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18/06/2024 | FRANCE | N°22/09192

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 7ème chambre civile, 18 juin 2024, 22/09192


N° RG 22/09192 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XGKN

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 Juin 2024
50G

N° RG 22/09192
N° Portalis DBX6-W-B7G-XGKN

Minute n° 2024/





AFFAIRE :

[L] [C]
C/
S.N.C. [Localité 2] BRAZZA D3










Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Eugénie CRIQUILLION
Me Martin PEYRONNET




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :


Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge

En présence de Madame [W] [M], Auditrice de Justice, qui a assisté aux débats et a été entendue en son rap...

N° RG 22/09192 - N° Portalis DBX6-W-B7G-XGKN

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 18 Juin 2024
50G

N° RG 22/09192
N° Portalis DBX6-W-B7G-XGKN

Minute n° 2024/

AFFAIRE :

[L] [C]
C/
S.N.C. [Localité 2] BRAZZA D3

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Eugénie CRIQUILLION
Me Martin PEYRONNET

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :
Madame Anne MURE, Vice-Présidente,
Madame Alice VERGNE, Vice-Présidente,
Madame Sandrine PINAULT, Juge

En présence de Madame [W] [M], Auditrice de Justice, qui a assisté aux débats et a été entendue en son rapport, avec voix consultative en cours de délibéré

Lors des débats et du prononcé :
Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier

DEBATS :

à l’audience publique du 09 Avril 2024.

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [L] [C]
né le 23 Septembre 1976 à [Localité 4] (SEINE-SAINT-DENIS)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Me Martin PEYRONNET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSE

S.N.C. [Localité 2] BRAZZA D3
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean-Philippe LORIZON de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant, Me Eugénie CRIQUILLION, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
******************************

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 9 janvier 2021, Monsieur [L] [C] a réservé auprès de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 appartenant au groupe BNP PARIBAS IMMOBILIER RESIDENTIEL, un lot n°B208 portant sur un appartement de 80m2 situé dans le bâtiment B d’un ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement, situé [Adresse 5], pour un prix de 243 200 euros payable par échéances d’appels de fonds en fonction de l’avancement des travaux, et moyennant un dépôt de garantie d’un montant de 4 864 euros.

Le contrat de réservation a été conclu sous trois conditions suspensives :

- obtention par la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 des autorisations administratives nécessaires à la réalisation des ensembles immobiliers et justification de leur caractère définitif,
- acquisition des terrains, assiette du projet par le réservant,
- obtention du financement par le réservataire.

Par courriers des 12 et 21 septembre 2022, Monsieur [L] [C] a mis en demeure la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 de lui communiquer une date de signature de l’acte authentique avant le 16 septembre 2022.

Par acte délivré le 28 novembre 2022, Monsieur [L] [C] a assigné la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 devant le Tribunal judiciaire de BORDEAUX, en prononciation de la résolution judiciaire du contrat, en indemnisation de ses préjudices et en restitution du dépôt de garantie.

Par courrier du 2 décembre 2022, la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 a informé Monsieur [L] [C] de la résiliation de son contrat de réservation et de la restitution de son dépôt de garantie en raison de la renonciation à la mise en œuvre du lot n°B208, lequel a finalement été confié à la maîtrise d’ouvrage d’un organisme social.

Par délibérations foncières et financières du 15 décembre 2022, le lot n°B208 initialement réservé par Monsieur [L] [C] a été mentionné comme faisant partie de l’acquisition foncière à bâtir par la société DOMOFRANCE.
Par promesse synallagmatique de vente en date du 6 juin 2023, la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 a vendu à la société DOMOFRANCE plusieurs fractions de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 5] composé des bâtiments A et B.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2024 M. [C] demande au Tribunal de :

« JUGER que la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 a commis une faute contractuelle en ne respectant pas les termes du contrat de réservation en date du 9 janvier 2021 et a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi,

JUGER que la faute contractuelle de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 lui a causé les préjudices suivants :

➢ Perte de chance d’obtenir des conditions de financements avantageuses : 133.734,06 €,
➢ Loyers exposés : 20.447,28 €,
➢ Perte de chance de réaliser la plus-value escomptée : 57.122 euros,
➢ Préjudice moral : 3.000 euros.

En conséquence,

CONDAMNER la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 à lui verser la somme de 214.303,34 euros à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNER la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 à lui restituer la somme de 4.864 euros versée au titre du dépôt de garantie.

En tout état de cause,

- CONDAMNER la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Martin PEYRONNET en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »

Monsieur [C] fait valoir que le contrat de réservation rédigé en des termes bien précis en ce qu’il précisait notamment le prix, ainsi que le délai de livraison du bien, vaut vente.

Le demandeur ajoute que les conditions suspensives prévues au contrat ayant toutes été réalisées, le contrat de réservation aurait dû produire tous ses effets conformément à l’article 6, c’est-à-dire dans un délai de trois mois à compter des actes d’acquisition des terrains par le réservant ou, si les terrains étaient déjà acquis, à compter de la signature du contrat de réservation. Dès lors, Monsieur [C] considère que la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 a commis une faute contractuelle.

Enfin, Monsieur [C] remet en cause la bonne foi de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 en considérant que la résiliation du contrat de réservation est intervenue le 2 décembre 2022, soit avant les délibérations foncières et financières en date du 15 décembre 2022, et qu’elle ne peut donc être la conséquence directe de la vente d’une partie des lots à cet organisme.

Dès lors, le demandeur sollicite l’indemnisation de ses préjudices au titre tout d’abord, de la perte de chance d’obtenir des conditions de financement avantageuses ainsi que celle de réaliser la plus-value escomptée, ensuite, des dépenses réalisées et notamment des loyers versés, et enfin, du préjudice moral.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2024 la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 demande au Tribunal de :

« ▪ CONSTATER que le contrat de réservation du 9 janvier 2021 a été résilié le 2 décembre
2022 en raison d’un motif légitime,

▪ JUGER qu’elle n’a commis aucune faute contractuelle,

▪ JUGER que les préjudices allégués par Monsieur [C] ne sont justifiés ni dans leur
principe, ni dans leur quantum,

En conséquence,

▪ DEBOUTER Monsieur [C] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

▪ DEBOUTER Monsieur [C] de ses demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens,

▪ CONDAMNER Monsieur [C] à lui verser la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

▪ CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens de la présente instance. »

La SNC [Localité 2] BRAZZA D3 rappelle avoir notifié au réservataire dès le 2 décembre 2022, la résiliation du contrat de réservation et avoir restitué à Monsieur [C] le 20 décembre 2022, son dépôt de garantie avec intérêts.

A titre principal, La SNC [Localité 2] BRAZZA D3 fait valoir qu’elle n’a commis aucune faute contractuelle. Elle considère que tant que la construction n’a pas démarré, le promoteur s’engage simplement via le contrat de réservation, à réserver certains locaux dépendant de l’immeuble qu’il se propose de faire édifier. Dès lors, la société défenderesse fait valoir qu’elle s’est simplement engagée à offrir à Monsieur [C] une priorité d’achat portant sur le lot n°B208, dans l’hypothèse où ledit lot serait réalisé, et elle conteste ainsi le fait que ledit contrat de réservation puisse s’analyser en une promesse de vente.

Dès lors, selon le réservant, la seule obligation à laquelle la société SNC [Localité 2] BRAZZA D3 était tenue, consistait en la réservation de manière prioritaire et par préférence du lot B208 au profit de Monsieur [C]. La défenderesse explique qu’elle a été contrainte d’abandonner la maîtrise d’ouvrage d’une grande partie de l’opération immobilière et notamment du lot B208 réservé par Monsieur [C], cela excluant toute faute contractuelle de sa part.

La SNC [Localité 2] BRAZZA D3 ajoute que la résiliation du contrat de réservation a trouvé sa cause dans l’abandon d’une partie du projet, qui sera réalisé in fine par la maîtrise d’ouvrage de la société DOMOFRANCE (acteur majeur du logement social en Nouvelle-Aquitaine), conformément au vote du rachat d’une partie des lots le 15 décembre 2022, et à la conclusion d’une promesse de vente le 6 juin 2023.

La société défenderesse fait valoir sa bonne foi et explique qu’elle se trouvait en pourparlers avec la société DOMOFRANCE depuis plusieurs mois déjà, ce qui explique qu’elle a pu informer Monsieur [C] de la résiliation du contrat dès le 2 décembre 2022, soit avant le vote de la délibération le 15 décembre 2022.

A titre subsidiaire, la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 considère que Monsieur [C] ne fait pas la démonstration d’un préjudice indemnisable tant au regard de la notion de perte de chance, des loyers prétendument exposés, que du préjudice moral.

La clôture est intervenue le 29 mars 2024 par ordonnance du juge de la mise en état.

MOTIFS

I - Sur les demandes indemnitaires de Monsieur [C]

A titre liminaire, il sera rappelé que les demandes de dommages et intérêts formulées par Monsieur [C] reposent sur deux moyens, d’une part, le caractère exécutoire du contrat de réservation qui s’assimile selon lui à une promesse de vente, et d’autre part, le manquement à l’obligation de bonne foi.

A/ Sur le manquement contractuel de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3

Aux termes du I de l’article L.216-15 du code de la construction et de l’habitation, la vente prévue à l’article L.261-10 peut être précédée d’un contrat préliminaire par lequel, en contre-partie d’un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble.
Ce contrat doit comporter les indications essentielles relatives à la consistance de l’immeuble, à la qualité de la construction et aux délais d’exécution des travaux ainsi qu’à la consistance, à la situation et au prix du local réservé.
Les fonds déposés en garantie sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu’à la conclusion du contrat de vente.
Ils sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant si le contrat n’est pas conclu du fait du vendeur, si la condition suspensive prévue à l’article L.313-41 du code de la consommation n’est pas réalisée, ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du contrat préliminaire.

Le contrat préliminaire est un contrat synallagmatique sui generis, qui se distingue de la promesse de vente.

En l’espèce, l’article 1 du contrat de réservation en date du 9 janvier 2021 conditionne la réservation du lot à Monsieur [C] à la réalisation d’une part, de conditions suspensives, et d’autre part, du projet immobilier afférent : « si par suite de la réalisation des conditions suspensives, le réservant réalise l’opération ci-dessus définie, il s’oblige à réserver au réservataire, par préférence à tout autre, les locaux objets des présentes dans des conditions et suivant les modalités fixées au titre I du présent contrat. »

S’il ne fait pas débat que les trois conditions suspensives mentionnées à l’article IX du contrat de réservation ont été réalisées, ce fait n’est cependant pas de nature à lui seul à conférer à l’acte la qualification de promesse de vente, en l’absence d’autres dispositions contraignantes à l’encontre du réservant, le contrat préliminaire étant un contrat synallagmatique spécifique.

En effet, il résulte des dispositions contractuelles que le contrat de réservation conclu par Monsieur [C] l’a été dans des conditions claires et non équivoques prévoyant la simple réservation d’un bien au réservataire à la condition que la BNP PARIBAS IMMOBILIER RÉSIDENTIEL réalise les bâtiments A1, A2, A3 et A4 comprenant environ 67 logements en accession libre, ainsi que le bâtiment B comprenant environ 17 volumes capables à destination de logements, 5 locaux artisanaux, et 84 places de stationnements en rez-de-chaussée.

Le projet ainsi visé n’a pas été réalisé par le réservant et la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 en a informé Monsieur [C] dès le 2 décembre 2022 :

« (…) A ce stade, et en dépit de nos efforts afin d’aboutir à une solution satisfaisante, nous sommes dans l’impossibilité de parvenir seuls à un bilan financier acceptable de l’opération, notamment en raison de l’augmentation très significative des coûts de construction dont les médias se font l’écho depuis plusieurs mois.
Face à cette situation exceptionnelle, nous sommes contraints d’abandonner une partie conséquente de la maîtrise d’ouvrage du projet de construction.
Dans le cadre de ce profond changement, la SNC [Localité 2] BRAZZA ne va pas mettre en œuvre le lot que vous aviez réservé.
Il sera finalement comme beaucoup d’autres réalisé sous la maîtrise d’ouvrage d’un organisme social, qui le commercialisera en accession sociale, a priori dans les conditions du PSLA.
En raison de ces circonstances, nous sommes forcés de procéder à la résiliation du contrat de réservation signé le 09/01/2021. (...) »

Le 20 décembre 2022, le dépôt de garantie a été restitué à Monsieur [C].

En outre, le point VIII du contrat de réservation intitulé « réalisation de la vente » se cantonne à désigner l’étude notariale au sein de laquelle la signature de l’acte de vente en état futur d’achèvement sera réalisée, et ne confère pas au réservataire, contrairement à ce que fait valoir Monsieur [C], la faculté pour lui d’acquérir le bien.

Dès lors, c’est à tort que Monsieur [C] soutient que le contrat de réservation est assimilable à une promesse de vente.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le réservant ne s'était pas engagé à vendre, dès la signature, mais à proposer à la vente, par préférence, dans un certain délai, en cas de réalisation du projet immobilier.

Dès lors la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 avait la possibilité d’opposer la résolution du contrat, en l’absence de réalisation du programme immobilier, sans que cela caractérise pour autant un manquement contractuel.
En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande indemnitaire formulée au titre du manquement contractuel de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3.

B/ Sur le manquement à l'obligation de bonne foi contractuelle de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3

Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.

En l’espèce, il résulte de la lecture de la délibération du 15 décembre 2022 que la société BNP PARIBAS IMMOBILIER a invoqué le contexte économique comme cause justifiant la résiliation du contrat de réservation :

« En juin 2022, BNP Paribas Immobilier s’est rapprochée de nous en indiquant que, compte tenu du contexte économique et des retours de consultation d’entreprises, ils ne pourraient pas engager cette opération en travaux. Malheureusement, ce constat impactait le démarrage de l’opération de Domofrance du fait de la mutualisation de plusieurs équipements communs (accès parking, transformateur électrique…).
Face à ce constat, nous avons donc étudié la possibilité pour Domofrance de racheter une partie des lots prévus dans la programmation de BNP Paribas Immobilier en accession abordable : les volumes capables (logements et artisans) dans le bâtiment B.
L’objet de la présente délibération est de valider les conditions d’acquisition de ces volumes capables. »

Si la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 explique que les difficultés financières rencontrées résultent de l’augmentation très significative et notoire des coûts de construction, force est de constater que la défenderesse ne produit aucun élément justificatif corroborant ses dires.

De surcroît, c’est à juste titre que Monsieur [C] fait valoir que la promesse synallagmatique de vente ne concerne qu’une partie des lots, puisqu’en effet, si par délibération en date du 15 décembre 2022, la société DOMOFRANCE s’est portée acquéreuse de certains lots à bâtir et notamment du n°B208, l’acte conclu le 6 juin 2023 s’il vise un certain nombre de lots appartenant au bâtiment B, ne désigne pas le lot initialement réservé par le demandeur.

Il se déduit de ce qui précède que c’est à bon droit que Monsieur [C] remet en cause la bonne foi contractuelle de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3, puisque le réservant ne justifie ni de l’ampleur de l’augmentation du coût de la construction, ni de la vente à la société DOMOFRANCE du lot B208.

En effet, si la conclusion du contrat préliminaire ne prive pas le réservant de la possibilité de ne pas donner suite à son projet, encore faut-il que les motifs invoqués soient sérieux et légitimes, ce qui pour les raisons développées ci-dessus, n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, la mauvaise foi contractuelle de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 est caractérisée.

C/ Sur les préjudices

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l’inexécution ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
- La perte de chance

La perte de chance d’un gain est réparable dès lors qu’il est rapporté la preuve d’une disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

● La perte de chance d’obtenir des conditions de financement avantageuses

En l’espèce, Monsieur [C] fait valoir qu’il a perdu la chance d’obtenir des conditions de financement avantageuses et fixe son préjudice à la somme de 133 734,06 euros correspondant à la simulation de prêt en date du 27 juillet 2023 (160 527,06 euros) déduction faite de l’offre de prêt obtenue (26 793 euros). Il affirme à ce jour ne plus être éligible à une offre de prêt à taux zéro.

L’offre de prêt produite aux débats concerne l’achat en l’état futur d’achèvement de l’appartement visé par le lot B208.

Monsieur [C] explique avoir perdu la chance d’acheter le bien à des conditions de financement avantageuses, et rattache la disparition de cette éventualité favorable à l’hypothèse selon laquelle il aurait conclu le contrat de vente consécutivement au contrat de réservation du lot.

Or, le contrat de réservation litigieux aurait pu au cours de son exécution être soumis à d’autres aléas tels que l’allongement des délais de livraison ou des vices de conformité, ces aléas rendant incertaine la perte de chance alléguée.

En outre, rien ne permet de démontrer que le contrat de réservation aurait abouti automatiquement à une vente répondant aux conditions financières obtenues par Monsieur [C], si bien qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la perte de chance alléguée et la mauvaise foi contractuelle de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 .

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance d’obtenir des conditions de financement avantageuses.

● La perte de chance de réaliser la plus-value escomptée

Monsieur [C] fait valoir qu’il a perdu la chance de réaliser une plus-value d’un montant de 285 610 euros en cas de revente de l’appartement qui correspondait au lot réservé, compte tenu d’une part des travaux de réaménagement que le demandeur souhaitait réaliser et d’autre part, du prix moyen du mètre carré à [Localité 2].

Là encore, le demandeur rattache la disparition de l’éventualité favorable à l’hypothèse selon laquelle il aurait conclu la vente de l’immeuble consécutivement au contrat de réservation du lot, puis revendu son bien immobilier qu’il aurait préalablement réaménagé, bénéficiant ainsi d’une plus-value. Cependant, cette dernière dépend de l’état du marché immobilier lequel n’est pas garanti.

Dès lors, Monsieur [C] n’établit pas de lien de causalité entre le contrat de réservation et la disparition de l’éventualité favorable de réaliser la plus-value escomptée, cette dernière n’étant qu’hypothétique.
En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande d’indemnisation au titre de la perte de chance de réaliser la plus-value escomptée.

- Les loyers exposés

Monsieur [C] explique avoir dû louer son logement dans l’attente de la réalisation de son lot par la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 et en conséquence s’acquitter de loyers pendant une durée de vingt-quatre mois pour un montant total de 20 447,28 euros.

Le demandeur ayant conclu un contrat de réservation d’un appartement faisant partie d’un ensemble immobilier en l’état futur d’achèvement, il devait nécessairement trouver une solution de logement alternative dans l’attente de la réalisation du projet et cela, même si le contrat de réservation devait être finalement résilié ou les délais prolongés.

Dès lors, les loyers exposés par Monsieur [C] qui sont simplement la contrepartie de son son logement, ne sauraient constituer un préjudice causé par le fait que le réservant n’a pas donné suite à son projet.

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre des loyers exposés.

- Le préjudice moral

Le préjudice moral pour être réparé doit consister dans une atteinte aux sentiments d'affection, à l'honneur, la réputation ou la considération.

Monsieur [C] expose que ce projet lui a permis de se projeter en qualité de propriétaire de sa résidence principale et de se constituer un patrimoine immobilier, opportunité qu’il ne peut plus réaliser à ce jour dans les mêmes conditions.

Dès lors, il sollicite l’indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 3 000 euros.

Force est de constater que si Monsieur [C] allègue avoir dû renoncer à son projet immobilier, il ne rapporte pas la preuve d’une atteinte aux sentiments d’affection, à son honneur, à sa réputation ou à sa considération.

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts formulée au titre du préjudice moral.

II - Sur le dépôt de garantie

Le 20 décembre 2022, tel qu’il résulte de la lecture du relevé de compte client versé aux débats par la SNC [Localité 2] BRAZZA D3, le dépôt de garantie a été restitué dans sa totalité et avec intérêts, à Monsieur [C].

En conséquence, Monsieur [C] sera débouté de sa demande de restitution du dépôt de garantie.

III - Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

En ce qui concerne les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, compte tenu des développements précédents faisant apparaître la mauvaise foi de la SNC [Localité 2] BRAZZA D3, cette dernière sera condamnée aux entiers dépens.

En ce qui concerne les demandes au titre des frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

La SNC [Localité 2] BRAZZA D3 condamnée aux dépens, devra payer à Monsieur [C], au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens, une somme qu’il est équitable de fixer à 2 500 euros et sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

En ce qui concerne l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, la présente décision est de droit assortie de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DÉBOUTE Monsieur [L] [C] de l’ensemble de ses demandes,

REJETTE toute autre demande,

CONDAMNE la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 aux dépens en ce compris les frais liés à l'exécution de la présente décision, lesquels pourront faire l'objet d'un recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Martin PEYRONNET, avocat au Barreau de Bordeaux,

CONDAMNE la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 à payer à Monsieur [L] [C] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SNC [Localité 2] BRAZZA D3 de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision, nonobstant appel.

La présente décision est signée par Madame Anne MURE, Vice-Présidente, et Monsieur Eric ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 7ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/09192
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;22.09192 ?
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