TRIBUNAL de PROXIMITE d’ARCACHON
[Adresse 9]
[Localité 8]
MINUTE :
N° RG 24/00092 - N° Portalis DBX6-W-B7I-Y7UT
[X] [S]
C/
[D] [M], Société [M] MARINE COMPETENCES
Le 15/07/2024
- Expéditions délivrées à
- SELARL BALLADE-LARROUY
-Me Thibaut DE BERNON
JUGEMENT EN DATE DU 15 juillet 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Sonia DESAGES, Vice-Présidente au Tribunal de proximité d’ARCACHON
GREFFIER : Madame Betty BRETON, Greffier
DEMANDEUR :
Monsieur [X] [S]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représenté par Me LAFAYE loco Me Thibaut DE BERNON (Avocat au barreau de LYON)
DEFENDEURS :
Monsieur [D] [M]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL BALLADE-LARROUY
Société [M] MARINE COMPETENCES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Pierre-olivier BALLADE de la SELARL BALLADE-LARROUY
DÉBATS :
Audience publique en date du 17 Mai 2024
PROCÉDURE :
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
QUALIFICATION DU JUGEMENT :
contradictoire
EXPOSÉ DU LITIGE :
Courant mars/avril 2020, M [D] [M], vendeur, et M [X] [S], acquéreur, se sont accordés à distance sur la vente d'un bateau de type Vedette, modèle Runabout 560, immatriculé [Immatriculation 7] pour la somme de 1000 €.
La somme de 350€ a été virée le 07 avril 2020 et celle de 550€ le 06 mai 2020.
L'acte de vente a été signé et le bateau récupéré à [Localité 3] le 15 septembre 2020.
Le 24 avril 2021, M [S] a réclamé le remboursement du prix du bateau et de tous les frais engagés pour son transport et son stockage aux motifs que lors de la vente, le bateau n'appartenait pas à M [D] [M] mais à la société [M] MARINE de ses parents et qu'en conséquence, les affaires maritimes d'[Localité 8] avaient refusé de lui délivrer un visa.
Par acte en date du 26 juillet 2022, M [X] [S] a assigné M [D] [M] ainsi que la SARL [M] MARINE COMPETENCES devant le tribunal de commerce de LYON aux fins d'annulation de la vente.
Par jugement du 25 janvier 2024, le tribunal de commerce de LYON s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de proximité d'ARCACHON.
Les parties ont alors été convoquées à l'audience du 17 mai 2024.
M [X] [S], représenté par son conseil, demande au tribunal de prononcer à titre principal la nullité de la vente et à titre subsidiaire sa résolution et par voie de conséquence,
-Condamner M [D] [M] à lui restitue la somme de 900€ au titre du prix de vente et à procéder à l'enlèvement du bateau au [Adresse 2] dans les huit jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100€ par jour de retard ;
-Condamner in solidum M [D] [M] et la société [M] MARINE à lui verser la somme de 6574,78€ à titre de dommages et intérêts, outre 2500€ au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
M [S] fonde sa demande principale en nullité sur l'article 1599 du code civil arguant du fait qu'au moment de l'accord sur la chose et sur le prix qui scelle le contrat de vente en vertu de l'article 1583, le bateau n'appartenait pas à M [D] [M] mais à la société [M] MARINE. Il estime que la cession intervenue le 1er septembre 2020 entre la société [M] MARINE et M [D] [M] ne lui est pas opposable faute d'avoir été publiée auprès du service douanier comme le prévoit l'article R5114-6 du code des transports.
Au soutien de sa demande subsidiaire en résolution de la vente, M [S] se prévaut de l'acte de vente qui stipule qu'en cas de refus de visa de la part des services des affaires maritimes, l'acte sera annulé. M [S] prétend que les services des affaires maritimes ont refusé de lui délivrer un visa aux motifs que la société [M] MARINE était toujours considérée comme propriétaire du bateau faute d'avoir procédé à l'enregistrement de la cession du 1er septembre 2020.
M [S] précise que, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, il ne pouvait pas effectuer cette démarche lui-même car il ne disposait pas de l'acte de cession du 1er septembre 2020.
Sur la demande en dommages et intérêts, M [S] fait valoir que M [D] [M] et la société [M] MARINE ont tous deux commis une faute car ni l'un ni l'autre ne pouvait ignorer la situation ; le représentant de la société, qui n'est autre que le père de M [D] [M], ayant été présent lors de la signature de l'acte de vente qui a eu lieu dans les locaux de l'entreprise.
M [S] justifie son préjudice à hauteur de 6574,78€ comme suit :
-Frais de chargement du bateau : 1270€
-Frais kilométriques : 353,88€
-Frais de transport jusqu'au centre de location du camion : 88,46€
-Frais de stockage du bateau : 3362,44€
-Préjudice moral : 1500€.
M [D] [M] et la SARL [M] MARINE, représentés par leur conseil, concluent au rejet de l'ensemble des demandes de M [S] et à sa condamnation au paiement d'une somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts et 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent qu'en application de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite puisque M [D] [M] et M [X] [S] se sont accordés sur la chose et sur le prix et que l'acte de vente a été régularisé le 15 septembre 2020 après que M [D] [M] est devenu propriétaire du bateau.
Sur la demande subsidiaire, les défendeurs indiquent que les affaires maritimes ont bien accordé le certificat d'enregistrement à M [S] au mois de mai 2022 et que ce dernier aurait très bien pu l'obtenir plus tôt s'il avait fait des démarches en ce sens ; ce qu'il ne démontre pas.
M [M] et la société [M] MARINE estiment que M [S] utilise un prétexte fallacieux pour annuler une vente qu'il regrette et a généré des frais non anticipés qu'ils n'ont pas à supporter, n'étant nullement responsables du choix du demandeur d'acheter un bateau à plus de 600 kilomètres de son domicile.
Au soutien de leur demande en dommages et intérêts, M [M] et la SARL [M] MARINE font valoir, au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, que M [S] a agi de façon abusive en saisissant la justice sans tentative de résolution amiable, pour obtenir l'annulation d'une vente pour un motif fallacieux par pure vengeance après avoir multiplié les intimidations, insultes et communications sur internet pour salir la réputation de la société.
SUR CE
Sur la demande en nullité de la vente
L'article 1599 du code civil dispose que la vente de la chose d'autrui est nulle.
Il est toutefois constant que cette nullité relative, destinée à protéger l'acquéreur contre tout risque d'éviction, est couverte lorsque, avant toute action en nullité, l'acheteur a vu disparaître ce risque par suite notamment de l'acquisition de la propriété du bien par son vendeur.
En l'espèce, il est constant que M [S] a acquis le bateau de [D] [M] qui en est devenu propriétaire suivant acte de cession en date du 01 septembre 2020 ; soit avant toute action en nullité ; de sorte que cette dernière est couverte.
Cette nullité est d'autant plus couverte qu'en vertu des dispositions de l'article L 5114-1 du code des transports, auquel renvoie indirectement le demandeur, tout acte constitutif de la propriété sur un navire est, à peine de nullité, constaté par écrit. L'écrit est donc exigé ad validitatem et n'est intervenu en l'espèce que le 15 septembre 2020 alors que M [D] [M] était propriétaire du navire.
Le fait que la vente intervenue entre M [D] [M] et la société [M] MARINE le 1er septembre 2020 n'ait pas été inscrite au fichier prévu par l'article L 5114-2 du code des transports n'a aucune incidence dès lors que la seule sanction prévue par l'article R 5114-7 de ce code est une inopposabilité de la vente aux tiers. Un propriétaire non inscrit à l'acte de francisation et au fichier matricule est simplement propriétaire occulte vis-à-vis des tiers mais reste propriétaire.
En conséquence, la demande en nullité de la vente sera rejetée.
Sur la demande en résolution de la vente
L'acte de vente en date du 15 septembre 2020 prévoit qu'il sera annulé de plein droit en cas de refus de visa de la part des services des affaires maritimes.
En l'espèce, M [X] [S] ne rapporte pas la preuve de ce refus de la part des services des affaires maritimes et les consorts [M] produisent aux débats un certificat d'enregistrement établi au nom de M [X] [S] délivré le 12 mai 2022.
En l'état de la délivrance de ce certificat, la clause du contrat ne peut pas jouer.
En conséquence, la demande en résolution du contrat de la vente sera rejetée.
Sur les demandes en dommages et intérêts formées par M [X] [S]
Les demandes de M [S] étant fondées sur l'article 1599 du code civil prévoyant l'allocation de dommages et intérêts en cas d'annulation de la vente du bien d'autrui, ne peuvent qu'être rejetées au vu de ce qui précède.
Sur la demande en dommages et intérêts formée par les défendeurs
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
En l'espèce, il résulte de ce qui précède que M [S] a agi en nullité de la vente alors que l'irrégularité de départ a rapidement été réparée et sans justifier d'un quelconque préjudice qui résulterait du fait qu'en avril 2020, M [D] [M] n'était pas encore propriétaire du bateau.
M [S] a par ailleurs agi en juillet 2022 alors que les formalités administratives avaient été accomplies en mai 2022 et a poursuivi cette action pendant près de deux ans.
Ce faisant, il a abusé de son droit d'ester en justice.
Cette action a entraîné pour les défendeurs un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité d'engager des frais car elle s'est accompagnée d'intimidations, de menaces, d'insultes et d'une plainte pénale.
En conséquence, M [X] [S] sera condamné à verser aux défendeurs une somme de 800€ à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Il résulte par ailleurs de l'article 700 du code de procédure civile que la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès est condamnée à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
En l'espèce, M [X] [S], partie perdante sera condamné à supporter les entiers dépens et à verser aux défendeurs une somme de 2500 € au titre de l'article 700 pour une affaire engagée il y a deux ans devant le tribunal de commerce de Lyon.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe ;
DEBOUTE M [X] [S] de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNE M [X] [S] à verser à M [D] [M] et la SARL [M] PATRIMOINE COMPETENCES ensemble la somme de 800€ à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE M [X] [S] à verser à M [D] [M] et la SARL [M] PATRIMOINE COMPETENCES ensemble la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M [X] [S] aux dépens.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jours, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE JUGE