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02/07/2024 | FRANCE | N°23/00193

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 02 juillet 2024, 23/00193


N° RG 23/00193 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 02 Juillet 2024
54G

N° RG 23/00193
N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

[O] [H] épouse [M], [R] [M]
C/
S.A. MMA IARD,
S.A.S. COLLIER,
MMA IARD ASSSURANCES MUTUELLES










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SARL ARCAMES AVOCATS
la SELARL GALY & ASSOCIÉS
la SELARL JURIB

AT



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge

Lors des débat...

N° RG 23/00193 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 02 Juillet 2024
54G

N° RG 23/00193
N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

[O] [H] épouse [M], [R] [M]
C/
S.A. MMA IARD,
S.A.S. COLLIER,
MMA IARD ASSSURANCES MUTUELLES

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SARL ARCAMES AVOCATS
la SELARL GALY & ASSOCIÉS
la SELARL JURIBAT

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge

Lors des débats et du prononcé :
Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DEBATS :

à l’audience publique du 07 Mai 2024.

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Madame [O] [H] épouse [M]
née le 15 Décembre 1960 à [Localité 6] (PYRENEES-ATLANTIQUES)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

représentée par Maître Emilie FRIEDE de la SARL ARCAMES AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Monsieur [R] [M]
né le 26 Mars 1961 à [Localité 8] (LOIRE)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]

représenté par Maître Emilie FRIEDE de la SARL ARCAMES AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSES

S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Blandine FILLATRE de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

S.A.S. COLLIER
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Sébastien LAUSSU de la SELARL JURIBAT, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

MMA IARD ASSSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Blandine FILLATRE de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
*******************************

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat en date du 1er mars 2019, monsieur et madame [M] ont confié à la SAS COLLIER, assurée auprès des SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la construction de leur maison d'habitation située à [Localité 4].

Les travaux ont été réceptionnés sans réserves le 24 juin 2020.

Se plaignant d’infiltrations en sous-sol et de l’absence de grille anti-rongeurs, les époux [M] ont, selon exploit du 31 mai 2021, mis en demeure la SAS COLLIER de procéder à la réalisation des travaux de reprise de ces deux désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

En l’absence de solution amiable, les époux [M] ont fait délivrer assignation en référé à la SAS COLLIER et ses assureurs aux fins d'obtenir une provision et l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé du 13 décembre 2021, le juge des référés a désigné Monsieur [L] [N] en qualité d’expert judiciaire, lequel a déposé son rapport définitif le 22 août 2022 et a rejeté la demande de provision en présence d’une contestation sérieuse.
N° RG 23/00193 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

Selon acte du 7 décembre 2022, les époux [M] ont fait délivrer assignation au fond devant le tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre de la SAS COLLIER et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Selon leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2024, les époux [M] demandent au Tribunal de condamner in solidum la SAS COLLIER et ses assureurs les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à leur payer les sommes suivantes :
- 90 676,13 € TTC €, outre l’indexation sur l’indice BT01 à partir de la date du devis jusqu’à la date du jugement, correspondant au montant des travaux réparatoires permettant de remédier au désordre relatif aux infiltrations en sous-sol,
- 13 616,59 € TTC, correspondant au préjudice financier subi,
- 2 000 € chacun, correspondant au préjudice moral subi,
- 2 000 € chacun, correspondant au préjudice de jouissance subi,
- 5 000 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance en ce compris la moitié du coût de l’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la SARL ARCAMES & AVOCATS.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2024, la SAS COLLIER demande au tribunal de débouter les époux [M] de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A titre subsidiaire, la SAS COLLIER demande au tribunal de débouter les époux [M] de leurs demandes formulées au titre du préjudice financier, du préjudice moral et du préjudice de jouissance.
A titre infiniment subsidiaire, la société demande à être relevée indemne par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de toute condamnation à son encontre nonobstant le règlement de la franchise contractuelle en matière de garanties facultatives.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 mai 2024, les SA MMA IARD et société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES demandent au tribunal de débouter les époux [M] et la SAS COLLIER de toutes leurs demandes et de condamner les requérants à leur payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A titre subsidiaire, elles demandent de débouter les époux [M] de leurs demandes formulées au titre du préjudice financier, du préjudice moral et du préjudice de jouissance et de juger que les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES sont fondées à opposer à tous leur franchise contractuelle en matière de garanties facultatives.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 3 mai 2024.

MOTIFS

I/ Sur les demandes d'indemnisation des époux [M]

A/ Au titre des désordres relatifs aux infiltrations en sous sol

Les époux [M] recherchent à titre principal la responsabilité décennale de la SAS COLLIER, invoquent subsidiairement la garantie de parfait achèvement et font valoir à titre infiniment subsidiaire la responsabilité contractuelle du constructeur au titre des désordres intermédiaires.
N° RG 23/00193 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

En application de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
En l'espèce, lors de ses opérations, l’expert judiciaire a relevé dans les deux pièces du sous-sol composées d'un garage à vélo et d'une cave « la présence en de nombreux endroits de taches brunâtres indiquant qu’il y eu à un moment donné une présence d’eau. Ces taches sont situées sur le sol, à la jonction mur/plancher. "

Les constatations de l'expert corroborent les différents constats d'huissier réalisés entre décembre 2020 et décembre 2023 à la demande des requérants, ainsi que la note expertale de l'expert amiable monsieur [P] du 18 mai 2021, lesquels témoignent tous de la présence sur le sol à certains moments et à certains endroits d'eau jaunâtre stagnante.

Ainsi, quand bien même l'expert n'a pas personnellement, au cours de ces opérations, constaté la présence d’eau dans le sous sol, il ne peut être nié qu'elle a existé, l'expert précisant que "la présence d'eau n'est pas permanente et que l'infiltration se produit lors de périodes pluvieuses".

L'expert attribue ce phénomène à des remontées de la nappe phréatique.

Il n'est pas contesté que ce désordre est apparu après réception, la première présence d’eau ayant été signalée par le maitre d’ouvrage en décembre 2020, soit six mois après la réception.

L’Expert judiciaire indique que « La présence d’eau dans un sous-sol peut le rendre impropre à son usage selon la destination des locaux. »

Il ressort des pièces versées aux débats et en particulier des plans déposés en vue de l'obtention du permis de construire (PC), obtenu le 9 mai 2019, que la maison dispose d'un sous-sol partiel à vocation de garage à vélos et cave.

Ainsi que le souligne à juste titre l'expert judiciaire, un garage à vélo et une cave peuvent accepter des infiltrations d'eau ponctuelles et passagères, comme c'est le cas en espèce. Le désordre ne rend donc pas théoriquement ces pièces impropres à leur destination.

Il ressort des photos versées aux débats et des déclarations des époux [M] en cours d'expertise que "le sous-sol a été aménagé comme une véritable pièce supplémentaire de la maison à des fins de stockage".

Il est vrai que l'expert a indiqué que la destination actuelle des locaux n'admet pas d'arrivée d'eau.

Cependant, il ne saurait y avoir impropriété à destination au sens de l'article 1792 du code civil si cette destination a été modifiée unilatéralement par les maîtres d'ouvrage, après la réalisation de l'ouvrage, et ce, en contradiction avec celle prévue au permis de construire, alors même que les époux [M] ont été alertés sur le risque de remontée de la nappe phréatique sur le terrain d'assise de leur maison (articles 3 et 4 écrits en caractère gras dans l’arrêté de permis de construire du 9 mai 2019).

Par conséquent, les désordres ne relèvent pas de la responsabilité décennale du constructeur et les époux [M] seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
N° RG 23/00193 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XJCU

Les demandes des époux [M] ne sauraient non plus aboutir sur le fondement de la garantie de parfait achèvement prévue à l'article 1792-6 du code civil, quand bien même les désordres ont été dénoncés dans l'année suivant la réception, dans la mesure où leurs prétentions ne tendent pas, conformément à l'article précité, à l'exécution de travaux de réparation, mais à l'allocation de dommages et intérêts.

Si les dommages invoqués ne revêtent pas un caractère décennal, le maître de l'ouvrage peut rechercher la responsabilité contractuelle de droit commun, prévue par l'article 1231-1 du code civil qui dispose notamment que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure », étant rappelé que ce recours de nature contractuelle impose de rapporter l’existence d’un manquement, d'un préjudice et d'un lien causal.

En l'espèce, l’arrêté de permis de construire, dont la société COLLIER a été rendue destinataire par courriel du 16 mai 2019 comprend notamment les stipulations suivantes en caractères gras :
« Article 3 : Compte tenu d’une part, de la situation du terrain d’assiette du projet en zone de risque de remontée de nappe et, d’autre part, des travaux d’affouillements que nécessite la réalisation de votre projet, un rabattement préalable de la nappe phréatique pourrait s’avérer nécessaire. Dès lors, nous vous invitons à prendre connaissance de la « Note d’informations-Travaux de rabattement » annexée au présent arrêté.
Article 4 : Le sous-sol devra impérativement faire moins de 100m2 et 2m de hauteur. »

L'expert relève « que la maison des époux [M] est dans une « zone potentiellement sujette aux inondations de cave fiabilité MOYENNE » et très voisine de l’autre « zone potentiellement sujette aux débordements de nappe fiabilité MOYENNE ».
Il ajoute : « Ces points confirment donc l’importance des articles 3 et 4 de l’arrêté du PC, les remontées de nappes ne se produisant pas uniquement pendant la période de chantier mais en l’occurrence pendant toute la durée de vie du bâtiment. Le pétitionnaire a donc été alerté sur le risque, que ne pouvait pas méconnaitre l’entreprise COLLIER, sachante, compte tenu en particulier de son activité de constructeur sur le bassin d’Arcachon..."

Les prescriptions sur la configuration du terrain auraient dû amener la société COLLIER, entreprise habituée à travailler dans le secteur, à porter une attention particulière aux travaux conçus et réalisés dans le sous-sol de la maison des époux [M] et conseiller ces derniers sur les techniques constructives appropriées.

Cependant, ce défaut de conseil de la société COLLIER n'est pas la cause des infiltrations subies. Ce manquement contractuel n'a causé aux époux [M] qu'une perte de chance d'éviter de telles infiltrations.

Or, dans le cadre de cette instance, les époux [M] ne revendiquent pas la réparation d'une perte de chance mais prétendent à la réparation intégrale des dommages subis du fait des infiltrations.

En conséquence, les conditions d'application de l'article 1231-1 du code civil n'étant pas réunies en l'espèce, les époux [M] seront déboutés de leurs demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société COLLIER.

B/ Au titre des préjudices immatériels

Etant déboutés de leurs demandes au titre des désordres constructifs, les époux [M] le seront également de celles au titre des préjudices immatériels, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de ces prétentions.

Par ailleurs, aucune condamnation n'intervenant contre la société COLLIER, les demandes dirigées contre ses assureurs seront également rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens développés par ces derniers en défense.

II/Sur les autres demandes

Les époux [M] qui succombent seront condamnés aux dépens.

L'équité ne commande pas d'allouer aux parties d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DEBOUTE madame [O] [M] et monsieur [R] [M] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SAS COLLIER et des SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;

REJETTE l'ensemble des demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE madame [O] [M] et monsieur [R] [M] aux dépens.

La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00193
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;23.00193 ?
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