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26/08/2024 | FRANCE | N°21/00135

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Ctx protection sociale, 26 août 2024, 21/00135


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL


JUGEMENT DU 26 AOUT 2024




Affaire :

Société [5]

contre :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN




Dossier : N° RG 21/00135 - N° Portalis DBWH-W-B7F-FUA7


Décision n°





Notifié le
à
- Société [5]
- CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN



Copie le
à
- SAS BDO AVOCATS [Localité 6]





COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSE

UR EMPLOYEUR : Stephan VENCHI
ASSESSEUR SALARIÉ : Aurélie BOUZOMMITA

GREFFIER : Camille POURTAL


PARTIES :

DEMANDEUR :

Société [5]
[Adresse 4]
[Localité 2]

ayant pour avocat la SAS BDO AVOCATS, Avocats au barre...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 26 AOUT 2024

Affaire :

Société [5]

contre :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN

Dossier : N° RG 21/00135 - N° Portalis DBWH-W-B7F-FUA7

Décision n°

Notifié le
à
- Société [5]
- CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN

Copie le
à
- SAS BDO AVOCATS [Localité 6]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Stephan VENCHI
ASSESSEUR SALARIÉ : Aurélie BOUZOMMITA

GREFFIER : Camille POURTAL

PARTIES :

DEMANDEUR :

Société [5]
[Adresse 4]
[Localité 2]

ayant pour avocat la SAS BDO AVOCATS, Avocats au barreau de LYON

non comparante, ni représentée

DÉFENDEUR :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’AIN
Pôle des affaires juridiques
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Mme [U] [K], munie d’un pouvoir

PROCEDURE :

Date du recours : 23 mars 2021
Plaidoirie : 06 mai 2024
Délibéré : 26 août 2024
EXPOSE DU LITIGE

Madame [X] [L]-[R] est employée par la SAS [5] à partir du 1er décembre 2000 en qualité d’opératrice de production.

Le 10 septembre 2019, elle a déclaré une maladie susceptible d'être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels auprès de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain (la CPAM) au titre d’une épicondylite droite. Elle a bénéficié de la prescription d’un arrêt de travail initial du 24 juin au 5 juillet 2019.

Après enquête et avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a notifié le 26 février 2020 à la société [5] une décision de prise en charge de la maladie déclarée par Madame [L]-[R] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Des indemnités journalières ont ensuite été versées à Madame [L]-[R] jusqu’au 31 janvier 2021, date de consolidation des lésions.

Par courrier en date du 15 octobre 2020, la société [5] a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse pour contester la durée des arrêts de travail pris en charge au titre de la maladie professionnelle.

En l'absence de réponse de la commission de recours amiable, par requête transmise au greffe de la juridiction par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 mars 2021, la société [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse de sa contestation.

Les parties ont été régulièrement convoquées devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse à l'audience du 4 mars 2024. L'affaire a fait l'objet d’un renvoi à celle du 6 mai 2024.

A cette occasion, la société [5] est dispensée de comparution. Aux termes de ses conclusions et demande au tribunal de :
- Déclarer son recours recevable,
- A titre principal, lui déclarer inopposable l’ensemble des arrêts de travail prescrits à Madame [L]-[R], au titre de la maladie du 24 juin 2019,
- A titre subsidiaire, ordonner avant-dire-droit une expertise médicale judiciaire sur pièces aux frais avancés de la CPAM ou l’employeur, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de la maladie du 24 juin 2019 déclarée par Madame [L]-[R],
- Nommer tel expert avec pour mission de :
○ Prendre connaissance de l’entier dossier médical de Madame [L]-[R] établi par la caisse,
○ Déterminer exactement les lésions provoquées par la maladie,
○ Fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe et exclusive avec ces lésions,
○ Dire si la maladie a seulement révélé ou si elle a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,
○ En tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n’est plus médicalement justifiée au regard de l’évolution du seul état consécutif à la maladie,
○ Rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties,
○ Intégrer dans le rapport d’expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires,
- Renvoyer l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit débattu du contenu du rapport d’expertise et juger inopposable les prestations prises en charge au-delà de la date réelle de consolidation et celles n’ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec la maladie du 24 juin 2019 déclarée par Madame [L]-[R].

Au soutien de ces demandes, elle fait valoir que le secrétariat de la commission médicale de recours amiable devait informer sans délai le médecin-conseil de la mise en œuvre d’un recours de l’employeur. L’entreprise ajoute que dès réception du rapport médical, la commission aurait dû le transmettre sans délai au médecin mandaté par l’employeur afin qu’il puisse se prononcer sur la justification de la longueur des arrêts de travail. La société [5] met en avant que lors de la saisine de la commission, le rapport médical n’a pas été transmis au médecin qu’elle avait mandaté. Elle en déduit que le principe du contradictoire n’a pas été respecté.

L’employeur fait également valoir que la caisse aurait dû transmettre les certificats médicaux de prolongation. La société [5] ajoute que la présomption d’imputabilité est une présomption simple pouvant être renversée si elle démontre que les arrêts de travail et les soins médicaux sont sans lien avec la maladie initiale. L’entreprise explique que le litige est d’ordre médical et que le recours à l’expertise médicale s’impose pour lui permettre de prendre connaissance de toutes les pièces du dossier de l’assuré. Elle ajoute qu’il existe suffisamment d’indices de nature à émettre un doute sérieux sur l’imputabilité professionnelle des soins et arrêts de travail prescrits à Madame [L]-[R] compte tenu de leur longueur inhabituelle, en s’appuyant sur l’avis de son médecin-conseil, le Docteur [J].

La CPAM se réfère à ses écritures et demande au tribunal de :
- Rejeter la demande d’inopposabilité de la société [5] des soins et arrêts de travail consécutifs à la maladie de Madame [L]-[R],
- Rejeter les demandes de l’employeur tendant à demander la mise en œuvre d’une expertise médicale judiciaire.

A l’appui de ces demandes, elle fait valoir que la commission médicale de recours amiable n’a aucune obligation de rendre une décision et peut choisir de rendre une décision implicite de rejet. La caisse en déduit qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir établi de rapport dès lors qu’elle avait fait le choix de ne pas rendre de décision explicite. Elle ajoute qu’en procédant par voie de rejet implicite, il n’existe aucun rapport du médecin conseil portant sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail s’agissant de la maladie professionnelle de Madame [L]-[R].

L’organisme de sécurité sociale invoque également la présomption d’imputabilité à la maladie des lésions survenues au cours de la période d’incapacité et la présomption d’imputabilité au travail des soins et arrêts pris en charge jusqu’à la date de guérison ou de consolidation des lésions. Elle ajoute que l’employeur ne démontre pas que les lésions ou les arrêts prescrits trouveraient leur origine dans une cause totalement étrangère au travail. Elle fait valoir que l’employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à établir que tout ou partie des arrêts seraient imputables à une cause étrangère au travail ou à constituer un commencement de cette preuve.

L'affaire a été mise en délibéré à la date du 1er juillet 2024. Le délibéré a été prorogé au 26 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours :

Par application des dispositions des articles L. 142-1, L.142-4 et R. 142-8 et suivants du code de la sécurité sociale, le différend d’ordre médical doit être soumis à une commission médicale de recours amiable et le tribunal doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision explicite de rejet ou de la date de la décision implicite de rejet de la commission médicale de recours amiable.

La forclusion tirée de l'expiration de ces délais de recours ne peut être opposée au requérant que si celui-ci a été informé des délais de recours et de ses modalités d'exercice.

En l'espèce, la commission médicale de recours amiable a été saisie préalablement à la juridiction.

Le recours a été exercé devant la juridiction de sécurité sociale dans des circonstances de temps qui ne sont pas critiquables.

Le recours sera en conséquence jugé recevable.

Sur le non-respect du contradictoire par la commission médicale de recours amiable :

Il est de droit que si la juridiction de sécurité sociale n'est valablement saisie qu'après rejet explicite ou implicite de la réclamation préalable instituée par le code de la sécurité sociale, il lui appartient de se prononcer sur le fond du litige, les moyens soulevés devant elle et tirés d'une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérants (En ce sens : 2 Civ, 21 juin 2018, pourvoi n° 17-27.756, Bull II n° 135).

Par voie de conséquence, la société [5] n’est pas fondée à se prévaloir d’une violation du principe du contradictoire au stade du recours préalable obligatoire pour demander à la juridiction de lui déclarer inopposable la prise en charge des arrêts de travail prescrits à la suite de la maladie professionnelle de sa salariée.

La société [5] sera déboutée de demande d’inopposabilité sur ce fondement.

Sur la demande d’expertise :

Il résulte de la combinaison des articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (en ce sens : 2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).

Par application des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver et en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l’espèce, la CPAM produit un relevé de versement d’indemnités journalières démontrant que Madame [L]-[R] a bénéficié de celles-ci à compter du 24 juin 2019 et ce jusqu’au 31 janvier 2021, date de la consolidation des lésions résultant de la maladie.

L’ensemble des lésions et arrêts de travail dont a bénéficié la victime durant cette période est dès lors présumé en lien avec la maladie professionnelle.

Il appartient alors à l’employeur d’administrer la preuve qu’il n’existe aucun lien de causalité même indirect, entre les lésions et arrêts et le travail habituel de la victime de la maladie.

Pour apporter cette preuve, ou à tout le moins solliciter l’organisation d’une expertise judiciaire, la société [5] met en avant la longueur des arrêts de travail dont a bénéficié Madame [L]-[R] au regard de la faible gravité de la lésion initiale ainsi que l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, selon l’avis de son médecin-conseil, le Docteur [J].

Or, la situation de la victime doit être appréciée in concreto. Dès lors, la référence au caractère inhabituellement long des arrêts de travail par la société [5] n’est pas pertinente, l’état de santé de la victime pouvant présenter des complications qui lui sont propres. La durée des soins et arrêts de travail ne suffit pas à elle seule à démontrer la cause totalement étrangère à la maladie professionnelle.

En outre, l’état antérieur dont fait état le médecin-conseil de l’employeur n’apparaît ni dans les arrêts de travail produits, ni clairement dans cet avis. Au contraire même, le Docteur [J] souligne que « les documents présentés n’identifient pas d’état pathologique antérieur ou postérieur ayant pu majorer l’arrêt ». A supposer qu’il existe un état antérieur, l’employeur ne produit aucun argument médico-légal permettant d’affirmer que l’évolution de l’état de santé de la salariée et ses arrêts et soins seraient exclusivement dus à une pathologie antérieure évoluant pour son propre compte, sans lien avec le travail.

En effet, un état antérieur aggravé par la maladie professionnelle bénéficie de la présomption d’imputabilité.

Dans ces conditions, la société [5] n’apporte aucun commencement de preuve quant à l’existence d’un état antérieur ou d’une cause étrangère qui serait la cause exclusive des arrêts de travail, alors que ces arrêts de travail ont été rattachés par le médecin prescripteur à la maladie professionnelle, ce qui a été validé par le service médical de la caisse.

Dès lors la société [5] n’est pas fondée en sa demande d’expertise, laquelle a pour objet de pallier sa carence dans l’administration de la preuve.

Dans ces conditions, elle sera déboutée de ses demandes.

Sur les mesures accessoires :

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant dans le cadre de la présente instance, la société [5] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE le recours de la SAS [5] recevable,

DEBOUTE la SAS [5] de l’intégralité de ses demandes,

CONDAMNE la SAS [5] aux dépens.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
Camille POURTAL Arnaud DRAGON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00135
Date de la décision : 26/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-26;21.00135 ?
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