de la Caisse GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE ;

- Condamne l’établissement public [U] à payer à Madame [V] [X] la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l’établissement public [U] à payer à la SARL RINALDI et la Caisse GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE la somme de 2 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute Madame [V] [X] de sa demande tendant à dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées à son encontre par le présent jugement et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par le commissaire de justice instrumentaire en application des dispositions du décret du 26 février 2016 et de l’arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice soient supportées par [U] ;

- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamne l’établissement public [U] aux dépens, comprenant, à titre définitif, les honoraires de l’expert judiciaire, et admet la SCP REFFAY ET ASSOCIES au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

- Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire.

Remis au Greffe en vue de sa mise à disposition des parties et signé par le Président et le Greffier,

Le greffier Le président

copie exécutoire + ccc le :
à
Me Sandrine BUCHAILLE
Me Benoit CONTENT
Me Antoine GUERINOT
Me Philippe REFFAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02567
Date de la décision : 27/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-27;22.02567 ?
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