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13/06/2024 | FRANCE | N°22/07140

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 13 juin 2024, 22/07140


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 13 Juin 2024
63A

RG n° N° RG 22/07140

Minute n°





AFFAIRE :

[V] [B] [H]
C/
S.A.S. POLYCLINIQUE [7]
CPAM DE LA GIRONDE




Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Fanny

CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.

DEBATS :

à l’audience publique du 11 Avril 2024

JUGEMEN...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 13 Juin 2024
63A

RG n° N° RG 22/07140

Minute n°

AFFAIRE :

[V] [B] [H]
C/
S.A.S. POLYCLINIQUE [7]
CPAM DE LA GIRONDE

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :

Madame Fanny CALES, juge,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition.

DEBATS :

à l’audience publique du 11 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [V] [B] [H]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Jean-Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSES

S.A.S. POLYCLINIQUE [7] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]

représentée par Maître Charlotte DE LAGAUSIE de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 9]
[Localité 3]

représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 15/12/2017, Monsieur [V] [B] [H], s'est présenté à la POLYCLINIQUE [7] dans le but de se faire opérer par le docteur [E] d'un calcul obstructif de l'uretère pelvien afin de procéder à une extraction de lithiases de l'uretère lombaire et calicielles inférieures du rein gauche par urétéroscopie.

Une endoprothèse a été mise en place durant cette opération et a été retirée par la suite lors d'une intervention du 22/12/2017.

Par la suite, Monsieur [B] [H] a connu une aggravation de sa situation médicale avec l'apparition de différentes douleurs conduisant ce dernier à réaliser des bilans biologiques en février et en mars 2018 objectivant une hyperleucocytose sans augmentation des plaquettes avec cependant une élévation importante de la CRP dans le sang.

Un traitement médicamenteux a été mis en place mais la situation de santé de ce dernier a continué de se dégrader.

Suite à une échographie cardiaque effectuée le 23/04/2018, il a été diagnostiqué à Monsieur [B] [H] une endocardite nécessitant la mise en place d'une antibiothérapie.

Ce dernier a été par la suite hospitalisé et une nouvelle échographie cardiaque a mis en évidence une valve aortique trisgmoïdienne. Il a été transféré à la Clinique Saint augustin où il a été opéré en urgence pour un remplacement valvulaire aortique par une bioprothèse le 26/04/2018.

Les analyses réalisées sur la valve aortique ont révélé la présence d’un Enterococcus faecalis.

Il a été placé sous antibiotiques et après avoir passé 48 heures en réanimation et 15 jours en soins intensifs, il a été transféré dans un service de réadaptation cardiaque le 11/05/2018.

Il a réintégré son domicile le 08/06/2018 avec un traitement adapté qui s'arrêtera le 10/01/2019.

Par actes délivrés les 25 et 26 juin 2020, Monsieur [B] [H] a saisi le président du tribunal judiciaire de Bordeaux en référé à des fins d'expertise afin de se prononcer sur l'origine de ses dommages et sur la conformité des soins administrés par les Docteurs [T] [G] et [P] [N].

Par ordonnance en date du 16/11/2020, le juge des référés a fait droit à la demande d'expertise médicale et désigné le Docteur [Y] [F] spécialisé en urologie et le sapiteur Docteur [D] [C] spécialisé en maladie infectieuse.

L'expert [F] a rendu son rapport le 05/03/2021.

Sur la base des conclusions expertales, Monsieur [B] [H] a assigné devant le présent tribunal, par actes d'huissier délivrés le 22/09/2022, la S.A.S Polyclinique [7] pour voir indemniser son préjudice ainsi la CPAM de la Gironde en qualité de tiers-payeurs.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20/02/2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 11/04/2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions responsives et récapitulatives notifiées par voie électronique le 21/11/2023, Monsieur [B] [H] demande au tribunal de :
- JUGER la SCM Polyclinique [7] responsable des conséquences dommageables de l’infection nosocomiale contractée par M. [B] [H] ;
- CONDAMNER la SCM Polyclinique [7] à payer à Monsieur [V] [B] [H] la somme totale de 22 072 euros se décomposant comme suit :
17,50 euros au titre des dépenses de santé actuelles2 854,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaires10 000 euros au titre des souffrances endurées4 200 euros au titre du déficit permanent5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent- CONDAMNER la SCM Polyclinique [7] à verser les dites sommes assorties des intérêts au taux légal du jour de l'introduction de la demande devant le tribunal judiciaire ;
- RENDRE opposable le jugement à la CPAM de la Gironde ;
- DIRE n’y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER la SCM polyclinique [7] à payer à Monsieur [V] [B] [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- REJETTER toutes autres demandes contraires.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2/10/2023, la CPAM de la Gironde demande au tribunal, au visa de l’article L.376-1 du Code de la Sécurité sociale, de :
- DECLARER la CPAM DE LA GIRONDE recevable et bien fondée en ses écritures, demandes et prétentions ;
- DECLARER la Polyclinique [7] responsable de l'accident dont a été victime Monsieur [V] [B] [H] le 15 décembre 2017 et des préjudices qui en ont résulté pour la CPAM DE LA GIRONDE ;
- DECLARER que le préjudice de la CPAM est constitué par les sommes exposées dans l’intérêt de son assuré social M. [B] [H], à hauteur de la somme de 52.444,07 euros ;
- CONDAMER la Polyclinique [7] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 52 444,07 euros en remboursement des prestations versées pour le compte de son assuré social :
- CONDAMNER la Polyclinique [7] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire en application des dispositions des article 9 et 10 de l'Ordonnance n°96-51 du 24/01/1996
- DECLARER que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal
- FAIRE APPLICATION des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil
- CONDAMNER la Polyclinique [7] à verser à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision.

Au terme des conclusions responsives notifiées par voie électronique le 30/11/2023, la SCM Polyclinique [7] demande au tribunal de :
- REDUIRE à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicités par Monsieur [B] [H] et JUGER qu’elles ne sauraient être supérieures aux sommes suivantes :
2.188,45 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire4.000 euros au titre des souffrances endurées4.200 euros au titre du déficit fonctionnel permanent3.000 euros au tire des préjudices esthétiques permanent- REDUIRE à de plus justes proportions le montant des indemnités sollicitées par Monsieur [B] [H] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- STATUER ce que de droit sur les dépens de l'instance ;

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de la SCM Polyclinique [7] :

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1142-1 et de l'article L 1142-1-1 du Code de la santé publique que hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut, d'un produit de santé, les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables qu'en présence d'une faute de leur part. Ils ne sont responsables que des dommages causés par des infections nosocomiales sauf s’il est rapporté la preuve d'une cause étrangère.

L'infection nosocomiale ouvre droit à réparation au patient par la solidarité nationale si les dommages qui en découlent sont directement imputables aux actes qui ont eu pour le patient des conséquences anormales. Le droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale est ouvert lorsqu'il persiste un DFP supérieur ou égal à 25%.

En cas de DFP inférieur au taux précisé au sein des articles précités, il revient alors a l'établissement de soin de réparer les préjudices en lien.

Il convient de préciser qu'une infection nosocomiale se définit comme étant une infection contractée lors d'un séjour dans un établissement de soin que ce dernier soit public ou privé. Cette dernière est bien souvent inconnue lors de l'entrée du patient dans l'établissement.

Il apparaît à la lecture du rapport d'expertise que l'infection nosocomiale invoquée par le demandeur, en l’espèce un germe Enterrococus faecalis, a été contractée à l’occasion des manœuvres urologiques pratiquées sur lui les 15 et 22 décembre 2017 au sein de la Polyclinique [7].

L'expert ne relève aucun manquement de la Polyclinique [7] concernant le respect des mesures d'hygiène, le respect de la réglementation et le respect des protocoles de traçabilité et de stérilisation notamment permettant de conclure à l'absence de manquement délibéré des obligations incombant à la Polyclinique [7].

La Polyclinique [7] ne fait aucune difficulté et ne conteste par l'existence de cette infection nosocomiale contractée au sein de l'établissement durant les opérations du 15 et 22 décembre 2017.

L' expert retient à titre conclusif un DFP de 3% qui se trouve être en deçà du taux minimum fixé par les articles du Code de la santé publique permettant de faire appel à la solidarité nationale pour indemniser les dommages d'une infection nosocomiale.

En conséquence, il convient de dire que la Polyclinique [7] est responsable de plein droit des conséquences dommageables de l’infection nosocomiale contractée par M. [B] [H].

Sur la liquidation du préjudice de M. [B] [H]

Le rapport du docteur [F] indique que [V] [B] [H], né le [Date naissance 2]/1958 et exerçant la profession de chef de projet dans le secteur de l'aéronautique au moment des faits, a présenté à la suite de l’endocardite infectieuse une destruction de la valve aortique nécessitant un remplacement par une bioprothèse associé à un traitement antibiotique lourd pendant six semaines.

Il a été hospitalisé deux jours en réanimations et quinze jours en unité de soins intensifs de cardiologie puis cinq semaines en convalescence.

L’expert conclut en suivant :
- DFT total de (100 %) du 23/04/2018 au 08/06/2018
- DFT partiel :
50 % du 09/06/2018 au 03/07/2018
25 % du 04/07/2018 au 26/09/2018
10 % sur une première période du 16/03/2018 au 22/04/2018 et sur une seconde période du 27/02/2018 au 10/01/2019
- DFT de 3%
- Des souffrances évaluées à 3/7 en raison :
des douleurs de la sternotomie
de l'hospitalisation en unité de soins intensifs cardiologiques
de l'hospitalisation en service de convalescence
- Préjudice esthétique permanent évalué à 1,5/7 justifié par la présence d'une cicatrice chéloïdienne de 21 cm
Après consolidation fixée au 10/01/2019, l’expert retient un déficit fonctionnel permanent de 3 % selon le barème d'évaluation des taux d'incapacité des victimes d'accidents médicaux d'affections iatrogènes ou d'infections nosocomiales.

Au vu de ce rapport, les préjudices corporels de Monsieur [V] [B] [H] seront évalués ainsi qu’il suit, étant observé qu’en application de l’article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge.

I - Préjudices patrimoniaux

A - Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles (DSA)

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation pris en charge par les organismes sociaux ou restés à la charge effective de la victime.

Il s’évince du relevé de débours de la CPAM que cette dernière a exposé entre le 23/04/2018 et le 10/01/2019 pour le compte de son assuré social Monsieur [V] [B] [H] un total de 41 894,46 euros (frais hospitaliers, frais médicaux pharmaceutiques et de transport) qu'il y a lieu de retenir.

Monsieur [V] [B] [H] fait état d’une somme de 17,50 euros de franchise mentionnée sur le décompte de la CPAM.

Dès lors, ce poste de préjudice sera fixé à la somme totale de 41.911,96 euros.

B - Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé futures (DSF)

Il s’agit les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d’hospitalisation, et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.
L’expert écrit que M. [B] [H] nécessite une surveillance cardiologique semestrielle de façon permanente.
La CPAM a d'ores et déjà pu évaluer le montant des frais futurs prévisibles dont l’imputabilité à l’infection nosocomiale est attestée par le médecin conseil de la Caisse. Il convient de retenir cette créance à hauteur de 10.549,61 euros.

II - Préjudices extra-patrimoniaux

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)
Ce poste de préjudice indemnise l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que subit la victime jusqu'à sa consolidation. 
Ce préjudice correspond à la gêne dans tous les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant sa maladie traumatique et à la privation temporaire de sa qualité de vie.

Les demandes des parties révèlent une divergence au sujet du montant du DFTT journalier. Le demandeur calcule ce poste de préjudice sur un tarif journalier à hauteur de 30 euros pour un DFT total alors que la Polyclinique [7] propose 23 euros.

Il convient de retenir une base journalière de 27 euros pour une réparation sans perte ni profit.

Calculée sur la base de 27€ par jour pour un DFT à 100%, il doit être arrêté au regard des conclusions de l'expert à :
- 102,60 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 10 % sur une première période du 16/03/2018 au 22/04/2018
- 1.269 € correspondant au déficit fonctionnel temporaire total (100%) sur une période allant du 23/04/2018 au 08/06/2018

- 337,50 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 50 % sur une période allant du 09/06/2018 au 03/07/2018
- 573,75 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 25 % sur une période allant du 04/07/2018 au 26/09/2018
- 286,20 € pour le déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 10 % sur une seconde période du 27/09/2018 au 10/01/2019

Il convient d'allouer la somme totale de 2.569,05 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Souffrances endurées (SE)

Elles sont caractérisées par les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité, des traitements subis.

La Polyclinique [7] offre la somme de 4 000 euros en se référant à l'évaluation de l'expert. Monsieur [B] [H] sollicite une somme de 10 000 euros au titre des souffrances endurées

L'expert les a évalués à 3/7 en raison notamment des douleurs en lien avec la sternotomie, de l'hospitalisation en unité de soins intensifs cardiologique ainsi que de son hospitalisation en service de convalescence. Il s'en est suivi de ces événements des souffrances physiques mais également des souffrances morales liées à l'éloignement familial et à une anxiété multiple annexée à la pratique sportive ou aux rapports sexuels ainsi qu'une méfiance à l'égard du monde médical.

Ce préjudice sera justement réparé par une somme de 8 000 euros.

B - Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.

Plus précisément, il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 3% pour Monsieur [V] [B] [H] en ce qu'il présente des séquelles en raison de la persistance d'une dyspnée lors d'efforts importants. Ce dernier doit également faire l'objet d'une surveillance cardiologique semestrielle permanente.

Il convient de fixer l'indemnité à ce titre à 4 200 € soit 1 400 € du point d'incapacité correspondant au niveau moyen retenu pour ce taux de déficit vu l’âge de la victime à la date de consolidation, soit 60 ans avec une consolidation intervenue le 10/01/2019.

Préjudice esthétique permanent ( P.E.P.)

Le préjudice esthétique permanent prend en compte les séquelles esthétiques, les marques, les cicatrices qui persistent à la suite de la consolidation et qui se trouvent être imputable à la faute, génératrice des dommages. Ce préjudice regroupe à la fois l'image que la victime a d'elle-même et celle que les autres perçoive de la victime.
Monsieur [B] [H] demande à ce titre la somme de 5 000 euros en raison de la présence d'une cicatrice au niveau du thorax, conséquence directe et permanente de la chirurgie cardiaque subie par ce dernier. Il se dit être complexé par cette dernière et indique ne pas se sentir à l'aise en toute circonstance, notamment lorsqu'il se trouve être exposé au regard des autres.
La Polyclinique [7] ne conteste pas ce poste de préjudice et reconnait la gêne que cette cicatrice peut occasionner dans la vie quotidienne de Monsieur [B] [H]. Cependant, elle indique que cette cicatrice est couverte dans la vie de tous les jours et demande en ce sens une limitation de ce poste de préjudice à hauteur de 3 000 euros.
L'expert a retenu un préjudice esthétique permanent de 1,5/7, correspondant à un préjudice esthétique très léger, en raison de l'existence d'une cicatrice chéloïdienne de 21 cm au niveau du thorax, considérée comme disgracieuse pour la vie sociale de Monsieur [B] [H].
Il convient alors d'allouer à Monsieur [B] [H] la somme de 3.000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent.
Au total, les divers postes de préjudices seront récapitulés comme suit :

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
41 911,96 €
17,50 €
41 894,46 €
permanents

- DSF dépenses de santé futures
10 549,61 €
0,00 €
10 549,61 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
2 569,05 €
2 569,05 €

- SE souffrances endurées
8 000,00 €
8 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
4 200,00 €
4 200,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
3 000,00 €
3 000,00 €

- TOTAL
70 230,62 €
17 786,55 €
52 444,07 €

Sur la créance des tiers payeurs et la répartition des créances

Il convient de rappeler qu’en vertu des principes posés par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée par l’article 25 III et IV de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :
- les recours subrogatoires des caisses et tiers payeurs contre les tiers responsables s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel,

- conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu’en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce qui lui reste dû, par préférence à la caisse subrogée,
- cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice
En l’espèce, la créance des tiers payeurs s’imputera ainsi :
- la créance de 41.894,46 euros exposés par la CPAM pour des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et de transport s’imputera sur les dépenses de santé actuelles ;
- la créance de 10.549,61 euros pour les frais futurs échus, occasionnels et à échoir à titre viager absorbe le poste dépenses de santé futures.
Après imputation de la créance des tiers-payeurs (52.444,07 euros), le solde dû à M. [B] [H] et à la charge de LA POLYCLINIQUE [7] s’élève à la somme de 17.786,55 euros.
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les indemnités allouées à la victime porteront intérêts au taux légal au jour de la fixation du préjudice soit à compter du prononcé du présent jugement et non à compter de l'introduction de la demande.
Sur les demandes de la CPAM de la Gironde
C'est à bon droit que la CPAM de la Gironde demande en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation de la SCM Polyclinique [7], tiers responsable à lui rembourser la somme de 52 444,07 euros au titre des frais exposés pour son assuré social et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Elle est en outre bien fondée dans sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1.162 euros telle que prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

En outre, il convient de faire application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil conformément à la demande.

Sur les autres dispositions du jugement

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [V] [B] [H] et de la CPAM de la Gironde les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la SCM Polyclinique [7] à une indemnité en leur faveur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il convient de rappeler que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision mise à disposition au Greffe, en premier ressort et contradictoirement :

DIT que la Polyclinique [7] est responsable des conséquences dommageables de l’infection nosocomiale contractée par M. [V] [B] [H] à la suite des interventions des 15 et 22 décembre 2017 ;

FIXE le préjudice subi par Monsieur [B] [H], suite à l’infection nosocomiale contractée suite aux interventions chirurgicales des 15 et 22 décembre 2017 au sein de la Polyclinique [7] à la somme totale de 70.230,62 euros suivant le détail suivant :

Evaluation du préjudice
Créance victime
Créance CPAM
PREJUDICES PATRIMONIAUX

temporaires

-DSA dépenses de santé actuelles
41 911,96 €
17,50 €
41 894,46 €
permanents

- DSF dépenses de santé futures
10 549,61 €
0,00 €
10 549,61 €
PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

temporaires

- DFT déficit fonctionnel temporaire
2 569,05 €
2 569,05 €

- SE souffrances endurées
8 000,00 €
8 000,00 €

permanents

- DFP déficit fonctionnel permanent
4 200,00 €
4 200,00 €

- PE Préjudice esthétique permanent
3 000,00 €
3 000,00 €

- TOTAL
70 230,62 €
17 786,55 €
52 444,07 €

CONDAMNE la Polyclinique [7] à payer à Monsieur [V] [B] [H] la somme de 17.786,55 euros au titre de la réparation de son préjudice, après imputation de la créance du tiers payeur

CONDAMNE la SCM Polyclinique [7] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 52.444,07 euros au titre des prestations versées pour le compte de son assuré social, Monsieur [V] [B] [H] ;

CONDAMNE la SCM Polyclinique [7] à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles 9 et 10 de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996 ;

CONDAMNE la SCM Polyclinique [7] à payer à M. [V] [B] [H] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCM Polyclinique [7] à payer à la CPAM DE LA GIRONDE la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les sommes allouées ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement avec application des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil au profit de la CPAM de la Gironde

CONDAMNE la SCM Polyclinique [7] aux entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

REJETTE pour le surplus les autres demandes des parties.

Le jugement a été signé par Fanny CALES, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07140
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;22.07140 ?
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