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17/07/2024 | FRANCE | N°19/08166

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 17 juillet 2024, 19/08166


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 17 Juillet 2024
60A

RG n° N° RG 19/08166

Minute n°






AFFAIRE :

S.A.S. EDF, Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières, [P] [X], [Y] [X]
C/
La Mutuelle de [Localité 9]








Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Me Dominique ALRIC
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors de

s débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Ma...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 17 Juillet 2024
60A

RG n° N° RG 19/08166

Minute n°

AFFAIRE :

S.A.S. EDF, Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières, [P] [X], [Y] [X]
C/
La Mutuelle de [Localité 9]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Me Dominique ALRIC
la SELARL BIAIS ET ASSOCIES
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition : Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 06 Mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 15 mai 2024 pour être prorogée ce jour.

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSES

S.A.S. EDF prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 14]
[Localité 10]

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS

Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières Agissant poursuites et diligences d’EDF Assurances et prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS

Madame [P] [X]
née le [Date naissance 2] 1991 à
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS

Madame [Y] [X]
née le [Date naissance 1] 1966 à
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 7]

représentée par Maître Frédéric BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

La Mutuelle de [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 15]
[Localité 9]

représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCEDURE

Le [Date décès 5] 2009 à 13 heures 45, Monsieur [H] [X], âgé de 47 ans, a été victime d’un accident mortel de la circulation sur la route départementale 136 au niveau de la commune de [Localité 13] et [Localité 16], en rentrant du travail au guidon de sa motocyclette, après être entré en collision avec un véhicule, assuré auprès de la MUTUELLE DE [Localité 9], qui venait de s’y engager et d’effectuer une manœuvre de tourne à gauche.

L’enquête diligentée par la gendarmerie de [Localité 12] a permis d’établir que la manœuvre du véhicule s’est faite en sécurité et a relevé les infractions suivantes à l’encontre du conducteur de la motocyclette : vitesse excessive eu égard aux circonstances, dépassement par la gauche d’un véhicule tournant à gauche et dépassement effectué par un conducteur d’un véhicule malgré une interdiction signalée.

Monsieur [H] [X] exerçait la fonction de technicien d’exploitation à la Centrale Nucléaire du [Localité 11] et l’accident a été pris en charge au titre la législation professionnelle. Il était marié à Madame [Y] [G], née le [Date naissance 1] 1966, et père de [P] [X], née le [Date naissance 2] 1991.

L’épouse et la fille de [H] [X] ont perçu des indemnités ainsi que des prestations de la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières (ci-après la CNIEG), telles que pension de réversion, rente AT, pension et rente temporaires d’orphelin ainsi qu’une indemnité de secours immédiat de la part d’Electricité de France (ci-après la SA EDF), lesquelles agissent comme subrogées dans leurs droits.

Le 5 août 2010, deux procès-verbaux de transaction ont été transmis à EDF ASSURANCES par lesquels il était convenu que “le droit à indemnisation de l’ayant droit est fixé à 50 % des dommages subis par atteinte à la personne”, soit une indemnité de 12. 500 € au titre du préjudice moral, lequel ont été signés par Madame [Y] [X] le 16 août 2010 et par Mademoiselle [P] [X] le 13 août 2010 et retournés à l’assureur par EDF ASSURANCES le 24 août 2010.

Par acte d’huissier du 26 août 2019, la SA EDF, la CNIEG, Madame [Y] [X] et Madame [P] [X] ont fait assigner la MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir fixer le préjudice économique global de la famille [X] à la somme de 1. 019. 832, 41 € et de réparer le préjudice de Madame [P] [X] à hauteur de 21. 795, 44 €, le préjudice de Madame [Y] [X] étant absorbé par les créances des tiers payeurs ainsi que de fixer leurs créances en cette qualité.

Par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, la SAS EDF, la CNIEG, Mesdames [Y] et [P] [X] demandent au tribunal, aux visas du sinistre automobile du 3 septembre 2009, de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 et de l’article L. 211-13 du code des assurances et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :
- les recevoir en leurs demandes,
- fixer le préjudice global de la famille [X] à la somme de 1. 080. 453, 99 €,
- condamner la Mutuelle de [Localité 9] à verser à Madame [Y] [X], épouse de la victime, une somme de 259. 233, 28 €,

- condamner la Mutuelle de [Localité 9] à verser à Madame [P] [X], fille de la victime, une somme de 23. 216, 01 €,
- condamner la Mutuelle de [Localité 9] à indemniser les tiers payeurs comme suit :
- au profit de la SA EDF : 5. 221, 44 € (indemnité de secours immédiat)
- au profit de la CNIEG : 798. 004, 70 € (se décomposant en 182. 019, 74 € de pension de réversion, 579. 660, 88 € de rente AT viagère, 12. 115, 48 € de pension temporaire d’orphelin et 24. 208, 60 € de rente temporaire d’orphelin),
- dire que condamnations à intervenir, en ce compris la créance de l’organisme tiers payeur, porteront intérêt au taux légal doublé à compter du 3 mai 2010 jusqu’au prononcé de la décision définitive,
- à titre subsidiaire : ordonner un partage de responsabilité de l’ordre de 20 à 25% à la charge de la victime
- condamner la défenderesse en tous frais et dépens de l’instance, ainsi qu’à une somme de 2. 000 € pour chacune des parties demanderesses.

En défense, par conclusions responsives et récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 9 octobre 2023, la MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES demande au tribunal de :
- déclarer irrecevables les demandes de Madame [Y] [X], d’EDF
et de la CNIEG,
- subsidiairement, les déclarer infondées,
- déclarer infondées les demandes de Madame [P] [X],
- en conséquence, débouter EDF, la CNIEG, Madame [Y] [X] et Mademoiselle [X] de leurs demandes à son encontre,
- condamner EDF et la CNIEG à lui payer une indemnité de 2. 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner EDF et la CNIEG aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant le tribunal ci-dessus évoquées, auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 6 mars 2024 au cours de laquelle elle a été retenue, puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrecevabilité des demandes de Madame [Y] [X] pour cause de prescription

L’assureur soulève l’irrecevabilité de la demande de Madame [Y] [X] en faisant valoir que c’est par conclusions du 16 novembre 2020 qu’elle formule pour la première fois une demande indemnitaire à son encontre, soit postérieurement au délai de prescription. Il invoque l’article 2226 du code civil selon lequel : “L’action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé”.

Il soutient que le délai de prescription ayant commencé à courir au jour de l’accident en raison du décès de la victime, les ayants droits de Monsieur [X] étaient recevables à agir à l’encontre de l’assureur du responsable jusqu’au 3 septembre 2019. Or, dans l’acte introductif d’instance, bien que délivré avant l’expiration de ce délai, le 26 août 2019, Madame [Y] [X] n’a formulé aucune prétention indiquant simplement que le préjudice économique auquel elle aurait pu prétendre était totalement absorbé par les créances des tiers payeurs, ce qui ne peut s’analyser comme une demande en justice au sens de l’article 2241 du code civil, laquelle est seule interruptive de prescription.

Madame [Y] [X] réplique que, contrairement à ce que soutient la MUTUELLE DE [Localité 9], le préjudice économique global de la famille [X] était bien déterminé dès l'acte introductif d'instance et qu’il ne s'agissait alors que d'une répartition entre les différents ayant-droits en considération des créances des tiers payeurs dont l’actualisation des créances a eu pour conséquence une modification de l'assiette du droit commun du préjudice économique, l’autorisant, en qualité de conjoint survivant, à percevoir un préjudice propre. Elle considère donc qu’il ne s'agit pas d'une nouvelle demande et soutient que sa réclamation est recevable.

Il est constant que l'assignation délivrée à la MUTUELLE DE [Localité 9] le 26 août 2019 portait sur une demande de fixation du préjudice global de la famille [X], d’allocation d'une somme supérieure à 21 000 € à [P] [X] et de fixation des créances des tiers payeurs. Concernant [Y] [X], il était demandé au tribunal de dire que son préjudice était entièrement absorbé par les créances des tiers payeurs.

Ces demandes formées dans le délai de 10 ans après le décès de [H] [X] ont bien interrompu la prescription à l'égard de l'assureur du véhicule impliqué. En effet, la demande de fixation du préjudice global de la “famille [X]” constitue bien une demande en justice, le calcul des sommes revenants respectivement à [Y] [X] et [P] [X] après déduction de la créance des tiers payeurs étant par principe soumis à la discussion des parties et susceptibles d'évoluer.

Dès lors, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formées par [Y] [X].

Sur l’irrecevabilité des demandes présentées par les tiers payeurs pour cause de déchéance de leurs droits

L’assureur conclut à l’irrecevabilité des demandes dirigées à son encontre en invoquant l’article L.211-11 du Code des Assurances aux termes duquel “Le défaut de production des créances des tiers payeurs, dans un délai de 4 mois à compter de la demande émanant de l’assureur, entraîne déchéance de leurs droits à l’encontre de l’assureur et de l’auteur du dommage».

La MUTUELLE DE [Localité 9] fait valoir qu’elle a adressé à EDF, le 15 décembre 2010, un courriel sollicitant les bulletins de salaire complets de Monsieur [X] afin de déterminer le préjudice économique de la famille du défunt, les avis d’imposition 2007 et 2008 et les montants des rentes devant être servis aux ayants droit ainsi que le 23 juin 2011, lui demandant de lui communiquer sa créance définitive, conformément à l’article L.211-11 du Code des Assurances issu de l’article 4 de la loi du 5 Juillet 1985, sans jamais qu’elle obtienne de réponse ni que EDF ne lui fasse connaître sa créance, raison pour laquelle elle conclut que tant EDF que la CNIEG sont déchues de leurs droits à son encontre, celles ci disposaient d’un délai expirant le 24 octobre 2011 pour faire connaître le montant de leur créance.

La SA EDF et la CNIEG répliquent en invoquant l’article R. 211-41 du code des assurances qui prévoit que “La demande adressée par l'assureur à un tiers payeur en vue de la production de ses créances indique les nom, prénoms, adresse de la victime, son activité professionnelle et l'adresse de son ou de ses employeurs. Elle rappelle de manière très apparente les dispositions des articles L. 211-11 et L. 211-12. A défaut de ces indications, le délai de déchéance prévu au deuxième alinéa de l'article L. 211-11 ne court pas”. Elles observent que le courrier du 23 juin 2011 que la SA EDF conteste avoir reçu, ne comporte aucune indication respectant ses prescriptions, de sorte que le délai visé n’a pas couru, leurs demandes étant recevables.

La MUTUELLE DE [Localité 9] produit un courriel daté du 15 décembre 2010 dont le destinataire n'est pas clairement identifié, de sorte qu'il ne saurait être opposée à la fois àla société EDF et à la CNIEG pour justifier une déchéance du droit des tiers payeurs.

La MUTUELLE DE [Localité 9] produit par ailleurs un courrier daté du 23 juin 2011 adressé à « EDF assurance » qui ne correspond pas aux tiers payeurs requérants dans la présente instance. Il porte sur une demande de communication de créance définitive mais ne comporte pas les mentions additionnelles prévues par les dispositions de l'article R. 211-41 du code des assurances.

Dès lors, aucune déchéance des droits de la société EDF et de la CNIEG ne saurait être retenue.

Sur l’étendue du droit à indemnisation des ayants droit de [H] [X]

Les demanderesses soutiennent “qu’il résulte du PV des autorités le droit à indemnisation de [H] [X] est acquis, la manœuvre du véhicule assuré auprès de la MUTUELLE DE [Localité 9] étant à l’origine de l’accident. De plus aucune faute de nature à exclure ou limiter le droit à indemnisation de la victime ne saurait lui être reprochée”. Elles contestent l’analyse de l’assurance selon laquelle le droit à indemnisation de la victime serait réduit de moitié en raison des fautes commises (vitesse excessive, dépassement interdit) dans la mesure où l'élément déclencheur de l'accident réside dans le changement de direction du véhicule adverse, dont aucun témoin ne valide le fonctionnement du clignotant, telle que le relate sa conductrice. A titre subsidiaire, elles demandent au tribunal de retenir une limitation du droit à indemnisation de l'ordre de 20 à 25%, rappel étant alors fait du droit préférentiel pour les victimes. Bien qu’elles aient indiqué dans leurs dernières conclusions que les consorts [X] ont accepté en 2010 une proposition d’indemnisation amiable de leur préjudice moral portant limitation de leur droit indemnitaire de 50%, elles ne modifient pas pour autant leurs prétentions.

L’assureur conclut à la limitation du droit à indemnisation des consorts [X] à hauteur de 50 % en arguant du procès-verbal de transaction ayant retenu des fautes commises par Monsieur [X] en sa qualité de conducteur ayant concouru à la survenance de l’accident qu’ils ont accepté. Il s’appuie sur le procès-verbal de gendarmerie établissant que Monsieur [X] qui pilotait une moto, roulait à une vitesse très excessive en regard de la signalisation et de la configuration des lieux et qu’il a entrepris un dépassement interdit et qu’il n’a pu éviter le choc, comportement fautif ayant joué un rôle causal dans la survenance de l’accident, justifiant la réduction de son droit à indemnisation. Il fait valoir que si par impossible, les requérantes contestaient l’opposabilité de cette limitation, il demande au tribunal de la fixer malgré tout au regard des fautes commises et d’appliquer ce pourcentage aux demandes indemnitaires

La conductrice du véhicule assuré auprès de la concluante a relaté qu’après avoir mis son clignotant indiquant son intention de tourner à gauche sur une voie perpendiculaire, elle a été heurtée par la moto de Monsieur [X] qui avait entrepris de dépasser son véhicule.
Monsieur [F] [O], lui-même agent EDF et témoin de l’accident, a expliqué qu’alors qu’il roulait à environ 90 km/h, il avait été dépassé par Monsieur [X], qu’il avait vu le véhicule le précédant « roulant tranquillement » puis : « c’est seulement quand j’ai vu le clignotant et l’amorce de sa manœuvre pour tourner à gauche que je me suis dit il va y avoir un problème avec la moto. En effet, quand le 4x4 a eu fini de tourner pour la première fois, je pensais que [H] qui arrivait derrière allait passer par la gauche pour le doubler. Mais le clignotant gauche que je vois s’allumer à l’arrière du véhicule me fait dire que le 4x4 va reprendre une petite route sur la gauche. Je me souviens l’avoir vu tenter une manœuvre d’évitement par la droite. Il faut dire que la distance entre les deux petites routes à gauche sont très courtes ».
Sur interrogation de l’enquêteur, Monsieur [O] a confirmé : « tout ce que je peux vous dire c’est qu’il roulait un peu plus vite que nous et je me souviens que j’étais à 90 km/heure au moment où il nous a doublé ».
Faisant la synthèse des déclarations et de leurs constatations, les enquêteurs indiquent :
« La signalisation au sol précédant le carrefour demandait un rabattement sur la partie droite de la chaussée et interdisait le dépassement de véhicules circulant à vitesse normale.
Vraisemblablement (Monsieur [X]) a vu s’engager sur la RD 136 (le véhicule assuré auprès de la concluante) et envisageait de le dépasser, pensant que ce véhicule continuerait sa route en direction de [Localité 13] ET [Localité 16].
La vitesse excessive (de Monsieur [X]), eu égard à la signalisation et au véhicule B qui venait de s’engager sur la RD 136, ne lui a pas permis de contrôler sa motocyclette et ainsi de rester sur la partie droite de la chaussée et derrière le véhicule B.
Après avoir testé plusieurs hypothèses de vitesse (du véhicule de Monsieur [X]) et en considérant qu’il se trouvait à 185 mètres du point de choc, selon les témoins, il fallait 5,12 secondes à 130 km/heure et 7,4 secondes à 90 km/heure à la motocyclette pour rejoindre le point de choc.
En ayant effectué les mêmes tests mais pour la vitesse du véhicule (assuré auprès de la MUTUELLE DE [Localité 9]), que ce soit à l’arrêt au céder le passage ou sans arrêt, il s’avère que la conductrice aurait besoin d’un temps compris entre 5 et 11 secondes pour sortir de la RD 136. Le choc devenait donc inévitable ».

Au plan des infractions susceptibles d’avoir été commises, les enquêteurs ont relevé :
- Conduite d’un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances,
- Blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas 3 mois par un conducteur de véhicule terrestre à moteur,

- Dépassement par la gauche d’un véhicule tournant à gauche,
- Dépassement effectué par le conducteur d’un véhicule malgré une interdiction signalée.

Les infractions ainsi caractérisées par l'enquête de gendarmerie au regard des constatations des gendarmes et des auditions de témoins justifient de retenir une faute de la victime, faute ayant contribué à ses préjudices dans la proportion de 50 % conformément à ce qui a été retenu tant par la MUTUELLE DE [Localité 9] que par les ayants droits de [H] [X] aux termes du procès-verbal de transaction du mois d'août 2010.

Sur le préjudice économique des consorts [X]

Il est admis que le préjudice patrimonial subi par l’ensemble de la famille du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, du salaire du conjoint ainsi que de l’évolution prévisible de la carrière de la victime jusqu’à sa retraite, et après sa retraite.

En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que pour calculer ce préjudice, il est nécessaire de déterminer la perte annuelle du foyer en distinguant deux périodes : la période allant du jour du décès jusqu’à l’âge prévisible de la retraite, soit le 21 janvier 2022 (date à laquelle la victime aurait eu 60 ans) et la période à partir de la mise en inactivité.

Les consorts [X] proposent de retenir un revenu net annuel en fin de carrière de:
3.119,15 € + 2.081,93 € x 13 mois – 18% = 67.614,04 € - 12.170,52 € = 55.443,52 € et la ventilation du revenu annuel du ménage comme suit :
- 30% pour les frais du ménage (charges incompressibles)
- 25% pour Mr [X]
- 25% pour Mme [X]
- 20% pour [P] [X].

Après le départ à la retraite, elles soutiennent que les revenus sont de 75% du dernier salaire, soit 55.443,52 € x 75% = 41.582,64 € dans la mesure où la pension de retraite des salariés des industries électriques et gazières se calcule de façon analogue à celle des fonctionnaires et que la pension à taux plein est bien égale à 75% du salaire des six derniers mois. Elles évaluent la perte économique annuelle du foyer à la somme de 41 582,64 €- (12 700,66 € + 9 220 €) = 19.661,98 €, somme qu’elles capitalisent après application du barème de la Gazette du palais 2020, ce qui représente la somme de 619.234,39 €.

L’assureur propose de prendre en compte les revenus nets cumulés par Monsieur [X] au titre de l’année 2009 comme figurant sur son bulletin de salaire du mois de juillet 2009 qui s’élèvent à 23 679.13€ soit 3 382.73€ / mois, soit sur l’année 2009, la somme de 40. 592, 79 €. Il estime que l’évolution professionnelle de la victime n’est pas justifié et que le postulat selon lequel Monsieur [X] aurait atteint à l’âge de la retraite l’échelon 12 du groupe D fonction n’est pas démontré. Il effectue les calculs sur la base de la ventilation proposée par les demanderesses observant seulement que les pourcentages proposés ne sont pas justifiés.

S’agissant de la période postérieure au 21 janvier 2022 (date de départ à la retraite), il fait valoir que le pourcentage de 75 % du dernier salaire n’est pas démontré et que de ce fait, en l’état, la perte économique subie après le départ prévisible de la victime à la retraite ne peut être calculée.

Il résulte des éléments versés aux débats que, pour l'année 2008, derniere année complète avant l'accident, les revenus annuels nets de [H] [X] étaient de 41 610 € et que selon l’avis d’imposition de 2010, les revenus nets de son conjoint en 2009 sont de 9.220 euros.

Il y a lieu de tenir compte, dans la détermination des revenus de la victime, de son évolution de carrière. Au vu de son relevé de carrière, il apparaît que [H] [X] a régulièrement changé d’échelon tous les quatre ans. Au moment de son décès, il bénéficiait d’une rémunération équivalente au groupe de fonction 09 avec un niveau de rémunération de 130 Echelon 10 avec une majoration résidentielle de 24%.
L’évolution de carrière au sein d’EDF, établissement public à caractère industriel et commercial, présente un caractère semi-automatique permettant de reconstituer sa carrière jusqu’à la retraite.
La date de mise en inactivité prévisible de Monsieur [X] étant le 21 janvier 2022 (âge de 60 ans), il peut être postulé qu'il aurait atteint l’Echelon 12 du Groupe de fonction avec un niveau de rémunération de 145, pour lequel il est justifié une rémunération mensuelle brute, au 1 er janvier 2020, de 3.119,15 €, avec une majoration résidentielle de 24%.
Il sera d’ailleurs ajouté, au vu des bulletins de salaires versés aux débats, une somme mensuelle de 2.081,93 € (Heures supplémentaires 887,69 € + Indemnités jours fériés 246,57 € + Prime horaire 103,26 € + Indemnité service continue 785,61 € + Indemnités travaux pénibles 58,80 €) correspondant aux primes.
Toutefois, le préjudice économique des ayants droit devant se calculer sur la base de revenus nets, un taux de charges salariales de 18% sera soustrait.
Il convient ainsi de retenir un revenu net annuel en fin de carrière de :
3.119,15 € + 2.081,93 € x 13 mois – 18% = 67.614,04 € - 12.170,52 € = 55.443,52 €

2. Calcul du préjudice patrimonial global de la famille

Il convient pour déterminer ce préjudice, de distinguer deux périodes : du jour du décès de [H] [X] jusqu’à son départ en retraite, le 21 janvier 2022, puis à compter de cette date.

Il convient par ailleurs de ventiler la part de consommation des membres du foyer, avant le décès, de la manière suivante :

- 30% pour les frais du ménage
- 25% pour Madame [X]
- 25 % pour [H] [X]
- 20% pour [P] [X]

- avant le 21 janvier 2022
Les revenus du ménage à prendre en compte pour l’évaluation du préjudice de la famille s’élèvent, pour cette période à la somme de :
55.443,52 € + 41 610 € /2 (correspondant à la moyenne des revenus annuels nets du défunt sur cette période) + 9.220 € = 57 746,76 €

La part de ce revenu du couple que le défunt consommait peut être fixée à de 25% de telle sorte que la perte économique annuelle du foyer est de :
57 746,76 x 75% - 9.220 €) = 34 090 €
Aussi le préjudice du foyer pour cette période est de :
34 090€ / 12 x 148,60 mois = 422 148,70 €.

- après le 21 janvier 2022
Il est établi qu’à compter du départ en retraite, les revenus sont de 75% du dernier salaire, soit 55.443,52 € x 75% = 41.582,64 €
La partie défenderesse conteste le taux de 75% ainsi indiqué.
Il s'avère toutefois au regard des éléments produits par les requérants que la pension de retraite des salariés des industries électriques et gazières se calcule de façon analogue à celle des fonctionnaires et que la pension à taux plein est bien égale à 75% du salaire des six derniers mois.

Aussi, les revenus du ménage à prendre en compte pour l’évaluation du préjudice de la famille s’élèvent, pour cette période, à la somme de 41.582,64 € + 9.220 € = 50.802,64 €
La part de ce revenu du couple que le défunt consommait est de 25% de telle sorte que la perte économique annuelle du foyer est de :
50 802,64 € x 75% - 9 220 € = 28 881,98 €.

Le calcul doit être effectué jusqu’à la fin de vie du plus jeune des 2 conjoints.

Il sera retenu le barème de capitalisation de la Gazette du palais 2020, comme demandé, ce barème étant construit sur les tables de mortalité de la population générale France entière les plus récemment publiées par l’INSEE, à savoir les tables 2014-2016, et sur un taux d’actualisation qui tient compte de l’inflation prévisible. Ce barème est donc le plus juste, le plus adapté.

Le préjudice viager du foyer est en conséquence, pour cette période de 28 881,98€ x 31,494 (Euro de rente du barème de capitalisation retenu, en choisissant l’euro de rente viager à l’âge de la victime –ayant droit à 55 ans : barème de 2020) = 909 609 €.

Il en résulte que le préjudice patrimonial global de la famille correspond à :
422 148,70 € + 909 609 € = 1 331 757,70.

Néanmoins, afin de ne pas statuer ultra petita, il convient de fixer le préjudice global de la famille [X], comme demandé par les requérants, à la somme de 1.080.453,99 €.

Sur le préjudice économique de Mme [P] [X], fille de la victime

Madame [P] [X] évalue son préjudice composé de la perte économique annuelle du foyer multiplié par la part qu’elle absorbe, évaluée à 20 % multiplié par l’euro de rente temporaire limité à 25 ans, de l’âge de l’enfant à la date du décès. Elle calcule la perte économique annuelle du foyer à 37. 245, 19 € dans la mesure où elle n’avait pas atteint l’âge de 25 ans, de sorte que son préjudice, alors qu’elle était âgée de 17 ans au moment du décès de son père, doit être évalué à la somme de (37. 245, 19 € x 20 %) = 7. 449, 03 € x 7, 993 (euro de rente temporaire à 25 ans selon barème Gazette du Palais 2020) = 59. 540, 09 €. Après imputation de la pension temporaire d’orphelin jusqu’à son 21ème anniversaire (12. 115, 48 €) et d’une rente temporaire orphelin jusqu’à son 20ème anniversaire (24. 208, 60 €), elle sollicite le paiement de la somme de 23. 216, 01 €.

L’assureur conclut au rejet de la demande en faisant valoir qu’après application du partage de responsabilité de 50 %, Madame [P] [X] ne peut prétendre qu’à la somme de 21. 987, 30 € au titre de son préjudice économique, calculé par application du barème de capitalisation 2018 publié par la gazette du palais) et qu’elle est ainsi remplie de ses droits par le versement des prestations de la CNIEG qui s’élèvent à 36 324,08 €.

La perte annuelle du foyer avant le 21 janvier 2022 a été fixée à 34 090 €, soit une perte annuelle de 6 818 € correspondant à la part de consommation de [P] [X] qui doit être fixée à 20 %. Il convient de capitaliser cette somme jusqu'à l'âge de 25 ans, conformément à l'accord des parties, soit une somme de 6 818 x 7, 993 (euro de rente temporaire à 25 ans selon barème Gazette du Palais 2020)= 54 496,27 €.

Sur le préjudice économique de Mme [Y] [X], conjoint de la victime

Madame [Y] [X] évalue son préjudice à la part différentielle, entre le préjudice patrimonial global de la famille et la somme revenant à sa fille, devenue entre temps autonome financièrement à l’âge de 25 ans, selon le calcul suivant :
(1. 080,453,99 € - 59. 540, 09 €) = 1. 020. 913, 90 €. Après imputation de la pension de réversion (182.019,74 €) et de la rente AT viagère (579. 660, 88 €), elle sollicite le paiement de la somme de 259. 233, 28 €.

L’assureur évalue le préjudice économique de Madame [Y] [X] à la somme de (348 402,48€ x 25%) = 87. 100, 62 €), sur laquelle elle applique le partage de responsabilité à hauteur de 50 %, soit 43 550, 31 € et observe que les indemnités réglées à la requérante ou qui ont vocation à l’être au titre de la pension de réversion (182 019,74 €) et de la rente viagère accident du travail (579. 660, 88 €), excèdent très largement son préjudice économique, de sorte qu’elle ne peut prétendre à aucune une indemnisation complémentaire.

Le préjudice économique de [Y] [X] doit être fixé au préjudice économique global de la famille diminuée du préjudice de sa fille [P] [X], soit une somme de 1 025 957,72 € (1 080 453,99 - 54 496,27).

Sur l’assiette du recours des tiers payeurs

La SA EDF et la CNIEG sollicitent la fixation de leurs créances aux montants suivants:
- 5 221,44 € au titre de l’indemnité de secours immédiat versée à Madame [Y] [X],
- 182 019,74 € au titre de la pension de réversion versée à Madame [Y] [X],
- 579 660,88 € au titre de la rente AT viagère versée à Madame [Y] [X],
- 12 115,48 € au titre de la pension temporaire d’orphelin versée à Madame [P] [X]
- 24 208,60 € au titre de la rente temporaire d’orphelin versée à Madame [P] [X].

Ils vont valoir que les prestations au profit de [P] [X] ont été entièrement versées à ce jour, puisqu'elles se sont poursuivies jusqu'à son 25ème anniversaire, que le versement de la pension de réversion de l'épouse de la victime cessera à la mise en inactivité (théorique) de son époux, soit au 21/01/2022 et que cette pension d'un montant total de 182.019,74 € sera ainsi entièrement versée à la concluante lors de la clôture du dossier et des plaidoiries, et il conviendra donc d'allouer aux tiers payeurs les sommes versées. Quant à la créance de la CNIEG au titre de la rente AT viagère, ils font constater que l'assiette du préjudice permet de retenir à la fois les créances des tiers payeurs et de dégager un reliquat en faveur des ayants-droit.

La MUTUELLE DE [Localité 9], invoquant l’article L376-1 du code de la sécurité sociale s’oppose aux demandes en faisant valoir que le recours subrogatoire est conditionné au paiement préalable par le tiers payeur aux victimes subrogeantes pour opérer le transfert de la dette et que l’assiette du recours subrogatoire est constituée, pour chaque prestation préalablement versée à la victime, par l’indemnité mise à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à cette prestation. En l’espèce, l’assureur soutient que la SA EDF et la CNIEG ne justifient pas avoir réglé l’intégralité des prestations qui ont vocation à revenir aux victimes indirectes, les certificats et attestations versés aux débats ne justifiant pas du règlement mais seulement du montant des droits de Mesdames [Y] et [P] [X]
[X]. Elle considère donc qu’aucune somme ne peut être mise à sa charge et que, en tout état de cause, les indemnités revenant à EDF et à la CNIEG dans le cadre de leur recours subrogatoire ne sauraient en conséquence être supérieures à celles qui sont susceptibles d’être mises à la charge de la MUTUELLE DE [Localité 9] au titre de ces préjudices, les tiers payeurs, subrogés, ne pouvant avoir plus de droits que ceux des ayants droit. Estimant que le préjudice économique de Madame [Y] [X] s’élève à 43. 550, 31€ et celui de sa fille à 21 987, 30 €, si EDF et la CNIEG venaient à justifier du montant des indemnités effectivement réglées à Madame [Y] [X] et sa fille (ce qui n’est pas le cas), la créance des tiers payeurs ne pourrait excéder ces montants.

Aux termes de l’article L376-1 du code de la sécurité sociale :
« Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les
seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des
préjudices à caractère personnel.
Conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime
subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que
partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits
contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.
Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime
une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son
recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ».

* Pour [P] [X]

Les prestations versées à la fille de [H] [X] par la CNIEG, entièrement versées à ce jour, représentent une somme totale de 36 324,08 (24 108,60 € + 12 115,48 €)

* Pour [Y] [X]

Les prestations des tiers payeurs représentent une somme totale de 766 902,06 €, soit :
- 5 221,44 € pour l'indemnité de secours immédiat versé par la société EDF (0,0068%)
- 761 680,62 € au titre de la pension de réversion (182 019,74 €) et de la rente AT viagère
(579 660,88 €)

Après application du principe de faveur, la répartition des sommes à la charge du responsable entre les victimes des tiers payeurs sera fixée ainsi :


Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance
TP
Indemnité à la charge du responsable 50%
Somme revenant à la victime
Somme revenant aux TP
PREJUDICES ECONOMIQUES

[Y] [X]
1 025 957,72 €
259 055,66 €
766 902,06 €
512 978,86 €
259 055,66 €
253 923,20 €
[P] [X]
54 496,27 €
18 172,19 €
36324,08
27 248,14 €
18 172,19 €
9 075,95 €

Il revient en conséquence à la société EDF la somme de 1 728,83 € correspondant à 0,0068 % de la créance revenant tiers payeurs pour les prestations versées à [Y] [X] (253 923,20 €)

Il revient en conséquence à la CNIEG la somme totale de 261 270,31€ correspondant à:
- 9 075,95 € correspondant au solde des prestations versées à [P] [X]
-252 194,36 € correspondant au solde des prestations versées à [Y] [X] après répartition avec la société EDF (253 923,20 € - 1 728,83 €)

Il revient par ailleurs aux victimes par ricochet les sommes suivantes :
- 259 055,66 € à [Y] [X]
- 18 172,19 € à [P] [X].

Sur la demande au titre des intérêts au double du taux de l’intérêt légal

Les demanderesses reprochent à l’assureur de ne pas avoir émis d’offre d’indemnisation dans les 8 mois de l’accident à l’origine du décès de la victime, en violation de l’article L. 211-9 du code des assurances, sollicitant que le montant total des condamnations produisent de plein droit intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 3 mai 2010 jusqu’à la date du jugement à intervenir.

L’assureur s’oppose à la demande en faisant valoir qu’il a offert de régler aux ayants droit une indemnisation au titre de leur préjudice moral le 7 juin 2010, soit 10 mois après l’accident, faisant valoir que cette offre est intervenue rapidement et était complète dès lors qu’avant l’expiration du délai de 8 mois, elle n’avait pas été mise en mesure de chiffrer le préjudice économique des ayants droits en l’absence de réponse d’EDF et de la CNIEG. Elle ajoute qu’aucune somme n’a en réalité vocation à revenir aux ayants droits au titre du préjudice économique lequel est intégralement couvert par les sommes réglées par les tiers payeurs. Enfin, elle fait valoir que, contrairement à ce qu’EDF et la CNIEG soutiennent, la sanction relative au doublement des intérêts n’a pas vocation à s’appliquer aux créances des tiers payeurs.

Il est établi qu'aucune offre n'a été faite par la MUTUELLE DE [Localité 9] au titre du préjudice économique des victimes. La circonstance que le courrier adressé par la MUTUELLE DE [Localité 9] le 23 juin 2011 sollicitant une créance définitive n'ait pas été suivi de la communication de créance définitive par la société EDF et par la CNIEG ne saurait faire obstacle à l'obligation de l'assureur de présenter une offre d'indemnisation complète dès lors que cette demande formée par courrier était uniquement adressée à EDF Assurances. La circonstance que la réduction du droit à

indemnisation des ayants droits de [H] [X] ait été discutée est également indifférente, l’assureur n'étant pas dispensé de son obligation d'offre à ce titre. Il est d'ailleurs constant que les parties ont transigé sur les préjudices d'affection des proches de [H] [X] au mois d'août 2010 sur la base d'un droit à indemnisation de
50 %.

Dès lors, par application des dispositions de l'article L211-13 du code des assurances, il convient de condamner la MUTUELLE DE [Localité 9] à payer à [Y] [X] et [P] [X] une somme représentant les intérêts au double du taux légal sur la somme de 1 080 453,99 € depuis le 3 mai 2010 jusqu'à la date du présent jugement.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, la MUTUELLE DE [Localité 9] sera condamnée aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge des requérants les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la MUTUELLE DE [Localité 9] à une indemnité en leur faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire facultative .


PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant par décision mise à disposition au Greffe

Ecarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de [Y] [X];

Ecarte le moyen tiré de la déchéance de la créance des tiers payeurs ;

Dit que le droit à indemnisation des ayants droits de [H] [X] est limité à
50 % en raison des fautes de conduite de la victime ;

Fixe le préjudice économique de la famille [X] à la somme totale de 1 080 453,99 €, comme demandé, selon la répartition suivante :


Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance
TP
Indemnité à la charge du responsable 50%
Somme revenant à la victime
Somme revenant aux TP
PREJUDICES ECONOMIQUES

[Y] [X]
1 025 957,72 €
259 055,66 €
766 902,06 €
512 978,86 €
259 055,66 €
253 923,20 €
[P] [X]
54 496,27 €
18 172,19 €
36324,08
27 248,14 €
18 172,19 €
9 075,95 €

Condamne la MUTUELLE DE [Localité 9] à payer, après application du droit partiel à indemnisation et imputation de la créance des tiers payeurs, les sommes de :
- 1 728,83 € à la société EDF
- 261 270,318 € à la CNIEG
- 259 055,66 € à [Y] [X]
- 18 172,19 € à [P] [X] ;

Condamne la MUTUELLE DE [Localité 9] à payer à [Y] [X] et [P] [X] une somme représentant les intérêts au double du taux légal sur la somme de 1 080 453,99 € depuis le 3 mai 2010 jusqu’à la date du jugement devenu définitif ;

Condamne la MUTUELLE DE [Localité 9] à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
- 700 € à la société EDF
- 700 € à la CNIEG
- 700 € à [Y] [X]
- 700 € à [P] [X] ;

Condamne la MUTUELLE DE [Localité 9] aux dépens ;

Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la présente décision ;

Rejette les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/08166
Date de la décision : 17/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-17;19.08166 ?
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