6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 02 Septembre 2024
58G
RG n° N° RG 22/00060
Minute n°
AFFAIRE :
[Y] [M]
C/
SA GENERALI
intervention volontaire
SA GENERALI RETRAITE
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Anne-Marie BOTTE
Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT
Me Servane LE BOURCE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et De la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.
DEBATS :
à l’audience publique du 03 Juin 2024
JUGEMENT :
Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDEUR
Monsieur [Y] [M]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Servane LE BOURCE, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE
SA GENERALI prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-Marie BOTTE, avocat au barreau de PARIS, Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX
PARTIE INTERVENANTE
SA GENERALI RETRAITE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-Marie BOTTE, avocat au barreau de PARIS, Me Laurence-anne CAILLERE BLANCHOT, avocat au barreau de BORDEAUX
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [Y] [M] a été salarié de la société BRAINSTORMING entre les mois de décembre 1994 et janvier 1999. Cette société avait souscrit en 1995 un contrat de retraite complémentaire d’entreprise dénommé “LEADER PROTECTION RETRAITE” pour son compte auprès de la compagnie GPA ASSURANCES aux droits de laquelle vient désormais la société GENERALI VIE.
Dans un courrier du 7 juillet 2003, la société GPA ASSURANCES informait M. [Y] [M] que son compte retraite entreprise s’élevait à la somme de 21.553,53 €, et que sa rente à vie s’élèverait à 1.511,74 € hors prélèvements sociaux et fiscaux s’il partait à la retraite à l’âge de 60 ans.
M. [Y] [M] a été admis à faire valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2017.
Par courrier du 11 avril 2020, il a demandé à la compagnie GENERALI la liquidation de ses droits au titre de son compte retraite entreprise. Il n’a pas été répondu à sa demande malgré plusieurs courriers et contacts avec les services de la compagnie GENERALI.
C’est dans ces conditions que par acte d’huissier délivré le 21 décembre 2021, il a fait assigner la compagnie d’assurances GENERALI devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d’obtenir le versement d’une rente mensuelle de 1.511,74 € à compter du 9 juin 2020.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, M. [Y] [M] demande au tribunal de :
Vu les articles 1103, 1193 et suivants du code civil, les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
Vu le contrat 400022948 souscrit par Monsieur [M]
Vu l’article 46 du code de procédure civile
- donner acte à GENERALI RETRAITE de son intervention volontaire
- débouter GENERALI RETRAITE de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions
- dire Monsieur [Y] [M] recevable et bien fondé en ses demandes
- condamner GENERALI RETRAITE au paiement de la somme de 21.553,53 € arrêtée au 7 juillet 2003
- assortir cette somme des intérêts au taux contractuel de 4,57% jusqu’à parfait paiement
A titre subsidiaire
- condamner GENERALI RETRAITE au paiement d’une rente annuelle d’un montant minimum de 1.511,74 € rétroactivement depuis le 9 juin 2020 jusqu’au décès de Monsieur [Y]
[M]
En tout état de cause,
- condamner la Compagnie GENERALI RETRAITE au paiement d’une indemnité de 5.000 euros en indemnisation du préjudice subi par Monsieur [M]
- condamner la Compagnie GENERALI RETRAITE au paiement d’une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir
- condamner la Compagnie d'assurances GENERALI RETRAITE aux dépens.
En défense, dans leurs conclusions en réplique n°2 notifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, GENERALI et la SA GENERALI RETRAITE demandent au tribunal de :
Vu les articles L.141-1, L.132-22 et L.132-23 du Code des Assurances ;
Vu l'article 1353 du Code Civil ;
À titre principal
1°) Mettre hors de cause GENERALI et donner acte à GENERALI RETRAITE de son intervention volontaire ;
2°) Débouter Monsieur [M] de l'ensemble de ses prétentions ;
3°) Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurence-Anne CAILLERRE BLANCHOT ;
Et le condamner à verser à GENERALI RETRAITE la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
A titre subsidiaire
- Limiter à la somme de 21.533,53 € Brut augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 la condamnation prononcée à l’encontre de GENERALI RETRAITE ;
- Débouter Monsieur [M] du surplus de ses prétentions.
À titre infiniment subsidiaire
- Fixer le montant de la rente annuelle brute sans réversion à 1.511,74 €, avant application des prélèvements sociaux et fiscaux.
- Débouter Monsieur [M] du surplus de ses prétentions.
Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 3 juin 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’intervention volontaire de la SA GENERALI RETRAITE
Il n’est pas discuté que le contrat litigieux souscrit auprès de la société GPA VIE a été transféré à la société GENERALI VIE puis transféré à la SA GENERALI RETRAITE dans le cadre d’un transfert partiel de portefeuille agréé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution le 4 novembre 2022.
Il y a donc lieu de déclarer recevable la SA GENERALI RETRAITE en son intervention volontaire et de mettre hors de cause la compagnie GENERALI.
Sur le fond
M. [Y] [M] sollicite l’exécution d’un contrat d’assurance de retraite complémentaire souscrit à son profit par son employeur la société BRAINSTORMING. Il indique rapporter la preuve de l’existence de ce contrat et de son contenu et conteste que ce contrat ait pu, à la liquidation judiciaire de l’entreprise BRAINSTRORMING en 2003, faire l’objet d’une sortie en capital comme le soutient la SA GENERALI RETRAITE.
Il sollicite à titre principal le paiement de la somme de 21.553,53 € arrêtée au 7 juillet 2003, et à titre subsidiaire le versement d’une rente annuelle d’un montant de 1.511,74 € à compter du 9 juin 2020.
La SA GENERALI RETRAITE conclut en défense à titre principal au rejet des demandes de M. [Y] [M], considérant que celui-ci ne rapporte pas la preuve de l’existence du contrat d’assurance ni de son contenu. Elle fait notamment valoir que la police d’assurance, les conditions particulières et générales du contrat ne sont pas produites, et que les documents relatifs à l’information annuelle ne permettent pas de connaître le contenu détaillé du contrat. Elle explique que de son coté, elle n’a pu retrouver le contrat initialement souscrit, ce qui signifie qu’il n’était plus en vigueur auprès de GPA VIE lorsqu’elle a repris son actif en 2006. Il lui a également été impossible de retrouver la trace d’un mouvement bancaire opéré en 2003. Elle souligne encore que si le contrat avait été maintenu, M. [Y] [M] serait en capacité de produire les documents d’information postérieurs à 2003 , et que son impossibilité d’y procéder démontre que le contrat a fait l’objet d’une sortie en capital. À titre subsidiaire, elle discute du montant des demandes.
Selon l’article 1103 du code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait”. Il est constant que par application de ces dispositions, il appartient à celui qui demande l’exécution d’un contrat de rapporter la preuve de son existence et de son contenu, et à celui qui prétend l’avoir exécuté d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, M. [Y] [M] se prévaut d’un contrat d’assurance de retraite complémentaire lui permettant d’obtenir, à l’âge de la retraite, le versement d’une rente à vie. Il n’est pas discuté qu’il n’est pas en capacité de présenter la police d’assurance ou ses conditions particulières et générales. Il produit par contre les documents d’information reçus au titre de ce contrat depuis 1996 portant sur un contrat n°400022948 et mentionnant jusqu’à l’année 1999 le montant des versements effectués par l’employeur, et à partir de l’année 2000 le montant du compte et de la rente qui pourrait être versée au départ en retraite de M. [Y] [M], étant rappelé que celui-ci a quitté l’entreprise BRAINSTORMING en 1999. Le dernier courrier d’information reçu émane de GPA ASSURANCES Groupe GENERALI, et mentionne au titre du contrat LEADER PROTECTION RETRAITE n°400022948 que la situation du compte retraite entreprise au 31 décembre 2002 après revalorisation au taux de 4,57% s’élève à la somme de 21.553,53 €, et que, compte tenu des versements déjà effectués, si M. [Y] [M] partait à la retraite à l’âge de 60 ans il percevrait une rente à vie d’un montant de 1.511,74 € hors prélèvements sociaux et fiscaux.
M. [Y] [M] rapporte en conséquence la preuve de la souscription par son employeur d’un contrat retraite entreprise LEADER PROTECTION RETRAITE. L’existence de ce contrat ne peut être contestée. Par ailleurs, compte tenu des informations ressortant des courriers produits, il rapporte la preuve du contenu du contrat, lequel porte sur le versement à l’âge de la retraite d’une rente à vie, dont le montant est connu au 7 juillet 2003 sur la base d’un compte retraite entreprise dont le montant est également connu.
Il appartient dès lors à la SA GENERALI RETRAITE de rapporter la preuve qu’elle a exécuté le contrat, soit en versant la rente à vie objet du contrat, soit par sortie en capital du contrat.
En l’espèce la SA GENERALI RETRAITE, qui ne conteste pas ne pas être en mesure de produire le contrat d’assurance ni le bulletin d’adhésion de M. [Y] [M], affirme que ce contrat a fait l’objet d’une sortie en capital à la liquidation judiciaire de l’employeur la société BRAINSTORMING. Elle estime que cette sortie en capital est tout à fait logique, d’une part parce qu’elle n’a pas trouvé trace du contrat ce qui signifie qu’il n’était plus en vigueur à la date où GENERALI a repris le portefeuille, d’autre part parce que M. [Y] [M] n’a plus reçu de documents d’information après le 7 juillet 2003, signe selon elle que le contrat n’existait plus.
S’il ne peut être contesté que l’employeur de M. [Y] [M] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 15 octobre 2003, cette liquidation judiciaire ne peut constituer la preuve ou un élément de preuve de ce que le contrat d’assurance a fait l’objet à cette date d’une sortie en capital. De même, le fait que la SA GENERALI RETRAITE n’ait pas trouvé trace du contrat ne peut constituer une telle preuve, compte tenu des transferts successifs de portefeuilles de contrat, et alors qu’elle n’est même pas en mesure d’établir la preuve d’un mouvement bancaire permettant de justifier de la clôture de ce contrat. Et pour les mêmes raisons, le fait que l’assuré n’a plus reçu aucun document d’information après 2003 ne saurait constituer la preuve de la clôture du contrat mais constitue plutôt une inexécution de ses obligations par l’assureur.
Il résulte de l’ensemble que la SA GENERALI RETRAITE ne justifie ni de l’exécution du contrat, ni de la sortie en capital de ce contrat.
M. [Y] [M] est donc bien fondé à en demander l’exécution. Il sollicite à titre principal le paiement de la somme de 21.553,53 € représentant le situation de son compte retraite arrêtée au 7 juillet 2003, avec intérêts au taux de 4,57% jusqu’à parfait règlement. La SA GENERALI RETRAITE ne s’oppose pas au versement du capital mais considère que les sommes dues devront porter intérêt de retard à compter de la mise en demeure du 9 juin 2020 en l’absence de preuve d’un intérêt contractuel.
Les parties s’accordent sur le paiement du capital tel qu’arrêté le 7 juillet 2003 à la somme de 21.553,53 €. La SA GENERALI RETRAITE sera en conséquence condamnée ua paiement de cette somme.
Si le document d’information mentionne que ce montant a été obtenu après revalorisation 2002 au taux de 4,57%, ce taux ne saurait être considéré comme un taux contractuel de retard. En l’absence de document contractuel permettant d’établir un tel taux, les intérêts de retard seront calculés au taux légal. Enfin, ils seront calculés à compter de la mise en demeure du 9 juin 2020 par application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
M. [Y] [M] sollicite le paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en indemnisation du manque de trésorerie causé par le défaut de diligence de la SA GENERALI RETRAITE. Il y a lieu de constater qu’il ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct du simple retard dans le paiement. Il sera débouté de la demande formée à ce titre.
Succombant à la procédure, la SA GENERALI RETRAITE sera condamnée aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Y] [M] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal,
Déclare recevable l’intervention volontaire de la SA GENERALI RETRAITE et met hors de cause la compagnie GENERALI ;
Condamne la SA GENERALI RETRAITE à payer à M. [Y] [M] la somme de 21.553,53 euros représentant le montant de son compte retraite entreprise, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;
Déboute M. [Y] [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts d’un montant de 5.000 € ;
Condamne la SA GENERALI RETRAITE aux dépens ;
Condamne la SA GENERALI RETRAITE à payer à M. [Y] [M] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT