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03/06/2024 | FRANCE | N°21/05508

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 6ème chambre civile, 03 juin 2024, 21/05508


6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
64B

RG n° N° RG 21/05508

Minute n°





AFFAIRE :

[B] [N]
[S] [F] épouse [N]
C/
Association UDAF 33






Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Isabelle FENIOU-PIGANIOL
Me Elisabeth HERY
Me Marjorie MAILHOL



COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en ju

ge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier res...

6EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
6EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 03 Juin 2024
64B

RG n° N° RG 21/05508

Minute n°

AFFAIRE :

[B] [N]
[S] [F] épouse [N]
C/
Association UDAF 33

Grosse Délivrée
le :
à
Avocats : Me Isabelle FENIOU-PIGANIOL
Me Elisabeth HERY
Me Marjorie MAILHOL

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et de la mise à disposition :

Madame Louise LAGOUTTE, vice-président,
statuant en juge unique.
Madame Elisabeth LAPORTE, greffier présente lors des débats et de la mise à disposition,

DEBATS :

à l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT :

Contradictoire
en premier ressort
Par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [B] [N]
né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 6]

représenté par Me Elisabeth HERY, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Marjorie MAILHOL, avocat au barreau de BAYONNE

Madame [S] [F] épouse [N]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 6]

représentée par Me Elisabeth HERY, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Marjorie MAILHOL, avocat au barreau de BAYONNE

DEFENDERESSE

Association UDAF 33 prise en la personne de son président en exercice domicilié es qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Isabelle FENIOU-PIGANIOL, avocat au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [J] [W] veuve [N], bénéficiant d’une mesure de protection judiciaire confiée à l’association Union départementale des associations familiales de la Gironde (UDAF 33), est décédée le [Date décès 5] 2021 à l’EHPAD [9] sur la Commune de [Localité 10].

Son fils, M. [B] [N], et l’épouse de ce dernier, Mme [S] [F] épouse [N], ont appris par la suite par hasard le décès de Mme [J] [W].

Par acte d’huissier en date du 30 juin 2021, M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] ont fait assigner l’EHPAD [9] et l’UDAF 33 devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux afin qu’ils soient condamnés à indemniser leur préjudice moral.

Au visa de l’article 1240 du code civil, ils estimaient que la responsabilité délictuelle de l’EHPAD [9] et de l’UDAF 33 est engagée et sollicitaient la condamnation solidaire de l’EHPAD [9] et de l’UDAF 33 à indemniser leur préjudice moral à hauteur de 15000 euros chacun.

Par acte notifié par voie électronique le 29 juillet 2021, le CCAS (centre communal d’action sociale) de [Localité 10] est intervenu volontairement à la procédure suite à l’assignation délivrée à l’EHPAD [9].

Par ordonnance du 7 décembre 2021, le juge de la mise en état, saisi à la requête du CCAS de [Localité 10], a :
- donné acte au CCAS de [Localité 10] de son intervention volontaire,
- dit que le juge judiciaire est incompétent pour connaître de la responsabilité de l’EHPAD [9] relevant du CCAS de [Localité 10] recherchée par M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N],
- renvoyé les parties à se pourvoir devant la juridiction administrative,
- dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité de la demande de M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] à l’encontre de l’EHPAD [9] et la nullité de leur assignation,
- renvoyé l’affaire à la mise en état,
- condamné M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] à payer au CCAS de [Localité 10] une indemnité de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] aux dépens de l’incident.

Selon leurs conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2023, M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] demandent au tribunal de :
Vu l’article 1240 du Code Civil
Vu les pièces versées aux débats ;
Vu les tentatives de règlement amiable effectuées par M. et Madame [N] ;
- Déclarer bien fondée les demandes de M. et Madame [N] ;
- Y faire droit ;
- Dire et juger que l’UDAF 33 a engagé sa responsabilité délictuelle ;
- Condamner en conséquence l’UDAF 33 à verser à M. [B] [N] ainsi qu’à son épouse Madame [S] [N], la somme de 15.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, soit la somme totale de 30.000 euros.
- Condamner l’UDAF 33 au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure.
- Débouter l’UDAF 33 de toute demande contraire.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2023, l’UDAF de la Gironde demande au tribunal de :
A titre principal
- constater que le mandat de l’UDAF s’est éteint au jour du décès de Madame veuve [N], soit le [Date décès 5] 2021 et qu’aucun texte légal ne prévoit une obligation de prévenance du décès de la personne à la charge de son tuteur.
- constater que l’UDAF, a néanmoins prévenu la famille de la défunte par l’intermédiaire de la sœur de celle-ci qui s’était engagée à prévenir son neveu bien qu’elle n’ait aucune obligation légale de le faire.
- juger qu’en tout état de cause, l’UDAF n’a pas commis de faute en lien avec son mandat de protection de Madame veuve [N].
- débouter les requérants de l’intégralité de leurs demandes.
A titre subsidiaire
- juger que Madame [S] [N] ne justifie pas d’un lien affectif spécifique avec sa belle-mère Madame veuve [N], et ne peut dès lors prétendre à une quelconque indemnisation.
- juger que le préjudice moral de 15 000 € allégué par [B] [N], suite au retard d’information quant au décès de Madame [N], est manifestement excessif.
- écarter l’exécution provisoire
- à défaut ordonner la mise sous séquestre entre les mains du Bâtonnier de l’ordre des avocats des sommes dues.
A titre infiniment subsidiaire
- juger que les préjudices moraux de 15 000 € chacun allégués par les requérants sont manifestement disproportionnés.
- écarter l’exécution provisoire
- à défaut ordonner la mise sous séquestre entre les mains du Bâtonnier de l’ordre des avocats des sommes dues.
Vu l’obligation de se défendre
- condamner les requérants au paiement d’une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens venant au soutien de ces demandes, il est renvoyé aux conclusions écrites des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 8 avril 2024 au cours de laquelle elle a été retenue puis mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est constant que Mme [J] [W] Vve [N] a été placée sous le régime de la curatelle renforcée par jugement du juge des Tutelles de Bordeaux en date du 11 mars 1997 puis sous tutelle. Cette mesure de protection a été confiée à L’UDAF de la Gironde par ordonnance du 29 février 2012.

Mme [J] [W] Vve [N] était hébergée par l’EHPAD de [Localité 10]. Elle y est décédée le [Date décès 5] 2021 et a été inhumée le 12 février 2021.

Les demandeurs fondent leur demande sur les dispositions de l’article 1240 du code civil selon lesquelles “tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer”.

Ils soutiennent que ni l’EHPAD ni l’UDAF ne les ont prévenu du décès de leur mère et belle-mère et qu’ils n’ont appris ce décès qu’incidemment le 12 février 2021.

Ils considèrent que L’UDAF a commis une faute en ne les prévenant pas du décès, faisant valoir que le tuteur avait une mission de protection de la majeure protégée et devait se soumettre à un certain nombre d’obligations afférentes à ce mandat au sens des articles 440 à 476 du code civil. Ils soutiennent en outre que la déléguée de l’UDAF a multiplié les indélicatesses et contre vérité, qu’elle était en possession de leurs adresses et numéros de téléphone et que son comportement relève d’un dysfonctionnement notoire des services de l’UDAF. Il estiment qu’il reposait sur l’UDAF une obligation d’information, qu’elle soit imposée par la loi ou une obligation professionnelle, et que l’abstention de l’UDAF est par conséquent fautive.

L’UDAF de la Gironde conteste avoir commis la moindre faute, faisant valoir que son mandat était limité à la protection de la personne protégée et non de ses héritiers. Elle fait valoir qu’aucune obligation d’information des proches ne figure aux articles 496 et suivants du code civil précisant le contour de la mission du tuteur, que la mission du tuteur s’achevait à la date du décès et que l’annonce du décès devait être effectuée par l’EHPAD hébergeant la personne protégée. Elle affirme en outre avoir tenté en vain de joindre M. [N] sur le seul numéro de téléphone en sa possession qui s’est avéré être un ancien numéro de téléphone fixe et avoir prévenu la soeur de Mme [J] [N].

Selon l’article 496 du code civil, “le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Il est tenu d’apporter, dans celle-ci, des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée”. La mission du tuteur est donc strictement définie par la loi et limitée à la protection de la personne sous tutelle et à la gestion de ses biens. Aucune disposition législative ou réglementaire ne met à la charge du tuteur une obligation d’information de la situation de la personne protégée à l’égard des membres de sa famille ou ses proches.

Il convient en outre d’observer que dans le cas d’espèce, Mme [J] [W] Vve [N] était hébergée en EHPAD et qu’il appartenait à l’établissement d’informer les membres de la famille de l’évolution de la situation de sa résidente au regard notamment de son état de santé selon les modalités définies avec eux. Dans ce contexte, il ne peut être considéré qu’il reposait sur l’UDAF, qui avait une mission limitée à la protection de la personne protégée, et plus particulièrement à la gestion de ses biens, une obligation professionnelle d’information des membres de la famille de la situation personnelle de la personne protégée.

L’abstention fautive reprochée à L’UDAF de la Gironde ne repose par conséquent sur aucun fondement légal ni sur une obligation professionnelle particulière et les demandeurs devront être déboutés de l’ensemble de leurs demandes.

Succombant à la procédure, M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] seront condamnés aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’UDAF de la Gironde les frais non compris dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

Déboute M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] de l’intégralité de leurs demandes ;

Condamne M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] aux dépens,

Condamne M. [B] [N] et Mme [S] [F] épouse [N] à payer à l’UDAF de la Gironde la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait et jugé les an, mois et jour susdits.

Le jugement a été signé par Louise LAGOUTTE, président et Elisabeth LAPORTE, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 6ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05508
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;21.05508 ?
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