La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2024 | FRANCE | N°21/01888

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 05 juin 2024, 21/01888


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 05 Juin 2024
88G

RG n° N° RG 21/01888

Minute n°




AFFAIRE :

[K] [U], [H] [T]
C/
S.A. [5]





Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Me Hervé MAIRE
Me Marie TASTET




COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :
r>Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition: Madame Elisabeth LAPO...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 05 Juin 2024
88G

RG n° N° RG 21/01888

Minute n°

AFFAIRE :

[K] [U], [H] [T]
C/
S.A. [5]

Grosse Délivrée
le :
à Avocats : Me Hervé MAIRE
Me Marie TASTET

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats en juge rapporteur :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,,
Madame Fanny CALES, juge,

Lors du délibéré et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,,
Madame Marie-Aude DEL BOCA, vice-président,
Madame Fanny CALES, juge,

greffier présente lors des débats et de la mise à disposition: Madame Elisabeth LAPORTE,

DEBATS:

A l’audience publique du 03 Avril 2024,

JUGEMENT:

Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDERESSE

Madame [K] [U], [H] [T]
née le 31 Mai 1977 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDERESSE

S.A. [5] prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Marie TASTET, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

A compter du 1er septembre 2002, Madame [T] a été recrutée par la société [6], signataire d’un accord de groupe sur le régime de prévoyance et de frais de santé.

Le 14 juin 2018, Madame [T] a été placée en arrêt de travail en raison de la dégradation de son état de santé. Cet arrêt de travail a été renouvelé. Madame [T] a été déclarée inapte par la médecine du travail par déclaration en date du 19 mars 2019.

Le 1er juillet 2019, en l’absence de possibilité de reclassement, Madame [T] a été licenciée pour inaptitude.

Elle a bénéficié du versement des indemnités Pôle emploi à compter du 22 août 2019.

Elle a bénéficié du versement des garanties de maintien de salaire de l’ACM pour la période d’arrêt de travail et jusqu’au 1er juillet 2019.

Par courrier, elle a sollicité de la S.A. [5], le paiement du complément de salaire en application de la garantie de maintien du salaire intégral au salarié y compris pour la période après son licenciement.

Devant le refus persistant de la S.A. [5] de verser le complément de salaire en application de la garantie, Madame [T] a assigné le 09 janvier 2020, la S.A. [5] en référé devant le président du Tribunal Judiciaire afin de voir condamner la dite société à lui verser la somme de 11287,49 € en exécution de l’obligation contractuelle de paiement du complément de salaires ainsi que 1000 € au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens.

Par ordonnance de référé du 25 Mai 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a débouté Madame [T] de ses demandes.

Par acte délivré le 02 mars 2021, Madame [T] a assigné la SA [5] devant la présente juridiction en paiement des sommes tirées de la garantie de maintien des salaires.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2023. L’affaire a été appelée à l’audience du 07 février 2024 au cours de laquelle elle a été renvoyée à l’audience du 03 avril 2024 puis retenue et mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour, les parties en ayant été informées selon les modalités de l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par RPVA le 29 mars 2024 , Madame [T] sollicite de la présente juridiction de :
- ordonner le rabat de l’ordonnance de cloture au jour des plaidoiries,
A titre principal,
- CONDAMNER la société [5] à verser à Madame [T] la somme de 39 507,66€ , au titre des garanties incapacité de travail et invalidité,
- CONDAMNER la société [5] à la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
- rejeter la demande de la S.A. [5] au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions notifiées par RPVA le 05 mai 2023, [5] sollicite de la présente juridiction de:
à titre principal,
- rejeter l’ensemble des demandes formulées par Madame [T] à l’encontre de la S.A. [5].
À titre subsidiaire,
- limiter la somme éventuellement due par [5] exclusivement à la période du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2019 avec déduction des Allocations de Retour à l’Emploi perçue par Madame [T] sur cette période et avec déduction de la rémunération perçue par Madame [T] en sa qualité de co-gérante de la société [9] égale aux cotisations sociales (obligatoires et facultatives) et prélèvements sociaux sur cette même période, et ce, au titre du plafond d’indemnisation du contrat de prévoyance et du cumul des sommes qui ne peut en aucun cas dépasser le salaire de base net de l’adhérent.
- condamner Madame [T] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

MOTIFS

1/ Sur la demande en rabat de cloture,

En application des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. Elle peut être révoquée en cas d’accord des parties.

En l’espèce, vu les dernières conclusions rectificatives notifiées le 29/03/2024, vu l’absence d’opposition du défendeur constitué et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de faire droit à la demande de rabat de l’ordonnance de cloture à la date des plaidoiries.

2/ Sur la demande en paiement au titre de la garantie maintien de salaire

En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. L’article 1189 prévoit par ailleurs que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. Lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci.
Enfin, l’article 1190 du code civil, énonce que dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.

En l’espèce, Madame [T] fait valoir que l’indemnisation ne pouvait cesser lors de la rupture du contrat de travail car il était prévu un maintien de la garantie pendant un délai de 12 mois après cette rupture. De même, elle soutient que les conditions de la garantie ne s’opposent pas au principe même d’un versement après licenciement et en période de chomage dans la mesure où est envisagé le cumul entre la garantie de salaire et les prestations chomage, dans la limite du salaire de base net de l’adhérent.

La S.A. [5] affirme que si le salarié n’est pas en situation d’incapacité temporaire totale de travail (arrêt de travail) ou d’incapacité permanente totale ou partielle ( invalidité) ou n’en justifie pas, et ce pendant le contrat de travail ou après la rupture de son contrat, il ne peut recevoir une quelconque indemnisation à ce titre.

En l’espèce, selon la notice explicative du contrat de prévoyance, il est prévu une “GARANTIE INCAPACITE DE TRAVAIL ET INVALIDITE”. Cette garantie selon le paragraphe VII “ INCAPACITE DE TEMPORAIRE TOTALE DE TRAVAIL” énonce que “sont considérées comme périodes d’incapacité de travail, les périodes retenues par la sécurité sociale pour le versement des prestations en espèces au titre de l’assurance maladie et de la législation sur les accidents de travail ou maladies professionnelles”.
Le paiement de la rente en cas d’invalidité, suppose par ailleurs une “invalidité reconnue conformément aux dispositions de l’article L341-4 du code de la sécurité sociale”.
En l’état, Madame [T] ne dispose nullement d’une reconnaissance d’invalidité de sorte que seule la garantie “incapacité de travail” est applicable.

Elle a effectivement bénéficié d’un arrêt de travail pour la période du 14/06/2018 au 18/04/2019. C’est donc à ce titre qu’elle a bénéficié de la garantie.

Par ailleurs, la notice prévoit explicitement que “le maintien des garanties est prévu en cas de rupture du contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chomage”, soit y compris après un licenciement.
Néanmoins, ce maintien de garantie est accordé “pour une durée égale à la durée du dernier contrat de travail consécutif dans l’entreprise, appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur dans la limite de douze mois de couverture”.

Le fait que la notice exige pour le “paiement des prestations” au titre de la garantie incapacité temporaire de travail, les “décomptes des indemnités journalières de la sécurité sociale” ne peut s’apprécier en une condition pour bénéficier de cette garantie dans la mesure où le maintien de la garantie est explicitement prévue après la rupture du contrat de travail et donc à la fin de la période “d’arrêt de travail”.
Aucun paragraphe ne prévoit de liste de pièces à verser pour bénéficier du “MAINTIEN” de la garantie, après la rupture du contrat de travail. Néanmoins, ce maintien est conforme aux dispositions précitées du contrat de prévoyance.

En l’état, il n’est pas contesté que Madame [T] avait justifié initialement de sa situation d’incapacité temporaire de travail en versant les pièces nécessaires, lorsqu’elle se trouvait effectivement en arrêt de travail, sous-entendu sous contrat de travail. C’est pour ces raisons qu’elle a d’ailleurs bénéficié du paiement de la garantie et ce jusqu’au 01/07/2019.
Par ailleurs, si Madame [T] a fait l’objet d’un licencient pour inaptitude à la suite de ses arrêts de travail, elle pouvait prétendre au maintien de cette garantie s’agissant conformément aux mentions précitées d’une “rupture du contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chomage”.
Ainsi, et étant rappelé que Madame [T], employée dans l’entreprise depuis septembre 2002 a été licenciée pour inaptitude le 01/07/2019, elle pouvait prétendre au maintien de la garantie incapacité de travail dans la limite de 12 mois à compter de son licenciement soit jusqu’au 01/07/2020.
C’est donc à tort que la S.A. [5] s’oppose à la demande de Madame [T] au titre du paiement des garanties incapacité de travail y compris après son licenciement.

Néanmoins, le maintien de cette garantie reste limité à la période de 12 mois soit jusqu’au 01/07/2020 et non jusqu’à février 2021 comme sollicité.
De plus, le montant accordé, comme prévu au contrat, lorsqu’il se cumule avec des allocations chomages, des prestations d’organismes sociaux, des salaires éventuels et des prestations déja versées par l’assureur, ne saurait excéder le salaire de base net versé par l’entreprise.

En l’état, la S.A. [5] fait valoir que Madame [T] percevait une rémunération de la société [9]. Il n’est pas démontré néanmoins qu’elle percevrait effectivement une rémunération à ce titre.
Le PV d’AG ordinaire du 10/07/2019 de la société [9] mentionne la fixation de la rémunération de Madame [T] en qualité de gérant à 0 € pour la période de juillet à décembre 2019.
Le PV de l’AG ordinaire du 30/06/2021 a fixé la rémunération de Madame [T] pour la période du 01/01/2020 au 31/12/2020 à 896,35 € ( soit 74,70 € pr mois).
Cette somme constituant une rémunération devra être déduite du montant du au titre du maintien de la garantie.

Il ressort par ailleurs du courrier de pôle emploi du 31/08/2021 que Madame [T] était inscrite en qualité de demandeur d’emploi depuis juillet 2019. Elle était ainsi bénéficiaire de l’ARE jusqu’au 25/08/2021.

Vu les justificatifs et décomptes versés, et la S.A. [5] ne contestant pas par ailleurs le montant retenu par Madame [T] s’agissant du salaire de base net de référence, il est donc possible de retenir les sommes suivantes, après déduction des sommes perçues au titre des allocations chomages :
- juillet 2019 : 2 993,35 €
- août 2019 : 2 491,65 €
- septembre 2019 : 1 488,25 €
- octobre 2019 : 1 438,08 €
- novembre 2019 : 1 438,08 €
- décembre 2019 : 1 438,08 €
- janvier 2020 : 1 414,83 € - 74,70 €
- février 2020 : 1 414,83 € - 74,70 €
- mars 2020 : 1 516,67 € - 74,70 €
- avril 2020 : 1 414,83 € - 74,70 €
- mai 2020 : 1 414,83 € - 74,70 €
- juin 2020 : 1 414,83 € - 74,70 €

soit un total de 19 430,11 € .

Par conséquent, il convient de condamner la S.A. [5] à verser à Madame [T], la somme de 19 430,11 € en application du contrat de prévoyance.

Sur les autres dispositions du jugement,

Succombant à la procédure, la [7] sera condamnée aux dépens.

D’autre part, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [T] les frais non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la S.A. [5] à une indemnité en sa faveur de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

le Tribunal,

ORDONNE le rabat de l’ordonnance de cloture au jour des plaidoiries .

CONDAMNE la S.A. [5] à verser à Madame [T] la somme de 19 430,11 € au titre de la garantie INCAPACITE prévue par le contrat de prévoyance

DEBOUTE Madame [T] pour le surplus ;

CONDAMNE la S.A. [5] à verser à Madame [T] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles ;

REJETTE la demande de la S.A. [5] au titre des frais irrépétibles

CONDAMNE la S.A. [5] aux entiers dépens ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01888
Date de la décision : 05/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-05;21.01888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award