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11/07/2024 | FRANCE | N°23/01181

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Chambre civile 2, 11 juillet 2024, 23/01181


JUGEMENT DU : 11 juillet 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/01181 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GJQR




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT du 11 juillet 2024



Dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE

Madame [V] [S]
née le 16 avril 1960 à BRASSCHAAT (Belgique)
demeurant Route de Brent 23 B - 1807 BLONAY (Suisse)

représentée par Me Laurence BENNETEAU-DESGROIS, avocat au barreau de l’Ain (T. 24)



DÉFENDEUR

Monsieur [F] [Y]
né le 31 octobre 1985 à ANNECY (74

000)
demeurant 4 rue du Château - 01340 MONTREVEL-EN-BRESSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 01053-2023-001237 du 16/05/2023 accord...

JUGEMENT DU : 11 juillet 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 23/01181 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GJQR

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT du 11 juillet 2024

Dans l’affaire entre :

DEMANDERESSE

Madame [V] [S]
née le 16 avril 1960 à BRASSCHAAT (Belgique)
demeurant Route de Brent 23 B - 1807 BLONAY (Suisse)

représentée par Me Laurence BENNETEAU-DESGROIS, avocat au barreau de l’Ain (T. 24)

DÉFENDEUR

Monsieur [F] [Y]
né le 31 octobre 1985 à ANNECY (74000)
demeurant 4 rue du Château - 01340 MONTREVEL-EN-BRESSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 01053-2023-001237 du 16/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Bourg-en-Bresse)
représenté par Me Nelly LLOBET, avocat au barreau de l’Ain (T. 56)

INTERVENANTE FORCÉE

Madame [M] [J]
née le 14 juin 1989 à DOURDAN (91410)
demeurant 343 chemin du Combeau - 71470 ROMENAY

représentée par Me Laurence BENNETEAU-DESGROIS, avocat au barreau de l’Ain (T. 24)

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRÉSIDENT : Monsieur THEVENARD,

GREFFIER : Madame LAVENTURE,

DÉBATS : à l’audience publique du 13 mai 2024

JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée du 20 juin 2014, Madame [V] [S] a consenti à Madame [M] [J] et à Monsieur [F] [Y] un prêt d’un montant de 250 000 euros pour l’achat d’une ferme à Bény (Ain), sans intérêt, la somme prêtée devant être remboursée par mensualités de 800 euros pendant vingt-six ans et un mois.

Madame [J] et Monsieur [Y] ont vendu le bien immobilier de Bény le 21 juin 2021 au prix de 216 000 euros.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 décembre 2022, délivrée le 13 décembre 2022, le conseil de Madame [S], après avoir rappelé que le bien immobilier a été vendu 216 000 euros et que Madame [J] lui a déjà payé la somme de 17 000 euros, a mis en demeure Monsieur [Y] :
- de donner son autorisation pour que la somme de 216 000 euros détenue par l’office notarial lui soit remise,
- de lui payer la somme de 17 000 euros avant la fin du mois de janvier 2023.

Par courrier de son conseil du 13 février 2023, Monsieur [Y] a notifié à l’office notarial son accord sur le déblocage de la somme de 216 000 euros au profit de Madame [S].

Par courriel du 14 février 2023, Maître [D], notaire à Montrevel-en-Bresse (Ain), a notifié au conseil de Madame [S] le déblocage de la somme de 216 000 euros au profit de celle-ci.

*

Par acte de commissaire de justice du 28 mars 2023, Madame [S] a fait assigner Monsieur [Y] devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en paiement de la somme de 17 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 2022, outre une indemnité judiciaire.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro R.G. 23/01181.

Par acte de commissaire de justice du 22 novembre 2023, Monsieur [Y] a fait assigner Madame [J] en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro R.G. 23/03513.

Par ordonnance du 21 décembre 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances R.G. 23/01181 et 23/03513, la procédure étant poursuivie sous le premier numéro.

*

Dans leurs dernières écritures (conclusions récapitulatives) notifiées par voie électronique le 19 mars 2024, Madame [S] et Madame [J] demandent au tribunal de :

“Vu les Articles 1103, 1104, 1194 et 1231-6 du Code Civil,
Vu les pièces versées au débat,

Rejetant toutes fins et conclusions contraires,

Constater que Madame [V] [S] bénéficie à l’encontre de Monsieur [F] [Y] d’une créance certaine, liquide et exigible d’un montant résiduel de 17 000 €

En conséquence,

Déclarer les demandes de Madame [V] [S] recevables et bien fondées,

Condamner Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [V] [S] la somme de 17 000 € en remboursement du solde du prêt qu’elle lui a consenti outre intérêts au taux légal à compter du 9 Décembre 2022

Condamner Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [M] [J] la somme de 1 500 € en réparation de son préjudice moral en raison de l’assignation en intervention forcée manifestement abusive

Condamner Monsieur [F] [Y] à verser à Madame [V] [S] la somme de 3 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens.”

Madame [S] soutient qu’elle dispose à l’égard de Monsieur [Y] d’une créance certaine, liquide et exigible. Elle explique que sa créance est certaine, dès lors que Monsieur [Y] ne conteste pas lui devoir la somme de 125 000 euros et qu’il a accepté, en règlement partiel de cette créance, de faire verser par le notaire la somme de 108 000 euros correspondant à sa part sur la vente du bien immobilier indivis. Elle considère que sa créance est liquide, puisque le montant du prêt était de 250 000 euros, que la part à rembourser de Monsieur [Y] est de la moitié soit 125 000 euros et que le solde à rembourser est de 17 000 euros (125 000 -108 000 = 17 000). Elle affirme que sa créance est exigible, exposant que la créance n’est pas prescrite, puisque le délai imparti n’est pas expiré. Elle ajoute que, si sa créance n’était pas exigible, Monsieur [Y] aurait conservé par devers lui sa part de vente du bien indivis.

Madame [J] demande la condamnation de Monsieur [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, faisant valoir que l’assignation en intervention forcée qu’il lui a fait délivrer est parfaitement inutile et stressante, qu’elle prend en charge au quotidien l’enfant handicapé qu’elle a eu avec lui, qu’elle se serait bien passée de cette procédure et que Monsieur [Y] n’a pas hésité à la mettre en cause, bien en vain.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, Monsieur [Y] demande au tribunal de :

“Vu les pièces produites,
Vu l’article 1104 du Code Civil,

DECLARER la demande de Madame [S] irrecevable et infondée.

REJETER toutes les demandes de Madame [S]”

Monsieur [Y] conclut au rejet de la demande de Madame [S], expliquant qu’il n’a pas été partie à l’acte par lequel de nouvelles sommes ont été empruntées à Madame [S], qu’il a quitté la ferme de Bény le 15 mars 2017, que Madame [J] a laissé le bien se dégrader, que celle-ci devait lui racheter sa part, que Madame [S] et Madame [J] doivent justifier des règlements effectués par le “justificatif de relevé de compte”, que Madame [S] ne justifie pas d’une créance liquide et exigible et que la demande de Madame [S] n’est pas fondée.

*

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l’exposé complet des moyens des parties, aux conclusions sus-visées.

Par ordonnance du 15 février 2024, le juge de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction le 6 mai 2024.

A l’audience du 13 mai 2024, la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS

1 - Sur la demande de remboursement du prêt :

Aux termes de l’article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en la cause s’agissant d’un contrat conclu avant le 1er octobre 2016, “Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.”

Aux termes de l’article 1902 du code civil, “L’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu.”

En l’espèce, Madame [S] produit la copie de l’acte de prêt conclu sous signature privée le 20 juin 2014 avec Madame [J] et Monsieur [Y].

L’acte, intitulé “PRÊT PRIVE POUR L’ACHAT D’UNE FERME”, est ainsi libellé :

“Entre [V] [S], née le 16 avril 1960 et domiciliée Route de Brent 23 B à 1807 BLONAY, Suisse, nommée ci-après le prêteur,

Et [M] [J] née le 14 juin 1989, et [F] [Y], né le 31 octobre 1985, domiciliés 855 Route de Bourg, Les Vigneuses à 01250 CORVEISSIAT, France, nommés ci-après les emprunteurs,

Est convenu ce qui suit :

1. Le prêteur prête aux emprunteurs une somme de 250000 euros (deux cent cinquante mille euros) pour l’achat d’une ferme sise à Bény dans l’Ain.
2. L’emprunt se fait sans aucun intérêt pour le prêteur.
3. Les 250000 euros sont versés sur le compte CA IBAN FR76 1810 6008 1096 7124 5552 414 au nom de [M] [J], en deux temps ; 160000 euros en date du 20 juin 2014, et 90000 euros avant le 15 septembre 2014
4. Les emprunteurs rembourseront cette somme, en versant chaque mois 800 euros sur le compte IBAN FR76 1910 6008 3443 5110 2341 760, et ceci pendant vingt-six ans, et un mois.
5. Les emprunteurs ont la possibilité de rembourser plus rapidement, en fonction de leurs moyens.

Fait à Corveissiat, le 20 juin 2014.

Signer et écrire « bon pour accord »”

Suivent les mentions manuscrites “Bon pour accord”, les signatures des parties et le cachet d’enregistrement du SIE de Bourg-en-Bresse le 25 août 2014.

Monsieur [Y] conteste l’exigibilité de la somme de 17 000 euros réclamée par Madame [S], sans présenter aucun moyen de droit ou de fait au soutien de son moyen de défense.

Il incombe à la juridiction de rechercher si la somme demandée est effectivement exigible.

Les parties ont convenu du remboursement de la somme prêtée par mensualités de 800 euros pendant vingt-six années et un mois, sans élaborer de tableau d’amortissement du prêt. La libération des fonds par le prêteur devait s’effectuer en deux versements, le premier le 20 juin 2014 et le second avant le 15 septembre 2014. En l’absence de stipulation prévoyant un différé d’amortissement, il apparaît que les parties ont convenu d’un remboursement immédiat du prêt dès sa conclusion. Les mensualités de 800 euros ont donc commencé à courir au mois de juin 2014 et devaient s’échelonner jusqu’au mois de juillet 2040.

Madame [S] ne justifie pas avoir prononcé la déchéance du terme du prêt à l’égard de Monsieur [Y]. Le contrat de prêt ne contient aucune stipulation prévoyant l’exigibilité immédiate de l’intégralité des fonds prêtés en cas de vente du bien immobilier dont l’acquisition a été financée par le prêt. La demanderesse n’allègue ni ne prouve que le remboursement anticipé de la somme de 108 000 euros par Monsieur [Y] à la suite de la vente du bien immobilier constitue de sa part une renonciation tacite au bénéfice du terme du prêt.

En l’absence de déchéance du terme du prêt et de renonciation au bénéfice du terme par le prêteur, la somme de 17 000 euros, correspondant à 42,5 mensualités de 400 euros, n’est pas exigible.

Par suite, Madame [S] sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 17 000 euros dirigée contre Monsieur [Y].

2 - Sur la demande de dommages-intérêts :

Aux termes de l’article 1240 du code civil, “Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus qu’en présence d’une faute commise par une partie dans l’exercice de son droit d’agir, cette faute pouvant résulter, notamment, d’une intention de nuire, de la mauvaise foi ou de la légèreté blâmable.

Madame [J] ne démontre pas en quoi l’action en justice intentée par Monsieur [Y] à son encontre a dégénéré en abus. Monsieur [Y], poursuivi en justice pour le remboursement d’un prêt, a pu légitimement appeler en cause son co-emprunteur, sans commettre de faute. Au surplus, Madame [J] ne prouve pas avoir subi le moindre préjudice en lien avec la faute alléguée.

Dès lors, Madame [J] sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.

3 - Sur les demandes accessoires :

Madame [S], partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.

Elle sera déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute Madame [V] [S] de sa demande en paiement de la somme de 17 000 euros outre intérêts dirigée à l’encontre de Monsieur [F] [Y] au titre du solde du prêt consenti le 20 juin 2014,

Déboute Madame [M] [J] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive dirigée à l’encontre de Monsieur [F] [Y],

Déboute Madame [V] [S] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [V] [S] aux dépens de l’instance.

Prononcé le onze juillet deux mille vingt-quatre par mise à disposition de la décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Stéphane Thévenard, vice-président, et par Sandrine Laventure, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

copie exécutoire + ccc le :
à
Me Laurence BENNETEAU-DESGROIS
Me Nelly LLOBET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 23/01181
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;23.01181 ?
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