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03/06/2024 | FRANCE | N°21/06473

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 03 juin 2024, 21/06473


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
58G

RG n° N° RG 21/06473

Minute n°





AFFAIRE :

[B] [Y]

C/
S.A. CARDIF ASSURANCE VIE
[D] [U] [Y]




Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Valérie BOYANCE
la SELARL CADIOT-FEIDT
Me Eric GROSSELLE



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.<

br>Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
58G

RG n° N° RG 21/06473

Minute n°

AFFAIRE :

[B] [Y]

C/
S.A. CARDIF ASSURANCE VIE
[D] [U] [Y]

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Valérie BOYANCE
la SELARL CADIOT-FEIDT
Me Eric GROSSELLE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [B] [Y]
né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 8]

représenté par Maître Anne CADIOT-FEIDT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEURS

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]

représentée par Me Valérie BOYANCE, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [D] [U] [Y]
né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 9]

représenté par Me Eric GROSSELLE, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [J] [Z] épouse [Y] a souscrit, le 11 avril 1988, un contrat d’assurance vie auprès de la SA CARDIF ASSURANCE VIE, via la BNP PARIBAS. Elle est décédée le [Date décès 5] 2021.

Madame [Y] avait épousé Monsieur [P] [Y], prédécédé, dont elle a eu deux fils :
- [C] [R] [Y], né le [Date naissance 6] 1956 et prédécédé le [Date décès 4] 2020, ayant eu un fils, Monsieur [B] [Y],
- [D] [U] [Y], né le [Date naissance 11] 1967

Par courrier reçu par la société CARDIF ASSURANCE VIE le 18 juin 2021, Monsieur [B] [Y] a fait opposition au règlement par Cardif de 50 % des fonds du contrat d’assurance-vie de sa grand-mère [J] [Y], soutenant être bénéficiaire de 50% des fonds en tant qu’unique héritier de son père [C] [Y].

Par actes d’huissier délivrés les 26 juillet et 5 août 2021, Monsieur [B] [Y] a fait assigner devant le présent tribunal [D] [U] [Y] et la SA CARDIF ASSURANCE VIE aux fins de voir dire qu’il est bénéficiaire de 50 % du capital décès du contrat d’assurance-vie ouvert par sa grand-mère [J] [Y] dans les livres de la société CARDIF ASSURANCE VIE.

Par ordonnance du 23 mars 2022, le juge de la mise en état, saisi à la requête de la SA CARDIF ASSURANCE VIE, a :
- autorisé la SA CARDIF ASSURANCE VIE à communiquer aux parties la page de garde décès et tous autres documents contractuels en sa possession
- autorisé la SA CARDIF ASSURANCE VIE à séquester la seconde moitié du capital décès du contrat ouvert au nom de Mme [J] [Z] épouse [Y] en ses comptes jusqu’à l’intervention d’une décision judiciaire définitive en déterminant le bénéficiaire ;
- renvoyé l’affaire à la mise en état,
- réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- joint les dépens de l’incident aux dépens du fond.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2023, M. [B] [Y] demande au tribunal de :
Vu l'exploit introductif d'instance délivré le 26 juillet 2021,
Vu les dispositions de Particle L-132-8 du Code des assurances,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal,
- dire que les bénéficiaires du contrat d'assurance vie BNP Formule B n°004853190001 par Madame [J] [Z] veuve [Y] auprès de la SA CARDIF ASSURANCE VIE, sont
pour une moitié Monsieur [D] [Y] et pour l'autre Monsieur [B] [Y].
- condamner la SA CARDIF ASSURANCE VIE à verser les fonds disponibles aux bénéficiaires ainsi désignés dans les meilleurs délais.
A titre subsidiaire et si par impossible, Monsieur [B] [Y] n'était pas considéré comme
bénéficiaire,

- condamner la SA CARDIF ASSURANCE VIE à payer la somme de 50 000 € (cinquante mille euros) au profit de Monsieur [B] [Y] à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la perte de chance résultant d'un manquement de conseil par la SA
CARDIF ASSURANCE VIE à l'égard de Madame [J] [Z] veuve [Y], sa grand-
mère.
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir et ce nonobstant appel.
- condamner la partie qui succombera à payer à Monsieur [B] [Y] la somme de 2.000€ selon les dispositions de l'article 700 du CPC.

En défense, selon ses conclusions notifiées le 14 novembre 2023 par voie électronique, M. [D] [Y] demande au tribunal de :
Vu le contrat assurance vie BNP FORMULE B numéro 004853190001,
Vu les articles L132-8 et L132-12 du code des assurances,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées au débat,
- juger que Monsieur [D] [Y] est le seul bénéficiaire du capital décès souscrit du temps de son vivant par Madame [J] [Z] veuve [Y] décédée le [Date décès 5] 2021, suivant contrat assurance-vie BNP FORMULE B numéro 004853190001,
- juger que CARDIF ASSURANCE VIE doit libérer le solde du capital décès au profit de Monsieur [D] [Y],
- condamner Monsieur [B] [Y] à la somme de 2.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
- ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2023, la SA CARDIF ASSURANCE VIE demande au tribunal de :
- enjoindre à la société CARDIF ASSURANCE VIE de libérer le solde du capital décès au(x) bénéficiaires désigné(s) par le Tribunal, sous réserve de la fiscalité et de la production de la documentation nécessaire.
- écarter l’exécution provisoire.
- débouter Monsieur [B] [Y] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 € à l’encontre de la société CARDIF ASSURANCE VIE, pour perte de chance liée à un défaut de conseil.
- débouter toute partie de leurs demandes au titre de l’article 700 à l’encontre de la société CARDIF ASSURANCE VIE.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 8 avril 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est constant que Mme [J] [Z] Vve [Y] a souscrit le 11 avril 1988 un contrat d’assurance vie auprès de la SA CARDIF ASSURANCE VIE, dont les bénéficiaires en cas de décès étaient ainsi désignés “son conjoint non divorcé ni séparé de corps à défaut ses enfants par parts égales à défaut ses ayants-droit”.

Mme [J] [Z] est décédée le [Date décès 5] 2021 et a laissé pour héritiers :
- son fils M. [D] [Y]
- son petit-fils M. [B] [Y] venant par représentation de son père prédécédé M. [C] [Y].

Considérant que le capital décès devait revenir, selon les termes du contrat d’assurance, dans sa totalité à M. [D] [Y], la SA CARDIF ASSURANCE VIE a refusé de verser à M. [B] [Y] sa part du capital décès.

M. [B] [Y] se fonde sur les dispositions de l’article L.132-8 du code des assurances pour considérer qu’en sa qualité d’héritier, il est bénéficiaire du contrat d’assurance vie pour moitié et demande au tribunal d’inviter la SA CARDIF ASSURANCE VIE à lui verser les fonds disponibles. Il fait en outre valoir que sa grand-mère n’a jamais eu l’intention, après le décès de son fils [C], de limiter le nombre de bénéficiaires du contrat souscrit auprès de la CARDIF à son seul fils survivant. À titre subsidiaire, il demande au tribunal de condamner la SA CARDIF ASSURANCE VIE à lui verser des dommages et intérêts d’un montant de 50.000 euros en réparation de la perte de chance subie de percevoir le bénéfice de ce contrat, faute pour l’assureur d’avoir valablement conseillé sa cliente souscriptrice du contrat d’assurance vie à l’origine de l’action.

M. [D] [Y] demande au tribunal de rejeter les demandes formulées par M. [B] [Y], faisant valoir que les bénéficiaires du contrat ont été désignés sans équivoque et que les ayants-droit ne sont bénéficiaires qu’à défaut d’enfants survivants.

La SA CARDIF ASSURANCE VIE s’en remet à la décision du tribunal mais rappelle qu’aucune clause de représentation n’étant prévue et aucun pourcentage n’étant fixé, M. [D] [Y] a vocation à recevoir la totalité des fonds compte tenu du prédécès de son frère.

L’article L.132-8 du code des assurances dispose que “le capital ou la rente garantis peuvent être payables lors du décès de l’assuré à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés.
Est considéré comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiés au moment de l’exigibilité du capital ou de la rente garantis.
Est notamment considérée comme remplissant cette condition la désignation comme bénéficiaires des personnes suivantes :
- les enfants nés ou à naître du contractant, de l’assuré ou de toute autre personne désignée;
- les héritiers ou ayants-droit de l’assuré ou d’un bénéficiaire prédécédé”.

En l’espèce, les bénéficiaires ont été désignés de la manière suivante : “son conjoint non divorcé ni séparé de corps à défaut ses enfants par parts égales à défaut ses ayants-droit”. Aux termes de cette clause, il apparaît que les enfants sont bénéficiaires à parts égales à défaut de conjoint, et que les ayants-droit ne sont bénéficiaires qu’à défaut d’enfant. Il convient en effet de constater que s’agissant d’un contrat dans lequel le souscripteur désigne librement les bénéficiaires du contrat, l’enfant, en l’espèce M. [D] [Y], a vocation à percevoir le bénéfice du contrat en sa qualité d’enfant tel que désigné et non en sa qualité d’héritier. En outre, la clause désignant les bénéficiaires ne précise pas que les enfants peuvent être représentés. Il en résulte que M. [B] [Y], héritier de Mme [J] [Z] Vve [Y], n’avait vocation à bénéficier du contrat qu’à défaut d’enfant survivant.

En présence d’une clause précise et non équivoque, il n’y a pas lieu de rechercher l’intention de la souscriptrice de limiter ou non le bénéfice du contrat à son fils survivant.

M. [B] [Y] sera donc débouté de la demande par laquelle il sollicite le bénéfice du contrat d’assurance vie souscrit par sa grand-mère. Il y a lieu en conséquence de dire que la SA CARDIF ASSURANCE VIE devra libérer le solde du capital décès au profit de M. [D] [Y].

Il sollicite à titre subsidiaire la condamnation de la SA CARDIF ASSURANCE VIE au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que l’assureur a manqué à son devoir d’information et de conseil à l’égard de Mme [J] [Z] Vve [Y], lui faisant perdre une chance de bénéficier du contrat d’assurance vie.

Outre que le contrat a été souscrit par l’intermédiaire de la Banque BNP PARIBAS, seule débitrice d’une obligation d’information et de conseil, M. [B] [Y] ne produit aucun élément de nature à établir si Mme [J] [Z] Vve [Y] souhaitait ou non faire bénéficier son petit-fils du contrat d’assurance vie qu’elle avait souscrit. La demande en dommages et intérêts formée à titre subsidiaire sera rejetée.

Succombant à la procédure, M. [B] [Y] sera condamné aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [D] [Y] les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon l’article 514-1 du code de procédure civile, “le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire”. Il y a lieu de constater qu’en l’espèce l’exécution provisoire de droit n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire et qu’il n’y a donc pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Déboute M. [B] [Y] de l’intégralité de ses demandes ;

Dit que la SA CARDIF ASSURANCE VIE devra libérer le solde du capital décès à M. [D] [Y], sous réserve de la fiscalité applicable ;

Condamne M. [B] [Y] aux dépens ;

Condamne M. [B] [Y] à payer à M. [D] [Y] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande tendant à voir écarter l’exécution provisoire.

Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.
Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06473
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;21.06473 ?
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