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27/05/2024 | FRANCE | N°19/00060

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Ctx protection sociale, 27 mai 2024, 19/00060


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL


JUGEMENT DU 27 Mai 2024




Affaire :

M. [G] [P]

contre :

URSSAF RHONE ALPES




Dossier : N° RG 19/00060 - N° Portalis DBWH-W-B7D-FAQM


Décision n°24/574





Notifié le
à
- [G] [P]
- URSSAF RHONE ALPES



Copie le:
à
- Me Emmanuelle BOROT
- la SELARL [5]





COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Valérie BREVET

ASSESSEUR SALARIÃ

‰ : Annabelle BALAIN

GREFFIER: Ludivine MAUJOIN


PARTIES :

DEMANDEUR :

Monsieur [G] [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON (Toque 26)



DÉFENDEUR :

URSSAF ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 27 Mai 2024

Affaire :

M. [G] [P]

contre :

URSSAF RHONE ALPES

Dossier : N° RG 19/00060 - N° Portalis DBWH-W-B7D-FAQM

Décision n°24/574

Notifié le
à
- [G] [P]
- URSSAF RHONE ALPES

Copie le:
à
- Me Emmanuelle BOROT
- la SELARL [5]

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Valérie BREVET

ASSESSEUR SALARIÉ : Annabelle BALAIN

GREFFIER: Ludivine MAUJOIN

PARTIES :

DEMANDEUR :

Monsieur [G] [P]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON (Toque 26)

DÉFENDEUR :

URSSAF RHONE ALPES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Thomas MERIEN de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocats au barreau de LYON (Toque 130)

PROCEDURE :

Date du recours : 04 Février 2019
Plaidoirie : 14 Novembre 2022
Délibéré : 16 Janvier 2023 prorogé au 27 Mai 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 septembre 2017, l'URSSAF RHÔNE-ALPES a notifié à Monsieur [G] [P] une lettre d'observations au titre de l'année 2013. Un chef de régularisation y a été énoncé du fait du constat d'un travail dissimulé. Celui-ci a généré un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'assurance de garantie des salaires calculées sur la base d'une taxation forfaitaire à la somme de 9 026,00 euros outre majorations de retard dues en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ainsi qu'une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé d'un montant de 2 257,00 euros.

Par courrier recommandé en date du 10 octobre 2017, Monsieur [P] a contesté les termes du redressement envisagé en faisant valoir qu'il n'avait jamais eu recours à des travailleurs dissimulés et que les sommes retenues comme rémunérations versées par l'inspecteur de l'URSSAF dans la lettre d'observations étaient justifiées par des dépenses personnelles.

Le 14 décembre 2017, l'URSSAF RHÔNE-ALPES a apporté une réponse à ces observations, y a partiellement fait droit et a ramené le montant du redressement à la somme de 11 071,00 euros (dont 8 857,00 euros au titre des cotisations et 2 214,00 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé).

Le 12 février 2018, l'organisme de sécurité sociale a notifié à Monsieur [P] une mise en demeure de lui payer la somme totale de 13 249,00 euros correspondant aux causes précitées et détaillées de la manière suivante :
-Rappel de cotisations : 8 857,00 euros,
-Majoration de redressement pour travail dissimulé : 2 214,00 euros,
-Majorations de retard : 2 178,00 euros.

Par courrier recommandé en date du 8 mars 2018, Monsieur [P] a contesté cette décision de redressement devant la commission de recours amiable de l'URSSAF RHÔNE-ALPES.

Le 7 décembre 2018, la commission de recours amiable lui a notifié une décision explicite de rejet de sa contestation intervenue le 30 novembre 2018.

Par courrier recommandé avec avis de réception adressé le 4 février 2019 au greffe de la juridiction, Monsieur [P] a formé un recours contre cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain.

En application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement des tribunaux des affaires de sécurité sociale a été transféré aux tribunaux de grande instance, devenus tribunaux judiciaires, spécialement désignés en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 7 février 2022. L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois à la demande des parties pour leur permettre d'établir et d'échanger leurs écritures et a été utilement évoquée lors de l'audience du 14 novembre 2022.

A cette occasion, Monsieur [P] développe oralement ses conclusions et demande à la juridiction d' :
-Annuler les opérations de contrôle et redressement pour défaut du respect du principe du contradictoire,
-Annuler la mise en demeure du 12 février 2018,
-Condamner l'URSSAF en tous les dépens.

Au soutien de ces demandes, Monsieur [P] explique d'abord que l'URSSAF RHÔNE-ALPES n'a pas respecté le principe du contradictoire en ce que la lettre d'observations ne mentionne pas précisément la liste des pièces consultées par l'inspecteur chargé du recouvrement. Il ajoute que la procédure pénale ne contient aucune donnée bancaire postérieure à l'année 2012 de sorte qu'elle ne peut fonder le redressement pour l'année 2013. Il ajoute qu'il n'est pas établi que ses documents bancaires relatifs à l'année 2013 ont été exploités par l'URSSAF RHÔNE-ALPES.

Au fond, il conteste le recours à la taxation forfaitaire en indiquant que l'URSSAF RHÔNE-ALPES ne peut retenir toutes les dépenses apparaissant sur ses relevés de compte comme étant des rémunérations. Il ajoute que la réalité du travail dissimulé n'est pas établie. Il explique enfin que les montants retenus par l'inspecteur chargé du recouvrement sont justifiés par des dépenses personnelles.

L'URSSAF RHÔNE-ALPES soutient oralement ses écritures et demande à la juridiction de :
-Débouter Monsieur [P] de ses demandes,
-Condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 11 071,00 euros au titre de rappel de cotisations et contributions sociales et 2 214,00 euros au titre des majorations de retard,
-Condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 1 800,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner Monsieur [P] aux entiers dépens de l'instance.

L'organisme de sécurité sociale fait valoir que la lettre d'observations précise la liste des documents consultés. Il ajoute que tous les éléments de faits nécessaires au redressement font partie de la procédure pénale et explique qu'il n'a pas à en communiquer les procès-verbaux. L'URSSAF RHÔNE-ALPES ajoute que les procès-verbaux visés dans la lettre d'observation sont produits par le demandeur. L'organisme chargé du recouvrement ajoute que Monsieur [P] n'a pas communiqué ses relevés bancaires pour l'année 2013 dès lors qu'il ne s'est pas présenté à la convocation.

Au fond, l'organisme de sécurité sociale fait valoir que le recours au travail dissimulé a été établi et reconnu par Monsieur [P] dans le cadre de la procédure pénale. Il ajoute que le recours à la taxation forfaitaire est fondé dès lors que Monsieur [P] n'est pas en mesure de justifier des mouvements bancaires retenus.

L'affaire a été mise en délibéré. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises, dernièrement à la date du 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours :

Par application des dispositions des articles R.142-6 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au présent litige, le différend doit être soumis à une commission de recours amiable et le tribunal des affaires de sécurité sociale doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision explicite de rejet ou de la date de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

La forclusion tirée de l'expiration de ces délais de recours ne peut être opposée au requérant que si celui-ci a été informé des délais de recours et de ses modalités d'exercice.

En l'espèce, la commission de recours amiable de l'URSSAF RHÔNE-ALPES a été saisie préalablement à la juridiction et le recours a été exercé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans des circonstances de temps qui ne sont pas critiquables.

Le recours sera en conséquence jugé recevable.

Sur la nullité de la lettre d'observations :

L'article R.243-59 III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au présent litige, énonce qu'à l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci. Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

En l'espèce, la lettre d'observations fait état, s'agissant des documents consultés pour le compte, des procédures pénales n° 2013/254 et n° 2014/261 de la BMRZ de [Localité 6] et du GIR de [Localité 6]. Le paragraphe consacré aux constats réalisés par l'inspecteur indique que la procédure repose plus précisément sur les procès-verbaux cotés D 594 et D 598. Le paragraphe consacré aux modalités de calcul de la taxation forfaitaire (IIIC) précise quant à lui que la procédure a mis en évidence des mouvements bancaires sur deux comptes bancaires dont Monsieur [P] était titulaire.

Il résulte de ce qui précède que la généralité de la " liste des documents consultés pour ce compte " mentionnée dans la lettre d'observations, est compensée par les mentions expresses figurant dans le corps de celle-ci.

Dans ces conditions, Monsieur [P] sera débouté de sa demande d'annulation du redressement fondée sur le non-respect du principe du contradictoire.

Sur le redressement opéré par l'URSSAF RHÔNE-ALPES au titre du travail dissimulé:

Par application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par ailleurs, l'article 132 du code de procédure civile dispose que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance et que la communication des pièces doit être spontanée.

Enfin, par application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En matière de redressement consécutif au constat d'un travail dissimulé, aucun texte du code de la sécurité sociale n'impose la transmission du procès-verbal constatant l'infraction à la personne redressée dans le cadre de la procédure contradictoire. En conséquence, l'absence de communication de cette pièce n'est pas de nature à vicier la procédure de redressement.

En revanche, dans le cadre du débat judiciaire consécutif à la contestation du redressement, il incombe à l'organisme de sécurité sociale d'administrer la preuve du travail dissimulé fondant sa décision de redressement.

Si cette preuve peut résulter du procès-verbal établi par les services d'enquête, cet élément ne peut fonder la décision de la juridiction qu'à la condition qu'il soit régulièrement versé aux débats et soumis à la contradiction.

Au cas d'espèce, l'URSSAF RHÔNE-ALPES ne produit aucun élément issu des deux procédures pénales visées dans la lettre d'observations. Ces éléments sont cependant produits par Monsieur [P].

Au terme de sa deuxième audition (cote D 598), Monsieur [P] " reconnaît simplement l'infraction d'exécution de travail dissimulé ". Cependant, cette reconnaissance est mise en lien avec ses précédentes déclarations. Or, dans le cadre des deux auditions versées aux débats, aucun travail dissimulé n'est caractérisé s'agissant de Monsieur [P], notamment s'agissant de l'année 2013 période visée par la lettre d'observations.

Dans ces conditions, la réalité du travail dissimulé n'est pas établie.

La mise en demeure du 12 février 2018 sera en conséquence annulée et l'URSSAF RHÔNE-ALPES déboutée de toutes ses demandes.

Sur les mesures accessoires :

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, l'URSSAF RHÔNE-ALPES, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE le recours de Monsieur [G] [P] recevable,

ANNULE la mise en demeure du 12 février 2018,

DEBOUTE l'URSSAF RHÔNE-ALPES de ses demandes,

CONDAMNE l'URSSAF RHÔNE-ALPES aux dépens.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/00060
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;19.00060 ?
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