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21/06/2024 | FRANCE | N°21/00445

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 21 juin 2024, 21/00445


N° RG 21/00445 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 Juin 2024
50A

N° RG 21/00445
N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

[G] [J] [U] [F] [R],
[U] [B] [H] [S] épouse [R]
C/
S.A. SMA,
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE, SCCV [Adresse 9]










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Jean-Jacques BERTIN
la SELARL CMC AVOCATS
la SELARL

DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS



COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Président...

N° RG 21/00445 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 Juin 2024
50A

N° RG 21/00445
N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

[G] [J] [U] [F] [R],
[U] [B] [H] [S] épouse [R]
C/
S.A. SMA,
S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE, SCCV [Adresse 9]

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Jean-Jacques BERTIN
la SELARL CMC AVOCATS
la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, Vice-Présidente,
statuant en Juge Unique.

Lors des débats et du prononcé :
Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

En présence de Madame [T] [D], Auditrice de Justice, qui a assisté aux débats avec voix consultative en cours de délibéré.

DEBATS :

à l’audience publique du 10 Avril 2024,
délibéré au 12 Juin 2024, prorogé au 21 Juin 2024.

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [G] [J] [U] [F] [R]
né le 02 Février 1968 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représenté par Maître Marie-josé MALO de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et Me Laurent DENIS-PERALDI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

Madame [U] [B] [H] [S] épouse [R]
née le 18 Février 1968 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Marie-josé MALO de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant et Me Laurent DENIS-PERALDI, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

DEFENDERESSES

S.A. SMA assureur de responsabilité civile professionnelle de la SCCV [Adresse 9]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

représentée par Me Jean-Jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
siège social :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Adresse de signification de l’acte :
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

SCCV [Adresse 9]
C/O TAGERIM
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Marie-Christine RIBEIRO de la SELARL CMC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Monsieur [G] [R] et Madame [U] [B], [H] [S] épouse [R] ont signé le 28 juillet 2017 avec la SAS TAGERIM PROMOTION un contrat de réservation d'un appartement et de deux places de parking en état de futur achèvement au sein d 'un programme dénommé [Adresse 9], [Adresse 5]. Le contrat prévoyait une livraison du bien au plus tard le 2 ème trimestre 2019, soit au 30 juin 2019.

L'acte de vente en l'état futur d'achèvement a été signé le 11 décembre 2017 entre Monsieur et Madame [R] et la SCCV [Adresse 9], substituée à la SAS TAGERIM PROMOTION. La date de livraison était de même fixée au 30 juin 2019. L'acte prévoyait également des cause légitimes de suspension.

Monsieur et Madame [R] avaient obtenu un financement auprès de la banque SA CREDIT FONCIER DE FRANCE.

Se plaignant d’un retard important de livraison de l’immeuble, Monsieur et Madame [R] ont, par acte du 7 décembre 2020, saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux d’une action résolutoire dirigée contre la SCCV [Adresse 9] et la SA CREDIT FONCIER DE France.

Par ordonnance du 15 octobre 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer
soutenue par la SCCV [Adresse 9].

La livraison a finalement été constatée par procès verbal du 4 avril 2023.

Suivant acte signifié le 24 mai 2023, la SCCV [Adresse 9] a fait assigner au fond devant le Tribunal judiciaire la SA SMA, son assureur de responsabilité civile professionnelle, aux fins d'appel en garantie.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 mars 2024, Monsieur et Madame [R], qui ont abandonné leur demande initiale de résolution de la vente, demandent au Tribunal de :

Vu l'article 1231- du Code Civil.
Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture afin de permettre aux parties de conclure sur les nouvelles demandes résultant de l'abandon de celles qui tendent à la résolution de la vente et du prêt.
Condamner La société SCCV [Adresse 9] à payer aux époux [R] la somme de 16.437,25€ à titre de dommages et intérêts, en compensation de leur préjudice financier.
Condamner La société SCCV [Adresse 9] à payer aux époux [R] la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts, en compensation de leur préjudice moral et au titre des troubles dans leurs conditions d'existence.
Condamner la SCCV [Adresse 9] aux entiers dépens, incluant les frais de publication de l'assignation, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 7500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2024, la société civile de construction vente [Adresse 9] demande au Tribunal de :

Vu les articles 73, 74, 378 et 771 du Code de procédure civile
Vu les articles 1103 et suivants du Code civil
Vu l’article 199 novovicies du Code général des impôts
A titre principal, DEBOUTER les consorts [R] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SCCV [Adresse 9] ;
A titre subsidiaire,
REDUIRE à de plus justes proportions l’indemnisation du préjudice des consorts [R] lié à la perte de chance de bénéficier de la réduction d’impôt dès l’année 2020 ;
REDUIRE à de plus justes proportions l’indemnisation du préjudice moral des consorts [R] ;
DEBOUTER les consorts [R] du reste de leurs demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la compagnie SMA SA, ès qualités d’assureur responsabilité civile professionnelle promoteur suivant contrat n°651 647 N 7359 000/002 55230/000, à garantir et relever indemne la SCCV [Adresse 9] de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;
En tout état de cause,
DEBOUTER le CREDIT FONCIER DE FRANCE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SCCV [Adresse 9] ;
CONDAMNER les consorts [R] à payer à la SCCV [Adresse 9] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
ECARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2024, la SMA SA demande au Tribunal de :

DEBOUTER les consorts [R] de leurs demandes dirigées à l’encontre de la SCCV [Adresse 9],
En conséquence,
➢ DIRE sans objet l’appel en garantie formée par la SCCV [Adresse 9] à l’encontre de la SMA SA,
➢ JUGER que la garantie de la SMA SA est exclue en ce qui concerne la perte de l’avantage fiscal allégué par les consorts [R],
➢ JUGER que la SMA SA est fondée à opposer le montant de la franchise de la SCCV [Adresse 9] à hauteur de 8 000 €,
➢ DEBOUTER les consorts [R] de leur demande formée au titre du préjudice moral,
➢ REDUIRE en toute hypothèse les sommes susceptibles d’être allouées aux consorts [R] à de justes proportions,
➢ STATUER ce que de droit quant aux dépens.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 mars 2022, la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE demande au Tribunal de :

Vu les conclusions du 3 mars 2022 par lesquels les Consorts [R] renoncent à leurs demandes de nullité de la vente et anéantissement du prêt les liants à la société CREDIT FONCIER DE France
- PRONONCER la mise hors de cause de la société CREDIT FONCIER DE FRANCE en l’absence de demandes formulées à son encontre
- CONDAMNER la partie succombante (les époux [R] ou la SCCV [Adresse 9]) à payer au CREDIT FONCIER DE FRANCE la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
N° RG 21/00445 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

- CONDAMNER la partie succombante (les époux [R] ou la SCCV [Adresse 9]) aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2024.

MOTIFS :

A titre liminaire, il sera souligné qu'il n'y a pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, celle-ci étant intervenue après notification des dernières conclusions.

L’article 1103 du Code civil dispose : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’article 1231-1 du Code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

En application de l’article 1217 du Code civil : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ».

L'article 1601-1 du code civil dispose que la vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement.

En principe tenue d'indemniser les acquéreurs en application des articles 1601-1, 1611 et 1231-1 du code civil, la SCCV [Adresse 9], vendeur professionnel, débitrice d'une obligation de résultat, ne peut s'exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère constitutive de force majeure, ou de l'une des causes contractuellement prévues et énoncées.

Sur le retard de livraison :

L’acte d’acquisition prévoit que sont notamment considérées comme causes légitimes de suspension du délai de livraison :
- les intempéries au sens de la règlementation des travaux sur les chantiers du bâtiment ;
- la grève générale ou partielle affectant le chantier ou les fournisseurs ;
- le retard résultant de la liquidation des biens, l'admission au régime du règlement judiciaire, du redressement judiciaire, de la liquidation judiciaire des ou de l'une des entreprises (si la faillite ou l'admission au régime du règlement judiciaire suivent dans le délai de réalisation du chantier et postérieurement à la constatation du retard, la présente clause produira quand même tous ses effets)
- retard provenant de la défaillance d'une entreprise (la justification de la défaillance pourra être apportée par le vendeur à l'acquéreur au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par le Maître d'œuvre à l'entrepreneur défaillant) ;
- retards entrainés par la recherche et la désignation d'une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l'approvisionnement du chantier par celle-ci (…). 
- retards provenant d 'anomalies du sous-sol (… )
- injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d'arrêter les travaux, à moins que les dites injonctions e soient fondées sur des fautes ou des négligences imputables au vendeur ;  
(… )
- difficultés d'approvisionnements du chantier en matériel et matériaux.
(… )
Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien d'un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de répercussions sur l'organisation générale du chantier. pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux. Dans un tel cas, le justification de la survenance de l'une de ces circonstances sera apportée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre.

La société SCCV [Adresse 9] fait valoir comme causes légitimes de retard de livraison :

- la survenance de l’épidémie de COVID-19 ,
- la défaillance de la société COBELBA, l’ouverture d’une procédure collective à son encontre et les retards entrainés par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à la société COBELBA,
- la mise en place d’une expertise judiciaire ayant donné lieu à un arrêt de chantier et la recherche d’une nouvelle entreprise de gros œuvre à la reprise du chantier ;
- les défaillances de la société DUPUY FRERES, titulaire du lot « couverture-bardage » et le retard causé par l’abandon de chantier et la désignation d’une nouvelle entreprise,
- des arrêts de chantier en raison d’intempéries.
- des difficultés d'approvisionnement.

Sur la défaillance de la société COBELBA et ses conséquences :

La société SCCV [Adresse 9] fait valoir que la société COBELBA, entreprise en charge du gros œuvre, a abandonné le chantier en juillet 2018, qu'en raison d'une absence d'étaiement de ses travaux, le chantier a été interdit d'accès la 1er août 2018, que la société a été placée en liquidation judiciaire le 8 août 2018, que son marché a été résilié le 13 aout 2018 et qu'est ainsi justifié un retard de 177 jours depuis le 3 février 2018, date à laquelle les travaux de plancher devaient normalement commencer. Elle fait de plus valoir que le marché concernant le gros œuvre n'a pu être attribué ensuite que le 12 octobre 2018, suivant contrat produit.

Cependant, outre le fait qu'un retard depuis février 2018 dû à une défaillance de la société COBELBA à partir de juillet 2018 n'est pas justifié ni la date à laquelle le chantier n'a plus été interdit d'accès après le 1er août, le formalisme prévu au contrat, auquel les parties ont convenu de se soumettre, pour justifier des causes légitimes de retard n'a pas été respecté, dans la mesure où aucune attestation ou lettre du maître d'œuvre au vendeur justifiant de la survenance de ces circonstances n'a été établie. Enfin, la société COBELBA a été remplacée 2 mois et 5 jours après l'ouverture de la liquidation judiciaire, ce qui est insuffisant à justifier et à quantifier la durée du retard .

Sur l'expertise judiciaire :

La SCCV [Adresse 9] fait valoir que suite à la reprise du chantier par la société nouvellement en charge du gros œuvre le 22 octobre 2018, la solidité des ferraillages déjà réalisés a été estimée insuffisante et il ressort du compte rendu de la réunion de chantier du 28 novembre 2018 que le chantier a été arrêté de ce fait le 14 novembre 2018. La SCCV [Adresse 9] a fait assigner en référé d'heure à heure après y avoir été autorisée le 21 décembre 2018, le 24 décembre 2018 aux fins de réalisation d'une expertise. Un expert judiciaire a été désigné le 28 décembre 2018.

L'expert judiciaire s'est adjoint un sapiteur, le bureau ETBA qui a rendu deux rapports les 21 juin 2019 et 19 juillet 2019 aux termes desquels les armatures mises en œuvre et indiquées sur les plans d'exécution étaient insuffisantes pour reprendre la descente de charges induites par les étages supérieurs et la dalle de transfert était sous dimensionnée et les descentes de charges sur pieux minorées outre une solution de liaison inadaptée. S'en sont suivis des dires de la SCCV [Adresse 9] à l'expert judiciaire. Dans une réponse du 26 août 2019, ce dernier a écrit que les pieux étaient sous dimensionnés et devaient être renforcés. Dans des conclusions d'une note du 9 février 2020, l'expert judiciaire a écrit que le plancher haut sous-sol, les poteaux en sous-sol, les longrines et les pieux présentaient des désordres ou des malfaçons mais que le ferraillage de la dalle basse du sous sol ne comportait aucun risque vis à vis de sa solidité. Dans la réponse à un dire en date du 21 juillet 2020, l'expert judiciaire a cependant indiqué que suite à des sondages réalisés par le bureau SOCOTEC mandaté par la SCCV [Adresse 9] et ayant donné lieu à un rapport en avril 2020, il confirmait la (nécessité de la) démolition de cette dalle.

La SCCV [Adresse 9] affirme qu'elle a alors entrepris les travaux de démolition le 15 juin 2020, ce qu'elle ne pouvait faire auparavant.

Si certes l'objet de l'expertise judiciaire est de déterminer les responsabilités des constructeurs, il ne peut cependant être fait grief à la SCCV [Adresse 9] de s'être assuré des conclusions de l'expert quant à la nécessité de démolir la dalle ou non avant reprise de son chantier, élément fondamental de la structure de l'immeuble, ce qui est également dans l'intérêt des acheteurs. Si l'expert judiciaire n'est pas un maître d'œuvre, l'évolution de son avis au regard notamment des conclusions du bureau SOCOTEC outre les contradictions entre les conclusions de celui-ci et les premières indications de l'expert ont justifié que par principe de précaution la SCCV [Adresse 9] ne reprenne pas le chantier.

Il en résulte que la constatation d'un manque de ferraillage puis l'organisation d'une expertise judiciaire et l'attente des premières conclusions de l'expert quant à la solidité/conformité des ouvrages déjà réalisés ont constitué un cas de force majeure qui a justifié l'interruption du chantier entre le 14 novembre 2018 et le 15 juin 2020, soit un retard justifiable de 579 jours. Cette cause de retard n'étant pas une cause légitime prévue au contrat, il n'y a pas lieu d 'appliquer la clause de doublement du temps de retard. Un report de la date de livraison est ainsi justifié au 29 janvier 2021 (30 juin 2019+ 579 jours).

Sur la survenance de l’épidémie de COVID-19 :

La SCCV [Adresse 9] fait valoir que l'ordonnance du 25 mars 2020 relative notamment à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et l'ordonnance du 15 avril 2020 dans les articles 8 et 4 de la première ont prorogé le délai d'achèvement des travaux.
Cependant, l'article 4 de l'ordonnance concerne les délais qui étaient échus dans la période de l'état d'urgence et ne concerne que les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, ce qui n'est pas invoqué ici. De plus, l'article 8 concerne, lorsqu'ils n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l'administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature, ce qui n'est pas non plus le cas ici. Enfin, l'article 199 novovicies IC du code général des impôts concerne la réduction d'impôt des acheteurs en l'état futur d'achèvement et non le vendeur et n'instaure pas une prorogation automatique du délai d'achèvement.

En tout état de cause, la SCCV [Adresse 9] a fait également valoir à juste titre comme cela vient d'être établi qu'à cette période, les travaux étaient suspendus en raison des malfaçons décelées et de l'expertise judiciaire et ont repris en juin 2020. Ainsi, la survenance du COVID 19 et la période de confinement afférente n'ont eu aucune incidence sur le déroulement du chantier.

Sur la reprise des travaux après juillet 2020 :

La SCCV [Adresse 9] soutient qu'un nouveau retard est justifié du fait de la nécessité de retrouver une entreprise de gros-œuvre après juillet 2020, la précédente n'ayant pas souhaité reprendre son marché et que ce n'est que le 12 janvier 2021 qu'une nouvelle entreprise s'est vue attribuer le lot gros œuvre.

Cependant, à supposer que cette recherche corresponde à l'une des causes légitime prévues au contrat de recherche d'une entreprise après défaillance d'une autre, le formalisme prévu au contrat pour justifier des causes légitimes de retard n'a pas été respecté, dans la mesure où aucune attestation ou lettre du maître d'œuvre au vendeur justifiant de la survenance de ces de cette circonstance n'a été établie et la SCCV [Adresse 9] ne justifie pas de l'absence d'un retard fautif à ce titre.

Sur les intempéries :

La SCCV [Adresse 9] fait valoir un retard justifié en raison d'intempéries, par une attestation du maître d 'œuvre en date du 24 mars 2023, intempéries à compter d'octobre 2021. Cependant, le délai de livraison a été décalé au 29 janvier 2021 en raison des causes de retard légitiment admises et les circonstances postérieures sont privées d’effet sur un délai déjà échu. Ainsi les intempéries invoquées à compter d'octobre 2021 ne peuvent servir de fondement à l'allongement d 'un délai à compter de janvier 2021 et cette cause légitime de retard ne sera pas retenue.

Sur la défaillance de la société DUPUY FRERES et ses conséquences :

La société SCCV [Adresse 9] fait valoir de même des défaillances de la société DUPUY FRERES en charge du lot couverture bardage à compter du mois de mars 2022, soit après le délai d'achèvement légitimement reporté au 29 janvier 2021 échu. Cette cause de retard, à la supposer établie, ne peut ainsi être valablement invoquée.

Sur les difficultés d'approvisionnement en matériaux :

Enfin, la société SCCV [Adresse 9] fait valoir des difficultés d'approvisionnement en matériaux en raison du contexte économique et géopolitique de l'année 2022, soit toujours après échéance du délai légitimement reporté et qui ne peuvent être valablement invoquées.
N° RG 21/00445 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VC5H

Ainsi, l'immeuble aurait dû être livré le 29 janvier 2021.

La livraison étant intervenue le 4 avril 2023, le retard fautif et indemnisable est de 2 ans 2 mois et 6 jours.

Sur le préjudice :

Sur la défiscalisation :

Monsieur et Madame [R] font valoir qu'en raison du retard de livraison, ils n'ont pu bénéficier de l'avantage fiscal « Pinel » alors qu'ils avaient prévu de louer le bien pour une durée de 9 ans, avantage qu'ils évaluent à 5150 euros par an.

Ils justifient d 'une étude financière réalisée pour leur lot en juillet 2017 qui estime à 4655 euros la réduction d'impôt pour l'année 2021 et 4669 pour l'année 2022. Ils justifient en outre de ce qu'ils ont été imposables à l'impôt sur le revenu pour les années 2019, 2020 et 2021.

La SCCV [Adresse 9] fait valoir que Monsieur et Madame [R] pourront bénéficier du crédit d'impôt à compter de la déclaration de revenus de l'année d'achèvement de l'immeuble et qu'en outre, l'administration fiscale a prolongé pour les acquéreurs de la résidence qui demanderont le bénéfice de la réduction d'impôt le délai d'achèvement de leur logement de 30 mois à 61 mois et 39 jours.

Il résulte effectivement des courriers de l'administration fiscale produits en date des 8 février et 7 juillet 2023, adressés à l'association EDC, que l'administration fiscale a prolongé de 31 mois et 39 jours le délai d'achèvement des logements de la résidence [Adresse 9] à [Localité 8] pour le porter à 61 mois et 39 jours concernant le bénéfice de la réduction d'impôt dite « Pinel », soit pour une date d'achat au 11 décembre 2017 au 20 février 2023. S'il n'est pas établi que Monsieur et Madame [R] ont adhéré à l'association, il n'est pas établi cependant qu'ils ne pourront pas bénéficier de ce dispositif de report.

S'il n'est pas certain qu'en raison du décalage de l'avantage dans le temps, leur niveau de revenu se maintienne, la perte de l'avantage Pinel ne peut cependant alors être considérée comme acquise et certaine mais comme relevant d'une perte de chance comme le relève la SCCV [Adresse 9].

En tout état de cause, Monsieur et Madame [R] justifient de ce qu'ils ont perçu l'avantage fiscal au titre de l'avis d'imposition 2023 sur les revenus 2022 après achèvement de l'immeuble. Ils réclament une indemnisation au titre de l'avantage fiscal pour les années antérieures de 2019 à 2021. Cependant, en raison du décalage de l'avantage fiscal dans le temps, la perte de celui-ci n'est pas établie pour ces trois années antérieures. Il seront ainsi déboutés de leur demande à ce titre.

Sur les primes d'assurances :

Monsieur et Madame [R] font valoir que s'ils ont pu décaler les remboursements des échéances du prêt, ils ont du s'acquitter mensuellement de la prime d'assurance pour un montant de 81,75 euros.

Ils justifient par la production du tableau d'amortissement de ce qu'ils ont effectivement payé mensuellement cette somme depuis février 2018. Le retard fautif et indemnisable étant de 2 ans 2 mois et 6 jours entre le 29 janvier 2021 et le 4 avril 2023, il leur sera accordé en réparation de ce préjudice la somme de 2125,50 euros (81,75 x 26 mois).

Sur le préjudice moral :

Monsieur et Madame [R] ne justifient par aucune pièce de ce qu'il sont subi une atteinte psychologique ou une atteinte à leurs sentiments d'affection, d'honneur ou de considération en raison du retard de livraison et ils seront en conséquence déboutés de leur demande en réparation à ce titre.

Sur l'appel en garantie :

La compagnie SMA SA ne conteste pas devoir sa garantie au titre des primes d'assurances en cas de retard fautif. Elle sera en conséquence condamnée à garantir et relever indemne la SCCV [Adresse 9] de cette condamnation.

Elle sera autorisée à opposer sa franchise contractuelle à son assuré.

Sur les demandes annexes :

La SCCV [Adresse 9], partie perdante, sera condamnée aux dépens.

Au titre de l'équité, elle sera condamnée à payer à Monsieur et Madame [R] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie SMA SA sera condamnée à garantir et relever indemne la SCCV [Adresse 9] de ces condamnations.

Au titre de l'équité, il y lieu de débouter la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter, celle-ci n'étant pas incompatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

CONDAMNE la SCCV [Adresse 9] à payer à Monsieur [G] [R] et Madame [U] [B], [H] [S] épouse [R] la somme de 2125,50 euros à titre de dommages et intérêts pour les primes d'assurance versées pendant la période de retard indemnisable.

CONDAMNE la SMA SA à garantir et relever indemne la SCCV [Adresse 9] de cette condamnation.

DEBOUTE Monsieur [G] [R] et Madame [U] [B], [H] [S] épouse [R] de leur demande au titre de la perte invoquée de l'avantage fiscal dit « Pinel ».

DEBOUTE Monsieur [G] [R] et Madame [U] [B], [H] [S] épouse [R] de leur demande au titre du préjudice moral.

DEBOUTE la SA CREDIT FONCIER DE FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SCCV [Adresse 9] à payer à Monsieur [G] [R] et Madame [U] [B], [H] [S] épouse [R] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SCCV [Adresse 9] aux dépens.

CONDAMNE la SMA SA à garantir et relever indemne la SCCV [Adresse 9] de ces condamnations.

AUTORISE la SMA SA à opposer à la SCCV [Adresse 9] sa franchise contractuelle.

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit et DIT n'y avoir lieu à l'écarter.

La présente décision est signée par Madame Marie-Elisabeth BOULNOIS, la Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00445
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;21.00445 ?
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