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11/07/2024 | FRANCE | N°22/05976

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 11 juillet 2024, 22/05976


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 Juillet 2024
63A

RG n° N° RG 22/05976

Minute n°





AFFAIRE :

[F] [U]
C/
CPAM DE LA GIRONDE
L’ONIAM





Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
Me Elisabeth GENDRAULT



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth L

APORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.


DEBATS :

à l’audience publique du 23 Mai 2024

JUGEMENT :

Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposi...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 Juillet 2024
63A

RG n° N° RG 22/05976

Minute n°

AFFAIRE :

[F] [U]
C/
CPAM DE LA GIRONDE
L’ONIAM

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES
Me Elisabeth GENDRAULT

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.

DEBATS :

à l’audience publique du 23 Mai 2024

JUGEMENT :

Réputé contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [F] [U]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]

agissant tant à titre personnel es qualités d’ayant droit de sa mère Madame [W] [U] née le 04/03/1933 et décédée le [Date décès 2]2018 et es qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [N] [C] [U] et [R] [C] [U]

représentée par Me Elisabeth GENDRAULT, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]

défaillante

L’ONIAM prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 29/08/2018, [W] [U] a été admise à la polyclinique [8] de [Localité 7] en vue d’une opération de colectomie droite par voie coelioscopique prévue le 30/08/2018 après diagnostic d’une lésion maligne du colon droit.
Elle a présenté par la suite des vomissements, des douleurs pelviennes, une infection urinaire, des vomissements fécaloïdes ainsi qu’un écoulement au niveau de la cicatrice.
Une intervention a été réalisée le 12/09/2018 et a permis de confirmer l’existence d’une éviscération couverte ainsi qu’un lâchage centimétrique au niveau de l’anastomose iléocolique.
Elle a présenté en post-opératoire un sepsis sévère justifiant son transfert en réanimation.

Deux reprises chirurgicales ont été réalisées les 15 et 16/09/2018 en raison de complications intra-abdominales.
Malgré une amélioration partielle avec réversion de l’état de choc sur le plan hémodynamique, il a persisté une anurie justifiant une épuration extrarénale.
La décision a été prise, en accord avec Mme [U], ses proches et le corps médical d’interdire tout nouveau geste chirurgical ou technique invasif.
Elle a été transférée le 09/10/2018 en service de gériatrie, et est décédée le [Date décès 2]2018.

Les proches de Mme [U] ont saisi la commission de conciliation et d’indemnisation d’Aquitaine d’une demande d’indemnisation de leurs préjudices.
La Commission a désigné les docteurs [I] (Spécialisé en Chirurgie Générale, Viscérale et Urologie) et [O] (Spécialisé en Médecine interne et Maladies Infectieuses) à des fins d’expertise.
Les experts ont conclu à une absence de faute dans la prise en charge prise en charge et ont considéré que la survenance de la fistule digestive après l’opération du 30/08/2018 devait être considérée comme un accident médical non fautif.

Contestant la proposition d’indemnisation faite par l’ONIAM, par actes délivrés les 12 et 18 août 2022, Madame [F] [U] a assigné l’ONIAM, ainsi que la CPAM de la Gironde en qualité de tiers payeur, devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d’indemnisation des préjudices subis par sa mère, [W] [U], en sa qualité d’ayants droit ainsi que ses préjudices personnels et ceux de ses enfants mineurs [N] et [R] [C] [U], petits-enfants de la victime.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 mai 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 13/10/2023, Madame [F] [U], agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses enfents mineurs [N] [C] [U] et [R] [C] [U], demande au tribunal de :

- CONDAMNER l’ONIAM à verser à Madame [F] [U], ayant droit de Madame [W] [U] les indemnités suivantes :
* DFT : 1 290 €.
* Souffrances endurées : 15 000 €.
* Préjudice d’angoisse de mort imminente : 40 000 €.
* Préjudice esthétique temporaire : 10 000 €.
* Préjudice d’affection : 13 000 €.
* Préjudice d’accompagnement : 3 000 €.
* Préjudice patrimonial : 2 780,13 €.
- CONDAMNER l’ONIAM à verser à [N] [C] [U] au titre de son préjudice d’affection : 8 000 €.
- CONDAMNER l’ONIAM à verser à [R] [C] [U] au titre de son préjudice d’affection : 8 000 €.
- CONDAMNER l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

En défense, et par conclusions responsives notifiées par voie électronique le 25/05/2023, l’ONIAM demande au tribunal de :
- REJETER la demande formulée au titre du préjudice d’accompagnement de Madame [F] [U].
- REJETER la demande formulée au titre du préjudice d’angoisse de mort imminente de Madame [W] [U].
- LIMITER le montant alloué au titre des préjudices suivants :
Préjudices de Madame [W] [U], à hauteur de la part successorale de Madame [F] [U] :
* DFT : 322,53 €.
* SE : 2 500 €.
* PET : 150 €.
Préjudices de Madame [F] [U] :
* Frais d’obsèques : 2 780,13 €.
* Préjudice d’affection : 6 500 €.
Préjudices de [N] [C] [U] et [R] [C] [U] :
* Préjudice d’affection de [N] [C] [U] : 4 500 €.
* Préjudice d’affection de [R] [C] [U] : 4 500 €.
- REJETER la demande de condamnation de l’ONIAM au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de condamnation de l’ONIAM au titre d’un accident médical non fautif

Il résulte des dispositions des articles L. 1142-1 et D. 1142-1 du code de la santé publique qu’ouvre droit à l’indemnisation par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux les conséquences d’un accident médical non fautif autrement dit le préjudice imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins qui n’est pas la conséquence d’une faute médicale et dont les conséquences sont anormales au regard de l’état de santé antérieur du patient comme de son évolution prévisible et qui présente un degré certain de gravité. Ce critère de gravité est rempli lorsque la personne présente un taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 24 %, qu’elle a eu un arrêt d’activité professionnelle d’au moins six mois ou qu’elle n’est plus apte à reprendre son activité professionnelle antérieure.

En l'espèce, les experts ont conclu que le décès de [W] [U] est la conséquence d’une importante atteinte de l’état général consécutive à des complications, notamment septiques, dans les suites rapprochées d’une colectomie droite pour lésion maligne. Ils exposent que l’action de l’ensemble des professionnels a été conforme aux règles de l’art et que les complications septiques ne peuvent être imputables à l’établissement de santé.
Ils font état que les problèmes infectieux qui ont suivi l’intervention, relèvent d'un aléa constitutif de l'apparition d'une fistule anastomique sur l'anastomose réalisée lors de l'intervention du 30/08/2018, qui, selon la littérature médicale, n’est présente que dans 2,5% des cas.

En définitive, ils concluent à un accident médical non fautif ayant occasionné le décès de la Madame [U].

En tout état de cause, l’ONIAM ne conteste pas l’existence d’un accident médical non fautif grave justifiant son intervention.

En conséquence, il appartient à l'ONIAM de réparer les conséquences dommageables de cet accident, soit les préjudices personnels de la défunte au titre de l’action successorale exercée par Mme [F] [U] en sa qualité d’ayant droit ainsi que les préjudices personnels de cette dernière et ceux de ses enfants en leur qualité de victimes indirectes.

Sur la liquidation du préjudice de [W] [U]

Le rapport des docteurs [I] et [O] et l’ensemble des pièces versées aux débats constituent une base valable d’évaluation du préjudice de [W] [U].

Dépenses de santé actuelles

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

Il s’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 05/09/2018 et le 15/10/2018 pour le compte de son assurée sociale [W] [U] un total de 39.690,26 euros au titre des frais hospitaliers et médicaux, somme qu'il y a lieu de retenir.

La demanderesse ne fait état d'aucune somme restée à la charge de la défunte.

Déficit fonctionnel temporaire total (DFT)

Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Les experts retiennent, pour le DFT total, une période de 43 jours allant du 05/09/2018, date des premières complications, à la date du décès de la patiente, survenu le [Date décès 2]2018. Aucune des parties ne conteste cette période de 43 jours. Ces dernières ne s’opposent que sur le tarif journalier.

Madame [F] [U] sollicite au titre du déficit fonctionnel temporaire total subi par [W] [U] une somme de 1 290 euros soit 30 euros par jour.

Cependant, l'ONIAM, se réfère à son barème et propose une indemnisation à hauteur de 15 euros par jour pour un total de 645 euros.

Calculée sur la base de 27 euros par jour pour un DFT à 100%, ce qui permet une réparation sans perte ni profit, le préjudice au titre du DFT doit être fixé au regard des conclusions de l'expert à la somme de 1.161 euros correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) sur une durée allant du 05/09/2018 à la date du décès survenu le [Date décès 2]2018, soit 43 jours.

Souffrances endurées (SE)

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

Les experts ont évalué ce poste à 4/7 pour l’ensemble des souffrances sur le plan tant physique que psychologique pendant toute la période décrite dans le rapport.

S’agissant d’un poste de préjudice temporaire, il n’y a pas lieu de réduire l’indemnisation au prorata temporis sur une période de 43 jours comme le soutient l’ONIAM mais de tenir compte de la durée de ces souffrances sur cette période pour évaluer l’indemnisation.

En tenant compte de l’ensemble des souffrances décrites sur cette période, il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 14.000 euros.

Préjudice d’angoisse de mort imminente

Le préjudice de mort imminente est caractérisé lorsque la victime décédée est demeurée, entre la survenance du dommage et sa mort, suffisamment consciente pour avoir envisagé sa propre fin. Il est désormais établi que lorsqu’il existe, ce préjudice ne se confond pas avec les souffrances endurées qui correspondantes aux souffrances physiques et appelle une indemnisation à titre autonome.

La partie demanderesse sollicite l’indemnisation du préjudice d’angoisse de mort imminente de [W] [U] à hauteur de 40.000 euros. Elle justifie cette demande par l’état de conscience de la défunte pendant une durée d’au moins 14 jours, une fois celle-ci extubée.


Le défendeur conclut à l’absence d’un tel poste en ce qu’il relève une absence de l’état de conscience de la victime au regard de sa situation, notamment au moment de son intubation et de sa sédation dans la nuit du 14 au 15 septembre 2018. De plus, l’ONIAM considère que ce poste de préjudice est intégré à l’évaluation par les experts du poste des souffrances endurées, en ce que l’expertise inclut dans ce poste les souffrances morales. Compte tenu alors de la haute évaluation de ce poste, il soutient qu’il inclut légitimement le préjudice de mort imminente.

En l’espèce, Madame [W] [U] a été admise à l’hôpital le 29 août 2018 et elle est demeurée intubée et sous sédation à la suite des nombreuses complications post-opératoires. Toutefois, il est établi qu’elle a été extubée le 26 septembre 2018 avant d’être transférée en service de gériatrie le 9 octobre et décèdera le [Date décès 2]. Les experts relèvent qu’à partir de l’extubation, la patiente était consciente et apte à formuler des préconisations quant à la suite des soins prodigués.
En outre, plusieurs proches, notamment la demanderesse, attestent que Madame [U] avait conscience de l’imminence de sa mort dès lors qu’il est rapporté ses propos du 13 octobre - « ils me laissent mourir » - , que des adieux avec les proches ont été réitérés sur trois jours à partir du 15 octobre en raison d’une sédation insuffisante ou encore que le mot « mort » a été inscrit sur un abécédaire permettant de faciliter la communication avec la famille dont une photographie est versée aux débats.
Bien que la portée probatoire de ces attestations reste limitée dès lors qu’elles ont été rédigées par des proches directement intéressés par l’issue du procès ou encore qu’elles font référence à plusieurs vidéos non produites aux débats, force est de constater qu’elles sont corroborées non seulement par la prescription d’un antidépresseur en raison d’une importante attitude dépressive relevée par les experts mais également et surtout par l’établissement de directives anticipés pour éviter tout acharnement thérapeutique, les experts écrivant « l’option thérapeutique adoptée, conformément aux souhaits initiaux de la patiente, l’évolution ne pouvait être que létale ».

Il y a lieu de conclure que [W] [U] était, sur cette période de 22 jours avant son décès, tout à fait consciente de son état et disposait toujours d’une capacité à se projeter dans l’avenir, même s’il s’agissait d’envisager son propre décès.

Au regard de ce qui précède, la conscience de Mme [U] de sa mort imminente doit être considérée comme établie.

S’agissant du risque d’une double indemnisation avec le poste des souffrances endurées, contrairement à ce qu’affirme l’ONIAM, il ne ressort aucunement des conclusions des experts que ceux-ci ont tenu compte de cette angoisse liée à la concience de l’imminence du décès dans le chiffrage des souffrances endurées.

Au regard de l’ensembles des éléments produits aux débats, le préjudice d’angoisse de mort imminente sera justement réparé par une somme de 8.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)

La victime peut subir, pendant la maladie traumatique, et notamment pendant l’hospitalisation, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.

Les consorts [U] sollicitent la somme de 10 000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Les experts relèvent qu’il a existé un réel préjudice esthétique temporaire, qu’ils imputent aux nombreuses interventions chirurgicales, à la présence d’une iléostomie, aux nombreux appareillages comprenant notamment une intubation. Ces inconvenances physiques ont été endurées par la victime pendant toute la période de son hospitalisation, soit pendant 43 jours, ce qui justifie une indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 2.000 euros.

Au total, les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.) : 39.690.26 euros, dont créance CPAM 39.690,26 euros ;
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 1.161 euros ;
- Préjudice d’angoisse de mort imminente : 8.000 euros ;
- Souffrances endurées (S.E.) : 14.000 euros ;
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : 8.000 euros ;

Total : 70.851.26 euros

Total après imputation de la créance du tiers payeur : 31.161 euros.

Au titre des sommes revenant à Mme [F] [U] en vertu de son action successorale, l’ONIAM conclut pour chaque poste de préjudice à une réduction à hauteur de 50 % correspondant à sa part dans la succession.

Or, il résulte de l’article 724 du code civil que les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt.

Il en résulte que tout héritier est fondé, même sans le concours de ses coïndivisaires, à exercer l’action, au bénéfice de la succession, pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi par la victime décédée.

En l’espèce, il ressort du certificat d’hérédité versé aux débats que Mme [F] [U] est héritière avec son frère [L] [U] de sorte qu’elle est fondée à agir, même en l’absence de ce dernier, pour obtenir l’intégralité des sommes qui reviennent en tout état de cause à la succession.

Il y a donc lieu d’écarter la demande de l’ONIAM en partage à hauteur de 50 % et de condamner l’ONIAM à payer à [F] [U], au titre de son action successorale, la somme de 31.161 euros, étant précisé que cette somme reviendra à la succession.

Sur les préjudices personnels des proches

Préjudice d’affection de Madame [F] [U]

Le préjudice d’affection constitue le préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il n’est pas nécessaire que ces souffrances aient un caractère exceptionnel pour être indemnisées.

Madame [F] [U] sollicite la somme de 13 000 euros pour l’indemnisation de ce poste de préjudice. L’ONIAM propose une indemnisation à hauteur de 6 500 euros pour ce poste.

Au vu des liens familiaux unissant la victime et la demanderesse, de l’âge de Madame [F] [U] et de sa situation familiale, de la durée de l’hospitalisation de la victime, il convient d’allouer à Madame [F] [U] la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice d’affection.

Préjudice d’affection des petits enfants de Madame [W] [U], [R] et [N] [C] [U]

Les Consorts [U] sollicitent une somme de 8 000 euros par petit-enfant au titre de ce préjudice d’affection.

L’ONIAM propose une indemnisation à hauteur de 4 500 euros par petit-enfant.

Au vu des liens familiaux, de l’âge des petits enfants de [W] [U] au moment des faits (12 ans et 9 ans), de la durée de l’hospitalisation de la victime, outre l’ensemble des témoignages et photographies attestant de leur proximité avec leur grand-mère, il convient d’allouer à [N] [C] [U] et à [R] [C] [U], la somme de 5.000 euros chacun.

Préjudice d’accompagnement de Madame [F] [U]

Le préjudice spécifique d’accompagnement de fin de vie a pour objet d’indemniser les troubles et perturbations dans les conditions d’existence d’un proche. Il s’agit d’indemniser le préjudice moral subi par les proches de la victime pendant la maladie traumatique jusqu’a son décès.

Il convient notamment d’indemniser le préjudice résultant des troubles dans les conditions d’existence pour les proches qui partageaient habituellement une communauté de vie affective et effective avec le défunt, pendant cette période entre le dommage et le décès.

Madame [F] [U] sollicite la somme de 3 000 euros au titre de ce poste de préjudice.

L’ONIAM s’oppose à l’indemnisation de celui-ci en considérant que le préjudice moral de Madame [F] [U] découlant de ce poste de préjudice est d’ores et déjà indemnisé au titre du préjudice d’affection.

Or il ressort des pièces versées par la demanderesse qu’elle s’est déplacée à de nombreuses reprises auprès de sa mère lors de l’hospitalisation de celle-ci et qu’elle entretenait avec elle des liens forts jusqu’au décès de celle-ci.

Par ailleurs, force est de constater que les experts ont relevé l’existence d’un désaccord entre elle et son gendre d’un côté et son frère de l’autre quant à la poursuite des soins prodigués à [W] [U].

Aussi, nul doute que l’hospitalisation prolongée de [W] [U] et ce qu’elle a impliqué a eu des répercussions et perturbations sur les conditions d’existence de Madame [F] [U] pendant cette période, préjudice distinct des souffrances induites par la perte d’un être cher.

En conséquence, il sera alloué à Madame [F] [U] la somme de 3.000 euros au titre de ce poste de préjudice.

Frais d’obsèques et de sépultures

Le décès de la victime peut entraîner, pour ses proches, certaines dépenses constitutives d’un préjudice indemnisable. Il s’agit d’abord des frais d’obsèques et de sépulture engagés par les proches. L’évaluation de ce préjudice est purement objective, sur facture ; la jurisprudence limite cependant l'indemnisation lorsque les frais apparaissent somptuaires.

Madame [F] [U] sollicite le remboursement des frais d’obsèques s’élevant à hauteur de 2780,13 euros. Elle produit, au soutien de sa demande, une facture du service des pompes funèbres [Y] [K].

Cette somme n’est pas contestée par l’ONIAM.

Il sera alloué à Madame [F] [U] la somme de 2 780,13 euros au titre de ce poste de préjudice.

Sur les autres dispositions du jugement

Succombant à la procédure, l’ONIAM sera condamné aux dépens.

L’équité commande de condamner l’ONIAM à une somme de 1.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

FIXE le préjudice de [W] [X] épouse [U], décédée le [Date décès 2]2018 à la suite de l’accident médical non fautif après l’intervention du 30 août 2018, à la somme de 70.851,26 euros décomposée comme suit :
- DSA : 39.690,26 euros dont 36.690,26 euros au titre de la créance de la CPAM,
- DFT : 1.161 euros,
- Préjudice d’angoisse de mort imminente : 8.000 euros,
- SE : 14.000 euros,
- PET : 8.000 euros ;

CONDAMNE l’ONIAM à payer, au titre de l’action successorale, après déduction de la créance des tiers payeurs, la somme de 31.161 euros à Mme [F] [U], somme qui revient à la succession

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] en son nom personnel la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice d’affection en qualité de victime par ricochet ;

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] en sa qualité de représentant légal de son fils mineur [N] [C] [U] au titre de son préjudice d’affection la somme de 5.000 euros ;

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure [R] [C] [U] au titre de son préjudice d’affection la somme de 5.000 euros ;

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice d’accompagnement ;

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] la somme de 2.780,13 euros en réparation des frais d’obsèques ;

CONDAMNE l’ONIAM à verser à Madame [F] [U] la somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l’ONIAM aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

REJETTE toute autre demande des parties.

Le jugement a é&té signé par Fanny CALES, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/05976
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;22.05976 ?
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