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27/05/2024 | FRANCE | N°18/00394

France | France, Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, Ctx protection sociale, 27 mai 2024, 18/00394


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL


JUGEMENT DU 27 MAI 2024




Affaire :

S.A.R.L. [4]

contre :

URSSAF [Localité 5]




Dossier : N° RG 18/00394 - N° Portalis DBWH-W-B7C-E3JD


Décision n°





Notifié le
à
- S.A.R.L. [4]
- URSSAF [Localité 5]



Copie le:
à
- Me Emmanuelle BOROT
- la SELARL AXIOME AVOCATS





COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Chantal GESTA
ASSESSE

UR SALARIÉ : Jean-Pierre DECROZE

GREFFIER : Camille POURTAL


PARTIES :

DEMANDEUR :

S.A.R.L. [4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON



DÉFENDEUR :

URSSAF...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

PÔLE SOCIAL

JUGEMENT DU 27 MAI 2024

Affaire :

S.A.R.L. [4]

contre :

URSSAF [Localité 5]

Dossier : N° RG 18/00394 - N° Portalis DBWH-W-B7C-E3JD

Décision n°

Notifié le
à
- S.A.R.L. [4]
- URSSAF [Localité 5]

Copie le:
à
- Me Emmanuelle BOROT
- la SELARL AXIOME AVOCATS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Arnaud DRAGON

ASSESSEUR EMPLOYEUR : Chantal GESTA
ASSESSEUR SALARIÉ : Jean-Pierre DECROZE

GREFFIER : Camille POURTAL

PARTIES :

DEMANDEUR :

S.A.R.L. [4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON

DÉFENDEUR :

URSSAF [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître ACCARI, de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocats au barreau de LYON

PROCEDURE :

Date du recours : 29 mai 2018
Plaidoirie : 20 février 2023
Délibéré : 27 mai 2024

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 septembre 2017, l'URSSAF [Localité 6] a notifié à la SARL [4] une lettre d'observation. Trois chefs de régularisation y ont été énoncés :
1. Travail dissimulé avec verbalisation - Dissimulation d'emploi salarié : redressement forfaitaire.
2. Travail dissimulé avec verbalisation - Dissimulation d'emploi salarié : redressement forfaitaire.
3. Annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé.

Ceux-ci ont généré un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'assurance de garantie des salaires d'un montant total de 80 454,00 euros outre majorations de retard dues en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ainsi qu'une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé d'un montant de 16 961,00 euros.

Par courrier recommandé en date du 16 octobre 2017, la société [4] a contesté les termes du redressement envisagé.

Le 6 décembre 2017, l'inspecteur chargé du recouvrement a apporté une réponse à ces observations et a ramené le redressement envisagé à la somme de 94 457,00 euros.

Le 2 février 2018, l'organisme de sécurité sociale a notifié à la société [4] une mise en demeure de lui payer la somme totale de 113 081,00 euros correspondant aux causes précitées et détaillées de la manière suivante :
-Rappel de cotisations : 78 089,00 euros,
-Majoration de redressement pour travail dissimulé : 16 369,00 euros,
-Majorations de retard : 18 623,00 euros.

Par courrier recommandé en date du 22 mars 2018, la société [4] a contesté cette décision de redressement devant la commission de recours amiable de l'URSSAF [Localité 6].

En l'absence de réponse de la commission, par courrier recommandé avec avis de réception adressé le 29 mai 2018 au greffe de la juridiction, la société [4] a formé un recours contre la décision implicite de rejet de sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain.

Le 30 novembre 2018, la commission de recours amiable lui a notifié une décision explicite de rejet de sa contestation.

En application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, le contentieux relevant initialement des tribunaux des affaires de sécurité sociale a été transféré aux tribunaux de grande instance, devenus tribunaux judiciaires, spécialement désignés en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 novembre 2021. L'affaire a fait l'objet de plusieurs renvois à la demande des parties pour leur permettre d'établir et d'échanger leurs écritures et a été utilement évoquée lors de l'audience du 20 février 2023.

A cette occasion, la société [4] soutient oralement ses conclusions et demande à la juridiction :
-A titre principal, d'annuler les opérations de contrôle et redressement pour défaut du respect du principe du contradictoire et la mise en demeure du 2 février 2018,
-A titre subsidiaire, d'annuler le chef de redressement n° 1 et à défaut le minorer pour une heure, d'annuler le chef de redressement n° 2 et à défaut réduire l'assiette de cotisation à la somme de 4 093,71 euros et d'annuler le recalcul des réductions Fillon point 3 de la lettre d'observation,
-Condamner l'URSSAF en tous les dépens.

Au soutien de ses demandes, la société [4] fait valoir que l'inspecteur chargé du recouvrement n'a pas respecté le principe du contradictoire gouvernant la procédure de redressement. Elle se prévaut de la violation des dispositions des articles L.133-1, R.133-1, R.2243-59 du code de la sécurité sociale et L.8271-1-2 du code du travail. Elle explique que la mise en demeure ne contient pas les informations essentielles lui permettant de connaître avec précision l'étendue de ses obligations et notamment les faits qui lui sont reprochés. Elle ajoute que les demandes d'information effectuées auprès de l'URSSAF n'ont pas été acceptées de sorte qu'elle n'a pas pu effectuer une réponse. Elle fait également valoir que l'URSSAF ne lui a pas remis la copie des éléments de la procédure pénale de sorte qu'elle ne peut produire aucun justificatif. Au fond, elle explique que le travail dissimulé n'est pas caractérisé et qu'il n'est pas possible de procéder à un redressement forfaitaire.

L'URSSAF [Localité 6] soutient oralement ses écritures et demande à la juridiction de :
-Débouter la société [4] de ses demandes,
-Confirmer les chefs de redressement notifiés par l'URSSAF [Localité 6] concernant le rappel des cotisations et contributions sociales d'un montant de 94 458,00 euros outre majorations de retard,
-Confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 30 novembre 2018,
-Condamner la société [4] à lui payer la somme de 94 458,00 euros au titre de rappel de cotisations et contributions sociales et 18 623,00 euros au titre des majorations de retard soit un montant total de 113 081,00 euros,
-Condamner la société [4] à lui payer la somme de 1 800,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la société [4] aux entiers dépens de l'instance.

L'organisme de sécurité sociale fait valoir qu'il a respecté les dispositions relatives à la mise en demeure et à la lettre d'observation dans leur rédaction applicable au litige. L'URSSAF ajoute qu'elle n'a pas à communiquer les pièces de la procédure pénale et qui lui incombe de préciser dans la lettre d'observation les documents consultés et fondant le redressement. Au fond, elle fait valoir que les redressements sont fondés en leur principe et que le recours à la taxation forfaire est justifié. Elle ajoute qu'en l'absence de paiement des causes du redressement, la société [4] doit être condamnée au paiement des sommes figurant sur la mise en demeure.

L'affaire a été mise en délibéré. Le délibéré a été prorogé à plusieurs reprises, dernièrement au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du recours :

Par application des dispositions des articles R.142-6 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au présent litige, le différend doit être soumis à une commission de recours amiable et le tribunal des affaires de sécurité sociale doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision explicite de rejet ou de la date de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

La forclusion tirée de l'expiration de ces délais de recours ne peut être opposée au requérant que si celui-ci a été informé des délais de recours et de ses modalités d'exercice.

En l'espèce, la commission de recours amiable de l'URSSAF [Localité 6] a été saisie préalablement à la juridiction et le recours a été exercé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale dans des circonstances de temps qui ne sont pas critiquables.

Le recours sera en conséquence jugé recevable.

Sur la nullité du redressement et de la mise en demeure :

L'article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 16 du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au présent litige au regard de la date du contrôle et des dispositions transitoires énoncées à l'article 37 du décret précité, énonce que « à l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés.

La lettre d'observations indique également à la personne contrôlée qu'elle dispose d'un délai de trente jours pour répondre à ces observations et qu'elle a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
Dans sa réponse, la personne contrôlée peut indiquer toute précision ou tout complément qu'elle juge nécessaire notamment en proposant des ajouts à la liste des documents consultés. »

Il est constant au visa de ce texte que la liste des documents mentionnés dans la lettre d'observations doit être complète et précise. Il est également de droit que l'absence de mention expresse d'une pièce dans la liste des documents consultés peut être suppléée, dès lors que le corps de la lette fait référence expressément à des pièces, nommément citées, qui ne figureraient pas dans cette liste.

En l'espèce, la liste des documents consultés figurant dans la lettre d'observations est libellée de la manière suivante : « procédure pénale 2013/254 et 2014/261 de la BMRZ de [Localité 3] et du GIR de [Localité 3] ». Il n'est fait spécifiquement référence à aucun procès-verbal aux termes duquel un travail dissimulé aurait été constaté.

Dans le corps de la lettre d'observation, les paragraphes consacrés aux constats réalisés par l'inspecteur chargé du recouvrement sont rédigés dans des termes très généraux et la référence aux pièces fondant ces constats s'avère également imprécise.

Dans ces conditions, il apparaît que la lettre d'observations fondant le redressement litigieux ne respecte pas les prescriptions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle ne précise pas les documents consultés. Elle sera en conséquence annulée.

La mise en demeure formalisant la décision de redressement sera dès lors également annulée.

Sur les mesures accessoires :

Par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, l'URSSAF [Localité 6], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [4] les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans le cadre de la présente procédure.

Il lui sera alloué la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DECLARE le recours de la SARL [4] recevable,

ANNULE la lettre d’observations du 14 septembre 2017 et la mise en demeure du 2 février 2018,

CONDAMNE l’URSSAF [Localité 6] à payer à la SARL [4] la somme de 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’URSSAF [Localité 6] aux dépens.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé le présent jugement.

LE GREFFIERLE PRESIDENT
Camille POURTALArnaud DRAGON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 18/00394
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;18.00394 ?
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