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06/06/2024 | FRANCE | N°22/02615

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Chambre civile, 06 juin 2024, 22/02615


JUGEMENT DU :06 Juin 2024
MINUTE N°: 24/211
DOSSIER N° :N° RG 22/02615 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GCRQ



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Juin 2024


Dans l’affaire entre :

DEMANDEUR

Monsieur [O] [H]
né le 23 Février 1979 à BESANCON (25000),
demeurant 458, rue de Salève - 01210 ORNEX

représenté par Me Marie-Anne BARRE, avocat postulant au barreau de l’Ain, vestiaire : T 90, Me Claire LYAUTEY, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDEURS

S.C.I. LA MARJANE, immatr

iculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n°424.311.645,
dont le siège social est sis 866 route de la Pralay - 01170 CHEVRY

Monsieur [B]...

JUGEMENT DU :06 Juin 2024
MINUTE N°: 24/211
DOSSIER N° :N° RG 22/02615 - N° Portalis DBWH-W-B7G-GCRQ

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 06 Juin 2024

Dans l’affaire entre :

DEMANDEUR

Monsieur [O] [H]
né le 23 Février 1979 à BESANCON (25000),
demeurant 458, rue de Salève - 01210 ORNEX

représenté par Me Marie-Anne BARRE, avocat postulant au barreau de l’Ain, vestiaire : T 90, Me Claire LYAUTEY, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDEURS

S.C.I. LA MARJANE, immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n°424.311.645,
dont le siège social est sis 866 route de la Pralay - 01170 CHEVRY

Monsieur [B] [I]
né le 17 octobre 1935 à LYON (69),
demeurant 866 route de la Pralay - 01170 CHEVRY

représentés par Me Sandrine TRIGON, avocat postulant au barreau de l’Ain, vestiaire : T 115, Me Caroline CAMIERE, avocat plaidant au barreau de Lyon

S.E.L.A.S. OFFICE LEMAN, immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le n°321 151 649
dont le siège social est sis 13 Chemin du Levant - 01210 FERNEY VOLTAIRE

représentée par Me Bertrand DE BELVAL, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 669

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT:Monsieur GUESDON, 1er Vice Président

ASSESSEURS:Madame BLIN, Vice Présidente
Monsieur DRAGON, Juge

GREFFIER:Madame LAVENTURE,

DÉBATS :tenus à l’audience publique du 15 Février 2024

JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et contradictoire

A l’audience, Monsieur Dragon a fait le rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

EXPOSE DU LITIGE

La SCI LA MARJANE est une société civile immobilière dont Monsieur [B] [I] est l'un des associés et le gérant. Elle a fait l'acquisition à l'audience des saisies du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse du 18 janvier 2000 d'un ténement immobilier situé sur la commune de CHEVRY lieudit La Praslée. La société y a réalisé des travaux de réhabilitation et d'aménagement aboutissant à la création de quatre chambres d'hôtes, d'un logement de fonction, de plusieurs garages et de deux appartements qu'elle a mis en location.

Par acte sous seing privé en date du 27 décembre 2012, cette société s'est engagée à vendre à Monsieur [O] [H], qui s'est engagé à l'acheter, un de ces appartements ainsi qu'un garage, ces biens composant les lots 2 et 5 d'une copropriété à créer dans l'ensemble immobilier. Le prix convenu était de 350 000,00 euros.

La vente a été réitérée le 8 avril 2013. L'acte authentique a été reçu par Maître [R] [E], notaire associé de la SCP [N] [M], [R] [E], [L] [J] ET [K] [P], aux droits de laquelle vient la SELAS OFFICE LEMAN.

Monsieur [I], prévenu d'avoir à l'occasion de la construction des deux appartements méconnu les obligations imposées par le permis de construire, qui n'autorisait pas de logement dans le bâtiment modifié et les accueillant, ainsi que le plan local d'urbanisme applicable, qui interdisait la création de nouveaux logements en zone naturelle, a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse le 28 janvier 2021. La cour d'appel de Lyon a confirmé cette décision s'agissant de la déclaration de culpabilité par arrêt en date du 14 décembre 2022. Une mesure réelle consistant en la mise en conformité des lieux avec le permis de construire obtenu et le PLU a été mise à la charge de Monsieur [I] par la juridiction pénale.

Par courrier recommandé de son conseil en date du 7 juillet 2022, Monsieur [H] s'est rapproché de la SCI LA MARJANE. Mettant en cause sa responsabilité civile dans la situation, elle lui a proposé de trouver une solution transactionnelle au différend et l'a mise en demeure de lui payer les sommes de 350 000,00 euros au titre du prix de vente outre celle de 144 360,96 euros au titre des préjudices subis. Le même jour et selon les mêmes formes, Monsieur [H] a mis en cause la responsabilité professionnelle du notaire instrumentaire et l'a mis en demeure de lui payer les mêmes sommes.

Par acte de commissaire de justice daté du 29 juillet 2022, Monsieur [H] a fait assigner la SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 30 janvier 2024 par RPVA, Monsieur [H] demande au tribunal de :
-A titre principal, prononcer la nullité de la vente du 8 avril 2013 conclue entre lui-même et la SCI LA MARJANE, portant sur les lots n°2 et n°5 de l'ensemble immobilier situé à Chevry (Ain) 01170, Lieudit La Praslée, cadastré : Section B n°1387 et B n°1388,
-Subsidiairement, prononcer la résolution de la vente du 8 avril 2013 conclue entre lui-même et la SCI LA MARJANE, portant sur les lots n°2 et n°5 de l'ensemble immobilier situé à Chevry (Ain), 01170, Lieudit La Praslée, cadastré : Section B n°1387 et B n°1388,
-En tout état de cause, condamner la SCI LA MARJANE à lui payer la somme de 350 000,00 euros à titre de restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 juillet 2022,
-Condamner in solidum la SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN à lui payer la somme de 142 778,25 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 juillet 2022,
-Condamner in solidum Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN à garantir la dette de la SCI LA MARJANE dans le cas où celle-ci serait en situation d'insolvabilité,
-Débouter la SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN de toutes leurs demandes reconventionnelles,
-Condamner in solidum la SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN à lui payer la somme de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner in solidum la SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.

Au soutien de ces demandes, Monsieur [H] invoque les dispositions des articles 1109, 1110, 1116, 1126, 1128, 1147 et 1382 du code civil dans leur rédaction antérieure à la réforme du droit des obligations, des articles 1130, 1162, 1178, 1231-1 et 1240 du code civil dans leur rédaction postérieure à cette réforme ainsi que les articles 1641, 1644 et 1645 du code civil.

Il explique que ses demandes n'encourent pas la prescription et sont dès lors recevables dans la mesure où il n'a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action que par le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal correctionnel.

Il fait valoir à titre principal que la vente litigieuse est nulle en raison du vice affectant son consentement. Il précise à cet égard qu'il a commis une erreur sur les qualités substantielles de la chose acquise dès lors qu'il ne savait pas que l'immeuble avait été bâti en méconnaissance des règles d'urbanisme. Il ajoute que le vendeur a fait preuve de réticence dolosive en ne l'en informant pas. Il se prévaut sur ce point de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Lyon. Il explique également que l'objet de la vente est illicite. Subsidiairement, il soutient que l'absence de conformité du bien vendu au permis de construire est constitutive d'un vice caché dont le vendeur doit garantie.

Il en déduit qu'en tout état de cause, le prix de vente doit lui être restitué et que cette créance de restitution ne peut être réduite dès lors qu'il est de bonne foi. Il ajoute que la SCI LA MARJANE est de mauvaise foi et ne saurait tirer avantage d'une opération qu'elle savait illicite.

Il fait enfin valoir que la SCI LA MARJANE et son gérant sont tenus de l'indemniser pour l'entier préjudice qu'il a subi.

Il ajoute que le notaire instrumentaire a également commis une faute en ne s'assurant pas que le vendeur avait sollicité un permis de construire et en avait respecté les termes. Il explique également que le notaire a manqué à son devoir de conseil.

Aux termes de leurs écritures récapitulatives, notifiées le 5 juin 2023 par RPVA, la SCI LA MARJANE et Monsieur [I] sollicitent de la juridiction qu'elle :
-A titre principal, déboute Monsieur [H] de toutes ses demandes,
-A titre subsidiaire, juge qu'il y a lieu d'imputer sur le montant du prix de vente à restituer, l'intégralité des loyers perçus par Monsieur [H], évalués à ce jour à 196 308,00 euros, somme à parfaire,
-Condamne la SELAS OFFICE LEMAN à garantir l'intégralité de la dette de la SCI LA MARJANE dans le cas où celle-ci serait en situation d'insolvabilité,
-En tout état de cause, condamne la SELAS OFFICE LEMAN à les relever et garantir de l'intégralité des sommes qui pourraient être mises à leur charge au titre des préjudices allégués par Monsieur [H],
-Condamne Monsieur [H] et la SELAS OFFICE LEMAN, ou qui d'entre eux mieux le devra, à leur verser une somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.

Les défendeurs soutiennent en premier lieu que l'action de Monsieur [H] est prescrite dès lors qu'il avait nécessairement connaissance des faits fondant son action en 2015 lorsque la procédure pénale a été initiée.

Au fond, ils font valoir qu'il n'ont pas dissimulé la situation administrative du bien vendu tant au notaire qu'à l'acquéreur de sorte que le consentement de ce dernier n'a pas été vicié. A défaut, ils expliquent que les loyers perçus par Monsieur [H] doivent être déduits de la créance de restitution du prix de vente.

En réponse à la demande indemnitaire et au soutien de leur demande de garantie, ils font valoir que la responsabilité principale incombe au notaire qui a induit les parties en erreur en leur indiquant qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir un permis de construire. Ils contestent la réalité du préjudice invoqué par Monsieur [H].

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 28 avril 2023 par RPVA, la société OFFICE LEMAN demande au tribunal de :
-Débouter Monsieur [H] de toutes ses demandes,
-Débouter Monsieur [I] d'éventuelles demandes,
-Condamner le requérant ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que l'autorité de chose jugée attachée à la décision rendue par la cour d'appel de Lyon le 14 décembre 2022 ne concerne que Monsieur [I] dès lors qu'elle n'était pas partie au procès pénal.

Elle précise qu'elle n'est pas partie à la vente et qu'il ne lui appartient pas de prendre position sur la nullité de celle-ci.

S'agissant de sa responsabilité, le notaire conteste avoir commis une faute ou manqué à son obligation de conseil. Il fait à cet égard valoir qu'il n'était pas tenu de s'intéresser au permis de construire dès lors que le bien cédé était construit et loué.

L'office notarial fait enfin valoir que Monsieur [I] a commis une faute qu'il qualifie de dolosive et qui lui interdirait de rechercher sa responsabilité.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 juin 2023, ses effets étant différés au 8 février 2024.

L'affaire a été mise en délibéré à la date du 18 avril 2024. Le délibéré a été prorogé au 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Il n'y a pas lieu de statuer spécifiquement sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SCI LA MARJANE et Monsieur [I], celle-ci n'étant pas reprise dans le dispositif des conclusions qui ne tend qu'au débouté des demandes de Monsieur [H].

En tout état de cause, l'examen de cette fin de non-recevoir relève du seul juge de la mise en état que la SCI LA MARJANE et Monsieur [I] n'ont pas saisi.

Sur l'annulation de la vente conclue entre Monsieur [H] et la SCI LA MARJANE :

La vente litigieuse étant intervenue le 8 avril 2013, le contrat est soumis aux dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.

L'article 1108 du code civil pose le consentement de la partie qui s'oblige comme une condition de validité des conventions.

Sur cette question, il résulte des dispositions de l'article 1109 du code civil qu'il n'y a point de consentement valable s'il n'a été donné que par erreur.

A cet égard, l'article 1110 du code civil énonce que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Au cas d'espèce, il résulte de l'acte de vente du 8 avril 2013 que Monsieur [H] a fait l'acquisition d'un bien immobilier composé d'un appartement et d'un garage. Aucune réserve n'est formulée dans ces actes s'agissant de la situation du bien au regard des prescriptions d'urbanisme.

Or, il résulte des décisions rendues par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse le 28 janvier 2021 et par la cour d'appel de Lyon le 14 décembre 2022, que l'appartement vendu par la SCI LA MARJANE à Monsieur [H] a été construit sans permis de construire alors que cette autorisation d'urbanisme était nécessaire et au mépris du plan local d'urbanisme qui interdisait la création de nouveaux logements. Contrairement à ce qui est soutenu par le notaire, ces décisions ont, au civil, autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.

La conformité d'un bien immobilier aux règles d'urbanisme constitue à l'évidence une qualité substantielle de la chose. Sur ce point, il sera relevé que la juridiction pénale a décidé de la mise en conformité des lieux avec le permis de construire obtenu et le PLU ce qui est de nature à remettre en cause l'existence même de l'appartement.

Il est donc établi que lors de la vente de l'immeuble litigieux, le consentement de Monsieur [H] a été vicié par une erreur portant sur la substance même de la chose.

La vente sera dès lors annulée. Ses effets étant anéantis rétroactivement, le prix versé par l'acquéreur doit lui être rendu.

Dès lors que par application des dispositions des articles 549 et 550 du code civil, le possesseur d'un bien de bonne foi, défini comme celui qui le possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, fait les fruits du bien siens, la demande de la SCI LA MARJANE tendant à ce que le montant des loyers perçus par Monsieur [H] soit imputé sur le montant du prix de vente à restituer sera rejetée, peu important à cette égard qu'elle soit de bonne foi.

La SCI LA MARJANE sera dès lors condamnée à payer à Monsieur [H] la somme de 350 000,00 euros au titre de la restitution du prix.

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à partir du 7 juillet 2022, date de la mise en demeure.

Sur les demandes indemnitaires de Monsieur [O] [H] :

Sur la responsabilité de la SCI LA MARJANE et de Monsieur [I] :

Par application des dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'article 1383 du code civil énonce que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En l'espèce, il est acquis aux débats au regard des décisions pénales rendues par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse le 28 janvier 2021 et par la cour d'appel de Lyon le 14 décembre 2022, que les travaux de réhabilitation opérés par la SCI LA MARJANE nécessitaient un permis de construire compte-tenu de leur ampleur et étaient en tout état de cause impossibles au regard des prescriptions du PLU.

Compte-tenu de l'importance du projet envisagé par la SCI LA MARJANE et Monsieur [I], consistant en une réhabilitation lourde d'un bâtiment abritant initialement une bergerie, des box pour chevaux et à l'étage un local pour ouvriers agricoles et aboutissant à la création de deux appartements, il leur incombait de s'informer sur les contraintes existant en matière d'urbanisme et sur la faisabilité de leur projet.

A cet égard, la SCI LA MARJANE et Monsieur [I] qui soutiennent, pour s'exonérer de toute responsabilité, que l'immeuble présentait déjà un usage d'habitation avant les travaux, n'administrent pas la preuve de cette assertion. Au contraire, le plan inséré en page trois de leurs conclusions portant état des lieux, les décrit de la manière suivante : " box à chevaux bergerie + à l'étage local pour ouvriers agricoles ". L'usage d'habitation de l'immeuble n'est donc pas clairement établi.

Ces manquements sont directement à l'origine de la création puis de la vente de l'appartement litigieux et de sa non-conformité aux prescriptions d'urbanisme et donc du préjudice de Monsieur [H].

Dans ces conditions, la SCI LA MARJANE et Monsieur [I] seront jugés responsables du préjudice subi par Monsieur [H].

Sur la responsabilité du notaire instrumentaire :

En droit, le notaire est tenu d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes rédigés par lui. De cette exigence découle une obligation d'investigation s'inscrivant dans une logique de sécurité juridique. Au visa de l'article 1382 du code civil, le notaire commet une faute et engage sa responsabilité civile professionnelle lorsqu'il manque à cette obligation et que ce manquement est l'origine d'un préjudice.

Au cas d'espèce, il résulte de l'acte de vente que l'immeuble a fait l'objet de travaux à l'origine de la division du bâtiment en six lots. L'acte mentionne que l'acte de division de l'immeuble a été reçu en l'étude du notaire instrumentaire. Si l'acte de vente précise que les travaux réalisés sont des travaux d'aménagement intérieur, il mentionne également que ceux-ci sont susceptibles de relever de l'assurance obligatoire de dommages de construction. Il s'en déduit qu'il sont d'une certaine ampleur. Or, il résulte de l'acte que seule une déclaration préalable au titre de la création de deux jacobines a été souscrite en mairie.

Ainsi, il est établi que le notaire était informé de la réalisation, par le vendeur, de travaux d'ampleur à l'origine de la création de l'appartement vendu. En raison de ces circonstances particulières, il se devait d'être particulièrement vigilant et de procéder à des vérifications pour s'assurer que le bien était édifié en conformité avec les prescriptions d'urbanisme. La circonstance que le bien litigieux soit loué n'est pas de nature à dispenser le notaire de cette vérification.

Ne l'ayant pas fait, le notaire a commis une faute à l'origine des préjudices subis par Monsieur [H] et de nature à engager sa responsabilité civile à son égard.

Sur les préjudices subis par Monsieur [H] :

Les frais relatifs à la vente sont justifiés à hauteur de 23 120,00 euros. Il sera fait droit à la demande de Monsieur [H] au titre de ce poste de préjudice matériel.

Alors que l'établissement de crédit ayant financé l'acquisition du bien n'est pas en la cause et qu'aucune demande tendant à l'annulation du contrat de prêt immobilier n'est présentée par Monsieur [H], il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de ce dernier au titre du coût du crédit qui sont consécutives à l'annulation du contrat de prêt.

Les travaux d'entretien et de réparation sont justifiés à concurrence de 16 608,60 euros. Il sera en conséquence fait droit à la demande de Monsieur [H] au titre de ce poste de préjudice matériel dans cette limite.

Enfin, Monsieur [H] a subi un préjudice moral qui sera évalué à la somme de 8 000,00 euros.

La SCI LA MARJANE, Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN seront en conséquence condamnés in solidum à payer à Monsieur [H] la somme de 47 728,60 euros à titre de dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal, à compter du prononcé du jugement.

Sur les demandes de garantie :

En l'absence de preuve de l'insolvabilité de la SCI LA MARJANE, Monsieur [H] sera débouté de sa demande hypothétique tendant à ce que Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN soient condamnés in solidum à garantir la dette de la venderesse.

Pour la même raison, Monsieur [I] et la SCI LA MARJANE seront déboutés de leur demande tendant à ce que la SELAS OFFICE LEMAN soit condamnée à garantir l'intégralité de la dette de la SCI LA MARJANE dans le cas où celle-ci serait en situation d'insolvabilité.

Leurs fautes ayant concouru au dommage subi par Monsieur [H], la SCI LA MARJANE et Monsieur [I] seront déboutés de leur demande tendant à ce que la SELAS OFFICE LEMAN soit condamnée à les garantir de l'intégralité des condamnations prononcées titre des préjudices subis par Monsieur [H],

Sur les mesures accessoires :

Par application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L'article 514-1 du code de procédure civile énonce que le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire et qu'il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire. Compte tenu de l'ancienneté du litige, il n'y a pas lieu d'en écarter l'application.

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la SCI LA MARJANE et Monsieur [I], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens.

Par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, l'équité commande de condamner in solidum la SCI LA MARJANE , Monsieur [I] et la SELAS OFFICE LEMAN à payer à Monsieur [H] la somme de 4 000,00 euros sur le fondement du texte précité.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

ANNULE la vente du 8 avril 2013 conclue entre Monsieur [O] [H] et la SCI LA MARJANE portant sur les lots n°2 et n°5 de l'ensemble immobilier situé à Chevry (01170), Lieudit La Praslée, cadastré : Section B n°1387 et B n°1388,

CONDAMNE la SCI LA MARJANE à payer à Monsieur [O] [H] la somme de 350 000,00 euros au titre de la restitution du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2022,

CONDAMNE la SCI LA MARJANE, Monsieur [B] [I] et la SELAS OFFICE LEMAN in solidum à payer à Monsieur [O] [H] la somme de 47 728,60 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SCI LA MARJANE, Monsieur [B] [I] et la SELAS OFFICE LEMAN in solidum à payer à Monsieur [O] [H] la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SCI LA MARJANE, Monsieur [B] [I] et la SELAS OFFICE LEMAN in solidum aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Marie-Anne BARRE, avocat au barreau de l'Ain,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de droit par provision.

Le greffierLe président

copie exécutoire + ccc le :
à
Me Marie-anne BARRE
Me Bertrand DE BELVAL
Me Sandrine TRIGON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02615
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;22.02615 ?
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