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09/07/2024 | FRANCE | N°22/08214

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 09 juillet 2024, 22/08214


N° RG 22/08214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 09 Juillet 2024
50G

N° RG 22/08214
N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

[I] [K]
C/
S.A.R.L. LES DUNES DE FLANDRES










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Jérôme DIROU
l’AARPI RIVIERE - DE KERLAND



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibér

é :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente.

Lors des débats : Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
Lors du prononcé : Madam...

N° RG 22/08214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 09 Juillet 2024
50G

N° RG 22/08214
N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

[I] [K]
C/
S.A.R.L. LES DUNES DE FLANDRES

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Jérôme DIROU
l’AARPI RIVIERE - DE KERLAND

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente.

Lors des débats : Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.
Lors du prononcé : Madame Elodie GUILLIEU, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :
à l’audience publique du 19 Mars 2024,
Délibéré au 28 Mai 2024 et prorogé au 25 Juin et au 09 Juillet 2024.

JUGEMENT :
Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [I] [K]
née le 01 Juillet 1963 à [Localité 6] (GIRONDE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LES DUNES DE FLANDRES
[Adresse 5]
”[Adresse 5]”
[Localité 3]

représentée par Maître Vianney LE COQ DE KERLAND de l’AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 5 novembre 2021, Madame [I] [K] a consenti à la SARL LES DUNES DE FLANDRES une promesse unilatérale de vente de son immeuble sis [Adresse 1] au prix de 1.050.000 euros, pour une durée expirant le 28 février 2023 à 18 heures, sous la condition suspensive particulière qu’il soit délivré au bénéficiaire un permis de construire valant permis de démolir, devenu définitif, autorisant spécialement la construction d’un ensemble immobilier de 2.200 m2 de surface de plancher, rez-de-chaussée sur deux niveaux comprenant 26 logements.

La SARL LES DUNES DE FLANDRES devait déposer une demande de permis de construire et en justifier à Madame [K] par la production d’une copie du récépissé de dépôt délivré par l’autorité compétente au plus tard le 28 février 2022.

Elle devait en outre produire une caution bancaire garantissant le paiement de l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 52.500 euros dans les 60 jours de la date de dépôt en Mairie du permis de construire ou de la date maximale prévue pour le dépôt du permis de construire.

Par un deuxième acte notarié, les parties ont prorogé la date extrême de réalisation de la promesse de vente au 30 avril 2023, la SARL LES DUNES DE FLANDRES s’obligeant à déposer une demande de permis de construire et à en justifier à Madame [K] au plus tard le 30 avril 2022.

Reprochant à la SARL LES DUNES DE FLANDRES de n’avoir exécuté aucune des obligations prévues dans l’acte et de n’avoir ainsi jamais exécuté les deux conditions suspensives, bloquant la réalisation de la vente et immobilisant son terrain depuis le jour de la signature soit le 5 novembre 2021, mais également de la laisser dans l’incertitude la plus totale quant aux suites de la réitération de l’acte authentique malgré une relance du notaire du 10 juin 2022 et un courrier recommandé du 11 août 2022, Madame [K] a assigné la SARL LES DUNES DE FLANDRES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux suivant exploit délivré le 26 octobre 2022, aux fins de résolution de la promesse unilatérale de vente et d’indemnisation de son préjudice.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, Madame [I] [K] demande, au visa des articles 1103, 1104 et 1217 alinéa 4 du code civil, de voir :
- juger de la résolution de la promesse unilatérale de vente
- condamner la SARL LES DUNES DE FLANDRES à lui payer les sommes de :
- 52.500 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d’une caution garantissant une immobilisation
- 120.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’immobilisation de son bien
- condamner la société LES DUNES DE FLANDRES à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Elle fait valoir que la SARL LES DUNES DE FLANDRES, en ne déposant ni une de demande de permis de construire avant le 30 avril 2022 ni un cautionnement bancaire dans les 60 jours du dépôt du permis de construire, n’a pas respecté les deux obligations contenues dans la promesse unilatérale de vente et dans l’acte de prorogation ni exécuté les deux conditions suspensives, bloquant la réalisation de la vente et immobilisant son terrain depuis le 5 novembre 2021 et jusqu’au 30 avril 2023 en la privant de la possibilité de vendre son bien et d’en percevoir le prix.

Elle déplore au titre des préjudices subis une perte de chance de bénéficier d’une caution garantissant l’immobilisation de 52.500 euros et une immobilisation abusive du bien depuis le 5 novembre 2021 et en tout état de cause depuis le 28 février 2023 ayant entraîné une perte de possibilité d’acquérir un autre bien ou de bénéficier du prix de vente.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 février 2024, la SARL LES DUNES DE FLANDRES demande, au visa de l’article 1231-1 du code civil, de :
- débouter Madame [K] de toutes ses demandes
- à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions l’indemnité allouée qui ne saurait être supérieure au montant de l’indemnité d’immobilisation de 52.500 euros
- la condamner au paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
- en cas de condamnation, juger qu’il y a lieu d’écarter l’execution provisoire au vu des circonstance de l’affaire
- la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que le terme du 30 avril 2023 étant dépassé, la promesse unilatérale est caduque et que la promesse est nulle et non avenue suite à l’envoi de la mise en demeure de la venderesse du 11 août 2022.

Sur les demandes en paiement, elle fait valoir qu’aucune demande indemnitaire ne peut être accordée et aucune demande de dommages et intérêts ne saurait être fondée sur la base d’un acte nul et non avenu, qu’il n’est pas rapporté la preuve de l’existence d’une perte de chance de bénéficier d’une caution et qu’elle n’a commis aucune faute en s’abstenant de déposer une demande de permis de construire qui aurait été refusé compte-tenu de la densité du projet décrit à la promesse non conforme aux exigences de [Localité 4] Métropole et de la Mairie, que la condition suspensive de permis de construire n’est pas levée et que sa bonne foi ne saurait être remise en cause, étant elle-même victime de la position de la Mairie alors qu’elle a investi des sommes importantes et du temps pour sortir ce programme immobilier et non pour devoir abandonner.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut, en vertu de l’article 1217, refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l’inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1231-1 précise qu’à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.

En l’espèce, le contrat liant les parties est une promesse unilatérale de vente, contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire selon les dispositions de l’article 1124 du code civil.

$gt; sur le sort de la promesse unilatérale de vente

Aux termes de la promesse, dans l’hypothèse où la caution n’aurait pas été remise dans le délai prévu, et après une mise en demeure par simple lettre recommandée du promettant restée infructueuse pendant le délai d’un mois, la promesse serait considérée comme nulle et non avenue.

La SARL LES DUNES DE FLANDRES s’était obligée à produire au notaire une caution bancaire pour garantir la somme de 52.500 euros dans les 60 jours de la date de dépôt en Mairie du permis de construire ou de la date maximale prévue pour le dépôt du permis de construire.

Aucune demande de permis de construire n’ayant été déposée en Mairie, la caution devait être produite dans le délai de 60 jours à compter du 30 avril 2022 soit jusqu’au 29 juin 2022 inclus.

Par courrier du 11 août 2022, dont il n’est justifié ni de l’envoi par lettre recommandée ni de la réception, Madame [I] [K] a mis la société DUNES DE FLANDRES en demeure de lui verser la somme de 52.500 euros.

Cette mise en demeure ne répondant pas aux exigences de la clause du contrat, la promesse ne saurait être considérée comme nulle et non avenue.

L’acte prévoit par ailleurs que passé le délai pour la réalisation de la promesse, soit le 28 février 2023 à 18h00 prorogé au 30 avril 2023 sans que le notaire chargé de dresser l’acte ait reçu, de la part du bénéficiaire, la déclaration d’intention d’acquérir l’immeuble, la promesse sera considérée comme caduque, sans que le promettant ait besoin de faire aucune mise en demeure, ni de remplir aucune formalité judiciaire.

La réalisation de la promesse n’ayant pas été demandée et aucune déclaration d’intention d’acquérir l’immeuble n’ayant été adressée au notaire par la SARL LES DUNES DE FLANDRES avant le 30 avril 2023, la promesse est caduque, par application des dispositions contractuelles, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’en prononcer la résolution.

$gt; sur les demandes indemnitaires de Madame [K]

. la perte de chance de bénéficier d’une caution garantissant une immobilisation :

La SARL LES DUNES DE FLANDRES n’a pas produit la caution bancaire qu’elle s’était engagée à produire pour garantir le paiement de l’indemnité d’immobilisation, dans l’hypothèse du dépôt d’une demande de permis de construire comme dans l’hypothèse inverse.

Ce faisant, elle a incontestablement occasionné à Madame [I] [K] une perte de chance de bénéficier d’une caution garantissant la somme de 52.500 euros, indépendamment de l’éventuelle légitimité qu’elle avait de ne pas déposer de demande de permis de construire.
N° RG 22/08214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

La demanderesse sera indemnisée de cette perte de chance à hauteur de 10% du montant de l’indemnité d’immobilisation qui devait être cautionnée soit 5.250 euros.

La SARL LES DUNES DE FLANDRES sera condamnée à lui payer la dite somme.

. les dommages et intérêts pour l’immobilisation de son bien :

La SARL LES DUNES DE FLANDRES produit un échange de courriels avec la Mairie de [Localité 2] et [Localité 4]-Métropole entre le 8 décembre 2021 et le 14 mars 2022 évoquant la nécessité de retravailler plusieurs aspects de la proposition et un nouvel échange de courriels avec [Localité 4]-Métropole un an plus tard précisant que le projet présenté le 22 mars 2022 était beaucoup trop dense et générait un désaccord sur plusieurs points.

Elle ne justifie pas, par ces éléments, qu’au 30 avril 2022 la demande de permis de construire aurait nécessairement été rejetée et le certificat d’urbanisme opérationnel défavorable délivré suite à un dépôt au mois de mars 2023, qui ne précise pas que le projet soumis correspond au projet de la promesse unilatérale de vente, ne l’établit pas plus.

La société défenderesse n’a manifestement pas tout mis en œuvre pour réaliser la condition suspensive, elle est fautive et est dès lors redevable envers la promettante de l’indemnité d’immobilisation prévue à la promesse.

Elle sera condamnée à payer à Madame [I] [K] la somme de 52.500 euros à ce titre.

$gt; sur les autres demandes

L’équité commande de condamner la SARL LES DUNES DE FLANDRES à payer à Madame [I] [K] une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la défenderesse sera condamnée aux dépens.

Par application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l’écarter sur le fondement de l’article 514-1 du même code contrairement à la demande de la SARL LES DUNES DE FLANDRES.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DIT que la promesse unilatérale de vente consentie par Madame [I] [K] à la SARL LES DUNES DE FLANDRES portant sur l’immeuble sis [Adresse 1] suivant acte notarié du 5 novembre 2021 n’est pas nulle ;

CONSTATE que la dite promesse est caduque et REJETTE en conséquence la demande de résolution ;

N° RG 22/08214 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XDUC

CONDAMNE la SARL LES DUNES DE FLANDRES à payer à Madame [I] [K] la somme de 5.250 euros au titre de la perte de chance de bénéficier d’une caution garantissant l’indemnité d’immobilisation de son bien ;

CONDAMNE la SARL LES DUNES DE FLANDRES à payer à Madame [I] [K] la somme de 52.500 euros au titre de l’immobilisation de son bien ;

CONDAMNE la SARL LES DUNES DE FLANDRES à payer à Madame [I] [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties pour le surplus ;

CONDAMNE la SARL LES DUNES DE FLANDRES aux dépens ;

RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu de l’écarter.

La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Madame Elodie GUILLIEU, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/08214
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;22.08214 ?
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