JUGEMENT DU :04 Juillet 2024
MINUTE N°: 24/
DOSSIER N° :N° RG 22/03900 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GGQD
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE
CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 04 Juillet 2024
Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS
Monsieur [G] [T] [L]
né le 14 Novembre 1961 à BOURG EN BRESSE (01000),
demeurant 191 Chemin de Belliere - 01250 CEYZERIAT
Monsieur [U] [L]
né le 06 Octobre 1977 à BOURG EN BRESSE (01000),
demeurant 26 Impasse des Remblas - 01240 SAINT PAUL DE VARAX
Monsieur [X] [L]
né le 09 Octobre 1982 à BOURG EN BRESSE,
demeurant 13 rue Beaudelaire - 69100 VILLEURBANNE
représentés par Me Dalila BERENGER, avocat au barreau de l’Ain, vestiaire : T 7
DEFENDERESSE
Madame [R] [W] [V]
née le 01 Juillet 1979 à PARIS (75014),
demeurant 4 rue Salève - 74100 ANNEMASSE
représentée par Me Eddy NAVARRETE, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : T 279
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
PRESIDENT:Monsieur GUESDON, 1er Vice Président
ASSESSEURS:Madame BLIN, Vice Présidente
Monsieur DRAGON, Juge
GREFFIER:Madame LAVENTURE,
DÉBATS :tenus à l’audience publique du 16 Mai 2024
JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et Contradictoire
A l’audience, Madame BLIN a fait le rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile
ELEMENTS DU LITIGE
De l’union de Monsieur [I] [L] (prédécédé le 5 octobre 2006) et de Madame [C] [O] (prédécédée le 13 avril 2022), sont issus trois enfants :
- [M] [L], prédécédé le 27 novembre 2005 ;
- [G] [L] ;
- [H] [L], dont le décès a été constaté le 20 juillet 2022.
De l’union de Monsieur [M] [L] et de Madame [N] [D], sont issus deux enfants :
- [U] [L] ;
- [X] [L].
De l’union de Monsieur [H] [L] et de Madame [R] [V], sont issus deux enfants :
- [B] [L], né le 16 août 2000, décédé le 20 juillet 2022 ;
- [J] [L], née le 26 avril 2007, dont le décès a été constaté le 20 juillet 2022.
De l’union postérieure entre Monsieur [H] [L] et Madame [P] [A], tous deux décédés le 20 juillet 2022, est issu un enfant :
- [Y] [L], né le 29 octobre 2017, dont le décès a été constaté le 20 juillet 2022.
Dans la nuit du 18 au 19 juillet 2022, Monsieur [B] [L] a tué son père Monsieur [H] [L], sa belle-mère Madame [P] [A], sa soeur [J] [L], son demi-frère [Y] [L] et [Z] [K], fille de Madame [P] [A].
Le 20 juillet 2022, Monsieur [B] [L] a été abattu par les forces de l’ordre.
En l’absence de descendants, Monsieur [B] [L] laisse pour seule héritière sa mère, Madame [R] [V].
En l’absence de descendants, Monsieur [H] [L] laisse pour héritiers :
- Monsieur [G] [L], son frère ;
- Monsieur [U] [L], son neveu ;
- Monsieur [X] [L], son neveu.
Par acte d’huissier de justice daté du 16 décembre 2022, Monsieur [G] [L], Monsieur [U] [L] et Monsieur [X] [L] ont assigné Madame [R] [V], mère de Monsieur [B] [L], afin que ce dernier soit déclaré indigne de succéder à Monsieur [H] [L].
Par jugement en date du 9 février 2023, le tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE a révoqué l’ordonnance de clôture ordonnée le 12 janvier 2023, a renvoyé l’affaire et les parties devant le juge de la mise en état et invité le conseil de Madame [R] [V] à déposer ses conclusions au plus tard pour l’audience électronique du juge de la mise en état du 23 mars 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2023, Monsieur [G] [L], Monsieur [U] [L] et Monsieur [X] [L] sollicitent de :
Vu les articles 720, 725-1, 726, 727 et 727-1 du Code civil,
Vu l'article 45 du Code de procédure civile,
Vu les pièces produites,
DECLARER recevable et bien fondée la demande d'indignité successorale de Monsieur [G] [L], Monsieur [U] [L] et Monsieur [X] [L].
En conséquence,
DECLARER Monsieur [B] [L], né le 16 août 2000 à ANNECY (74), décédé le 20 juillet 2022 à DOUVRES (01), indigne de succéder à Monsieur [H] [L], né le 28 août 1970 à BOURG-EN-BRESSE, décédé le 20 juillet 2022 à DOUVRES (01) sur le fondement de l'article 727 du Code civil.
DIRE ET JUGER que cette déclaration d'indignité est opposable à Madame [R] [V], avec toutes conséquences de droit.
REJETER purement et simplement l'ensemble des demandes de Madame [R] [V] visant à déclarer Monsieur [B] [L] digne de succéder.
DIRE que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
A l’appui de leurs prétentions, ils font valoir notamment :
* qu’ils ont qualité à agir en déclaration d’indignité en application de l’article 727-1 du code civil en leur qualité d’héritier, et en vertu de l’article 725-1 alinéa 1er du code civil, puisque le procès-verbal de transport, constatations et mesures prises de la gendarmerie du 20 juillet 2022 démontre que lorsque les gendarmes interviennent ce jour-là, Monsieur [B] [L] est encore en vie, tandis que son père, Monsieur [H] [L], était déjà décédé,
* qu’ainsi, la succession de Monsieur [H] [L] s’est ouverte, laissant pour héritier son fils, Monsieur [B] [L], les deux autres descendants en ligne directe de Monsieur [H] [L], [J] et [Y], étant décédés concomitamment à leur père,
* qu’en outre, leur assignation a été délivrée dans les six mois du décès, de sorte que leur action est recevable,
* sur le fond, que le dernier alinéa de l’article 727 du code civil permet de déclarer une personne indigne de succéder en l’absence d’ouverture de l’action publique ou en cas d’extinction de l’action publique si celle-ci a volontairement donné la mort au défunt, de sorte qu’une condamnation n’est pas nécessaire,
* qu’en l’espèce, il est constant que Monsieur [B] [L] a volontairement donné la mort à son père mais a été abattu ensuite par les forces de l’ordre, de sorte qu’aucune action publique n’a pu être exercée à son encontre malgré l’ouverture d’une enquête du chef de meurtre aggravé,
* que contrairement à ce qu’allègue la défenderesse, il est impossible de déterminer le discernement ou l’irresponsabilité pénale d’une personne décédée pour laquelle l’action publique n’a pu s’ouvrir, et que cette question n’est pas un critère d’appréciation de l’indignité successorale,
* qu’en tout état de cause, les éléments de l’enquête et les éléments médicaux le concernant démontrent que Monsieur [B] [L] ne présentait pas un abolissement total ou partiel de son discernement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2023, Madame [R] [V] sollicite de :
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu l'article 727 du Code civil,
Vue la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,
REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions des Consorts [L] ;
CONSTATER l'existence des troubles psychiatriques de feu Monsieur [B] [L] ;
JUGER que ces troubles psychiatriques sont suffisamment caractérisés de sorte qu'ils ont été susceptibles d'ôter la raison de feu Monsieur [B] [L] au moment des faits ;
En conséquence,
JUGER que feu Monsieur [B] [L] ne peut pas être déclaré indigne de succéder à son défunt père ;
DIRE que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir notamment :
* qu’au regard d’un arrêt n°11-10.393 du 28 mars 2012 de la 1ère chambre civile de la cour de cassation, il doit être considéré que celui qui a tué ses parents est digne de leur succéder, dès lors que son discernement était aboli par un trouble psychique ou neuropsychique au moment des faits,
* que l’article 727 du code civil doit être interprété strictement, en ce qu’il constitue une peine civile, et que l’indignité successorale prévue par cet article n’est pas de droit,
* que Monsieur [B] [L] était atteint de troubles psychiatriques depuis plusieurs années pour lesquels il a été hospitalisé à plusieurs reprises, avec un délire de persécution vis-à-vis de son père, et que les circonstances de son acte du mois de juillet 2022 démontrent qu’il était plus que probable que son discernement ait été aboli, de sorte qu’il ne peut être déclaré indigne de succéder à son père,
* que de surcroît, si une analogie était permise avec le droit pénal, le doute profite à l’accusé,
* que l’action des demandeurs démontre une volonté de battre monnaie.
Il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2024.
A l’audience de plaidoirie du 16 mai 2024, date à laquelle l’affaire a été utilement appelée et retenue, les parties ont été informées par le Président que le jugement serait rendu le 4 juillet 2024 par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA DECISION
- Sur l’indignité successorale de Monsieur [B] [L]
A titre liminaire, il convient de rappeler que l’indignité successorale de plein droit de l’article 726 du code civil n’a pas lieu de s’appliquer, en l’absence de condamnation à une peine criminelle du fait de l’extinction de l’action publique à la suite du décès de Monsieur [B] [L].
L’article 727 du code civil, modifié par la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020, dans sa version en vigueur à la date du présent jugement, prévoit cependant une indignité successorale facultative, en disposant que :
“Peuvent être déclarés indignes de succéder :
1° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ;
2° Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner ;
2° bis Celui qui est condamné, comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle pour avoir commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt ;
3° Celui qui est condamné pour témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle ;
4° Celui qui est condamné pour s'être volontairement abstenu d'empêcher soit un crime soit un délit contre l'intégrité corporelle du défunt d'où il est résulté la mort, alors qu'il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers ;
5° Celui qui est condamné pour dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
Peuvent également être déclarés indignes de succéder ceux qui ont commis les actes mentionnés aux 1° et 2° et à l'égard desquels, en raison de leur décès, l'action publique n'a pas pu être exercée ou s'est éteinte.”
L’article 727-1 du même code précise que : “La déclaration d’indignité prévue à l’article 727 est prononcée après l’ouverture de la succession par le tribunal judiciaire à la demande d’un autre héritier. La demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès.”
L’article 725-1 alinéa 1er du même code ajoute que : “Lorsque deux personnes, dont l’une avait vocation à succéder à l’autre, périssent dans un même événement, l’ordre des décès est établi par tous moyens.”
Il apparaît donc que si l'auteur des actes visés aux deux premiers alinéas de la liste figurant à l'article 727 du code civil est décédé avant sa condamnation, il peut tout de même être déclaré indigne par le tribunal, s'il est établi qu'il a commis des faits qui auraient pu entraîner sa condamnation à une peine correctionnelle pour avoir volontairement donné la mort au défunt.
En l’espèce, il est constant que seul le dernier alinéa de l’article 727 peut recevoir application, puisque l’action publique s’est éteinte du fait du décès de Monsieur [B] [L] qui a été tué par les forces de l’ordre à la suite de la tuerie de cinq membres de sa famille, et qu’il peut être reproché à ce dernier de leur avoir volontairement donné la mort.
Plus précisément, les pièces de l’enquête pénale produites démontrent que Monsieur [B] [L] a contacté par téléphone la gendarmerie le 19 juillet 2022 à 22h57 pour signaler avoir tué cinq membres de sa famille dans la nuit du 18 au 19 juillet 2022, et que le 19 juillet 2022 à 23h51, la gendarmerie a repris contact avec lui, et ce que dernier a confirmé avoir tué son père Monsieur [H] [L], sa belle-mère Madame [P] [A], sa soeur [J] [L], son demi-frère [Y] [L], et [Z] [K], la fille de Madame [P] [A].
Or, ses déclarations sont corroborées par les photographies et vidéos qu’il a envoyées à sa mère, Madame [R] [V], que cette dernière a remises à la gendarmerie, puisqu’il ressort des pièces produites qu’elle a contacté la gendarmerie le 20 juillet 2022 à 1h30, pour indiquer avoir reçu de son fils des photographies et des vidéos montrant les cinq membres de la famille allongés au sol et “ensanglantés”, ces photographies et vidéos ayant ensuite fait l’objet d’un constat par la gendarmerie au domicile de cette dernière le 20 juillet 2022 à 2h49.
Il résulte également des éléments de l’enquête produits que le 20 juillet 2022 en milieu de matinée, le survol de la maison où se situe Monsieur [B] [L] a permis de découvrir un document manuscrit déposé devant la porte d’entrée dans lequel ce dernier précisait la localisation des corps dans la maison et dans lequel il indiquait attendre les forces de l’ordre. Puis, le 20 juillet 2022 à 11h30, l’assaut a donc été donné par les forces de l’ordre, mais Monsieur [B] [L], encore en vie, a refusé son arrestation, et a ensuite été abattu par les forces de l’ordre, de sorte que son décès a été constaté le 20 juillet 2022 à 11h50.
Les décès de Monsieur [H] [L], Madame [P] [A], [J] [L], [Y] [L], et [Z] [K] ont ensuite pu être confirmés lors de la vérification du domicile.
La chronologie non contestable des événements et des décès démontre donc que lorsque la succession de Monsieur [H] [L] s’est ouverte le 20 juillet 2022, il laissait pour lui succéder ses trois enfants, à savoir [B] [L], décédé après lui, ainsi que [J] [L] et [Y] [L], décédés en même temps que leur père.
Ainsi, en raison du décès de l’ensemble de ses descendants, il doit être considéré que Monsieur [H] [L] laisse pour héritiers les demandeurs, (ses parents étant prédécédés), à savoir son frère Monsieur [G] [L], ainsi que ses neveux Messieurs [U] et [X] [L] qui viennent en représentation de leur père prédécédé.
De son côté, la succession de Monsieur [B] [L] laisse pour seule héritière sa mère, Madame [R] [V], en l’absence de descendant.
Les demandeurs ont donc qualité à agir. De même, ils ont saisi le tribunal dans les 6 mois du décès, conformément aux dispositions de l’article 727-1 du code civil.
En conséquence, ils sont recevables à se prévaloir des dispositions de l’article 727 dernier alinéa du code civil à l’encontre de Madame [R] [V].
S’agissant ensuite de l’appréciation des conditions de l’article 727 du code civil, il est constant que Monsieur [B] [L] a volontairement donné la mort à Monsieur [H] [L], Madame [P] [A], [J] [L], [Y] [L] et [Z] [K], ce que la défenderesse ne conteste pas d’ailleurs, de sorte que l’extrême gravité de tels actes justifie que cette indignité successorale soit admise, sans que l’argument opposé en défense lié à des raisons pécuniaires puisse prospérer.
Certes, Madame [R] [V] s’oppose à une telle demande aux motifs que les troubles psychiatriques dont était atteint son fils étaient tels qu’ils auraient ôté sa raison et qu’il est plus que probable à son sens que son discernement aurait été considéré comme aboli.
Il n’est pas contestable, ni contesté d’ailleurs, que Monsieur [B] [L] présentait des troubles psychiatriques depuis ses 20 ans, puisque Madame [R] [V] démontre qu’il a été suivi par le Centre Médico-Psychologique d’AMBERIEU-EN-BUGEY où il s’est rendu les 29 mars 2021, 2 août 2021, 3 janvier 2022 et 4 mai 2022. Les compte-rendus de ces visites versés aux débats démontrent que Monsieur [B] [L] présentait des troubles dans la lignée psychotique, ainsi que des éléments d’allure hétéro-agressive qui ont inquiété l’entourage.
Madame [R] [V] démontre également que Monsieur [B] [L] a été hospitalisé sous contrainte à la demande d’un tiers au Centre Psychiatrique de l’Ain en janvier 2022 du fait d’un état délirant polymorphe dans un contexte de rupture thérapeutique et de consommation de cannabis, pour décompensation d’un trouble psychotique chronique, après une première hospitalisation en psychiatrie à l’EPSM de LA-ROCHE-SUR-FORON en décembre 2021. Or, les différentes observations cliniques de cette hospitalisation datant de janvier et février 2022 démontrent des relations avec son père très conflictuelles, avec parfois des altercations physiques, Monsieur [B] [L] se sentant très persécuté par ce dernier contre lequel il était très en colère et à qui il reprochait notamment son hospitalisation.
Cependant, l’hospitalisation sous contrainte a été levée au bout de quelques jours, pour se prolonger en soins libres jusqu’au 14 février 2022, ce qui démontre une amélioration, confirmée par le bilan clinique du 14 février 2022 concluant à l’absence de trouble grave du comportement pendant le séjour, étant précisé que le 28 janvier 2022, l’observation clinique avait précisé qu’il n’était pas retenu un diagnostic de trouble schizophrénique ou schizophréniforme à ce jour, et que le 3 février 2022, il n’avait pas été noté d’éléments franchement pathologiques hormis peut-être une note de persécution centrée sur son père.
D’ailleurs, le bilan de la dernière rencontre de Monsieur [B] [L] avec le Centre Médico-psychologique de l’Ain le 4 mai 2022 démontre qu’il a indiqué ne plus prendre son traitement depuis quasiment sa sortie d’hospitalisation, ce qui n’a pas fait l’objet d’une opposition de la part du psychiatre qui a au contraire indiqué “on convient donc de suspendre le suivi tout en lui disant qu’on reste disponible en cas de besoin.”
Si Madame [R] [V] forme la supposition, dans ses écritures, que son fils a pu être en décompensation dans la nuit des 18 et 19 juillet 2022, il n’en demeure pas moins qu’aucun élément probant ne permet de connaître son état de santé psychiatrique à ce moment-là, alors que les seuls éléments médicaux produits et connus concernent une période bien antérieure à celle des faits (de mars 2021 à mai 2022). Ainsi, l’appréciation d’une éventuelle abolition du discernement, au sens de l’article 122-1 du code pénal, n’est pas démontrée par les pièces produites, et en tout état de cause, elle ne peut résulter que d’un avis d’un expert psychiatre. Il n’y a donc pas lieu, par le présent jugement, de tenter d’interpréter le comportement de Monsieur [B] [L] au moment des faits pour en déduire des suppositions sur son absence de discernement.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de considérer que les conditions de l’article 727 in fine du code civil sont remplies en ce que Monsieur [B] [L] aurait pu être condamné pour avoir volontairement donné la mort aux différents membres de sa famille, de sorte qu’il apparaît justifié de le déclarer indigne de succéder à son père, Monsieur [H] [L], déclaration d’indignité qui sera opposable à Madame [R] [V].
- Sur les demandes accessoires
Comme demandé, et compte tenu de la nature du litige, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Déclare Monsieur [B] [L], né le 16 août 2000 à ANNECY (74), et décédé le 20 juillet 2022 à DOUVRES (01), indigne de succéder à Monsieur [H] [L], né le 28 août 1970 à BOURG-EN-BRESSE, décédé le 20 juillet 2022 à DOUVRES (01) ;
- Dit que cette déclaration d’indignité est opposable à Madame [R] [V] ;
- Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
Remis au Greffe en vue de sa mise à disposition des parties et signé par le Président et le Greffier,
Le Greffier Le Président
copie exécutoire + ccc le :
à
Me Dalila BERENGER
Me Eddy NAVARRETE