JUGEMENT DU :04 Juillet 2024
MINUTE N°: 24/
DOSSIER N° :N° RG 22/02299 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GBAW
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE
CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 04 Juillet 2024
Dans l’affaire entre :
DEMANDEURS
S.C.I. LA CHIOCCIOLA, immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n°D902 280 395
dont le siège social est sis 329 Rue du Chateau - 01170 CHEVRY
Monsieur [S] [U],
demeurant 329 Rue du Chateau - 01170 CHEVRY
Madame [G] [O],
demeurant 329 Rue du Chateau - 01170 CHEVRY
Madame [T] [X],
demeurant 323 rue du Château - 01170 CHEVRY
représentés par Me Florestan ARNAUD, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 1030
DEFENDEURS
Monsieur [W] [V],
demeurant 85 chemin du Quart Avouzon - 01170 CROZET
n’ayant pas constitué avocat
Madame [B] [V],
demeurant 85 chemin du Quart Avouzon - 01170 CROZET
n’ayant pas constitué avocat
Monsieur [P] [H],
demeurant 133 chemin des Sitelles - 01280 PREVESSIN MOENS
n’ayant pas constitué avocat
Madame [A] [R],
demeurant 261 bis chemin des Hutins Veraz - 01170 CHEVRY
S.A.R.L. DIAMUS, immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n°530 781 277,
dont le siège social est sis 13B chemin du Levant - 01210 FERNEY-VOLTAIRE
représentés par Me Christelle RICORDEAU, avocat postulant au barreau de l’Ain, vestiaire : 67, Me MEROTTO, avocat plaidant au barreau de Thonon les Bains
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré :
PRESIDENT:Monsieur GUESDON, 1er Vice Président
ASSESSEURS:Madame BLIN, Vice Présidente
Monsieur DRAGON, Juge
GREFFIER:Madame LAVENTURE,
DÉBATS :tenus à l’audience publique du 16 Mai 2024
JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et réputé contradictoire
A l’audience, Monsieur Dragon a fait le rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile
EXPOSE DU LITIGE
Madame [T] [X] et la SCI LA CHIOCCIOLA, dont Monsieur [S] [U] et Madame [G] [O] sont les co-gérants, sont propriétaires de différentes parcelles de terrain situées rue du château sur la commune de Chevry.
Par actes de commissaire de justice en date des 13 et 20 juin 2022, la SCI LA CHIOCCIOLA, Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X] ont fait assigner Monsieur [W] [V], Madame [B] [V], Monsieur [P] [H], Madame [A] [R] et la SARL DIAMUS devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour faire juger qu'ils avaient acquis, par l'effet de la prescription, la propriété de trois emplacements de stationnements et de divers accotements situés sur la parcelle reprise au cadastre de la commune de Chevry sous les références section A n° 308.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n° 2, notifiées le 5 janvier 2024 par RPVA, la SCI LA CHIOCCIOLA, Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X] demandent au tribunal de :
- Recevoir l'intégralité de leurs moyens et prétentions,
- Prononcer la possession continue et non interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire, de la SCI LA CHIOCCIOLA sur l'emplacement de stationnement situé sur la parcelle cadastrée section A n° 308, et correspondant à un emplacement dont la longueur est de 5,14 mètres partant de la limite de la parcelle cadastrée section A n° 755 en direction de la cour centrale de la parcelle cadastrée section A n° 308, et la largeur est de 5,32 mètres partant de l'alignement de la parcelle cadastrée section A n° 324 en longeant la parcelle cadastrée A n° 755, conformément au plan de géomètre-expert produit,
- Prononcer la possession continue et non interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire, de Madame [X] sur l'emplacement de stationnement situé sur la parcelle cadastrée section A n° 308, et correspondant à un emplacement dont la longueur est de 5 mètres sur un côté Nord et 4,86 mètres sur un côté Sud partant de la limite de la parcelle cadastrée section A n° 755 en direction de la cour centrale de la parcelle cadastrée section A n° 308, et la largeur est de 3,27 mètres partant de l'alignement de la parcelle cadastrée section A n° 322 en longeant la parcelle cadastrée A n° 755, conformément au plan de géomètre-expert produit,
- Prononcer la possession continue et non interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire, de la SCI LA CHIOCCIOLA sur l'accotement de la parcelle cadastrée section A n° 308 longeant la parcelle cadastrée section A n° 306,
- Prononcer la possession continue et non interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire, de Madame [X] sur l'accotement de la parcelle cadastrée section A n° 308 longeant la parcelle cadastrée section A n° 320,
Et, en conséquence :
- Prononcer la reconnaissance judiciaire de la prescription acquisitive par usucapion de ces possessions ainsi décrites,
- Prononcer que la SCI LA CHIOCCIOLA, représentée par les Consorts [U]/[O], et Madame [X] sont propriétaires de ces biens immobiliers,
- Ordonner la publication du jugement à intervenir au service de la publicité foncière,
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Débouter la SARL DIAMUS et Madame [R] de l'intégralité de leurs demandes,
- Condamner solidairement la SARL DIAMUS et Madame [R] à verser une somme de 2 000,00 euros à la SCI LA CHIOCCIOLA, représentée par les Consorts [U]/[O], et Madame [X] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner solidairement la SARL DIAMUS et Madame [R] aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes, ils invoquent les dispositions des articles 2255, 2258, 2261 et 2272 du code civil et font valoir que la parcelle cadastrée section A n° 308 appartient indivisément à la SCI LACHIOCCIOLA (50,2%), à Madame [X] (24,9%) et à d'autres coindivisaires (24,9%) dont l'identité n'est pas précisée. Ils expliquent que les propriétaires des parcelles référencées section A n° 306, 320, 324 et 755 ont toujours stationné leurs véhicules et utilisé privativement les accotements situés sur la partie de la parcelle n° 308 revendiquée dans le cadre de la présente instance et se prévalent d'une possession paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans. Ils ajoutent que les autres coindivisaires ne s'opposent pas à leur demande.
En réponse aux demande reconventionnelles, ils font valoir que la preuve d'un abus de droit ou d'une intention de nuire à l'occasion de l'exercice de leurs recours n'est pas rapportée.
Madame [R] et la société DIAMUS ont notifié leurs conclusions récapitulatives n°4 le 11 décembre 2023 par RPVA. Aux termes de celles-ci, elles sollicitent du tribunal qu'il :
A titre principal :
- Déclare irrecevable les demandes présentées par Monsieur [U] et Madame [O], à titre personnel,
- Déclare irrecevable les demandes présentées par la SCI LA CHIOCCIOLA, Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X] à l'encontre de Madame [R],
A titre subsidiaire et en tout état de cause :
- Déboute la SCI LA CHIOCCIOLA ainsi que Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X], de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
En tout état de cause :
- Condamne in solidum la SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] à laisser libre l'intégralité de l'assiette de la parcelle A n°308 dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir sous peine d'une astreinte de 1 000,00 euros par infraction constatée,
- Condamne in solidum la SCI LA CHIOCCIOLA ainsi que Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X], à leur payer la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- Condamne in solidum la SCI LA CHIOCCIOLA ainsi que Monsieur [U], Madame [O] et Madame [X], à leur payer, chacun, la somme de 3 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens.
Les défenderesses soutiennent que les conditions de l'usucapion ne sont pas remplies. Elles font valoir que la parcelle litigieuse est à usage de desserte de l'ensemble des habitations qui la jouxtent. Elles en déduisent que la situation d'indivision est forcée de sorte qu'aucun coindivisaire ne peut en solliciter le partage. Elles ajoutent que la partie du terrain revendiquée par les demandeurs constitue un espace de délestement indispensable à la circulation des véhicules et à la desserte de toutes les parcelles. La SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] font par ailleurs valoir que la preuve d'une possession dans les conditions de l'article 2261 du code civil ne sont pas réunies. Elles soulignent que les auteurs de la SCI LA CHIOCCIOLA n'ont pas pris la peine de formaliser cet état de fait dans l'acte de vente.
Au soutien de sa demande reconventionnelle, la SARL DIAMUS invoque les dispositions de l'article 815 du code civil. Elle explique que l'occupation privative de la parcelle est revendiquée par les demandeurs et que sa demande ne se heurte à aucune contestation.
A l'appui de leur demande indemnitaire, la SARL DIAMUS et Madame [R] font état du caractère manifestement abusif de la procédure initiée à leur encontre.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024.
L'affaire a été mise en délibéré à la date du 4 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité des demandes formulées par Monsieur [U] et Madame [O] à titre personnel, ces derniers n'en formulant aucune. De la même manière, alors qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de Madame [R], il n'y a pas lieu de se prononcer sur la recevabilité d'une telle prétention.
Sur la demande principale de la SCI LA CHIOCCIOLA et de Madame [X] :
L'article 2258 du code civil énonce que la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
L'article 2261 dudit code précise que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire.
Par application des dispositions de l'article 2272 du code civil, en matière immobilière, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété est de trente ans et peut être réduit à 10 ans au bénéfice de celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre.
En l'espèce, la SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] n'établissent pas que les conditions requises pour bénéficier de la prescription acquisitive abrégée soient remplies. Il leur appartient donc d'administrer la preuve d'une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque, et à titre de propriétaire durant trente ans.
A cet égard, les photographies que les demanderesses versent aux débats ne sont pas datées et sont dès lors dépourvues de toute force probante.
Il résulte des attestations produites par la SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] que les propriétaires des immeubles situés au 323 et au 329 de la rue du château ont habituellement stationné leurs véhicules sur les trois emplacements revendiqués dans le cadre de la présente procédure. Il n'est cependant pas fait état dans le cadre de ces différents témoignages d'un acte laissant à penser que la SCI LA CHIOCCIOLA, Madame [X] ou leurs auteurs aient entendu se comporter en seul propriétaire des parties de parcelle litigieuses (par exemple en les clôturant, en installant une chaîne ou un arceau empêchant le stationnement des tiers ou un panneau l'interdisant à toute autre personne que les propriétaires ou encore en payant les taxes foncières afférentes à cette partie de terrain).
Dès lors, il n'est pas rapporté la preuve d'une possession, à titre de propriétaire, durant une période trentenaire.
La SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] seront déboutées de leurs demandes.
Sur les demandes reconventionnelles de la SARL DIAMUS et de Madame [R] :
Sur la demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la SCI LA CHIOCCIOLA et à Madame [X] de laisser libre la parcelle :
L'article 815-9 du code civil énonce que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision.
En l'espèce, il est considéré comme constant que la SCI LA CHIOCCIOLA et Madame [X] sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée section A n°308.
Il n'est ni allégué, ni établi que l'usage fait par ces dernières d'une partie de la parcelle A n°308 n'est pas conforme à sa destination ou est incompatible avec le droit des autres coindivisaires.
Au contraire, il résulte des attestations versées aux débats que cet usage n'est à l'origine d'aucune difficulté depuis de nombreuses années.
Dans ces conditions, la demande reconventionnelle de la SARL DIAMUS sera rejetée.
Sur la demande indemnitaire :
Par application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, la SARL DIAMUS et Madame [R] n'administrent pas la preuve de la faute des demandeurs faisant dégénérer en abus leur droit d'ester en justice. A cet égard, la simple circonstance que d'autres procédures, dont l'issue est au demeurant à ce jour inconnue, aient été initiées entre les mêmes parties, est insuffisante pour caractériser cet abus.
Elles seront déboutées de leurs demandes indemnitaires.
Sur les mesures accessoires :
Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, la solution du litige commande que les dépens soient laissés à la charge de ceux qui les ont exposés.
Par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
La solution du litige commande de ne pas faire droit aux prétentions des parties formulées sur le fondement de ce texte.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE les parties de toutes leurs demandes, y compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
La greffièreLe président
copie exécutoire + ccc le :
à
Me Florestan ARNAUD
Me Christelle RICORDEAU