6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 17 Juillet 2024
58G
RG n° N° RG 22/02105
Minute n°
AFFAIRE :
[N] [D], [H] [R] épouse [V], [Y] [G] épouse [U]
C/
S.A. CNP ASSURANCES, [F] [B], [W] [B], [ZH] [B] divorcée [X], [I] [B], [E] [B]
inter volont
Association MANDATAIRE JUDICIAIRE DU PERIGORD, [E] [PW]
Grosse Délivrée
le :
à Avocats : la SELARL CBS AVOCATS
la SELAS ELIGE BORDEAUX
la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD
la SCP MICHEL PUYBARAUD
Me Eric NEGRE
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats, du délibéré et de la mise à disposition :
Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,
greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,
DEBATS:
A l’audience publique du 07 Février 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 10 avril 2024 pour être prorogée ce jour,
,
JUGEMENT:
Réputé contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS
Monsieur [N] [D]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 31]
de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 17]
représenté par Maître Caroline BRIS de la SELARL CBS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
Madame [H] [R] épouse [V]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 18]
représentée par Maître Caroline BRIS de la SELARL CBS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
Madame [Y] [G] épouse [U]
née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 16]
représentée par Maître Caroline BRIS de la SELARL CBS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS
S.A. CNP ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 20]
[Localité 25]
représentée par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX
Monsieur [F] [B]
né le [Date naissance 1] 1963 à
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 11]
représenté par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX
Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [W] [B]
de nationalité Française
[Adresse 30]
[Localité 13]
défaillante
Madame [I] [B]
née le [Date naissance 2] 1948 à
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 19]
défaillante
Madame [E] [B]
née le [Date naissance 6] 1946 à
de nationalité Française
[Adresse 26]
[Localité 14]
défaillante
PARTIES INTERVENANTES
l’Association MANDATAIRE JUDICIAIRE DU PERIGORD agissant es qualités de tutrice de Madame [J] [B], né le 04/05/1951 à [Localité 27] par décision du TI de BERGERAC en date du 18/10/2013
[Adresse 15]
[Localité 12]
représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [E] [PW] es qualités de tutrice de Mme [ZH] [B] par jugement du tribunal d’instance de VILLENEUVE SUR LOT du 20/06/2019
[Adresse 10]
[Localité 21]
représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Eric NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
FAITS ET PROCEDURE
Madame [Z] [C] [L] veuve [R], née le [Date naissance 24] 1928, est décédée le [Date décès 5] 2020. Durant son enfance, elle avait été placée auprès des services de l’aide sociale à l’enfance après que ses parents aient été déchus de leurs droits, avant d’être, à l’âge de 12 ans, confiée à Monsieur [VS] [T] [P], grand-père de Monsieur [N] [D], dans le cadre d’une mesure de tutelle.
Madame [Z]-[C] [L] s’est par la suite mariée en 1950 avec Monsieur [R], depuis décédé, sans que le couple n’ait eu d’enfant.
Le 17 décembre 1985, Madame [Z] [C] [L] veuve [R] a établi un testament testament olographe rédigé dans les termes suivants :
“J’institue pour mes légataires généraux et universels :
1°/ [N] [D], étudiant, fils de [K] [D] et [S] [D] née [P] […]
2°/ [H] [V], sans profession, née [H] [R], fille de [A] [R] et [O] [R] née [UL] […]
3°/ [Y] [G], étudiante, de [K] [G] et [M] [G] née [M] [R] […]
à qui je donne par égales parts entre eux, tout ce que je possèderai au jour de mon décès”.
Par jugement en date du 18 février 2009, Madame [Z] [C] [L] veuve [R] a bénéficié d’une mesure de curatelle, puis de tutelle par jugement du 28 septembre 2012, confiées à Madame [S] [D] née [P], fille de Monsieur [VS] [T] [P].
Le 27 septembre 2013, il a été procédé à la vente de l’immeuble de Madame [Z] [C] [L] au prix de 113. 500 €.
Saisi sur requête de Madame [S] [D], le juge des tutelles de Bordeaux l’a, par ordonnance du 6 janvier 2014, autorisée à placer cette somme de la manière suivante :
- 5. 000 € sur le compte chèques
- 12. 000 € sur le L.D.D.
- 96. 500 € sur le contrat d’assurance-vie CACHEMIRE de la Banque Postale, selon modalités fixées dans la requête, avec frais d’entrée de 0,5 % et la clause bénéficiaire “Mes Héritiers Légaux”.
Le 13 janvier 2014, l’adhésion au contrat intitulé Cachemire 2 n° 246 134476 22 a été matérialisée entre la tutrice et la Banque Postale auprès de la SA CNP ASSURANCES, moyennant un versement initial de 96. 500 €, le contrat comportant pour bénéficiaires en cas de décès un renvoi en ces termes : “Clause figurant dans l’ordonnance du juge des tutelles ou dans l’accord écrit du conseil de famille, conformément aux articles L. 132-4-1 du code des assurances, 389-6, 490 alinéa 2 et 493 alinéa 2 du code civil”.
Au décès de Madame [Z] [C] [L] [L] veuve [R] survenu le [Date décès 5] 2020, le capital s’élevait à la somme de 105. 314, 16 € au titre du contrat Cachemire 2.
La SA CNP ASSURANCES a recherché les héritiers légaux de Madame [Z]-[C] [L] en s’adressant au notaire en charge de la succession, puis à Madame [S] [D] qui l’a informée de la volonté exprimée par la défunte de désigner ses héritiers testamentaires en qualité de bénéficiaires du contrat litigieux. Elle a donc demandé à l’assureur de bloquer le versement du capital décès dans l’attente de la saisine du juge des tutelles de cette difficulté, ce que l’assureur a refusé par courrier du 18 février 2021, l’invitant à saisir le juge des référés à cette fin.
Par assignation du 30 mars 2021, Monsieur [N] [D], Madame [H] [R] épouse [V] et Madame [Y] [G] épouse [U], légataires universels, ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux qui, par décision du 19 juillet 2021, a ordonné à l’assureur de leur communiquer le contrat litigieux ainsi que l’identité et l’adresse des héritiers légaux, mais les a déboutés de leur demande de séquestre du capital-décès dans l’attente d’une décision statuant sur l’identité des bénéficiaires du contrat d’assurance-vie après interprétation de la clause bénéficiaire.
Par courrier officiel du 26 octobre 2021, le conseil de la SA CNP ASSURANCES a communiqué les pièces visées ainsi que l’identité et les coordonnées de Monsieur [F] [B], Madame [W] [B], Madame [J] [B], Madame [ZH] [X], Madame [I] [B] et Madame [E] [B], héritiers légaux de Madame [L].
Par courriers recommandés du 2 décembre 2021 adressés par le conseil des 3 héritiers testamentaires, chacun des héritiers légaux a été invité à faire part de leur position quant à une revendication éventuelle du capital-décès au titre du contrat litigieux.
En l’absence d’accord trouvés entre les parties, par actes d’huissier des 24 février, 2, 7, 17 mars 2022, Monsieur [N] [D], Madame [H] [R] épouse [V] et Madame [Y] [G] épouse [U] ont fait assigner la SA CNP ASSURANCES ainsi que Monsieur [F] [B], Madame [W] [B], Madame [J] [B], Madame [ZH] [X], Madame [I] [B] et Madame [E] [B], héritiers légaux de Madame [L] devant le présent tribunal aux fins de mise en œuvre de la garantie contractuelle.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, l’Association Mandataire Judiciaire du Périgord, agissant en qualité de tutrice de Madame [J] [B], désignée par jugement du juge des tutelles de Bergerac du 18 octobre 2013, est intervenue volontairement à l’instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2022, Madame [E] [PW], curatrice de Madame [ZH] [B], assignée sous l’identité de [ZH] [X], est intervenue volontairement à l’instance pour avoir été désignée par jugement du juge des tutelles de Villeneuve sur Lot du 20 juin 2019.
Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 19 juin 2023, Monsieur [N] [D], Madame [H] [R] épouse [V] et Madame [Y] [G] épouse [U] demandent au tribunal, aux visas des articles 1003 et 1006 du code civil, 132-8 du code des assurances, 700 du code de procédure civile, de la jurisprudence visée et des pièces produites, de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes,
- juger qu’ils sont les bénéficiaires du contrat d’assurance-vie CACHEMIR n°246 134476 22 souscrit auprès de la CNP ASSURANCES (La Banque Postale) au nom de Madame [L] le 13 janvier 2014,
- en conséquence, condamner la société CNP ASSURANCES à verser entre leurs mains le capital-décès dudit contrat d’assurance-vie, et ce à proportion de leur part héréditaire, à savoir concurrence d’un tiers pour chacun,
- condamner solidairement la société CNP ASSURANCES et Monsieur [F] [B] et Madame [J] [B], représentée par l’Association mandataire du
Périgord, représentée par Madame [E] [PW], à leur verser à chacun la somme de 2. 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la société CNP ASSURANCES et Monsieur [F] [B] et Madame [J] [B], représentée par l’Association mandataire du Périgord, aux entiers dépens, dont distraction sera ordonnée au profit de leur conseil.
En défense, par conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, la SA CNP ASSURANCES demande au tribunal de :
- lui donner acte qu’elle s’en remet quant à l’interprétation de la clause bénéficiaire,
- dire et juger qu’elle se libèrera des capitaux entre les mains des bénéficiaires judiciairement déterminés et que les règlements ne pourront intervenir qu’après réception d’un dossier comprenant notamment les justificatifs fiscaux, les contrats étant soumis aux dispositions de l’article 757B du code général des impôts,
- rejeter les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens à son encontre,
- condamner les demandeurs ou tout autre partie succombant à lui verser une indemnité de 2. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions notifiées le 17 mars 2023, Monsieur [F] [B] et Madame [J] [B], représentée par l’Association Mandataire Judiciaire du Périgord, demandent au tribunal, aux visas de l’article 734 du code civil, de l’article 132-8 du code des assurances et des pièces produites, de :
- juger que les bénéficiaires du contrat d’assurance vie Cachemire n° 246 134476 22 souscrit au nom de Madame [R], conformément à la clause de l’assurance vie sont les héritiers légaux dont fait partie [F] [B],
- condamner CNP Assurances à verser le capital décès présent sur le contrat d’assurance vie à Monsieur [B] [F] & à l’Association mandataire judiciaire du Périgord, en qualité de tutrice de Madame [J] [B] en proportion de leurs parts, conformément à l’article 132- 8 du code des assurances,
- condamner solidairement Monsieur [N] [D], Madame [H] [V], née [H] [R], Madame [Y] [G] à leur payer au titre des frais
par eux exposés dans leur représentation en justice, la somme de 1. 500 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit
de Me PUYBARAUD Michel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2022, Madame [ZH] [B] et sa curatrice Madame [E] [PW] demandent qu’il soit donné acte à cette dernière de son intervention volontaire et qu’il soit statué ce que de droit sur le bien-fondé des demandes présentées par Monsieur [N] [D], Madame [H] [R] épouse [V] et Madame [Y] [G] épouse [U].
Madame [W] [B], Madame [I] [B] et Madame [E] [B] n’ont pas constitué avocat.
Le jugement sera réputé contradictoire à l’égard de toutes les parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 7 février 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré au 14 avril 2024, par mise à disposition au greffe, prorogé à ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de recevoir, d’une part, l’Association Mandataire Judiciaire du Périgord, désignée en qualité de tutrice de Madame [J] [B], par jugement du juge des tutelles de Bergerac du 18 octobre 2013 et, d’autre part, Madame [E] [PW], désignée curatrice de Madame [ZH] [B] par jugement du juge des tutelles de Villeneuve sur Lot du 20 juin 2019, en leurs interventions volontaires.
Le litige porte sur la question de savoir s’il y a lieu ou non à interprétation de la clause bénéficiaire figurant au contrat Cachemire souscrit auprès de la CNP ASSURANCES mentionnée en ce termes : “Clause figurant dans l’ordonnance du juge des tutelles ou dans l’accord écrit du conseil de famille, conformément aux articles L. 132-4-1 du code des assurances, 389-6, 490 alinéa 2 et 493 alinéa 2 du code civil”, renvoyant ainsi à l’ordonnance du juge des tutelles de Bordeaux du 6 janvier 2014. Par cette décision, le juge autorise “Madame [S] [D], tutrice de Madame [Z] [L] veuve [R], à placer la somme de 96. 500 € sur le contrat d’assurance-vie Cachemire de la Banque Postale selon modalités fixées dans la requête, avec frais d’entrée de 0, 5 % et la clause bénéficiaire “mes héritiers légaux”.
Au soutien de leurs demandes, Monsieur [N] [D], Madame [H] [R] épouse [V] et Madame [Y] [G] épouse [U] font valoir que la notion d’héritiers légaux englobe nécessairement celle de “légataires universaux” que leur a conféré le testament établi en 1985, invoquant le libellé de l’ordonnance renvoyant à la requête présentée par la tutrice rappelant expressément les volontés de la défunte. Ils demandent au tribunal de donner à la clause sa juste interprétation en rappelant qu’en leurs qualités de légataires universels et généraux et en l’absence d’héritier réservataire, eux-seuls ont vocation à recueillir l’universalité des biens du défunt. Ils observent que la notion d’héritiers légaux n’est pas définie par la loi et que la vocation successorale par voie testamentaire résulte également de la loi en se fondant sur l’article 721 du code civil selon lequel les successions sont dévolues selon la loi lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par libéralité, sous réserve qu’elle soit compatible avec la réserve héréditaire. Ils indiquent que dans la mesure où il n’existe pas d’héritier réservataire, l’article 734 du code civil n’a pas à s’appliquer. Ils ajoutent que la position des défendeurs ferait prévaloir les liens de sang sur la volonté du défunt qui a pris soins de déterminer les personnes ayant vocation à hériter de ses biens et que la jurisprudence constante impose au juge de rechercher la volonté du souscripteur. Ils invoquent l’acte de notoriété établi par le notaire ne mentionnant pas l’existence des défendeurs qui n’ont aucune vocation successorale, à défaut de déternir une part héréditaire.
En défense, la CNP Assurances, Monsieur [F] [B] et la tutrice de Madame [J] [B] font valoir que la mention “mes héritiers légaux”, au contraire de la formule “héritiers” qui est plus large englobant les héritiers ab intestat et réservataires, renvoie aux personnes appelées par la loi à recueillir la succession du défunt en application des articles 731 et suivants du code civil et doit s’interpréter de façon plus restrictive. Estimant que la clause est claire, non équivoque et autorisée par le juge des tutelles, elle n’a pas à être interprétée. Ils invoquent l’article L. 132-8 du code des assurances et l’article 734 du code civil établissant l’ordre des héritiers légaux pour soutenir qu’en l’absence d’héritiers des trois premiers ordres, ce sont les collatéraux et leurs descendants qui sont bénéficiaires du contrat d’assurance-vie, relevant qu’il appartenait à la tutrice de la modifier si elle méconnaissait la volonté de l’assurée, ce qu’elle n’a pas fait avant le décès. Ils ajoutent que le testament dont ils se prévalent ne fait pas état de ce contrat, de sorte qu’il ne peut servir de clause bénéficiaire.
Aux termes de l’article 132-8 du code des assurances :
“ Le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs
bénéficiaires déterminés.
Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
- les enfants nés ou à naître du contractant, de l'assuré ou de toute autre personne désignée ;
- les héritiers ou ayants droit de l’assuré ou d’un bénéficiaire prédécédé. […]
Les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l’assurance en proportion de leurs parts héréditaires. Ils conservent ce droit en cas de renonciation à la succession. […]”.
Pour identifier le bénéficiaire désigné sous le terme d'héritier, lors de l'exigibilité du capital, il convient de ne s'attacher exclusivement ni à l'acception du mot héritier dans le langage courant, ni à la définition de ce terme en droit des successions mais de rechercher et d'analyser la volonté du souscripteur.
La notion “d’héritiers légaux” n’est pas strictement définie par le code civil et l’article 721 du code civil dispose que les successions sont dévolues selon la loi lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par des libéralités. Or, en l’espèce, il ressort de l’acte de notoriété établi par le notaire en charge de la succession que l’assurée avait établi un testament olographe en 1985 instituant les demandeurs pour légataires généraux et universels et l’absence d’héritier réservataire. Dans cette hypothèse, les dispositions combinées des articles 1003 et 1006 du code civil prévoient que les légataires universels recueillent l’universalité des biens laissée au décès du testateur. Aussi, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il y a lieu d’interpréter la clause bénéficiaire “Mes héritiers légaux”;
Pour ce faire, il convient de se référer aux deux écrits adressés par la tutrice à savoir la requête datée du 9 octobre 2013 et le courrier 2 décembre 2020 par lesquels elle rappelle s’être engagée à respecter les volontés de l’assurée selon lesquelles le produit de la vente de son bien immobilier revienne aux 3 personnes mentionnées dans son testament. Le courrier du 9 octobre 2013 de la tutrice préalable à la requête en placement antérieure à l'ordonnance de placement de fonds du 6 janvier 2014 du juge des tutelles précise bien que [Z] [R] avait exprimé sa volonté de conserver d'assurance-vie souscrite plusieurs années auparavant avec pour bénéficiaires 10 personnes et de léguer “le reste de ses biens (dont fait partie l'argent de cette vente) à trois personnes désignées par testament déposé en 1985” chez un notaire à [Localité 29].
Le juge des tutelles a, dans son ordonnance du 6 janvier 2014, indiqué faire droit à la requête de la tutrice, sans indiquer, dans sa motivation, pour quelle raison il conviendrait de prévoir une clause bénéficiaire qui serait contraire au projet exposé dans le courrier de la tutrice du 9 octobre 2013, à savoir"l'argent de la vente de sa résidence légué aux trois personnes désignées dans le testament déposé en 1985".
Dès lors, il est établi que la volonté de [Z] [R] était bien, au moment de la souscription du contrat d'assurance-vie litigieux sur lequel était placé une somme provenant de la vente de sa résidence principale, de faire bénéficier de ce placement les légataires qu'elle avait désignés près de 30 ans auparavant sans modification depuis.
Il convient en conséquence de dire que les bénéficiaires du contrat litigieux sont bien les requérants, légataires universels de [Z] [R] et de condamner la société CNP ASSURANCES à verser entre leurs mains le capital-décès dudit contrat d’assurance-vie, et ce à proportion de leur part héréditaire, à savoir à concurrence d’un tiers pour chacun,
Sur les autres dispositions du jugement
Succombant à la procédure, les consorts [B] seront condamnés aux dépens.
D’autre part, il serait inéquitable de condamner les consorts [B] à payer une indemnité
au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la CNP ou aux requérants. Les demandes à ce titre seront rejetées.
Par ailleurs, rien ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit prévue par l’article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, les parties préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ACCUEILLE en leurs interventions volontaires :
- l’Association Mandataire Judiciaire du Périgord, en qualité de tutrice de Madame [J] [B],
- Madame [E] [PW], en qualité de curatrice de Madame [ZH] [B] ;
DIT que Monsieur [N] [D], Madame [H] [V] née [R] et Madame [Y] [U] née [G] sont les bénéficiaires du contrat d’assurance-vie CACHEMIRE n°246 134476 22 souscrit auprès de la CNP ASSURANCES (La Banque Postale) au nom de Madame [Z] [L] ép [R] le 13 janvier 2014 ;
CONDAMNE en tant que de besoin la SA CNP Assurances à verser le capital décès présent sur le contrat d’assurance vie à Monsieur [N] [D], Madame [H] [V] née [R] et Madame [Y] [U] née [G], légataires universels, et ce à proportion de leur part héréditaire, à savoir à concurrence d’un tiers pour chacun ;
REJETTE les demandes de Monsieur [F] [B] et Madame [J] [B]
DIT que la CNP se libèrera des capitaux entre les mains des bénéficiaires ainsi désignés et que les règlements interviendront aprés réception d’un dossier comprenant notamment les justificatifs fiscaux nécessaires au regard des dispositions de l’article 757B du code général des impôts ;
REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [F] [B], Madame [W] [B], Madame [J] [B], Madame [ZH] [B], Madame [I] [B], Madame [E] [B] aux dépens, et dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
REJETTE les autres demandes des parties.
Le présent jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président, et Elisabeth LAPORTE, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT