La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°23/00156

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Chambre civile 2, 06 juin 2024, 23/00156


ORDONNANCE DU:6 juin 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/00156 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GHGN





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE

Chambre Civile 2

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT



*********

Juge de la mise en état : Stéphane THEVENARD,

Greffier : Camille BOIVIN,




DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DÉFENDERESSE A L’INCIDENT

S.C.I. DEGRELLE
société civile immobilière au capital de 1 524,49 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Valenciennes sous le numéro 379 203 854,

représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis 25 rue de la Chapelle - 59600 BERSI...

ORDONNANCE DU:6 juin 2024
DOSSIER N° : N° RG 23/00156 - N° Portalis DBWH-W-B7H-GHGN

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG EN BRESSE

Chambre Civile 2

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

*********

Juge de la mise en état : Stéphane THEVENARD,

Greffier : Camille BOIVIN,

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DÉFENDERESSE A L’INCIDENT

S.C.I. DEGRELLE
société civile immobilière au capital de 1 524,49 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Valenciennes sous le numéro 379 203 854, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis 25 rue de la Chapelle - 59600 BERSILLIES

représentée par Me Laurent CORDIER, avocat au barreau de l’Ain (T. 32)

DÉFENDERESSES AU PRINCIPAL
DEMANDERESSES A L’INCIDENT

S.A.R.L. ENTREPRISE A.C.M. - MONFRAY LAVIEILLE
SARL au capital de 24 000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Villefranche-Tarare sous le numéro 400 365 227, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis ZA le Sotizon - 1117 chemin des Grands Moulins - 69400 GLEIZÉ

représentée par Me Jacques BOURBONNEUX, avocat au barreau de Lyon (T. 1020)

S.A. AXA FRANCE IARD
S.A. au capital de 214 799 030 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 722 057 460, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis 313 Terrasses de l’Arche - 92727 NANTERRE CEDEX

représentée par Me Jacques BOURBONNEUX, avocat au barreau de Lyon (T. 1020)

S.A. MMA IARD
S.A. au capital de 537 052 368 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Mans sous le numéro 440 048 882, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon - 72030 LE MANS

représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain (T. 16)

INTERVENANTE VOLONTAIRE
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
société d’assurances mutuelles, immatriculée au registre du commerce et des sociétés du Mans sous le numéro 775 652 126, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, dont le siège social est sis 14 boulevard Marie et Alexandre OYON - 72030 LE MANS

représentée par Me Philippe REFFAY, avocat au barreau de l’Ain (T. 16)

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI Degrelle est propriétaire des lots numéros 1, 2 et 5 dans un ensemble immobilier en copropriété situé 1 rue Notre-Dame et 2 rue Bichat à Bourg-en-Bresse (Ain).

Le lot numéro 2 de la copropriété a été donné à bail commercial par la SCI Degrelle à la société Mariguy.

La société Mariguy a fait entreprendre des travaux d’aménagement dans son local commercial. La société 2H agencement, assurée auprès de la société MMA IARD, a été chargée de la maîtrise d’oeuvre. La société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, assurée auprès de la société AXA France IARD, chargée des travaux d’aménagement intérieur, a réalisé des travaux de reprise en sous-oeuvre dans un mur de refend, qui ont porté atteinte à la structure de l’immeuble.

Le 9 février 2015, le maire de Bourg-en-Bresse a édicté un arrêté d’interdiction d’habiter, contraignant l’ensemble des occupants du bâtiment à quitter les lieux.

Sur autorisation du 2 mars 2015, la SCI Degrelle a fait assigner en référé d’heure à heure notamment la société Mariguy, la société 2H agencement, la société MMA IARD, la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et la société AXA France IARD par actes d’huissier de justice des 3 et 4 mars 2015 pour l’audience du 10 mars 2015.

Par ordonnance réputée contradictoire du 17 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a ordonné une expertise aux frais avancés par la SCI Degrelle, confiée à Monsieur [D] [E].

La société 2H agencement a été placée ultérieurement en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire.

L’expert judiciaire a établi son rapport le 15 septembre 2017.

Par jugement réputé contradictoire du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
- condamné in solidum la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, la société AXA France IARD, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, à payer à titre de dommages et intérêts compensatoires les sommes suivantes :
- celle de 3 363,56 euros au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 1 rue Notre-Dame, 2 rue Bichat,
- celle de 4 405,20 euros à Monsieur [N] [B] et Madame [Z] épouse [B] outre, à chacun, celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- celle de 5 561,46 euros à Madame [P], outre celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- celle de 4 572 euros à Madame [O], outre celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- celle de 5 883,72 euros à la SCI CCB,
- débouté les demandeurs du surplus de leurs demandes indemnitaires,
- condamné la société MMA IARD et la société MMA assurances mutuelles IARD, ès qualités, à relever et garantir la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et la société AXA France IARD à hauteur de 10 % de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, dépens et frais de procédure inclus,
- ordonné l’exécution provisoire du jugement,
- condamné in solidum la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, la société AXA France IARD ainsi que la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier 1 rue Notre-Dame, 2 rue Bichat, ainsi qu’à Madame [O], Monsieur et Madame [B] et Madame [P], ensemble, la somme globale de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déduction faite de la provision ad litem d’ores et déjà allouée au syndicat,
- condamné in solidum la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, la société AXA France IARD ainsi que la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, à payer à la SCI CCB sur le fondement du même texte que ci-dessus la somme de 2 500 euros,
- débouté la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, de leur demande en paiement au titre des frais de procédure,
- condamné in solidum la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, la société AXA France IARD ainsi que la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles, ès qualités, aux dépens comprenant, à titre définitif, ceux de l’instance en référé dont les honoraires de l’expert judiciaire et admis Maître Sophie Prugnaud-Servelle, avocat, au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

*

Par acte de commissaire de justice des 3 et 12 janvier 2023, la SCI Degrelle a fait assigner la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, la société AXA France IARD et la société MMA IARD devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse aux fins de voir :

“Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu l’article L 124-3 du code des assurances,
Vu le rapport d’expertise judiciaire,
Vu les pièces versées aux débats et annexées selon bordereau joint aux présentes,

JUGER que la Société ACM MONFRAY LAVIEILLE a commis une faute dans la réalisation des travaux qui lui ont été confiés par la SARL MARIGUY, à l’origine du sinistre ayant affecté l’ensemble immobilier 1 rue Notre Dame, 2 rue Bichat à BOURG-EN-BRESSE, en lien direct et certain avec les différents préjudices subis par la SCI DEGRELLE

JUGER que la garantie de la compagnie AXA FRANCE IARD SA est due au bénéfice de la société ACM MONFRAY LAVIEILLE, son assurée, au titre de sa police responsabilité civile professionnelle,

JUGER également que la SCI DEGRELLE est fondée à agir directement à l’encontre de la compagnie MMA IARD au titre de la garantie due par cette dernière à son assurée la Société 2H AGENCEMENT,

En conséquence :

CONDAMNER in solidum ACM MONFRAY LAVIEILLE, la compagnie AXA FRANCE IARD SA, la compagnie MMA IARD à payer à la SCI DEGRELLE les sommes suivantes :

- 23 768,14 € au titre des frais d’expertise, des dépens et des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de référé et d’expertise judicaire
- 8197,05 € au titre de la perte des loyers,

CONDAMNER in solidum ACM MONFRAY LAVIEILLE, la compagnie AXA France IARD SA, la compagnie MMA IARD à payer à la SCI DEGRELLE la somme de 3000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum ACM MONFRAY LAVIEILLE, la compagnie AXA FRANCE IARD SA, la compagnie MMA IARD aux entiers dépens de l’instance.”

Maître Jacques Bourbonneux s’est constitué pour le compte de la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et de la société AXA France IARD par acte notifié par voie électronique le 9 février 2023.

Maître Philippe Reffay s’est constitué pour le compte de la société MMA IARD et de la société MMA IARD assurances mutuelles, intervenante volontaire, par acte notifié par voie électronique le 11 mai 2023.

*

Par conclusions d’incident n° 2, la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et la société AXA France IARD demandent au juge de la mise en état de :

“Vu l’article 789 du Code de Procédure Civile,

DECLARER irrecevable les demandes de la SCI DEGRELLE à raison de la prescription de son action,

CONDAMNER la SCI DEGRELLE à payer respectivement aux concluantes une somme de 1 500 € sur le fondement l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.”

La société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et la société AXA France IARD opposent à la SCI Degrelle la prescription de son action, expliquant que :
- la prescription décennale prévue par l’article 1792-4-3 du code civil ne s’applique que dans les rapports entre le maître de l’ouvrage et les locateurs d’ouvrage ou personnes réputées constructeurs de l’ouvrage,
- la SCI Degrelle n’est pas maître d’ouvrage des travaux ayant généré les préjudices dont elle cherche à obtenir la réparation dans le cadre de la présente instance, puisque les travaux ont été entrepris par la société Mariguy, locataire de la SCI Degrelle,
- la SCI Degrelle ne bénéficie donc pas des recours dont pourrait disposer un maître d’ouvrage à l’encontre de ses constructeurs et ne bénéficie pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du code civil,
- les recours exercés contre elles sur le fondement de l’article 1240 du code civil sont soumis à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil,
- le rapport d’expertise sur lequel la demanderesse fonde son action a été déposé en septembre 2017,
- la SCI Degrelle n’a entrepris la présente action qu’en janvier 2023, soit plus de cinq ans après la date du dépôt du rapport d’expertise, de sorte que son action est prescrite.

En réponse à l’argumentation adverse, les demanderesses à l’incident soutiennent que la SCI Degrelle ne peut pas affirmer qu’elle n’a pas eu connaissance du dépôt du rapport d’expertise, alors que le rapport a bien été diffusé à l’ensemble des parties. Elles ajoutent que la SCI Degrelle fait une mauvaise lecture de l’article 2239 du code civil, cette disposition ne prévoyant aucunement le rallongement de six mois du délai de prescription.

*

Par conclusions récapitulatives sur incident notifiées par voie électronique le 2 octobre 2023, la société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles demandent au juge de la mise en état de :

“Liminairement,

DÉCLARER et/ou JUGER recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, ès-qualités de co-assureur de responsabilité de la Société 2H AGENCEMENT.

Vu l’article 2224 du code civil,

Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile,

- DECLARER les concluantes recevables et fondées en cet incident ;

- JUGER la SCI DEGRELLE irrecevable en son action à l’encontre des MMA pour cause de prescription de son action

- CONDAMNER la SCI DEGRELLE à verser aux concluantes la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi, sur le fondement de l’article 696, qu’aux entiers dépens de l’instance.”

La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles exposent que, à compter du 22 octobre 2015, par voie de fusion-absorption, elles se sont partagées les portefeuilles des contrats de leurs assurés avec les droits et obligations qui s’y rattachent, raison pour laquelle la société MMA IARD assurances mutuelles intervient volontairement à l’instance.

La société MMA IARD et la société MMA IARD assurances mutuelles soulèvent la prescription de l’action de la SCI Degrelle, considérant que :
- la SCI Degrelle n’est pas maître d’ouvrage des travaux ayant généré les préjudices dont elle cherche à obtenir la réparation dans le cadre de la présente instance,
- elle ne bénéficie donc pas des recours dont pourrait disposer un maître d’ouvrage à l’encontre de ses constructeurs et ne bénéficie pas des dispositions de la prescription décennale de l’article 1792-4-3 du code civil,
- les recours que la SCI Degrelle peut exercer notamment à l’encontre de la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et de son assureur, la société AXA France IARD, ne peuvent se fonder que sur la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil,
- la SCI Degrelle disposait donc d’un délai de cinq ans à partir du jour où elle a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits de nature à lui permettre d’exercer un recours pour agir à l’encontre tant de la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille qu’à l’encontre des assureurs,
- théoriquement, ce délai court de l’arrêté de péril de la ville ou au plus tard de son assignation en référé expertise, montrant qu’elle sait qu’elle doit agir au fond pour obtenir réparation de ses préjudices,
- à supposer que l’on se base sur la date la plus tardive, soit le rapport d’expertise qui fixe les indemnités calculées, rapport sur lequel la SCI Degrelle fonde son action, ce rapport a été déposé le 15 septembre 2017, de sorte que la SCI Degrelle devait agir au plus tard le 15 septembre 2022,
- l’action entreprise par assignation du 3 janvier 2023 est donc prescrite,
- la SCI Degrelle prétend, sans en justifier, que le rapport d’expertise ne lui aurait pas été transmis,
- la demanderesse au fond fait une mauvaise interprétation de l’article 2239 du code civil, qui fait repartir le délai de prescription à compter du rapport d’expertise pour minimum six mois, mais en aucun cas n’allonge le délai normal de prescription de six mois supplémentaires.

*

Dans ses conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, la SCI Degrelle demande au juge de la mise en état de :

“JUGER non prescrite l’action dirigée par la SCI DEGRELLE à l’encontre des la Société ACM MONFRAY – LAVIEILLE, la compagnie AXA France IARD et la compagnie MMA IARD,

CONDAMNER la compagnie AXA France IARD à payer à la SCI DEGRELLE la somme de 15000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la compagnie AXA FRANCE IARD SA aux entiers dépens de l’instance.”

Pour conclure au rejet des fins de non-recevoir tirées de la prescription, la SCI Degrelle fait valoir que :
- l’action en référé in futurum à fin d’expertise fondée sur l’article 145 du code de procédure civile interrompt le délai de prescription de l’action au fond,
- elle a fait assigner par acte du 3 mars 2015 devant le juge des référés le syndicat des copropriétaires, les différents copropriétaires et les intervenants à l’opération d’aménagement, à savoir la société Mariguy, la société 2H agencement et leurs assureurs, afin de solliciter l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire,
- le délai de prescription a été interrompu à cette occasion,
- le délai de prescription a été suspendu durant toute la durée de la mesure d’instruction et au-delà, à savoir six mois après la fin de la mission de l’expert judiciaire,
- l’expert judiciaire a déposé son rapport le 11 septembre 2017,
- pour des raisons qui lui échappent, l’expert ne lui a jamais adressé son rapport définitif et son conseil n’en a pas davantage été destinataire,
- nonobstant, le délai de prescription a commencé à courir de nouveau à compter du mois de mars 2018 pour une nouvelle période de cinq années,
- l’assignation a été délivrée en janvier 2023, de sorte que son action n’est pas prescrite.

*

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l’exposé complet des moyens des parties, aux conclusions sus-visées.

A l’audience du 2 mai 2024, la décision a été mise en délibéré au 6 juin 2024.

MOTIFS

1 - Sur la recevabilité de l’intervention volontaire à l’instance de la société MMA IARD assurances mutuelles :

Selon l’article 63 du code de procédure civile, l’intervention constitue une demande incidente. L’article 789, 6° du même code donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, c’est-à-dire sur la recevabilité des demandes.

La recevabilité de l’intervention volontaire de la société MMA IARD assurances mutuelles n’est pas contestée par les autres parties à l’instance, au regard des dispositions des articles 329 et 330 du code de procédure civile.

Il convient de déclarer recevable l’intervention volontaire à l’instance de la société MMA IARD assurances mutuelles.

2 - Sur la prescription de l’action :

Aux termes de l’article 2224 du code civil, “Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

Aux termes de l’article 2239 du code civil, “La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.”

En l’espèce, la juridiction est saisie d’une action en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

La SCI Degrelle sollicite le paiement de la somme de 23 768,14 euros au titre des frais d’expertise, des dépens et des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure de référé et d’expertise judiciaire et de la somme de 8 197,05 euros au titre de la perte des loyers.

2.1 - Sur la prescription de la demande en paiement de la somme de 23 768,14 euros :

La somme de 23 768,14 euros se décompose comme suit :
- 18 300 euros au titre des frais d’expertise judiciaire,
- 874,92 euros au titre des frais d’huissier de justice,
- 3 600 euros au titre des honoraires de son conseil,
- 619,26 euros au titre des frais de déplacement, d’hôtel et de repas des gérants lors de la réunion d’expertise du 8 février 2015,
- 373,96 euros au titre des frais de déplacement, d’hôtel et de repas des gérants lors de la réunion d’expertise du 19 mars 2015.

La prescription de l’action en paiement de ces différents frais n’a pu commencer à courir qu’à compter de la date à laquelle ils ont été exposés.

Les honoraires d’expertise ont été réglés selon les modalités suivantes :
- 3 000 euros par chèque du 20 mars 2015, au titre de la consignation initiale,
- 2 900 euros par chèque du 25 juillet 2015, au titre du complément de consignation ordonné le 13 mai 2015,
- 3 400 euros par chèque du 15 mars 2016, au titre du complément de consignation ordonné le 22 février 2016,
- 9 000 euros par chèque du 21 juillet 2016, au titre du complément de consignation ordonné le 8 avril 2016,
- soit un total de 18 300 euros.

Les frais d’huissier de justice correspondent aux factures suivantes :
- 104,70 euros au titre de la facture de la SCP Xavier Boivin - Pierre Albert Thourault du 5 mars 2015,
- 141,90 euros au titre de la facture de la SELARL Quiblier - Sarbach - Bunino Benoît - Rogliardo - Plaucheur - Denuzière du 3 mars 2015,
- 123,04 euros au titre de la facture de la SCP François Touillier du 3 mars 2015,
- 132,19 euros au titre de la facture de la SCP Alain Benzaken - Arnaud Fourreau - Maurice-Alexandre Sebban du 5 mars 2015,
- 209,29 euros au titre de la facture de la SCP Philippe Matrat du 5 mars 2015,
- 163,80 euros au titre de la facture de la SCP P. Duc et P. Vallino du 3 mars 2015,
- soit un total de 874,92 euros.

Les honoraires de l’avocat de la SCI Degrelle se décomposent comme suit :
- 1 800 euros TTC au titre de la facture du 24 mars 2015,
- 1 800 euros TTC au titre de la facture du 30 septembre 2015,
- soit un total de 3 600 euros.

Les frais de déplacement, d’hôtel et de repas des gérants lors de la réunion d’expertise du 8 février 2015, évalués au total à 619,26 euros, et les frais exposés pour la réunion du 19 mars 2015, évalués à 373,96 euros, sont détaillés dans le décompte produit en pièce numéro 10, avec en annexe les justificatifs des frais invoqués.

Tous les frais dont le remboursement est sollicité ont été exposés pendant le cours de la mesure d’instruction ordonnée par l’ordonnance de référé du 17 mars 2015.

La prescription de l’action en remboursement de ces frais a été suspendue jusqu’à l’établissement du rapport d’expertise, le 15 septembre 2017, qui constitue la date d’exécution de la mesure au sens de l’article 2239 du code civil.

La suspension de la prescription prévue par la loi prend fin à compter du jour où la mesure d’instruction a été exécutée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de rechercher à quelle date la SCI Degrelle a eu connaissance du rapport d’expertise.

Le délai de prescription de cinq années a commencé à courir à compter du 15 septembre 2017, date d’exécution de la mesure d’instruction, et a expiré le 14 septembre 2022 à 24 heures.

L’action en remboursement de frais intentée le 3 janvier 2023 est donc prescrite et irrecevable.

2.2 - Sur la prescription de la demande en paiement de la somme de 8 197,05 euros :

La demande en paiement de la somme de 8 197,05 euros au titre de la perte de loyers correspond aux loyers échus de février 2015 à février 2016, selon le décompte produit en pièce numéro 11.

Tous les loyers dont le remboursement est sollicité sont venus à échéance pendant le cours de la mesure d’instruction ordonnée par l’ordonnance de référé du 17 mars 2015.

La prescription de l’action en remboursement de la perte de loyers a été suspendue jusqu’à l’établissement du rapport d’expertise, le 15 septembre 2017, qui constitue la date d’exécution de la mesure au sens de l’article 2239 du code civil.

Le délai de prescription de cinq années a commencé à courir à compter du 15 septembre 2017, date d’exécution de la mesure d’instruction, et a expiré le 14 septembre 2022 à 24 heures.

L’action en remboursement de la perte de loyers intentée le 3 janvier 2023 est donc prescrite et irrecevable.

3 - Sur les frais et dépens :

La SCI Degrelle, partie perdante, sera condamnée aux dépens de l’instance.

La demanderesse à l’instance sera condamnée à verser la somme de 1 500 euros à la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et à la société AXA France IARD et la somme de 1 500 euros à la société MMA IARD.

La demande d’indemnité présentée par la société MMA IARD assurances mutuelles sera rejetée, dès lors que celle-ci n’a pas été assignée et est intervenue volontairement à l’instance.

La demande d’indemnité présentée par la SCI Degrelle, partie condamnée aux dépens, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Déclare recevable l’intervention volontaire à l’instance de la société MMA IARD assurances mutuelles,

Déclare irrecevables les demandes présentées par la SCI Degrelle à l’encontre de la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille, de la société AXA France IARD et de la société MMA IARD,

Condamne la SCI Degrelle à payer à la société Entreprise A.C.M. - Monfray Lavieille et à la société AXA France IARD la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Degrelle à payer à la société MMA IARD la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société MMA IARD assurances mutuelles de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SCI Degrelle de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Degrelle aux dépens de l’instance.

Prononcé le six juin deux mille vingt-quatre par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Stéphane Thévenard, vice-président, et par Camille Boivin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffierLe juge de la mise en état

copie exécutoire + ccc le :
à :
Me Laurent CORDIER
Me Jacques BOURBONNEUX
Me Philippe REFFAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 23/00156
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;23.00156 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award