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01/08/2024 | FRANCE | N°20/08841

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Loyers commerciaux, 01 août 2024, 20/08841


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX


LOYERS COMMERCIAUX



30C
N° RG 20/08841 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U446
Minute n° 24/00051
























Grosse délivrée
le :
à



















JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée d

e Céline DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et le jug...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX

LOYERS COMMERCIAUX

30C
N° RG 20/08841 - N° Portalis DBX6-W-B7E-U446
Minute n° 24/00051

Grosse délivrée
le :
à

JUGEMENT RENDU LE PREMIER AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Par devant Nous, Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, Juge déléguée aux Loyers Commerciaux, en exécution des articles L 145-56 et R 145-23 du code de commerce, assistée de Céline DONET, Greffier.

Le Juge des Loyers Commerciaux,

A l’audience publique tenue le 05 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 01 Août 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

Monsieur [J] [K] [F] - décédé
né le 06 Avril 1936 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Jean-François DACHARRY de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,

Madame [Y] [R] veuve [F] - décédée
née le 09 Août 1936 à [Localité 4] - ESPAGNE, demeurant [Adresse 10]

représentée par Maître Jean-François DACHARRY de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX,

Monsieur [P] [F]
né le 07 Décembre 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Hélène SEURIN de la SCP DACHARRY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX,

ET :

S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Laurent SUSSAT de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX,

Qualification du jugement : contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte authentique des 24 et 25 janvier 1991, monsieur [J] [F] a donné à bail commercial à la SA SOCIETE GENERALE des locaux dans un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 6] [Localité 7] pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer annuel initial de 187.800 francs hors taxes et hors charges pour l’exploitation d’une activité de banque.
Le bail a été renouvelé le 7 novembre 2000 et le 27 septembre 2010, date à laquelle le loyer a été fixé à la somme annuelle de 44.011 euros hors taxes et hors charges.

Le 08 août 2018, le bailleur a fait signifier au preneur un congé avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er avril 2019, contenant une proposition de payer un loyer renouvelé annuel de 55.000 euros hors taxes et hors charges à effet au 1er juillet 2018.

Après notification par lettre recommandée avec accusé de réception d’un mémoire préalable le 08 avril 2020, monsieur [J] [F] a, par acte du 06 novembre 2020, fait assigner la SA SOCIETE GENERALE devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Bordeaux en vue de la fixation du prix du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2018.

Monsieur [J] [F] est décédé le 06 décembre 2020 laissant pour lui succéder madame [Y] [R] veuve [F] et monsieur [P] [F], intervenus volontairement à l’instance.

Par jugement du 15 décembre 2021, le juge des loyers commerciaux a constaté que le bail a été renouvelé à compter du 1er avril 2019, que le montant du prix du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, et avant dire droit, ordonné une mesure d’expertise confiée à monsieur [I].

L’expert a déposé son rapport le 09 janvier 2023.

Madame [Y] [R] veuve [F] est décédée le 29 décembre 2022, laissant pour lui succéder monsieur [P] [F].

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l’audience, monsieur [P] [F], soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 31 mai 2024 et déposé au greffe le 02 avril 2024, sollicite du juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de plein droit, de :

à titre principal :fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2019 au montant annuel de 50.430 euros hors taxes et hors charges,juger que les compléments de loyers dus par le locataire porteront intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer, et que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts,à titre subsidiaire :fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2019 au montant annuel de 48.188 euros hors taxes et hors charges,juger que les compléments de loyers dus par le locataire porteront intérêt au taux légal de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer, et que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts,en tout état de cause :débouter la SOCIETE GENERALE de l’ensemble de ses demandes,condamner la SOCIETE GENERALE au paiement des dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire,condamner la SOCIETE GENERALE à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [F] rappelle que le montant du loyer doit être fixé à la valeur locative, conformément aux dispositions de l’article R145-11 du code de commerce.

A ce titre et au soutien de sa demande principale, il expose que l’immeuble est en très bon état d’entretien de gros œuvre et locatif.
Il soutient qu’il convient de prendre en compte pour déterminer la surface pondérée des locaux, la superficie des locaux de 206m2 mesurée par l’expert, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à un géomètre expert, à laquelle des coefficients de pondération doivent être appliqués, certains de ceux appliqués par l’expert devant être revus à la hausse.
Ainsi, selon lui, le coefficient à appliquer à la zone d’angle sur la large [Adresse 11] doit être de 1,20, dès lors que cet angle, valorisé par un bureau et non un local technique, permet à la SOCIETE GENERALE de disposer de larges vitrines sur deux voies et sur lesquelles sont apposées des enseignes publicitaires renforçant sa visibilité, d’un éclairage plus important lui conférant un effet attractif par l’effet vitrine.
De même, il prétend qu’il convient d’appliquer un coefficient de 0,90 à la deuxième zone des locaux situés entre 5 et 10 mètres depuis la vitrine, ces locaux étant parfaitement fonctionnels pour l’activité exercée (vaste hall d’accueil, bureaux bien éclairés, présence d’un local technique sécurisé). Il ajoute que les locaux bénéficient de 20 mètres linéaires de vitrine, augmentant leur visibilité et leur éclairage, et que la SOCIETE GENERALE ne peut opposer les travaux réalisés par ses soins de pose d’occultants et de réalisation de séparations intérieures créant ainsi des zones d’ombre, pour soutenir l’application d’un coefficient inférieur. S’agissant de la différence de niveau alléguée, il prétend qu’elle est minime dès lors qu’elle n’est constituée que de la présence de deux marches pour accéder au salon d’attente et au local qui constituait antérieurement la première boutique, ce qui ne saurait permettre de justifier l’application d’un coefficient de pondération inférieur.
Il en conclut donc, au soutien de sa demande principale, que la superficie pondérée doit être fixée à 168,10 m2, et au soutien de sa demande subsidiaire, qu’elle doit être fixée à la superficie retenue par l’expert.

Monsieur [F] fait par ailleurs valoir que le local est situé dans un secteur présentant un niveau de commercialité très favorable au preneur, dès lors qu’il est situé en centre-ville de [Localité 7], à proximité d’un parking public, qu’il bénéficie d’une bonne visibilité, et de l’extension de la ligne A du tramway, et que des travaux de réaménagement de la place et de la ZAC à proximité ont conduit à la création de nombreux commerce et logements.

S’agissant des éléments de comparaison, il soutient que ceux retenus par l’expert sont pertinents, ce qui doit conduire à retenir une valeur locative unitaire de 300euros/m2, et que la SOCIETE GENERALE ne produit aucun élément probant permettant d’étayer sa demande tendant à la fixation de cette valeur à la somme de 250 euros/m2.
Il ajoute que l’application d’un abattement au titre de la clause transférant sur le locataire les travaux requis par les services d’hygiène doit être écartée, cette clause étant présente dans la quasi-totalité des baux. Au surplus il considère que cette clause ne peut être considérée comme une clause exorbitante de droit commun dès lors qu’elle limite le transfert aux travaux requis par les services d’hygiène sans porter sur l’intégralité des travaux prescrits par l’autorité administrative, étant au surplus souligné que cette clause n’a jamais été mise en œuvre et que la SOCIETE GENERALE n’a donc jamais subi de préjudice du fait de son existence. En outre, il ajoute que si les travaux requis relevaient des grosses réparations visées par l’article 606 du code civil, ces travaux incomberaient nécessairement au bailleur nonobstant cette clause. A titre subsidiaire, il soutient que l’abattement appliqué ne saurait être supérieur à 3%

A l’audience, la SA SOCIETE GENERALE, soutenant son mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 juin 2024 et déposé au greffe le 24 mai 2024, demande au juge des loyers commerciaux, sous le bénéfice de l’exécution provisoire de droit, de :
fixer le loyer commercial renouvelé au 1er avril 2019 à la somme annuelle de 37.014 euros,juger que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal, de plein droit à compter de chaque échéance, et que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,condamner monsieur [P] [F] au paiement des dépens qui comprennent les frais d’expertise,condamner monsieur [P] [F] à lui payer une indemnité de 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SOCIETE GENERALE soutient que le loyer de renouvellement doit être fixé à la valeur locative, conformément aux articles L145-36 et R145-11 du code de commerce, ce d’autant plus que le loyer contractuel en vigueur à la date d’effet du renouvellement (47.788,40 euros) s’avère supérieur à la valeur locative des locaux.
S’agissant de la détermination de la superficie réelle, la SOCIETE GENERALE prétend qu’il appartient au bailleur de communiquer un plan de géomètre-expert pour vérifier celle retenue par l’expert, sa demande formulée en ce sens dans un dire étant restée lettre morte.
Pour la détermination de la surface pondérée, elle fait valoir qu’il n’y a pas de situation d’angle à valoriser, ce qui doit conduire à retenir un coefficient de 1, dès lors que l’accès à l’intérieur de l’agence ne se fait pas à partir de cet angle, lequel est un plan coupé du local technique sécurisé situé à l’intérieur des locaux. Elle ajoute que le linéaire de façade se trouve interrompu par l’entrée de l’immeuble. Elle conteste tout effet d’enseigne positif du fait de cet angle, la visibilité étant diminuée par l’étroitesse de la [Adresse 11], et la coupure dans le linéaire de façade.
Elle demande de fixer un coefficient de 0,75 au titre de la deuxième zone compte tenu de l’existence de nombreuses marches pour circuler à l’intérieur des locaux, et de l’absence d’éclairage naturel.
Elle en conclut que la surface pondérée, sur la base d’une surface de 206m2 doit être de 155,85m2.
La SOCIETE GENERALE sollicite la fixation du prix unitaire à la somme de 250 euros/m2 au regard des caractéristiques des lieux à savoir la présence de marches, le faible éclairage par la lumière extérieure, et l’obligation d’avoir un LTS qui pénalise l’exploitation de l’agence du fait de la restriction d’accès qui en résulte.
Elle ajoute que les locaux sont exclusivement destinés à une activité de banque, ce caractère restrictif justifiant la fixation du loyer à une valeur inférieure au loyer portant sur des activités non soumises de plein droit à une fixation de la valeur locative.
Elle prétend, en vertu de l’article R145-8 du code de commerce, qu’un abattement minimum de 5% doit être appliqué à la valeur locative au titre de la clause du bail qui lui transfert la charge des travaux de mise en conformité imposés par les services d’hygiène, caractérisant une clause exorbitante du droit commun, peu important les usages ou la présence de cette clause dans la quasi-totalité des baux, ce qui au demeurant constitue une affirmation péremptoire.
S’agissant des facteurs locaux de commercialité qui doivent être déterminés au 1er avril 2019, et non de la recherche d’une modification notable de ceux-ci, la SOCIETE GENERALE fait valoir que les travaux de restructuration et l’augmentation de la population ne sont pas concernés. Elle expose que si les locaux sont situés face à la [Adresse 9], le long de la ligne de tramway, ils sont en revanche en retrait de l’arrêt de tramway aux abords duquel plusieurs établissements concurrents sont implantés.
Concernant les prix couramment pratiqués dans le voisinage, la SOCIETE GENERALE demande d’exclure, comme l’a fait l’expert les éléments de comparaison cités par le bailleur, et de fixer au regard des éléments de comparaison retenus par l’expert une valeur locative unitaire de 250 euros.

MOTIVATION

Sur la fixation du montant du loyer du bail commercial

En vertu de l’article L145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d’une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
L’article R145-11 du code de commerce prévoit que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
En application de l’article L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative et, à défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En l’espèce, il a été constaté dans la précédente décision que le prix du bail renouvelé doit être fixé, compte tenu de la nature des locaux, à la valeur locative laquelle doit être déterminée au regard des éléments prévus par les textes susvisés.

- les caractéristiques des lieux loués

En vertu de l’article R145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres du local s’apprécient en considération :
1 ) de sa situation dans l’immeuble dans lequel il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2 ) de l’importance des surfaces respectives affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui dont exercées dans les lieux ;
3 ) de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4 ) de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5 ) de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

En l’espèce, il résulte de l’expertise judiciaire que les locaux constitués d’un hall d’accueil, de dégagements, d’une zone d’attente, d’un local technique sécurisé indispensable pour l’activité bancaire (opérations réalisées par des automates) et de bureaux sont en bon état et sont fonctionnels pour l’activité exercée.
S’agissant de la présence de marches à l’intérieur des locaux, la SOCIETE GENERALE ne démontre pas en quoi celles-ci auraient un impact défavorable sur les caractéristiques des locaux, l’expert n’ayant pas relevé de difficultés liées à la circulation de la clientèle du fait de ces quelques marches.

S’agissant de la superficie du local, le juge des loyers commerciaux ne peut que constater que si la SOCIETE GENERALE conteste l’absence de recours à un géomètre expert pour déterminer la superficie réelle du local, elle n’en tire aucune conséquence juridique dans ses prétentions, dès lors qu’elle formule une proposition de surface pondérée sur la base de la superficie de 206 m2 retenue par l’expert.

Cette superficie de 206m2 doit faire l’objet d’une pondération qui s’établit comme suit :
pour la 1ère zone depuis la façade sur la place (40m2) : coefficient de 1, lequel n’est pas contesté par les parties,pour la 2ème zone correspondant aux 5 mètres suivants (55m2) : les éléments de l’expertise permettent de retenir que l’ensemble des bureaux sont bien éclairés, certains étant toutefois éclairés en second jour, ce qui résulte, au regard du plan annexé à l’expertise, de la configuration des locaux, plutôt que des aménagements réalisés par la SOCIETE GENERALE. Le coefficient de 0,80 appliqué par l’expert apparaît donc pertinent, et ne doit pas être modifié.pour la zone d’angle (20 m2): si cette zone ne constitue pas l’entrée du local, elle donne en revanche une certaine visibilité au local sur deux rues puisqu’elle donne sur la [Adresse 11], et a permis, contrairement aux allégations de la SOCIETE GENERALE, l’installation d’un bureau disposant de larges vitrines avec apposition d’enseignes publicitaires sur les deux voies. Dans ces conditions, le coefficient de pondération retenu par l’expert de 1,10 apparaît pertinent, et ne doit pas être modifié.pour le surplus des locaux (91m2) : coefficient de 0,60, lequel n’est pas contesté par les parties.
Par conséquent, il convient de retenir, conformément à l’expertise judiciaire, une surface pondérée de 155,85 m2.

- la destination des lieux

En vertu de l’article R145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L145-47 à L145-55 et L642-7.

En l’espèce, ce critère ne fait pas débat entre les parties, la destination du local commercial étant conforme à celle contractuellement prévue, laquelle est toutefois restrictive dès lors que les locaux sont exclusivement destinés à une activité de banque.

- les obligations respectives des parties

En vertu de l’article R145-8 du code de commerce, du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages.

En l’espèce, le contrat de bail met à la charge du preneur les travaux de mise en conformité imposés par les services d’hygiène. Cette clause, même si elle ne pourra pas s’appliquer pour les travaux relevant de l’article 606 du code civil, n’en demeure pas moins une clause exorbitante du droit commun, dès lors que les travaux de mise aux normes relèvent en principe de l’obligation de délivrance et d’entretien du bailleur. Toutefois, cette clause n’étant pas générale à tous les travaux de mise en conformité, mais limitée aux travaux imposés par les services d’hygiène, l’abattement ne saurait être de 5% comme demandé, mais uniquement de 3%.

- les facteurs locaux de commercialité

En vertu de l’article R 145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.

En l’espèce, il résulte de l’expertise, que le local était situé au jour du renouvellement fixé au 1er avril 2019 dans le centre-ville d’une commune attractive connaissant une augmentation de sa population, à proximité d’un arrêt de tramway et d’un parking, ce qui positionne le local dans lequel est exercée l’activité de la SOCIETE GENERALE à un emplacement favorable avec une clientèle potentielle et un accès facilité.

- les prix couramment pratiqués dans le voisinage

En vertu de l’article R145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R145-3 à R145-5. A défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence. Les références proposées de part et d’autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

En l’espèce, les éléments de comparaison, valablement produits par le bailleur pour être débattus dans le cadre de l’expertise, portant sur des établissements bancaires situés à [Localité 5], mais dans des environnements similaires à celui du local litigieux, et à [Localité 8], sont parfaitement pertinents et permettent de retenir que la valeur locative s’établit entre 228 euros/m2 (mais pour un bail de 2002) à 437 euros pour un bail de 2019 avec une superficie légèrement supérieure.
Les éléments de comparaison retenus par l’expert dans l’environnement immédiat du local ne portent pas sur des agences bancaires mais sur des restaurants et un tabac presse et permettent de relever une valeur moyenne de 343 euros/m2. Ils portent toutefois sur des superficies inférieures à celle exploitée par la SOCIETE GENERALE, justifiant une adaptation du montant du loyer à envisager, comme le fait l’expert.

Par ailleurs, la SOCIETE GENERALE, au soutien de sa critique des différents éléments de comparaison, ne produit aucun élément notamment des établissements bancaires qu’elle dit être situés à proximité.

Par conséquent, au regard de l’ensemble de ces éléments, et notamment de la visibilité des locaux, de leur situation dans un secteur de bonne commercialité, du caractère restrictif de la destination du bail, la valeur locative sera fixée à 300 euros du m2, soit la somme totale de 48.188 euros.
Il convient d’appliquer une minoration de 3% (soit 1.445 euros) permettant de fixer la valeur locative à la somme annuelle de 46.743 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er avril 2019.

Les parties établiront les comptes entre elles, au regard de la somme versée depuis le 1er avril 2019, le montant de la valeur locative fixée par le présent jugement étant inférieure au montant du loyer contractuel, étant rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la notification du premier mémoire en défense par le preneur. Par ailleurs, la capitalisation des intérêts échus pour une année au moins sera ordonnée.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

- Dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, l’expertise ayant été ordonnée dans l’intérêt commun des parties de voir fixer la valeur locative du local, il convient de dire que les dépens, en ce compris les frais d’expertise, seront partagés par moitié entre elles.

- Frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. [...]. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu’il n'y a pas lieu à ces condamnations. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

Chacune des parties étant par moitié tenue aux dépens, elles seront déboutées de leurs prétentions respectives formulées au titre des frais irrépétibles.

- Exécution provisoire

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux,

Fixe le prix du loyer du local situé [Adresse 1] à [Localité 7] au titre du bail conclu entre monsieur [P] [F] et la SA SOCIETE GENERALE renouvelé à effet du 1er avril 2019 à la somme annuelle de 46.743 euros hors taxes et hors charges ;

Rappelle que les intérêts courent de plein droit au taux légal, à compter du 28 mai 2021, sur la somme due au titre de la différence entre le loyer judiciairement fixé et le loyer réglé,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année au moins ;

Ordonne un partage par moitié des dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, et condamne monsieur [P] [F] à en payer la moitié, et la SA SOCIETE GENERALE à en payer la moitié ;

Déboute monsieur [P] [F] et la SA SOCIETE GENERALE de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Rappelle que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire ;

La présente décision a été signée par Myriam SAUNIER, Vice-Présidente, et par Céline DONET, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 20/08841
Date de la décision : 01/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-01;20.08841 ?
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