TGI BORDEAUX - JLD (rétentions administratives)
RG N° RG 24/06200 - N° Portalis DBX6-W-B7I-ZM5J Page
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
──────────
LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
────
Cabinet de Elisabeth VERCRUYSSE
Dossier n° N° RG 24/06200 - N° Portalis DBX6-W-B7I-ZM5J
N° Minute : 24/00236
ORDONNANCE STATUANT SUR UNE SECONDE DEMANDE DE PROLONGATION D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
Article L 742-4 à 7, L 743-4, L 743-6, L 743-7, L 743-9, L 743-19, L 743-25 et R 743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Elisabeth VERCRUYSSE, juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Stéphanie TESSIER, greffier ;
Vu les articles L.742-1, L 743-4, L 743-6, L 743-7, L 743-24, L 743-20, L 743-9, L 742-2, L 742-4, L 743-4, L 742-6 à 7, L 743-9, L 742-6, R 743-1, L 743-19, L 543-25 et R 743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 25 Juin 2024 par Monsieur le PREFET DE LA GIRONDE à l’encontre de M. [V] [Z] alias [O] [W];
Vu l’ordonnance rendue le 27 Juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BORDEAUX prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt huit jours confirmée par ordonnance rendue le 28 Juin 2024 par le premier président de la cour d’appel de BORDEAUX;
Vu la requête de l’autorité administrative en date du 25 Juillet 2024 reçue et enregistrée le 25 Juillet 2024 à 14 H21 tendant à la prolongation de la rétention de M. [V] [Z] alias [O] [W] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de trente jours ;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L.744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;
PARTIES
AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION
Monsieur le PREFET DE LA GIRONDE
préalablement avisée, est présente à l’audience, représenté par Mme [I] [L]
PERSONNE RETENUE
M. [V] [Z] alias [O] [W]
né le 23 Octobre 1994 à TUNIS
de nationalité Tunisienne
préalablement avisé,
TGI BORDEAUX - JLD (rétentions administratives)
RG N° RG 24/06200 - N° Portalis DBX6-W-B7I-ZM5J Page
actuellement maintenu en rétention administrative, est présent à l’audience,
assisté de Me Laura DESVERGNES, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant, avocat commis d’office,
en présence de M. [D] [S], interprète en langue arabe, déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du français : interprète inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Bordeaux,
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.
DEROULEMENT DES DEBATS
A l’audience publique, le juge des libertés et de la détention a procédé au rappel de l’identité des parties;
Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant;
Mme [I] [L] représentant le préfet a été entendu en ses observations ;
M. [V] [Z] alias [O] [W] a été entendu en ses explications ;
Me Laura DESVERGNES, avocat de M. [V] [Z] alias [O] [W], a été entendue en sa plaidoirie ;
En l’absence du ministère public, régulièrement avisé;
FAITS ET PROCEDURE
M. X se disant [V] [Z], pouvant être de nationalité tunisienne, a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant trois ans par le préfet de la Gironde le 11 janvier 2024 notifiée le 12 janvier 2024 à 8h45.
Par jugement du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté uniquement en ce qu’il portait à l’encontre de M. X se disant [V] [Z] interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans.
En exécution de cet arrêté il a été placé en rétention administrative par décision du 25 juin 2024 du préfet de la Gironde notifiée à 9h14 à sa sortie de la maison d’arrêt de Gradignan où il purgeait une peine de 10 mois d’emprisonnement.
Par ordonnance du 27 juin 2024, confirmée en appel le 28 juin 2024, le juge des libertés et de la détention de Céans a autorisé une première prolongation de sa rétention administrative pour une durée de 28 jours.
Par requête reçue et enregistrée au greffe du juge des libertés et de la détention le 25 juillet 2024 à 14h21, le préfet de la Gironde sollicite, au visa de L. 742-4 du CESEDA, la prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [V] [Z] pour une durée maximale de 30 jours dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
L’instance a été fixée à l'audience du 26 juillet 2024 à 10h30.
M. X se disant [V] [Z] a été entendu en ses observations, assisté d’un interprète. Il a expliqué qu’auparavant il a pu commettre des erreurs mais qu’à présent il est décidé à rester en France pour vivre avec sa compagne et participer à l’éducation de leur enfant. Il serait en mesure de se faire communiquer un acte de naissance par sa famille demeurée en Tunisie. Il a par ailleurs indiqué qu’il ne s’opposerait pas à son éloignement s’il n’avait pas le choix, pour pouvoir revenir dans des conditions régulières.
Le représentant du préfet de la Gironde a repris oralement les termes de la requête soutenant que M. X se disant [V] [Z] n’a aucune garantie de représentation, en ce que :
- il a fait l’objet de quatre décisions portant obligation de quitter le territoire national, confirmées par le Tribunal Administratif, en 2020, 2021, 2023 et 2024 ;
- il a fait l’objet de quatre mesures d’assignation à résidence qu’il n’a pas respectées ;
- il n’a pas de document d’identité, ne présente aucune preuve de son identité réelle et est connu sous un alias ;
- il n’a pas de domicile fixe personnel et stable sur le territoire, l’attestation d’hébergement de sa compagne n’étant ni manuscrite ni signée, et le QR code figurant sur l’attestation d’assurance du logement indiquant que cette attestation est invalide, le contrat étant incatif depuis le 25 juin 2024, soit depuis le jour de souscription ;
- ses éléments de vie privée et familiale ont déjà été écartés par le juge des libertés et de la détention, en première instance et en appel, lors de la première prolongation de la mesure ;
- M. X se disant [V] [Z] ne présente aucune preuve d’être le père d’un enfant français, ni qu’il contribue à son entretien et à son éducation ;
- il n’a aucune ressources légales en France.
Il a ajouté que les diligences auprès des autorités consulaires algériennes et tunisiennes avaient été effectuées dès son placement en rétention, que M. X se disant [V] [Z] avait bénéficié d’un entretien avec les autorités consulaires algériennes le 4 juillet, qu’une relance avait été émise à leur égard le 22 juillet, et à l’égard des autorités tunisiennes le 17 juillet. Les autorités consulaires étant souveraines, aucune autre démarche ne peut être diligentée.
En défense, le conseil de M. X se disant [V] [Z] sollicite le rejet de la demande de prolongation de la mesure de rétention administrative au motif :
- qu’il est en France depuis 2015 ;
- que sa situation familiale est beaucoup plus stable que précédemment ;
- qu’il présente de solides garanties de représentation, étant hébergé chez sa compagne qui fournit une attestation d’hébergement, la copie de sa carte d’identité et une attestation d’assurance locative ;
- que n’ayant aucun document d’identité et compte tenu des relations difficiles à cette époque avec sa compagne, il n’a pu reconnaître son fils officiellement ;
- qu’il ne s’opposera pas à son éloignement si cela lui permet de revenir en France dans des conditions régulières.
Il sollicite en conséquence la mainlevée de la rétention administrative et le versement d’une somme de 900 euros au tire de l’article 700 du code de procedure civile et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
M. X se disant [V] [Z] a eu la parole en dernier.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prolongation de la mesure de rétention administrative
Il résulte de l'article L. 741-3 du CESEDA qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
D 'autre part, au terme des dispositions de l'article L. 742-4 du CESEDA que :
« Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours. »
Pour accueillir une nouvelle demande de prolongation de la rétention administrative, il appartient au juge de contrôler le caractère suffisant des diligences de l’administration pour organiser le départ de l’étranger. Il est tenu de vérifier que les autorités ont été saisies de manière effective.
Le préfet n’ayant toutefois aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires pour effectuer une relance auprès du consulat saisi, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse, et il n’y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat (1ère civ. 9 juin 2010, n° 09-12.165).
En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que les autorités consulaires algériennes ont été saisies dès le 21 juin 2024 d’une demande de laissez-passer consulaire pour M. X se disant [V] [Z], puis informées de son placement en rétention le 25 juin 2024. Un entretien a été organisé avec le représentant du consulat d’Algérie le 4 juillet 2024, et une relance a été adressée le 22 juillet 2024.
En parallèle, les autorités consulaires tunisiennes ont été saisies le 13 juin 2024 d’une demande de laissez-passer consulaire pour M. X se disant [V] [Z], puis informées de son placement en rétention le 25 juin 2024. Une relance leur a été adressée le 17 juillet 2024.
Cette absence d’identification de M. X se disant [V] [Z] par les autorités algériennes et tunisiennes ne résulte pas d’une absence de diligences de la part de l’autorité administrative française.
En tout état de cause, dès lors qu’aucun pouvoir de contrainte de la part de l’autorité administrative française n’existe à l’égard des autorités consulaires, l’absence de relance depuis le 17 et le 22 juillet ne saurait caractériser un défaut de diligence de la part de l’autorité administrative.
En outre, ce n’est pas parce que les autorités algériennes et tunisiennes n’ont pas encore reconnu M. X se disant [V] [Z] comme l’un de leurs ressortissants qu’une telle reconnaissance n’interviendra pas dans les 30 prochains jours.
S’agissant de ses garanties de représentation, M. X se disant [V] [Z] se prévaut, comme lors du premier débat sur la première prolongation, de sa vie familiale en France. Il ne conteste pas n’avoir aucune ressource légale. Sa paternité n’est pas établie. Quant à sa vie de couple, il convient de relever que l’attestation produite il y a moins d’un mois par Mme [T] [E] faisait état d’une « reprise de relation qui se fait étape par étape petit à petit ». Dans ces conditions, la sincérité de l’attestation non manuscrite et non signée qui est produite dans cette instance, dans laquelle elle atteste héberger M. X se disant [V] [Z] depuis le 25 juin 2024, soit le jour de son placement en rétention, peut être mise en doute. La vérification opérée par le représentant de la préfecture sur l’attestation d’assurance en scannant le QR code qui y est apposé a abouti à une page indiquant que cette attestation n’était pas valide, le contrat étant inactif depuis le 25 juin 2024 (jour de souscription indiqué). Ce dernier élément, ajouté aux précédents, permet de démontrer que M. X se disant [V] [Z] n’a en l’état pas de vie familiale stable en France.
Il n’est pas contesté qu’il s’est soustrait aux précédentes OQTF des 16 septembre 2020, 2 décembre 2021 et 29 janvier 2023, et qu’il n’a pas davantage respecté ses assignations à résidence des 11 juin 2020, 5 mai 2022, 23 août 2022, 1er février 2023 et 29 juin 2023.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de constater que M. X se disant [V] [Z] ne dispose d’aucune garantie de représentation.
La demande de deuxième prolongation apparaît en conséquence justifiée au regard du 3°a) de l’article L. 742-4 du CESEDA, à savoir le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Dès lors, le maintien en rétention de M. X se disant [V] [Z] étant le seul moyen de garantir l'exécution de l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, la prolongation de la rétention administrative sera donc autorisée pour une durée maximale de 30 jours.
Sur la demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La requête du préfet de la Gironde étant fondée, il convient de rejeter la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civil et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
ACCORDONS l’aide juridictionnelle provisoire à M. [V] [Z] alias [O] [W]
DECLARONS la requête en prolongation de la rétention administrative du Monsieur le PREFET DE LA GIRONDE à l’égard de M. [V] [Z] alias [O] [W] recevable ;
DECLARONS la procédure diligentée à l’encontre de M. [V] [Z] alias [O] [W] régulière ;
ORDONNONS LA PROLONGATION DE LA RETENTION de M. [V] [Z] alias [O] [W] au centre de rétention de Bordeaux pour une durée de trente jours supplémentaires ;
DISONS n’y avoir lieu à faire droit à la demande de M. [V] [Z] alias [O] [W] sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Fait à BORDEAUX le 26 Juillet 2024 à _____h_____
LE GREFFIER LE JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE
AUX PARTIES
Pour information de la personne retenue :
- La présente ordonnance est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel de Bordeaux dans les 24 heures de son prononcé. Le délai d’appel qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Le premier président est saisi par une déclaration écrite motivée, transmise au greffe de la cour d’appel de Bordeaux, par courriel : etrangers.ca-bordeaux@justice.fr
Cet appel n’est pas suspensif.
Si la décision met fin à la rétention administrative, l’intéressé est maintenu jusqu’à l’audience qui se tiendra à la cour d’appel à disposition de la justice dans des conditions fixées par le Procureur de la République.Pendant ce délai, l’étranger à le droit contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.
- Pendant toute la durée de sa rétention au centre de rétention administrative, le retenu peut demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix.
- Le retenu bénéficie également du droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (16/18, quai de la Loire - BP 10301 - 75921 Paris Cedex 19 ; www.cglpl.fr ; tél. : 01.53.38.47.80 ; fax : 01.42.38.85.32) ;
• le Défenseur des droits (7, rue Saint-Florentin - 75409 Paris Cedex 08 ; tél. : 09.69.39.00.00) ;
• France Terre d’Asile (24, rue Marc-Seguin - 75018 Paris ; tél. : 01.53.04.20.29) ;
• Forum Réfugiés Cosi (28, rue de la Baïsse - BP 75054 - 69612 Villeurbanne Cedex ; tél. : 04.27.82.60.51) ;
• Médecins sans frontières - MSF (8, rue Saint-Sabin - 75011 Paris ; tél. : 01.40.21.29.29).
- La CIMADE, association indépendante de l’administration présente au centre de rétention (Tél. CIMADE
tel : 05 57 85 74 87 fax : 05 56 45 53 09 ), est à la disposition des retenus, sans formalité, pour les aider dans l’exercice effectif de leurs droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
- Chaque retenu est en droit de demander, à tout moment, qu’il soit mis fin à sa rétention par simple requête, motivée et signée, adressée au juge des libertés et de la détention par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.
L’intéressé, L’interprète,
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE
AUX PARTIES
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance au Procureur de la République le 26 Juillet 2024.
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance au Monsieur le PREFET DE LA GIRONDE le 26 Juillet 2024.
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance à Me Laura DESVERGNES le 26 Juillet 2024.
Le greffier,